De l'aveu même de Chris Carter, cet épisode est l'un de ses préférés ; notamment parce qu'il lui a donné l'idée d'une série encore plus sombre que X-Files : Millenium. En (re)voyant Le Fétichiste, force est de constater qu'il s'agit, en effet, d'un des épisodes les plus dérangeants de toute la série.
Cela tient avant tout, visuellement, à la qualité du jeu insolite de l'acteur principal : Nick Chinlund. Son port de tête rigide et ses mouvements lents, sa diction tantôt hésitante (timidité feinte de Pfaster), tantôt enjouée (séduction à l'entretien d'embauche), ou enfin inexpressive (il est comme "habité" par le Mal) confère au personnage de Donnie une dimension comparable à celle de Eugene Victor Tooms (dans 1X02/1X20 Squeeze/Tooms), Luther Lee Boggs (dans 1X12 Beyond the sea/Le Message) ou plus tard John Lee Roche (dans 4X08 Paper Hearts).
1°) Un "méchant" hors norme :
S'attaquer à la télévision à un sujet aussi scabreux et morbide que la nécrophilie était ambitieux ! Car il est difficile, à une heure de grande écoute de montrer les agissements d'un homme qui aime (sexuellement) les cadavres.
C'est pourtant ce que Chris Carter parvient à faire avec un art consommé de l'ellipse. Nous ne voyons en effet jamais de pornographie explicite, MAIS le dégout de Scully et la jouissance de Pfaster lorsque qu'il "savoure" ses futures "conquêtes" (proies) ne trompent pas sur la nature des pulsions qui sont à l'œuvre : il s'agit, à n'en pas douter, de sexualité.
Carter brise donc un tabou très important en l'abordant par le biais de sexualités hors norme comme le fétichisme et la nécrophilie. Rien d'étonnant à ce que Scully "craque" à la découverte d'une tombe de jeune fille profanée ; car Donnie Pfaster a violé deux choses qui sont sacrées pour elle : une sépulture et un être humain. L'homme qui a fait cela représente donc le Mal descendu sur Terre, puisqu'il ne respecte ni l'intégrité physique ni la mémoire d'une personne.
Même Mulder le Martien avoue "s'être préparé" pour cette épreuve.
Donnie Pfaster n'est pas UN méchant. Il n'est pas un énième cas de tueur en série un peu plus horrible que les autres, il est celui qui nie, qui abolit les limites que les hommes se fixent. Il est comme le père de la tribu mythique inventée par Freud dans Totem et tabou (= le seul qui pratique l'inceste), le transgresseur absolu.
Le chef du FBI local (Minneapolis) devine, lui aussi, qu'il a affaire à un homme extraordinaire, voire un alien :
MULDER: You think this grave was unearthed by aliens, Agent Bocks?
BOCKS: It has all the telltale markings, don't you think? I mean, according to the literature. MULDER: The literature? BOCKS: Y'know. The way the hair and nails have been cut away. Sort of like they do in cattle mutilations. (Scully is clearly disturbed by the sight of the body.) MULDER: I hate to disappoint you, Agent Bocks, but this doesn't look like the work of aliens to me. |
Vous pensez que cette tombe a été ouverte par des extra-terrestres, Agent Bocks ?
On retrouve tous les indices traditionnels, vous ne croyez pas ? Je veux dire, si l'on en croit la littérature sur le sujet. La littérature ? Vous savez bien. La façon dont les ongles et les cheveux ont été découpés. On pourrait penser à des mutilations de bétail. (Scully est bouleversée à la vue du corps profané.) Je ne voudrais pas vous décevoir, Agent Bocks, mais pour moi, ça ne ressemble pas une intervention des extra-terrestres. |
2°) Quel rapport avec Scully ?
