hammer into anvil

Cet épisode très anecdotique vaut pour l'excellente interprétation de Peter Cargill dans le rôle du Nouveau Numéro Deux, un homme paranoïaque qui illustre à ses dépends la célèbre devise des autorités du Village : "Each man has his breaking point." (Tout homme a son point de rupture)

Ensuite, Hammer into Anvil (Le marteau et l'enclume) est l'occasion inespérée pour le Prisonnier :
1°) de démontrer une nouvelle fois sa force de caractère ("ils" ne le briseront pas), et
2°) de se prouver qu'il est capable de briser un Numéro Deux (ce qui lui sera très utile lors du dénouement de la série, voir épisodes Once upon a Time et Fall Out).

Enfin, la présence de Peter Cargill fournit au spectateur fidèle et attentif une troisième information ; car le visage de ce personnage ne nous est pas inconnu : le Prisonnier l'a déjà rencontré à Londres (sous le nom de Thorpe dans l'épisode Many Happy Returns), sous les traits d'un fonctionnaire particulièrement sceptique quant à la véracité du récit de son évasion.

C'est donc là une confirmation supplémentaire que les gardiens du Village ne sont pas forcément dans le "camp adverse" (cf. l'interrogation du générique : "Whose side are you on ?" - Dans quel camp êtes-vous ?)

L'histoire :

L'épisode s'ouvre sur une chambre de l'hôpital du Village - à la désormais sinistre réputation - où le Nouveau Numéro Deux mène un interrogatoire qui laisse déjà deviner le penchant paranoïaque qui le mènera à sa perte : la femme qu'il questionne ne répondant pas selon ses attentes, le N°2 la pousse quasi physiquement au suicide. Quand le prisonnier, alerté par les cris de la victime, pénètre dans l'hôpital, il est déjà trop tard.

C'est dans le bref dialogue qui suit que le destin de cet arrogant N°2 est scellé :

N°2 : You shouldn't have interfered, Number Six. You'll pay for this.
P. : No. You will.
Vous n'auriez pas dû intervenir, Numéro Six. Vous paierez pour cela.
Non. C'est vous qui paierez.

Le défi est lancé entre deux titans : lequel brisera l'autre ? Tel est l'enjeu de la partie.
Nous assistons donc pendant tout le reste de l'épisode à la mise en place de la "machination" (totalement illusoire) imaginée par le Prisonnier pour pousser le N°2 à la faute et la suspicion grandissante de celui-ci jusqu'à l'explosion de folie paranoïaque.

Le premier pas dans l'escalade est franchi lorsque le N°6 refuse de se rendre à une convocation au Grand Dôme. Amené "manu militari" devant le chef du Village celui-ci - acceptant implicitement de relever le défi - lâche sur un ton provocateur :

N°2 : You You defied my instructions to come here. We have things to discuss.
P. : About the girl you murdered ?
N°2 : Never mind the girl. I want to talk about you.
P. : You're wasting your time. Many have tried.
N°2 (arrogant) : Amateurs !
P. (sarcastic) : You're a professional. A professional sadist ?
N°2 (threatening and defying N°6) : Light blue, fearless, or are you ? Each man has his breaking point. And you are no exception. Ah, you react ! Are you afraid of me ? What is going up there ? (= in his mind)
P. : Disgust.
(N°2 spanks him) You think you're strong. We'll see. Du mußt Amboß oder Hammer sein.
P. : You must be Anvil or hammer.
N°2 (ironical) : I see you know your Goethe.
P. : And you see me as the anvil ?
N°2 (self-assured) : Precisely. I'm going to hammer you.
Vous aviez osé défier mon ordre de venir ici ! Nous avons des choses à nous dire.
Concernant la fille que vous avez assassinée ?
Oubliez cette fille. Je veux que nous parlions de vous.
Vous perdez votre temps. Beaucoup d'autres ont déjà essayé.
(arrogant) Des amateurs !
(sarcastique) Et vous êtes un professionnel. Du sadisme !
(le menaçant de sa canne-épée) Le regard bleu, sans crainte, ou bien ? Tout homme à son point de rupture. Et vous ne faites pas exception. Ah, vous réagissez ! Auriez-vous peur de moi ? Qu'est-ce-qui mijote là-haut ? (= dans son esprit)
Du dégoût.
(il le gifle) Vous vous croyez fort. Nous verrons bien. Du mußt Amboß oder Hammer sein.
Tu dois être le marteau ou l'enclume.
Je vois que vous connaissez votre Goethe. Et vous me voyez en enclume ?
Exactement. Et je vais vous marteler.

