1°) La révolution :
En 1848, les motifs de mécontentement étaient nombreux parmi toutes les composantes de l'Empire. Il faut dire que de 1815 à 1848 l'Autriche-Hongrie, sous la direction de Metternich, s'était principalement attachée à préserver le statu quo - international - de Vienne. Mais à l'intérieur, l'Empire était resté essentiellement rural, malgré un démarrage industriel non négligeable à partir de la fin des années 1820.
Le nationalisme put donc fleurir à cette époque en se nourrissant des profonds changements sociaux qui se mettaient en place ; et la pression fut encore accrue par le mécontentement paysan dû aux mauvaises conditions climatiques et économiques de l'hiver 1847/48.
En Mars 1848 un mouvement de rébellion éclata à Vienne, forçant Metternich à démissionner. La bourgeoisie supportait de plus en mal le régime de censure et la bureaucratie tatillonne. Dans l'ère germanophone (Autriche et Prusse) elle réclama non l'abolition de la monarchie mais l'instauration d'un état de droit. Elle avait également des aspirations nationalistes (hégémoniques serait plus exact) et souhaitait le rapprochement avec l'Union Douanière de la Prusse pour contrebalancer l'influence de la Russie. La bourgeoisie tchèque partageait aussi les vues de la bourgeoisie germanophone de Bohême.
La révolution gagna donc rapidement toutes les composantes ethniques ou nationales de l'Empire : Allemands, Magyars, Slaves, Italiens, etc. se tournèrent contre l'autorité impériale. Presbourg, le 3 mars, fut la première ville à se soulever contre l'empereur. Vienne suivit quelques jours plus tard (le 13 mars 1848). Puis vinrent Pest (15 mars), Milan et Venise (22 mars), etc.
Les rebelles italiens prirent le pouvoir à Milan, et la Hongrie déclara son indépendance, ne reconnaissant plus pour seul lien avec l'Empire que son monarque habsbourgeois.
En octobre 1848, la Révolution prend un tournant populaire et violent : le 8, les ouvriers des faubourgs de Vienne prennent d'assaut le ministère de la Guerre ainsi que l'arsenal et massacrent le ministre Latour en personne. La cour impériale, le parlement et la population viennoise sont horrifiés. Le gouvernement (qui s'est réfugié en Moravie, à Olmutz) n'aura dès lors aucun mal à dresser une armée contre les insurgés. Le 31 octobre, Vienne est délivrée, les chefs révolutionnaires arrêtés (et certains sont immédiatement exécutés).
2°) La Réaction :
Les forces révolutionnaires se dispersèrent rapidement car leurs visées politiques et leurs origines socio-ethniques étaient par trop divergentes. Cependant, la Réaction qui débuta à l'automne 1848 ne représenta pas un retour pur et simple à l'ordre monarchique absolu de la période passée. Le parlement, élu en juillet, s'attaqua aux problèmes des nationalités, du servage et élabora une nouvelle constitution.
L'abolition de toutes charges seigneuriales (loi du 7 septembre 1848) émancipant les paysans des charges féodales (car elles existaient encore partout dans l'Empire sauf en Lombardie-Vénétie !) eut un effet déterminant sur le règlement de la crise. La paysannerie, conservatrice et monarchiste, n'avait plus de raison de soutenir le mouvement contestataire. Mais pour marquer les esprits et indiquer que la période de tolérance vis-à-vis des extrémistes était bel et bien révolue, il parut nécessaire d'obtenir le départ de l'empereur Ferdinand, dont le nom était attaché aux "concessions" faites en mars.
Ferdinand Ier abdiqua donc le 2 décembre, et son neveu, François-Joseph I, alors âgé de 18 ans, lui succéda, entamant un long règne de 68 années (jusqu'en 1916 ; voir photo ci-contre). Au début, il fut surtout l'instrument du très conservateur et répressif chancelier, le Prince Félix Schwarzenberg qui haïssait les indépendantistes Hongrois et méprisait le parlement autrichien.
Schwarzenberg voulait instaurer un état centralisé et il poussa François-Joseph dans ce sens. Le nouvel empereur promulgua donc, en mars 1849, une constitution pour l'Autriche qui s'appliquait aussi à la Hongrie et qui plaçait tous les pays à égalité, même si les populations se voyaient accorder quelques droits politiques comme un régime gouvernemental (création du Reichsrat, Conseil Impérial) et parlementaire avec système bicaméral, avec élection au suffrage populaire direct (avec contribution financière quand même !). Mais, le 10 mars 1849, le parlement de 1848 était dissous et cette constitution fut oubliée avant même d'avoir été appliquée ! |
L'empereur et Schwarzenberg consacrèrent leurs plus grands efforts à mater les révolutions nationalistes de Hongrie et d'Italie.
Les armées loyalistes - conduites par Radetzky - défirent les Italiens à Novare le 22 mars 1849. Le jeune Victor-Emmanuel, lié aux Habsbourg, signa un armistice (puis la paix le 6 août).
Les forces impériales écrasèrent la rébellion hongroise (avec plus de difficultés et avec le renfort de la Russie conservatrice). Le 4 janvier 1849, les troupes impériales étaient dans Budapest. Mais en février et en mars, il durent essuyer quelques revers, car l'Autriche luttait sur deux fronts. C'est alors que le Tsar Nicolas 1er, hostile à l'indépendance hongroise (qui pouvait donner des idées aux Polonais), mit , en mai 1849, une armée de 200 000 hommes à disposition de François-Joseph (qui disposait déjà de 170 000 soldats sur place !).
L'inévitable défaite fut suivie d'une terrible répression. Le tout jeune empereur plongea la Hongrie dans un bain de sang, faisant fusiller l'ancien président du conseil, 13 généraux nationalistes et faisant condamner à mort de nombreux hommes politiques (dont certains par pendaison publique).
François-Joseph abandonna alors toute apparence libérale et abolit le régime parlementaire. Il rejeta aussi le projet qui prévoyait de réorganiser l'Empire selon son découpage géopolitique (où chaque "état" aurait été maître chez "lui"). La seule réforme qui survécut fut l'abolition du servage. Schwarzenberg engagea alors l'Empire dans une expérience "néo-absolutiste" associant la bourgeoisie à l'administration...
Suite : Le néo-absolutisme et la rivalité austro-prussienne (1849-1867)
© eric alglave 2001