Les "méchants" qui s'attaquent à Scully ont tous quelque chose de commun avec elle : Boggs (1X12 Beyond the sea/Le Message) la met en contact avec son père récemment décédé, elle a deux visions d'elle même en future victime de Pfaster et Gerry Schnauz (dans 4X02 Unruhe) l'immortalisera plus tard en photo.
Ce lien qui unit Scully à ces psychopathes c'est la proximité avec la Mort. Car Scully, par sa formation de légiste et sa foi catholique, est en constante proximité l'au-delà. Mais, à la différence de Mulder, elle n'y cherche pas la vérité (ailleurs, au-delà) ; elle a bâti tout un système cohérent autour du phénomène.
Cet appareil intellectuel, spirituel et scientifique lui avait permis, jusqu'à présent, de "tenir" dans des circonstances très éprouvantes ; mais ici sa foi (de médecin et de croyante) est ébranlée, comme elle le confie à la psychologue du FBI :
DOC: I know you lost your father last year. And I read in your file that you were very ill recently. That your life was threatened. Exposures like these can leave you extremely vulnerable.
SCULLY (tears well up in her eyes, but she's not crying): I know these things. I'm conscious of them. I know the world is full of predators, just as it has always been. And I know it's my job to protect people from them. And I've counted on that fact to give me faith in my ability to do what I do... I want that faith back... I need it back. |
Je sais que vous avez perdu votre père l'année dernière. Et j'ai lu dans votre dossier que vous avez été très malade récemment. Que votre vie avait été menacée. De telles épreuves peuvent rendre très vulnérable.
(au bord des larmes) : Je sais tout cela. Je suis consciente de ces choses. Je sais que le monde est rempli de prédateurs, qu'il l'a toujours été. Et je sais qu'il est de mon devoir d'en protéger les gens. Et j'ai compté sur cela pour me donner la foi en ma capacité à faire mon métier... Je veux retrouver cette foi... J'en ai besoin... |
N'oublions pas non plus que le traumatisme de Duane Barry (2X05 Duane Barry et 2X06 Ascension) n'est pas encore effacé.
La façon dont Scully parle - religieusement - de ses convictions profondes, ainsi que la raison de son enlèvement par Duane Barry (il veut l'échanger), laissent penser qu'elle se sent confusément une vocation d'agneau pascal : elle est, à chaque fois, la victime expiatoire, celle qui rachète les pêchés des autres. Mais cela ne va pas sans conflit intérieur...
Elle trouvera réconfort, soutien et compréhension à l'ultime minute, dans les bras de Mulder qui vient de la sauver d'une mort certaine :
MULDER'S VOICEOVER: The conquest of fear lies in the moment of its acceptance. And understanding what scares us most is that which is most familiar, most common place. That boy next door, Donnie Pfaster, the unremarkable younger brother of four older sisters, extraordinary only in his ordinariness, could grow up to be the devil in a buttoned-down shirt. It's been said that the fear of the unknown is an irrational response to the excesses of the imagination. But our fear of the everyday, of the lurking stranger, and the sound of foot-falls on the stairs. The fear of violent death and the primitive impulse to survive, are as frightening as any x-file, as real as the acceptance that it could happen to you. | (Voix off) : La victoire sur la peur réside dans l'acceptation de celle-ci. Et comprendre que ce qui nous effraie le plus est ce qui nous est le plus familier, le plus banal. Que ce voisin ordinaire, Donnie Pfaster, jeune frère ordinaire de quatre sœurs aînées, extraordinaire par sa banalité, ait pu devenir le diable en habit du dimanche. Il a été dit que la peur de l'inconnu était une réponse irrationnelle aux excès de notre imagination. Mais notre peur du quotidien, de l'étranger qui rôde, le bruit des pas dans l'escalier, la peur d'une mort violente, et l'instant primitif de survie sont aussi effrayants que tout autre Affaire non classée, aussi réels que d'accepter que cela pourrait vous arriver. |
Le retour du Fétichiste Donnie Pfaster dans 7X07 Orison...