Avec cet épisode époustouflant la preuve est faite que X-Files n'est pas qu'une série de science-fiction parmi d'autres.
La 6ème saison en apporte la preuve la plus éclatante et justifie les commentaires qu'a faits Chris Carter depuis le début (1993); à savoir qu'il s'agit d'une oeuvre ambitieuse et qu'elle livre la vision qu'il a de son pays et de ses concitoyens.
Force est alors de constater que ce regard n'est pas tendre. Résumons les faits...
Arcadia Falls est une résidence privée, clôturée et gardiennée, à l'abri de laquelle vivent harmonieusement et paisiblement quelques dizaines de riches californiens (San Diego).
Les apparences sont trompeuses puisque l'un des résidents (et sa femme) disparaissent un jour mystérieusement. Le fait justifie l'intervention du FBI, mais, eu égard au "rang" des habitants, Mulder et Scully mèneront leur enquête sous la couverture d'un couple marié : les Petri.
Le scénario se déroule ensuite sur deux niveaux parallèles et aussi réussis l'un que l'autre.
1er niveau : l'intrigue
Un mini-conseil municipal secret (rappelant le "syndicat" de la conspiration) contrôle les faits et gestes de tous les habitants d'Arcadia Falls et sanctionne tout écart et tout manquement au "code" (sorte de règlement de copropriété mais en 2000 pages !) par la visite d'un monstre chtonien qui fait penser aux Croque-Mitaines
et autres Pères Fouettards des contes traditionnels.
Le grand méchant de l'histoire, celui qui a décidé que les Kline (le couple disparu que vont remplacer Mulder et Scully) devaient mourir, n'est autre que Gene Gogolak, un importateur érudit qui a ramené du Tibet une statuette permettant d'invoquer et de contrôler une créature "démoniaque" (une espèce de Golem).
Pour le confondre, Mulder multiplie les provocations et les outrages au "code". Jugez plutôt :
- installation d'un panneau de basket dans l'allée du garage ;
- installation d'un flamand rose sur la pelouse côté rue ;
- installation d'un bassin surmontée d'une vasque côté rue ;
- jeu de ballon nocturne ;
- dégradation de boite aux lettres ;
Bien sûr, Gogolak n'admet pas la remise en cause de son autorité, mais la confrontation avec Mulder tourne à l'avantage de ce dernier...
2ème niveau : la satire sociale et conjugale
La loi du silence et l'obéissance aveugle au "code" sont si présentes au long de l'épisode qu'on ne peut qu'y voir la satire du "politiquement correct" de l'Amérique puritaine et hypocrite des années 90. Silence parce que "on ne doit pas dire" certaines choses (les plus embarassantes, les plus osées, bref les plus originales) et parce que tout est déjà dit dans le "code" véritable métaphore du système judiciaire américain qui tend à tout arbitrer, même les différends entre voisins.
La vie dorée que mènent les habitants d'Arcadia Falls est en fait une longue suites de contraintes et de rites tous plus superficiels les uns que les autres. En voici quelques exemples :
- un voisin repeint la boite aux lettres des Kline non par amitié mais parce que la couleur (blanc cassé au lieu de blanc !) n'est pas conforme au "code" !
- une girouette qui fait du bruit au vent cause l'arrivée du Croque-Mitaine !
- une ampoule de réverbère changée trop tardivement dans la nuit occasionne également la venue du Croque-Mitaine !
-faire une promenade nocturne dans le quartier entraîne là encore l'apparition du Croque-Mitaine !
Cette Amérique-là est celle d'une dictature du conformisme ; le portrait peu engageant qui en est fait ici montre clairement ce qu'en pensent les auteurs de la série !
La satire de la vie de couple est moins virulente mais néanmoins très efficace. Mulder et Scully en petit couple marié, cela donne :
- un mari ultra-beauf qui fait passer sa femme pour une débile qui croit aux extra-terrestres devant ses nouveaux voisins ;
- un mari ultra-beauf qui ne rabat pas le couvercle des toilettes après utilisation ;
- un mari ultra-beauf qui jette ses vêtements sales en boule au beau milieu de la chambre ;
- une épouse ultra-beauf qui filme l'arrivée dans la nouvelle maison au camescope (avec vue inoubliable sur les cartons encombrant le salon) ;
- une épouse ultra-beauf qui ne se couche le soir qu'en peignoir et masque de beauté à la crème de concombre sur le visage ("t'es réfrigérente !" remarque Mulder) ;
- une épouse ultra-beauf qui ne rate pas une occasion de faire en public une réflection désobligeante à son époux ;
X-Files ou l'anti "conformisme petit-bourgeois"...
Cette dimension satirique de la vie domestique était déjà présent dans le formidable épisode double Dreamland (maladroitement traduit en français par Zone 51) et le très romantique How the ghosts stole Christmas (Les amants maudits).