LES ANNEES DE PLOMB (1945-1949)


En 1945, les soldats américains libèrent le camp de Buchenwald et dévoilent l'horreur absolue.

Le sort de l'Allemagne hitlérienne vaincue fut, en fait, scellé dès avant le 8 mai 1945, jour de la capitulation sans conditions.
En effet, les "Trois Grands" - c'est-à-dire USA, URSS et Grande-Bretagne - ont avaient déjà envisagé dès l'automne 1943 (lors de la "Conférence de Téhéran", 28.11 - 01.12.1943) de partager l'Europe occupée par Hitler en deux zones d'influence, les pays limitrophes de la Pologne et la fixation de leurs frontières respectives constituant l'enjeu des pourparlers. A Téhéran, le principe d'un "glissement vers l'Ouest" de la Pologne est accepté par les trois partenaires.

Lorsque la défaite de l'Allemagne devint de plus en plus probable, les Américains avaient réussi leur débarquement à l'Ouest tandis que les Soviétiques libéraient rapidement l'Europe orientale, les Trois Grands (Staline, Roosevelt et Churchill) se retrouvèrent à nouveau à Yalta du 4 au 11 février 1945. Ils y adoptèrent le principe d'une partition de l'Allemagne. Staline et Roosevelt penchaient pour un axe Est-Ouest, Churchill préférait le démantèlement de l'unité Prusse-Autriche, donc une ligne Nord-Sud.
Le principe des zones d'occupation pour l'immédiat après-guerre avait déjà été arrêté fin 1944. Trois zones étaient prévues, elles devinrent quatre lorsque la France fut acceptée à la table des Trois Grands. Berlin, capitale-symbole du nazisme, fut également divisée en quatre secteurs (Sektoren).

Le 17 juillet 1945, s'ouvrit la Conférence de Potsdam (voir document 1) ; Truman y remplaçait Roosevelt. Son premier souci était en fait de terminer au plus vite la guerre contre le Japon en obtenant le soutien de la Russie. Son second était l'instauration d'une paix mondiale sous la houlette de la toute nouvelle Organisation des Nations Unies (décidée à San Francisco le 26 juin). Il comptait donc sur la bonne volonté des autres partenaires.
La discussion fut plus âpre entre Staline et Churchill (puis Attlee) que le sort de l'Europe intéressait beaucoup plus. L'anglais voulait limiter le plus possible l'aire géographique qui passerait sous la coupe soviétique, tandis que le "petit père des peuples" pensait avant tout à la sécurité future de son pays et du continent.
Le tracé des frontières européennes séparant les deux zones d'influence (occidentale et soviétique) - que Churchill baptisa "le rideau de fer" - , ainsi que le découpage des quatre zones d'occupation firent l'objet des plus vives tractations (voir carte).

Les quatre années qui suivirent furent surnommées "les années de plomb", en référence à la chape de plomb qui s'abattit sur toute l'Allemagne à cette époque-là.
- L'administration du pays fut confiée à une Commission de Contrôle, sous l'autorité des chefs d'état-major militaires des quatre occupants ;
- Chaque pays occupant (en fait, surtout la France et la Russie) procéda au "démontage" des outils de production, en signe de réparation des dommages de guerre (voir document 3) ;
- Les principes "d'expiation collective" et de "responsabilité individuelle" ayant été reconnus par les Alliés, il fut procédé à la "Dénazification" du peuple allemand ;
- Les grands criminels de guerre et les hauts dignitaires du régime nazi furent jugés aux procès de Nuremberg de novembre 1945 à août 1946 (voir document 2) ; et le reste de la population passa - selon son degré d'implication et de responsabilité - devant des commissions régionales qui commencèrent par procéder à des arrestations massives, avant de déterminer (au travers d'un formulaire administratif !) la qualité de l'engagement politique des prévenus.

Le sort de l'Autriche fut réglé beaucoup plus rapidement et avec beaucoup plus de légèreté : oublieux de l'histoire récente (cf. le référendum de 1938), les Alliés considérèrent que l'Autriche avait été la première victime de la politique expansionniste nazi et, en conséquence, ils annulèrent l'annexion de 1938, puis soumirent la fin de l'occupation quadripartite du pays et de la capitale (à l'instar de l'Allemagne) à l'instauration d'un nouveau régime démocratique.

