DE LA FIN DU SAINT-EMPIRE AU CONGRES DE VIENNE

A la fin du 18ème siècle, l'ancien ordre politique et social de l'Allemagne entre dans une crise profonde. L'effondrement rapide de l'Empire, face aux armées révolutionnaires françaises, prouve que le Saint-Empire Romain Germanique manque d'unité tant extérieure qu'intérieure.
Tandis qu'en France se construit une nation politique moderne où les "privilèges" et les trois états ou castes (clergé, noblesse, tiers-état) ont été abolis par la Révolution de 1789, où la liberté et l'égalité sont inscrites dans une constitution, et où une bourgeoisie économiquement puissante et culturellement évoluée s'est emparée du pouvoir, la situation de l'Allemagne paraît anachronique.

Le Saint-Empire Romain Germanique, constitué de centaines de territoires, n'est qu'une très souple confédération d'états à laquelle manque un pouvoir politique central. L'idée d'Allemagne n'existe en fait que dans la tête des petits potentas locaux, régnant en maîtres absolus sur leurs vassaux. Politiquement, elle est définie par la rivalité des deux états les plus puissants : la Prusse et l'Autriche.
Au sein des états eux-mêmes les fortes barrières sociales entre noblesse, bourgeoisie et paysannerie freinent l'essor économique. Et politiquement, ni le peuple, maintenu dans l'analphabétisme, ni les princes, soucieux de leur seule dynastie, ne font grand cas de l'idée de nation. Il faut chercher dans le domaine intellectuel pour trouver une pensée qui se veuille allemande. Schiller écrit : "Deutsches Reich und deutsche Nation sind zweierlei Dinge." (Empire allemand et nation allemande sont deux choses différentes).
Dès lors, les guerres napoléoniennes seront le révélateur de la faiblesse du système politique, économique et social de l'Empire. Les états absolutistes s'effondrent les uns après les autres, et, une fois la Prusse et l'Autriche vaincues, Napoléon réorganise le territoire et dissout l'Empire en 1806.

La défaite déclenche une prise de conscience chez quelques-uns. C'est l'absence conjointe d'éducation et de sentiment patriotique au sein du peuple qui ont conduit à la défaite. Il faut donc allier réforme sociale et sentiment national. Cela passe politiquement par l'adoption d'une constitution, introduisant un système représentatif qui assure à la nation une participation réelle aux décisions qui la touchent.
Plus qu'en Autriche (où le régime est toujours aussi absolu) et en Prusse (où les réformes sociales et économiques sont engagées mais où les promesses politiques restent lettre morte), c'est dans les pays rhénans (en contact plus direct avec les idées révolutionnaires et les troupes napoléoniennes) que les réformes prennent corps. Les anciennes classes sont abolies, l'économie est modernisée, l'égalité de tous est garantie par la loi... mais c'est d'abord le renforcement d'un état centralisé qui est l'objectif des réformateurs rhénans, et il faudra attendre l'après-Napoléon pour assister à l'émancipation politique. Des philosophes (Fichte) et des poètes (Kleist) exaltent cette fierté nationale naissante et les princes exploitent cet élan patriotique pour conduire les guerres de libération anti-napoléoniennes.

Pourtant, cette union passagère du peuple et des princes ne tiendra pas au-delà de la victoire sur les armées de Napoléon. Dès le Congrès de Vienne qui, de septembre 1814 à juin 1815, réunit les grandes puissances alliées contre la France (Russie, Grande-Bretagne, Autriche, et Prusse), les espoirs des patriotes sont déçus et ce sont à nouveau les intérêts des princes qui dictent les conditions du nouvel ordre allemand. La nouvelle "Confédération germanique" n'a, pas plus que les états indépendants, de représentation populaire ; elle n'est, une fois de plus, qu'une très libre alliance princière et non un état national moderne.
La bourgeoisie libérale et nationaliste allemande continuera donc à réclamer encore pendant toute la période du Vormärz réactionnaire (1815-1848) que soient accordées constitution, représentation nationale et liberté de la presse.

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(c) eric alglave 1999