L'argument :
David Vincent vient au secours d'un ancien compagnon de guerre, Charlie Gilman, accusé d'avoir tué un homme (en fait un envahisseur). Mais les questions éthiques soulevées au cours du procès dépassent de loin ce cadre anecdotique.
La problématique :
1°) Les circonstances du meurtre sont elles-mêmes ambiguës, car Gilman, s'il est surpris par l'envahisseur Fred Wilk en train de "fouiner", agresse bel et bien sa victime avec une violence difficilement compréhensible. Certes, il soupçonne Wilk a juste titre, puisque celui-ci n'avait pas saigné après s'être accidentellement blessé à la main quelques jours plus tôt. Certes encore, le corps de Wilk reste introuvable après le coup de barre de fer qu'il a reçu à la tête. Mais le supérieur de Gilman, Bert Wisnofsky, et Vincent ont été les témoins médusés de la bagarre et Charlie refuse - dans un premier temps - d'expliquer son geste.
2°) Charlie Gilman et son ami Vincent basent leur défense sur le fait que Wilk n'était pas humain. Certes, il ne saignait pas et n'avait pas de relations sexuelles avec sa récente épouse Janet. Certes encore, il est quasi impossible - après une enquête menée par Brennan, un détective privé que Vincent a payé - de retrouver une trace de Wilk qui remonte à plus de douze ou treize mois. Mais, dans un pays où la liberté individuelle est une vertu quasi divine et l'absence d'attaches familiales (ou territoriales) chose fréquente, l'inhumanité d'une personne est soit extrêmement répandue soit improuvable.
3°) Les rebondissements de l'intrigue conduisent Vincent lui-même à découvrir que son ami cache des motivations peu avouables (il fut et est encore amoureux de Janet) qui accréditent la thèse d'un crime passionnel soutenue par l'habile avocat de la défense, Allen Slater. La paranoïa pousse même Vincent à soupçonner ce dernier d'être un envahisseur, tant il est passé maître dans l'art d'interroger les témoins à la barre.
4°) Les apparences - ce sur quoi se fondent finalement Vincent et Gilman - s'avèrent trompeuses à plusieurs reprises. Certes, les parents de Wilk qui viennent opportunément témoigner de l'existence de leurs fils sont eux aussi des envahisseurs. Certes encore, l'avocat de Charlie, Robert Bernard, est plus que fondé à vouloir plaider la démence (coup de folie passagère) pour sauver la tête de son client. Mais les deux témoignages contradictoires et donc peu dignes de foi de Janet - le premier en veuve éplorée, le second en épouse infidèle - et le corps du détective, retrouvé mort d'une attaque cérébrale dans sa voiture alors qu'il apportait à Vincent la preuve de la non-existence de Wilk, ainsi que la présence (confirmée par Janet) de Bernard à proximité du véhicule au même moment discrédite en fin de compte bien plus la défense (représentée par Vincent, Gilman et Bernard) que l'accusation (portée par Allen Slater).
L'impartialité de la justice :
C'est la personnalité irréprochable du Juge Simondson mène constitue donc le seul repère fiable de cet épisode dérangeant. Il mène les débats avec une impartialité exemplaire, rejetant les objections les plus exorbitantes de Slater mais n'accédant pas non plus aux requêtes les plus hasardeuses de Bernard. Et lors d'une entrevue à huis clos entre les deux avocats, le juge et Vincent, il tente sincèrement de trouver un compromis acceptable pour les deux parties jusqu'à ce qu'un artifice de mise en scène révèle l'imposture de Bernard (qui est aussi un envahisseur !).
Et si la paranoïa de Vincent s'en trouve justifiée après coup (il a prouvé que 1°) les envahisseurs existent et que 2°) ils ne saignent pas), la paranoïa du spectateur est, elle, décuplée ! Qui peut encore croire en un monde où des avocats de la défense à l'air raisonnable et compétent trahissent leur client, où des avocats de l'accusation désagréables et procéduriers et des juges intègres peuvent être manipulés facilement et où un héros "positif" (?) peut justifier un meurtre en arguant de l'inhumanité de la victime !!!
La morale :
Le personnage de l'architecte-justicier David Vincent est très écorné à l'issue de ce procès de dupes. Certes sa colère est sincère et légitime quand il apprend la liaison de Charlie et Janet. Certes sa lucidité n'est finalement pas prise en défaut et sa thèse est confortée. Mais c'est au prix d'une justice bafouée et d'une éthique humaine dévalorisée.
La morale cynique de cet épisode est "la fin justifie les moyens". Elle vaut dès lors aussi bien pour Vincent qui défend sa planète que pour les envahisseurs qui défendent leurs propres intérêts ; et personne ne sort grandi de cette histoire...
Enfin, l'interrogation existentielle ultime "qu'est-ce qu'être humain ?" ou "peut-on prouver que l'on est humain ?" demeure bien évidemment sans réponse.
Commentaires :
artifice de mise en scène : Vincent fait semblant de casser maladroitement un verre dont il utilise un tesson pour écorcher la joue de Bernard qui ne saigne pas ! Celui-ci prend la fuite et est abattu - après une hâtive sommation - par un garde du palais de justice. Il se désintègre alors sous le regard incrédule de Slater et du Juge Simondson.
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(c) 2001 éric alglave