Mais les Alliés ne surent pas s'entendre sur la forme de régime qu'ils considéraient comme souhaitable pour la future Allemagne ; chaque occupant commença à agir pour son propre compte et dans son propre intérêt, ce qui conduisit rapidement l'URSS à faire cavalier seul puis à boycotter les réunions quadripartites, tandis que Britanniques et Américains constituaient, le 1er janvier 1947, un espace économique, puis politique, relativement intégré appelé la "Bizone" puis la "Trizone", lorsqu'ils furent rejoints sans enthousiasme par les Français.

L'application du Plan Marshall porta un nouveau coup aux différends entre "occidentaux" et "soviétiques" ; l'Allemagne devint de plus en plus le terrain d'affrontement privilégié des deux grands adversaires de la guerre froide, l'URSS et les USA (voir document 4).

Le clash fut inévitable lors des Conférences des Ministres des Affaires Étrangères de Moscou (mars-avril 1947) et Munich (juin 1947). Le destin politique de l'Allemagne y fut scellé négativement, dans la mesure où les solutions envisagées par l'un ou l'autre des participants étaient inconciliables : si l'URSS voulait un vote proportionnel, les "occidentaux" prônaient un vote majoritaire ; si l'Ouest préconisait un régime fédéral, les soviétiques tenaient pour un système centralisé ; etc.
Chaque "camp" se mit donc à favoriser l'émergence de structures économiques mais aussi politiques conformes à ses intérêts. L'intervention la plus spectaculaire fut celle de l'URSS, qui entama très rapidement la "collectivisation" des moyens de production, agricoles et industriels de sa zone et "encouragea", sous couvert d'anti-fascisme, la fusion des anciens partis socialistes et communiste dans le nouveau Parti Socialiste Unifié, la constitution d'un Front structures économiques mais aussi politiques conformes à ses intérêts. L'intervention la plus spectaculaire fut celle de l'URSS, qui entama très rapidement la " collectivisation " des moyens de production, agricoles et industriels de sa zone et "encouragea", sous couvert d'anti-fascisme, la fusion des anciens partis socialistes et communiste dans le nouveau Parti Socialiste Unifié, la constitution d'un Front antifasciste et la formation de syndicats et de coopératives anti-capitalistes.
Dans les zones occidentales, les partis se constituèrent plus lentement car les liens entre les régions s'établirent sur des bases décentralisées. Peu émergèrent ou ré-émergèrent SPD (socialistes), FDP (libéraux), CDU/CSU (chrétiens-démocrates et chrétiens-sociaux) et KPD (communistes), ce dernier rapidement en perte de vitesse.

L'année 1948 marqua le tournant décisif avec la décision immédiatement rejetée par l'URSS de procéder, dès le 1er juillet, à une réforme monétaire qui permette enfin le redressement économique du pays et le bien-être de la population qui vivait dans la misère et la famine depuis déjà trois ans.
De facto, le Plan Marshall plus la réforme monétaire isolaient la zone soviétique. L'URSS décida alors d'engager l'épreuve de force sur le symbole qu'était Berlin en tentant de l'inclure dans le système économique et politique qu'elle mettait en place : ce fut le Blocus de Berlin, qui devait paralyser tout l'approvisionnement des secteurs occidentaux en énergie et matières de premières nécéssité.
C'était sans compter la détermination des Américains qui organisèrent aussitôt un pont aérien ininterrompu pendant les onze mois que dura le "siège", de juin 1948 à mai 1949 (voir document 5). Parallèlement, le double système monétaire "Mark-ouest/Mark-est" resta en vigueur dans les deux parties de la ville jusqu'en mars 1949.

La séparation de l'Allemagne en deux territoires distincts, de par leurs systèmes économique et monétaire, administrés à présent par des représentations politiques divisées et antagonistes ne pouvait que conduire, dans un climat d'affrontement idéologique croissant, à la création, en 1949, de deux états allemands sur le sol même du Reich de 1937...

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