Étape N°1 : semer le doute

Le Prisonnier met immédiatement à profit la "surveillance spéciale" dont il est l'objet ; il sait, en effet, que tout comportement aberrant sera signalé, aussi, demande-t-il à écouter, comparer puis chronométrer les six disques de l'Arlésienne dont dispose le droguiste du Village ! Ironie supplémentaire : la musique choisie est celle de l'Arlésienne, mélodrame de Bizet traitant d'une femme dont tout le monde parle mais que l'on ne voit jamais (comme le faux complot fomenté par le Prisonnier) !

Ayant remarqué la filature du N°14, il feint de laisser par inadvertance un message confidentiel sur un bloc-notes. Le message dit : "To X.O.4. Ref. your query via Bizet record. N°2's instability confirmed. Detailed report follows. D.6." (A X.O.4. Ref. votre requête via disque Bizet. Instabilité de N°2 confirmée. Rapport détaillé suit. D.6.). Le N°2 commence d'ailleurs à montrer de réels signes d'instabilité !

La nuit tombée, le Prisonnier - toujours pris en filature - va cacher dans le bateau une enveloppe contenant le soi-disant "rapport" (en fait trois feuilles vierges !). Lorsque, après avoir fait analyser ces feuilles par le laboratoire, il obtient la certitude qu'il n'y a rien à trouver, il en vient à suspecter les techniciens de collusion avec le N°6. Le poisson est ferré...

Étape N°2 : compromettre des proches

En téléphonant au psychiatre de l'hôpital, le Prisonnier ne manque de l'impliquer, malgré lui, dans le prétendu rapport qu'il rédige sur la santé mentale du N°2. Et le Chef du Village se retourne inévitablement contre le médecin médusé qui ne peut que se défendre maladroitement et affronter la fureur paranoïaque de son supérieur !

Puis le Prisonnier compromet le chef d'orchestre du kiosque à musique en lui demandant de jouer l'Arlésienne. Ce dernier ne peut évidemment pas expliquer pourquoi il jouit de l'intérêt du N°6, mais lui aussi a droit à une explosion de colère dévastatrice !

Mais le trait de génie du Prisonnier, c'est de parvenir à faire passer le Superviseur pour un traître en lui faisant lire un message qu'il a posté le matin même.Le N°2, au comble de l'exaspération, relève le "traître" de ses fonctions tant il est convaincu qu'il lui faut "briser cette conspiration" !

Étape N°3 : pousser l'ennemi à la faute

Le N°2 accepte la proposition que lui fait le N°14 de liquider purement et simplement le N°6. Malheureusement, le duel (un combat de gladiateurs sur trampoline !) auquel le tueur défit le Prisonnier tourne à l'avantage de ce dernier !

Le lendemain, il porte l'estocade finale en abordant de façon mystérieuse le N°14 à la terrasse du café (sous l'oeil de la caméra de surveillance). Le N°2, qui - depuis la salle de contrôle - vient d'intercepter un nouveau message codé pris sur un pigeon voyageur, est maintenant persuadé d'être trahit par les siens. Il gifle le traître et le renvoie , ainsi que le Majordome nain. Le point de rupture semble être atteint...

Étape N°4 : le coup de grâce

Le Prisonnier rejoint le N°2, resté seul, au bord de l'effondrement, dans la salle du "trône". Humiliation suprême : Il le pousse à demander lui-même à ses supérieurs à être relevé de ses fonctions pour défaillance (mentale).

