Un des premiers épisodes d'anthologie écrits par le duo Glen Morgan & James Wong. La référence/hommage au film The Thing (La Chose) de John Carpenter est évidente, mais Ice ne pâlit pas devant la comparaison. Ce huis clos horrifique est magistralement interprété par TOUS les acteurs, à commencer par :
- DAVID DUCHOVNY et GILLIAN ANDERSON, mais aussi ;
- XANDER BERKELEY (Dr. Hodge) ;
- FELICITY HUFFMAN (Dr. Nancy Da Silva) ;
- STEVE HYNTER (Dr. Denny Murphy) ;
- JEFF KOBER (Bear) ;
L'interaction entre les quatre protagonistes survivants est très convaincante et cela est dû au talent des quatre acteurs autant qu'à la qualité du scénario et à la mise en scène sobre et efficace de David Nutter...
1°) Un scénario maîtrisé :
L'habileté du scénario consiste à transformer imperceptiblement les éléments angoissants extérieurs - froid, isolement, tempête imminente, chien enragé - en suspicions tous azimuts puis en angoisse intériorisée - réactions agressives, kystes noirs, parasites.
Le prégénérique nous montre déjà tout cela en un raccourci saisissant : un chien erre dans la station polaire dévastée, passant au milieu de deux cadavres. Soudain, un homme - Richter - couvert de cicatrices récentes (il saigne encore d'une blessure à la cuisse), lance au monde un SOS plutôt étrange.
RICHTER: We’re not... who... we are. We’re not... who we are. It goes no further than this. It stops right here... right now. | Nous ne sommes pas... ce que nous sommes. Nous ne sommes pas... ce que nous sommes. Point final... ici... et maintenant. |
Un second homme - Campbell - surgit dans son dos et l'étrangle. Les deux survivants finissent face à face, chacun braquant un pistolet sur l'autre. La tension, l'angoisse et la folie se lisent sur leurs visages épuisés. Puis ils retournent leur armes contre eux-mêmes...
2°) Un suspense croissant :
Cette scène très intense condense donc, en les imbriquant, les menaces intérieures (la folie, la peur) et les dangers externes (armes à feu, tempête). Il est difficile de démêler les circonstances exactes du drame et c'est précisément la tâche de Mulder et Scully.
Le premier contact sur l'aéroport Doolittle en Alaska est plutôt... glacial. Le Dr. Hodge est tout sauf aimable :
SCULLY: Dr. DaSilva, Dr. Hodge?
HODGE: Yeah, sorry we’re late. (Hodge shakes hands with Mulder, then Scully, then Murphy. DaSilva does the same.) SCULLY: Hi, Agent Mulder, Agent Scully... MULDER: Mulder, nice to meet you. HODGE: How’re you doing, Mister Mulder? MULDER: Hi. HODGE: Can I see some identification? MULDER: What for? HODGE: I just want to make sure we are who we say we are. |
Dr. Da Silva, Dr. Hodge ?
Oui. Désolés d'être en retard. (Hodge serre la main à Mulder, puis à Scully, puis à Murphy. Da Silva fait de même.) Salut. Agent Mulder, Agent Scully... Mulder. Ravi de vous rencontrer. Comment allez-vous M. Mulder ? Salut. Je peux voir vos papiers ? Pour quoi faire ? Pour m'assurer que nous sommes bien ce nous disons que nous sommes. |
La suite est une lente gradation de la tension alternant rigueur scientifique et paranoïa galopante. Hodge est est parano quand il demande à voir les cartes de police. Bear, le pilote de l'avion, ne se laisse d'ailleurs pas impressionner. Mais il réagit sainement quand, plus tard, Mulder exige que Bear, qui a été mordu par le chien de la station abandonnée, se fasse examiner avant de regagner la civilisation. Il se rallie aux arguments de Mulder et les faits lui donnent raison ; Hodge et Scully extraient un ver de la nuque de Bear qui décède peu après.
La fin de la soirée est évidemment sinistre, d'autant plus que les scientifiques - qui ont pourtant tous bien respecté les procédures de leurs disciplines respectives - arrivent à des conclusions contradictoires quant au milieu propice au développement des vers. Au coucher, un semblant de consensus est revenu : tous les survivants semblent "sains".
