3°) La formation d'un insoumis :

Après la formation intellectuelle et psychologique, le N°2 repasse en revue la formation mathématique (dans un moment de pur délire où le Prisonnier refuse de compter jusqu'à six !) puis l'entraînement aux sports de combat.

a) Le N°2 se transforme tout d'abord en sparing partner de boxe. La joute - car l'entraînement est TRES poussé - est aussi bien physique que verbale. Car, dès que la cloche vient de sonner la fin du round, le N°2 demande à son "poulain" : "pourquoi as-tu démissionné ?". Le Prisonnier, grisé par la violence du combat et hypnotisé par l'éclairage, lui assène un uppercut qui clôt l'interrogatoire prématurément!

b) L'escrime est - surtout au fleuret - un sport moins primitif et le N°2 se fait le maître d'armes du N°6. Mais la leçon se termine bientôt par ce qui prend toutes les apparences d'un véritable duel - à fleurets non mouchetés - et le N°2 se retrouve désarmé face au Prisonnier ivre de violence. Il ôtent tous deux leurs masques et se défient du regard. La tension est extrême :

Now... Kilo ! ... Afraid to prove you're a man ? Your resignation was cowardice, wasn't it ? Et maintenant... tue-moi ! Tu as peur de prouver que tu es un homme ? Ta démission n'était que de la lâcheté, n'est-ce pas ?

Malgré trois tentatives - deux dans le mur, la dernière dans l'épaule - le Prisonnier semble incapable de tuer le N°2. Il s'en excuse et le N°2, qui revient de loin, profite d'une ultime occasion pour demander : "Tu t'excuses sans arrêt pour tout le monde ! Est-ce pour cela que tu as démissionné ?"
Nous retrouvons - sans transition - les deux hommes quelques jours plus tard (?) discutant à bâtons rompus tout en se rasant. Ils continuent à se jauger, à travers une conversation anodine, mais le but secret est bel et bien de percer les défenses de l'adversaire et de mettre à jour les faiblesses de l'autre. Ce changement inopiné de lieu et de temps - nous sommes (presque) revenus dans le monde réel - nous rappelle avec d'autant plus de force le décalage qui existe entre la fiction et la réalité, le dedans et le dehors, la prison et la liberté, thèmes de réflexion qui sont chers à Patrick McGoohan...

4°) Un individu peu sociable :

Devenu adulte et diplômé, donc en âge de travailler, le Prisonnier passe un examen d'embauche dans une banque. Ses compétences semblent convenir, mais ses motivations personnelles heurtent le conformisme de son recruteur :

N°2 : (...) You seem to be admirably suited... Just to bring matters up to date : why exactly do you want this job ?
P. : It's a job.
N°2 : No other rasons at all ?
P. : No.
N°2 : You have no respect for tradition !
P. : Pardon ?
N°2 : No respect for tradition for a long established firm of bankers ?
P. : I was very good at mathematics.
N°2 : So were we all ! Otherwise we wouldn't be in it, would we ?
P. : I don't mean that.
N°2 : What do you mean ?
P. : I mean I can work.
N°2 : Tell what hours.
P. : I don't care.
N°2 : Why ?
P. : Well it's the way I'm made.
Vous semblez convenir admirablement... Juste pour mettre les choses au point : pourquoi exactement voulez-vous ce travail ?
C'est un travail.
Pas d'autre raison ?
Non.
Vous ne respectez pas les usages ?
Je vous demande pardon ?
Vous ne respectez pas les usages d'une entreprise bancaire ancestrale ?
J'étais très bon en mathématiques.
Nous l'étions tous, sinon ne serions pas là, non ?
Ce n'est pas ce que je veux dire.
Que voulez-vous dire ?
Que je suis travailleur.
Quels horaires ?
Je m'en fiche.
Comment ça ?
Je suis ainsi fait.

Deux éléments essentiels de la personnalité du N°6 ressortent de cette conversation :
- son insolence "naturelle", c'est-à-dire non délibérément provocatrice mais "naïvement" ou "innocemment" subversive ;
- son perfectionnisme obsessionnel, qui peut le pousser jusqu'à l'explosion violente.

Or justement, le Prisonnier perd tout contrôle lorsque le recruteur veut lui faire immédiatement rencontrer le patron de la banque. Il s'enfuit et va faire un tour en voiture (en fait il tourne autour de l'Embryo Room sur un mini-tracteur d'enfant !). Dans son état de grande tension intérieure, il ne fait pas attention à la limitation de la vitesse et se fait interpellé par un bobby (joué pour la circonstance par le Majordome Nain).
Traduit en justice, il est condamné - au terme d'une audience aussi délirante dans les propos apparemment échangés que violente dans l'affrontement - d'abord à une amende de vingt unités (la monnaie du Village) puis à six (!) jours d'emprisonnement pour outrage à la cour (parce qu'il a refusé de payer en monnaie locale).
Le Prisonnier est traîné par le N°2 et le Majordome vers une "cellule" aménagée comme un appartement moderne, fermé par des barreaux.
L'affrontement franchit cette fois-ci l'ultime épreuve et dévoile sa vraie nature : il s'agit d'un duel à mort. Le Prisonnier, jouant son va-tout, hurle, proteste et écume de rage. Hors de lui, il insulte et humilie le N°2 pour le faire sortir de ses gonds.

