A partir du deuxième épisode, un rappel des événements précédents est présenté au début de chaque "heure". A partir du huitième épisode, cette récapitulation est elle-même précédée d'une courte présentation générale : "Right now, terrorists are plotting to assassinate a presidential candidate. My wife and daughter have been kidnapped/threatened/targeted and people that I work with may be involved in both. My name's Jack Bauer and this is the longest day of my life"
Ces deux minutes "hors temps" qui introduisent chaque "heure" de 24 nous révèlent le projet réel qui anime Cochran & Surnow, les deux concepteurs de ce chef d'oeuvre télévisuel. A travers ce qui semble être une fiction "en temps réel", ils se sont en fait attaqués à une construction historique. Les deux scénaristes originaux de 24 nous proposent leur questionnement et leur vision concernant
- l'histoire (qu'est-ce que la fiction ?);
- l'Histoire (qu'est-ce que le passé ?) ;
- le temps (comment perçoit-on le temps qui passe ?) ;
Sous les apparences d'une série d'action astucieuse - ce qu'elle est assurément - 24 est une oeuvre esthétique qui pose la question philosophique : L'homme existe-t-il sans conscience du temps ?
D'où la structure narrative complexe (nous suivons en permanence au moins quatre intrigues parallèles et/ou enchevêtrées) ; d'où l'apparition récurrente du chrono ; d'où l'éclatement de l'écran ; d'où le préambule dit en voix off par un Jack Bauer à la voix usée et fatiguée.
Car ce préambule est ce qui donne à chaque épisode sa raison d'être ; sans cette plongée dans le passé récent d'un homme semblable à nous, ce Jack Bauer, que nous voyons s'appuyer à un poteau du CTU, les traits tirés, le regard vide, au bord de l'épuisement, 24 ne serait qu'une bonne série d'action américaine. Le kaléïdoscope de personnes qui tourbillonnent autour de Jack n'est pas dû à la volonté d'un auteur sadique qui aurait plongé son héros au coeur de l'horreur pour s'en repaître. Il représente la constellation des relations humaines dans lesquelles a été/est/sera impliqué Jack Bauer au fil des prochaines 24 heures de sa vie. Car Jack est un homme de contacts humains (paternels, conjugaux, amoureux, professionnels, hiérachiques, conflictuels) et l'épisode 12:00 am - 1:00 am commence au moment où son passé s'apprête à ressurgir et rejaillir toutes ses relations proches ou lointaines.
Mais Jack apparait aussi comme le jouet du destin (en allemand Bauer désigne le pion aux échecs). Vu sous cet angle, il se présente comme une allégorie de son jeune pays - les Etats-Unis - qui, après le 11 septembre, se cherche plus que jamais une identité et une histoire. Car les USA ont certes noué de très nombreuses et très complexes relations avec les autres nations mais ils n'ont pas encore su donner à celles-ci un véritable sens ; comme Jack Bauer, les Etats-Unis vivent au jour le jour, ils ont du mal à retenir les leçons du passé et à se projeter dans l'avenir...
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