L'angoisse monte encore d'un cran lorsque la deuxième victime, le géologue Murphy, est découverte, en pleine nuit, dans les bras de Mulder. Il vient de tomber du réfrigérateur où quelqu'un l'avait enfermé après lui avoir tranché la gorge. Mulder en conclue fort logiquement qu'il s'agit de l'un des trois survivants (y compris Scully) en dehors de lui. MAIS il sort brusquement son arme et se met à hurler ses imprécations envers les trois autres, si bien que Scully commence à concevoir des soupçons envers son partenaire et braque à son tour son arme sur Mulder.
SCULLY: Mulder!
MULDER: Scully, get that gun off me! SCULLY: Mulder, you have to understand! (Mulder points his gun at Scully.) MULDER: Put it down! SCULLY: You put it down first! MULDER: Scully! For God sakes, it’s me! SCULLY: Mulder... you may not be who you are. (Mulder comes to his senses and lowers the gun. We see Mulder stepping into a dark storage room. He turns on the light as Scully stands in the doorway. He faces her.) MULDER: In here, I’ll be safer than you. (Scully slides the door shut and bolts it.) |
Mulder !
Scully, pointe ton arme ailleurs ! Mulder, tu dois comprendre ! (Mulder pointe son arme sur Scully.) Baisse ton arme ! Toi d'abord ! Scully ! Bon Dieu c'est moi ! Mulder... Tu ne pourrais ne plus être toi-même. (Mulder recouvre ses esprits et baisse son arme. Il entre dans un pièce de rangement sombre. Il allume la lumière et se tourne vers Scully restée sur le seuil.) Je serai plus en sûreté dedans que toi dehors. (Elle referme la porte coulissante sur lui et la verrouille.) |
3°) Un final haletant :
Mais confiner Mulder ne fait pas pour autant baisser la tension. L'agressivité augmente entre Hodge et Da Silva au point qu'une erreur de manipulation de Da Silva déclenche chez Hodge les mêmes hurlements hystériques que chez Mulder précédemment.
Toute l'ingéniosité de Glen Morgan et James Wong consiste à avoir fait de cette ERREUR d'éprouvettes LA solution pour exterminer le parasite ! Scully découvre que deux vers ne peuvent cohabiter dans le même corps sans se détruire mutuellement. L'idée est donc de réintroduire un second parasite chez les êtres déjà infectés.
Comme l'expérience s'avère concluante sur le chien de la station, il est décidé de "soigner" Mulder de la même façon.
Heureusement, Hodge remarque à temps que c'est Da Silva qui a le parasite et c'est elle qui reçoit le second ver.
4°) Une réflexion éthique pessimiste sur la science :
Cet épisode ne serait - et c'est déjà pas mal ! - qu'une aimable distraction s'il ne s'accompagnait d'une réflexion intelligente (à défaut d'être vraiment originale) sur le statut du chercheur scientifique et les fondements éthiques de ses actes. En effet, dans Ice/Projet Arctique les "experts" ne sortent pas indemnes de l'aventure :
- Mulder, psychologue diplômé, perd son sang froid et manque de lucidité au moment où il en faudrait le plus ;
- Hodge, biologiste diplômé, oublie qu'il n'a pas examiné Mulder avant de le soumettre au "traitement" par le ver et fait des amalgames abusifs (entre être attaqué et être mordu par un chien); - Da Silva, toxicologue diplômée, fait des erreurs de manipulation et omet de signaler ses premiers symptômes d'infection ; - Murphy, géologue-glaciologue diplômée, manipule sans précaution des échantillons de glace qu'il sait infectés ; |
Seule Scully, bien que visiblement très affectée, et probablement parce que elle a appris à se méfier de ses propres émotions, se comporte en scientifique responsable :
- bien qu'épuisée, elle revérifie les corps qu'elle a "emballés" à leur arrivée ;
- bien qu'inexperte, elle jette un oeil dans le microscope de Da Silva et découvre comment tuer les parasites ;
- bien que surprise par Mulder, elle garde le réflexe de tenir en joue un homme armé et fou furieux ;
- Bien que dégoûtée, elle "opère" le pilote Bear dans l'espoir de le sauver.
Glen Morgan et James Wong nous ont donc concocté une expérience anthropologique en grandeur nature qui consiste à observer le comportement et les motivations de personnes cultivées aux compétences complémentaires dans un milieu confiné et hostile. Leur réponse n'est guère optimiste...