1°) La réunification au pas de charge (1989-1990) :
La réunification ultrarapide (moins d'un an !) est l'oeuvre de Helmut Kohl. Mais il l'a accomplie sous la pression :
1°) de la CDU qui craignait de perdre les élections d'octobre 1990, tant le gouvernement chrétien-démocrate suscitait l'hostilité;
2°) des "réfugiés de RDA" (les "Übersiedler") qui affluaient par dizaines de milliers (60 000 du 3 au 9 novembre !) sur le sol de la RFA avec acquisition automatique de la nationalité ouest-allemande.
Lorsque la Hongrie décida, le 2 mai 1989 de démanteler le Rideau de Fer et d'ouvrir sa frontière avec l'Autriche, les Allemands de l'Est se ruèrent en vacances sur le Lac Balaton cet été-là ! Ensuite, il ne le restait plus qu'à aller visiter Vienne pour passer à l'Ouest.
D'autres citoyens de RDA se réfugièrent dans les ambassades de RFA à Varsovie, Prague et Budapest.
En 1998, 720 000 Allemands dont 350 000 Übersiedler (venant de RDA), ainsi que 320 000 Aussiedler (250 000 originaires de Pomméranie ou de Silésie polonaises, 100 000 de la Volga soviétique et 20 000 de Roumanie) vinrent en RFA.
Les manifestations pour la démocratie à Berlin et surtout à Leipzig ("manifs du lundi") firent chuter Honecker le 18 octobre, soit 11 jours après la visite de Gorbatchev pour le 40ème anniversaire de la RDA. Le 9 novembre, le Mur de Berlin était ouvert.
Il suffit alors de sept mois pour que se réalise l'union monétaire entre Deutsche Mark et Ost Mark (1er juillet 1990) au taux - jugé déraisonnable par la Bundesbank et l'opposition SPD - de un mark ouest pour un mark est. Cette mesure démagogique, imposée par Kohl, visait à lui assurer les voix des futurs électeurs de l'Est.
Car l'étape suivante fut franchie tout aussi vite (2 juillet - 3 octobre), grâce à la docilité du nouveau gouvernement De Maizière (CDU-est) et l'habilité politique de Kohl : le 3 octobre 1990 à 0 heure, la RDA adhérait librement à la RFA, comme le prévoyait la Loi Fondamentale de 1949.
Pour obtenir un tel résultat, Helmut Kohl avait dû - lors des négociations dites "4+2" (4 Alliés + 2 Allemagnes) - convaincre les Quatre (URSS, USA, GB et France) de ses bonnes intentions : reconnaissance définitive de la frontière germano-polonaise (ligne Oder-Neisse) ; limitation de l'armée à 370 000 hommes ; traité de bon voisinage avec l'URSS...
La CDU rafla la mise électorale tant dans les nouveaux Länder qu'au Bundestag, même si, en fait, le parti de Kohl enregistrait son plus mauvais score à l'Ouest depuis 1953 : 44,1%.
2°) La brutale reconversion de l'Est (1991-1998) :
Les Allemands n'avaient pas vraiment cru aux promesses faites par Kohl de réunification indolore...
Le chancelier avait promis que les "nouveaux Bundesländer" auraient rattrapé le niveau des "anciens" en cinq ans, sans impôt supplémentaire pour l'Ouest et sans traumatisme pour l'Est !
Or, la Treuhandanstalt (organisme chargé des privatisations) vendit en quatre ans 13 000 V.E.B. (entreprises du peuple) et des milliers de commerces autrefois d'état (les HO), mettant au chômage du jour au lendemain 18% de la population.
L'administration fut investie par des agents venus de l'Ouest qui menèrent une quasi "chasse aux sorcières" contre les collaborateurs (in)officiels de la Stasi (sûreté de l'état est-allemand) identifiés et retrouvés grâce à ses archives et traitant les Ossis (Allemands de l'Est) avec dédain.
La reconstruction se fit tout aussi anarchiquement. Les entreprises de l'Ouest (notamment Volkswagen, Mercedes, les banques et les assurances) firent main basse sur les établissements les plus rentables de l'ex-RDA. De grandes firmes internationales (Sony, Mercedes) achetèrent, pour leur siège européen, des terrains de construction sur la Potsdamer Platz de Berlin à un prix ridiculement bas. L'aménagement de la place, en cours d'achèvement, est le plus grand chantier d'Europe.
Le choc de la réunification fut encore aggravé par la politique néo-libérale de Kohl, lequel imposa en même temps l'intégration de l'ex-RDA, la préparation de la monnaie unique européenne (l'Euro) et la refonte du modèle socio-économique de l'ancienne RFA (la co-gestion).
A l'instar de Margaret Thatcher, il privatisa et/ou s'attaqua à divers services publics (la compagnie aérienne Lufthansa, la Bundespost, les chemins de fer de la Bundesbahn, la protection sociale), ce qui acheva de traumatiser Wessis comme Ossis alors même que le chômage touchait pour la première fois depuis les années 30 plus de quatre millions d'Allemands. Dans ce contexte, les élections européennes et régionales de 1994 furent un désastre prévisible pour la CDU et une débacle pour le FDP, exclu de nombreux parlements régionaux (Landtage). En ex-RDA, des rapprochements SPD-Verts eurent lieu avec l'aval du PDS (successeur démocratique du S.E.D. de Honecker), confirmant l'encrage politique - au moins régional - d'une force située à la gauche du SPD.
Les élections au Bundestag (octobre 1994) furent remportées de justesse et Helmut Kohl fut réélu, sans enthousiasme, avec seulement une voix de majorité.
La législature 1994-1998 fut terne, confirmant l'atmosphère de fin de règne qui s'installait à Bonn.
La faible croissance économique - due tant à la préparation de l'Euro (critères de Maastricht) qu'au coût de la réunification - et la fidélité à la construction européenne ne contribuèrent pas à donner un nouvel élan. C'est la scène internationale qui vint, une fois de plus, au secours d'un chancelier en manque d'inspiration :
- la guerre du golf (1991) vit la 1ère intervention offensive de l'armée allemande hors de ses frontières depuis 1945 ;
- la guerre serbo-croate (1992-1993) permit l'affirmation de la souveraineté diplomatique recouvrée (reconnaissance unilatérale de la Croatie) ;
- la guerre de Bosnie (1994-1996) imposa la nouvelle Allemagne comme un partenaire incontournable dans les opérations de l'OTAN.
En Europe de l'Est, la langue allemande tendit à remplacer le russe dans les échanges avec la Hongrie, la Tchéquie, la Pologne, la Roumanie et les pays baltes. Mais la croissance intérieure dans les nouveaux Länder n'était plus que de 2% en 1997 (contre 10% en 1994). Un sentiment d'ostalgie (idéalisation nostalgique de l'ex-RDA) naquit vers le milieu de la décennie.
L'opinion se détourna définitivement du chancelier Kohl en 1998...
Suite : La nouvelle donne (1998-2005)
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© éric alglave 2000