N°2 : What are you doing here ?
P. : I've come to keep you company. I hear all your friends have deserted you. You can't trust anyone anymore. (...)
N°2 : What do you want ?
P. : Talk and listen.
N°2 : I've nothing to say.
P. : That's not like the old N°2 ! Where is the strong man ? The hammer ? You have to be hammer or anvil, remember ?
N°2 : I know who you are.
P. : I'm N°6.
N°2 : No. D.6.
P. : D.6. ?
N°2 : Yes, sent here by our masters, to spy on me.
P. : Sorry, I'm not quite with you. (...) Let us suppose, for arguments sake, that what you say is true, that I was planted here...
N°2 : By X.O.4.
P. : X.O.4. ? (...) Oh well, by X.O.4. to check village security, to check on you...
N°2 : You were.
P. : What would have been your first duty as a loyal citizen ? Not to interfere ! But you did interfere ! You have admitted yourself. There is a name for that : sabotage ! Who are you working for N°2 ?
N°2 : For us, for us !
P. : That is not the way it's going to sound to X.O.4. !
N°2 : I swear to you.
P. : You could be working for the enemy or you could be a plunderer who's lost his head. Either way you've failed.(...)
N°2 : You've destroyed me.
P. : No. You destroyed yourself. A character flaw : you're afraid of your masters. A weak link in the chain of command, waiting to be broken.
N°2 : Don't tell them. Don't report me.
P. : I don't intend to. You are going to report yourself.
N°2 (on the phone) : I have to report a breakdown in control. N°2 needs to be replaced. Yes this is N°2 reporting...
Que faites-vous ici ?
Je suis venu vous tenir compagnie. J'ai cru entendre que tous vos amis avaient déserté. Vous ne pouvez plus faire confiance à personne. (...)
Que voulez-vous ?
Parler et écouter.
Je n'ai rien à dire.
On ne reconnaît plus le vieux N°2 ! Où est passé l'homme fort ? Le marteau ? Vous devez être marteau ou enclume, vous vous souvenez ?
Je sais qui vous êtes.
Je suis le N°6.
Non. D.6.
D.6. ?
Oui, envoyé ici par nos maîtres pour m'espionner.
Désolé, je ne vous suis pas bien. (...) Supposons, pour la beauté de la démonstration, que ce que vous dites est vrai, que j'ai été implanté ici...
Par X.O.4.
X.O.4. ? Oh oui, par X.O.4., pour tester la sécurité du Village, pour vous tester...
Vous l'avez fait.
Quelle aurait dû être votre premier devoir en tant que citoyen loyal ? Ne pas intervenir ! Or vous êtes intervenu ! Vous l'avez admis vous-même. Il y a un nom pour ça : le sabotage ! Pour qui travaillez-vous, N°2 ?
Pour nous, pour nous.
Ce n'est pas ce qu'en pensera X.O.4. !
Je vous le jure.
Vous pourriez très bien travailler pour l'ennemi, ou être un imbécile qui a perdu la tête. En tous cas, vous avez failli.
Vous m'avez détruit.
Non. Vous vous êtes détruit vous-même. Par une faiblesse de votre caractère : vous avez peur de vos maîtres. Vous êtes un maillon faible dans la chaîne de commandement, attendant d'être brisé.
Ne le leur dites pas, ne faites pas de rapport sur moi.
Je n'en ai pas l'intention. Vous allez le faire vous-même.
(au téléphone) : J'ai à signaler une défaillance au poste de contrôle : le N°2 doit être remplacé... Oui, c'est bien le N°2 qui parle...

La conclusion :

Victoire quasi totale pour le Prisonnier dans cet épisode fort réjouissant. Dommage qu'il n'ai pas réussi à profiter de la faiblesse du N°2 pour lui arracher l'identité de ses fameux "maîtres"...

Les images :

Cliquez sur l'image pour revenir au texte.

Whose side are you on, Number Two ?

Are you afraid of me, N°6 ?

Un nouveau slogan idiot :
La musique commence où s'arrêtent les mots...

N°14

"I'll break this conspiracy !"

Le message dit :
"Pâtissier fait moi un gâteau aussi vite que tu peux"
(extrait d'une ronde enfantine)

Le N°2 s'accroche désespérément au pouvoir...

Les notes :

Le penchant paranoïaque : déjà constaté chez d'autres Nos 2, ce trait est ici dissimulé sous un arrogant et sadique autoritarisme de façade qui est destiné à terroriser ennemis et collaborateurs et à masquer un manque d'assurance. Seul le N°6 n'est pas dupe ; sa propre tendance paranoïaque (sa méfiance maladive) lui a ouvert les yeux sur les faiblesses psychologiques de son adversaire.

La partie : après les échecs, autre joute psychologique, le Prisonnier tente - et parvient - à battre le N°2 sur son propre terrain : l'intoxication, la désinformation, l'infiltration et le complot.

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Texte : (c) eric alglave 2000
Images : (c) ITV/Polygram Video