LA FIN DU REICH (1914-1919)

Le renforcement des alliances et la psychose de guerre rendent la crise de juillet 1914 plus explosive que les précédentes.
Après 1911, la France - c'est-à-dire Poincaré - avait cherché le soutien ferme de l'Angleterre en cas de guerre continentale. En août 1912, il assura les Russes de son soutien en cas d'agression allemande ou germano-austro-hongroise ; cela revenait en fait à admettre la possibilité d'une crise déclenchée dans les Balkans, région convoitée par les deux empires est européens.

L'Allemagne cherche, elle aussi, à renforcer ses alliances. En décembre 1912 elle fait renouveler la Triple Alliance et obtient une convention navale austro-italienne qui permettrait de couper les communications entre la France et l'Algérie. Elle cherche aussi à augmenter sensiblement son propre potentiel naval (cf. document).
Sur la politique balkanique, l'Allemagne soutient de plus en plus ouvertement, bien qu'encore prudemment, l'Autriche-Hongrie. Le 13 juin 1914, l'Empereur promet à Vienne un appui inconditionnel en cas de nouvelle crise dans la région.
Car peu à peu (dès la fin 1912 pour Guillaume II et son chef d'état-major Moltke) s'est installée l'idée qu'une guerre était inévitable et que le plus tôt serait le mieux. La psychose de persécution et la volonté d'encerclement attribués à la France se répandent davantage à chaque crise, qu'elle soit diplomatique ou financière.

Le 28 juin 1914, l'assassinat de François Ferdinand ouvre la crise. L'Allemagne est tout de suite au coeur de l'action, la France n'intervient qu'un mois plus tard.
L'attentat sert de prétexte pour mater les velléités indépendantistes des nationalistes austro-hongrois (serbes). La double monarchie multiethnique est soutenue par le Reich et, tandis que Poincaré et son ministre Viviani partent pour Saint-Pétersbourg, elle lance à la Serbie un ultimatum au libellé inacceptable. L'Allemagne demande parallelement à la France de freiner la Russie.
L'Angleterre, quant à elle, n'est guère aidée dans ses efforts de conciliation (qu'elle poursuit néanmoins jusqu'au 29 juillet). Et l'engrenage des mobilisations partielle puis totale en Russie (29 et 30 juillet), en Allemagne et en France (1er août) entraîne quasi mécaniquement les déclarations de guerre de l'Allemagne à la Russie (1er août) et à la France (3 août) et de l'Angleterre à l'Allemagne (3 août).
Les pacifistes socialistes européens se réunissent à Bruxelles le 29 juillet. Il y a là les français Jaurès et Guesde, les allemands Kautsky et Rosa Luxemburg (la seule contre la guerre) l'anglais Keith Hardie. Tous considèrent tous que leur propre gouvernement veut la paix ou au pire prépare une guerre défensive, ils votent tous les crédits de guerre.

La France et l'Allemagne s'engagent dès lors dans une lutte sans merci qui n'était pourtant pas, au départ, due à des différends entre les deux pays mais au soutien allemand à la politique balkanique de l'Autriche-Hongrie. Quoi qu'il en soit, on part au combat avec enthousiasme dans chaque camp (voir document).
Les buts de guerre seront définis après le début de celle-ci, justifiant après-coup les actions militaires. L'Allemagne veut annexer le bassin ferrifère de Briey, les Vosges et Belfort ; tandis que la France revendique le retour de l'Alsace-Lorraine et l'annexion du bassin de la Sarre. Les partis politiques font taire leurs querelles et font la "paix sociale".
Avec l'invasion de la Belgique commence la guerre de mouvement. Mais dès l'automne la marche des troupes impériales est stoppée dans la Bataille de la Marne. La guerre de position s'éternise à Verdun, dans le Nord de la France et en Flandre. Les morts se comptent par millions de part et d'autre du Rhin... Le 8 août 1918 est un jour sombre pour l'armée allemande : les blindés alliés transpercent le front à Amiens, et le repli commence (sur la fameuse "ligne Siegfied"). L'espoir d'une victoire à l'ouest a disparu depuis longtemps déjà.
A l'Est, la guerre du Reich commence sur la défensive. La Prusse orientale a peur du "rouleau compresseur" russe. Mais le général Von Hindenburg l'emporte dans la cuvette de Tannenberg, les lacs de Mazurie et les montagnes des Carpates. Les lourdes pertes humaines de l'armée russe alimentent l'agitation révolutionnaire. Lénine regagne la Russie en train, avec l'autorisation de traverser le territoire allemand et ce sont les bolcheviques vainqueurs de la Révolution d'Octobre qui signent en mars 1918 la paix de Brest-Litovsk. La Russie perd notamment l'Ukraine et d'autres territoires occidentaux.

Dès décembre 1916, le Reich tente d'engager des négociations de paix. Les Alliés s'y refusent. Ceci permet à l'état major allemand d'obtenir la tête du chancelier Bethmann-Hollweg, trop diplomate aux yeux de Hindenburg et Ludendorff. Un homme plus maniable le remplace : Michaelis.
En juillet 1917, le SPD le Zentrum et Parti Populaire Progressiste (Fortschrittliche Volkspartei) concrétisent une alliance parlementaire sur la base d'une résolution de paix reposant sur deux points :
1°) introduction de la monarchie parlementaire ;
2°) accord de paix sans vainqueur ni vaincu.

Une partie des socialistes veut même aller plus loin. Elle fait sécession et prend le nom de "groupe spartakiste". Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht qui ont combattu contre la guerre depuis le début prennent la tête du mouvement pacifiste. Les Spartakistes constituent le noyau révolutionnaire qui donnera le Parti Communiste Allemand dans les années 1920.

L'empereur Guillaume II se décide bien trop tard à réformer le droit de vote censitaire : les "réformes d'octobre" précèdent de peu son abdication, le 9 novembre 1918.
Rapidement, l'empire bâti sur la victoire de 1870 s'écroule sur les défaites de 1918. Les socialistes, qui sont devenus la force politique principale de l'Allemagne à l'issue des récentes et premières élections démocratiques, ont la lourde tâche de réformer le système économique et politique ainsi que de signer une paix qu'ils ne peuvent même pas négocier.
Le premier président allemand Friedrich Ebert et l'assemblée constituante donnent naissance, le 11 août 1919, à la République de Weimar. Mais le ciel est chargé au-dessus de la jeune république. Les Alliés, en effet, dictent leurs conditions à l'Allemagne vaincue et celles-ci sont très dures.

Le Traité de Versailles impose :
- des concessions territoriales importantes (voir document) qui vont durablement affaiblir le potentiel économique du pays ;
- des exigences de réparation qui pèseront longuement sur le redressement de la monnaie nationale ;
- et surtout la responsabilité de la guerre, article du traité qui restera en travers de la gorge de tous les Allemands.

La droite parlementaire ne pardonnera jamais la signature du "Dictat" de Versailles. Elle fustigera sans relâche les dirigeants socialistes de la République de Weimar et donnera naissance à la "légende du coup de poignard" dans le dos d'une armée invaincue sur le champ de bataille...

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