N°2 : Why did you resign ?
P. : For peace.
N°2 : Peace ?
(...)
P. : For peace of mind.
N°2 : What ?
P. : For peace of mind.
N°2 : Why ?
P. : Too many people know too much.
N°2 : Never.
P. : I know too much.
N°2 : Tell me...
P. : I know too much about you.
Pourquoi avez-vous démissionné ?
Pour avoir la paix.
La Paix ?
La paix de l'âme.
Quoi ?
Pour avoir l'âme en paix.
Mais pourquoi ?
Trop de gens savent trop de choses.
Jamais de la vie !
Moi, je sais trop de choses.
Dites voir...
Je sais trop de choses sur vous.

Puis, joignant le geste à la parole, il s'empare d'un couteau trouvé dans le tiroir de cuisine de sa "cellule" et le tend au N°2, le mettant au défi (comme son adversaire autrefois à l'escrime) de le tuer. Les deux hommes ordonnent en même temps au Majordome Nain d'ouvrir la cellule et ils commencent à se battre. Lorsque soudain, le Prisonnier, toujours menotté, se laisse tomber à terre, mais le N°2 ne succombe pas à la tentation.

Nous passons - sans transition encore une fois - à l'époque de la guerre, pendant laquelle le Prisonnier a servi (ici sous les ordres imaginaires du N°2) dans l'aviation. Tandis qu'ils sont en train de bombarder le territoire allemand, leur avion est abattu et ils sont faits prisonniers (!) puis interrogés - en allemand, dans la version anglaise originale - par un officier (le N°2).
Mais il faut croire que le changement de langue a été salutaire, car le Prisonnier sort - enfin - de son état hypnotique pour redevenir lui-même. Le N°2 le devine lui aussi lorsque le P., pour la première fois depuis son "conditionnement" se met à compter à rebours et correctement (il n'omet plus les six !), preuve qu'il a retrouver la notion du temps :

P. : Eight ! Six ! Four ! Two ! One ! I'm hungry !
N°2 : What would you like ?
P. : Supper !
Huit ! Six ! Quatre ! Deux ! Un ! J'ai faim !
Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ?
Un bon dîner !

Dès lors, les rôles sont irrémédiablement inversés. Le N°6, ayant achevé son hypnose régressive, a atteint un niveau de conscience de lui-même qui le place, de facto, au-dessus du N°2 : celui-ci se retrouve allongé sur la table (divan psychanalytique de substitution) et passe à la question. Psychiquement et symboliquement, le N°6 a donc assumé son identité profonde. Il est le maître et donc virtuellement le NUMERO UN !
L'épisode s'achève dès lors, fort logiquement, par la mort du N°2 qui tombe dans le coma à l'issue d'un nouveau compte à rebours égrené par le Prisonnier. Le Majordome Nain se met immédiatement à son service, tandis qu'arrive le Superviseur :

S. : Congratulations. (...) What do you want ?
P. : Number One !
S. : I'll take you.
Félicitations ! (...) Que désirez-vous ?
Le Numéro Un !
Je vous y conduis.

Suite (et fin de la série) : Fall Out

Les images :

Cliquez sur l'image pour revenir au texte.

Les notes :

Cliquez sur le lien pour revenir au texte.

véritable duel : le N°2 ne dit-il pas au N°6 de ne pas "prendre cela comme un jeu" (don't treat it as a game, young man) ?

audience : le ton monte jusqu'au hurlement lorsque le juge (interprété par le N°2 perruqué) fixe le montant de l'amende.

N°2 : Twenty Units !
P. : I can't pay.
N°2 : Nothing ?
P. : Units are not for me.
P. : You are a member... of the Village !
N°2 : No !
P. : You are a unit...
N°2 : Of society.
P. : No !
N°2 : Contempt ! Contempt of the Court !(...) Six days in jail !
Vingt unités.
Je ne peux pas payer.
Rien ?
Je n'accepte pas les unités.
Mais vous êtes un membre du Village !
Non.
Vous êtes une unité...
Non !
De la société.
Non !
Outrage ! Outrage à la Cour ! (...) Six jours d'emprisonnement !

appartement : on songe bien sûr à la maison-cellule du Prisonnier au Village, mais la critique est plus générale ; car nous forgeons nos propres barreaux invisibles mais réels par notre propre conformisme en matière d'ameublement, de choix vestimentaires, d'habitudes alimentaires, d'obéissance aveugle à toutes sortes de règles, etc....

Majordome Nain : arbitre muet - donc impartial - et présent pendant tout l'épisode, ce personnage acquiert une dimension symbolique croissante puisque c'est de lui finalement qu'émane le Pouvoir.

la guerre : non seulement le propos est politique, car dans cette scène le P. refuse d'obéir aux ordres de bombardement, mais le metteur en scène Patrick McGoohan démystifie en même temps tous les artifices utilisés par le cinéma pour recréer, avec une esthétique discutable, une "ambiance de guerre" (c'est en effet le Majordome Nain qui fait tous les bruitages, fumées, etc....).

Suite (et fin) : Fall Out

Guide

écrivez-moi tv index

Accueil

Texte : © eric alglave 2001
Images : © ITV/Polygram Video