Episode 7X19 Hollywood A.D.

(Les liens en jaune renvoient à mes commentaires en bas de page. Voir aussi annexe)

ENFIN un épisode délirant dans cette 7ème saison qui parait bien morne au regard de la précédente . Délirant ? Pas tant que ça finalement, tant les niveaux de lecture sont nombreux et intéressants... Le pré générique en est d'ailleurs une superbe illustration :
L'auteur-réalisateur Duchovny nous y montre une version cinématographique guignolesque des aventures des deux héros, alors que dans la salle de cinéma se côtoient Chris Carter, Tea Leoni, Garry Shandling, Gillian Anderson, David Duchovny et Mitch Pileggi...
A moins que cela ne soient un inconnu, l'interprète cinématographique de Scully, l'interprète cinématographique de Mulder, Scully, Mulder et Skinner...
A moins qu'ils ne soient que des quidams comme nous devant notre écran de télévision...
L'ambiguïté et l'ambivalence de cet épisode sont donc dès le départ mises en avant. Mais, il s'agit surtout ici des adieux de David Duchovny à la série et à ses fans. Et quand la fin est proche vient le temps des bilans.

LE TESTAMENT DE MULDER (?)

Le bilan de 7 ans de vie commune :

FEDERMAN: You guys want my advice?
FEDERMAN:You're both crazy.
MULDER: Why do you say that?
FEDERMAN: (to Mulder) You're crazy for believing what you believe. (to Scully) And you're crazy for not believing what he believes.
FEDERMAN: Vous voulez mon avis ?
FEDERMAN: Vous êtes fous tous les deux.
MULDER: Pourquoi dites vous ça ?
FEDERMAN: (à Mulder) Vous êtes fou de vous obstiner à croire ce à quoi vous croyez. (à Scully) Et vous vous êtes folle de ne jamais croire ce à quoi il croit.

Raccourci un peu réducteur, mais tout de même bien ciblé des rapports entre Mulder et Scully et c'est vrai, comme nous l'avons maintes fois relevé, que la base même des rapports entre Mulder et Scully réside dans cette opposition entre la rationnelle Scully et le "martien" Mulder. Et même si, dernièrement, chacun avait un pas vers l'autre, cette opposition permanente peut parfois se révéler irritante tant cela nous parait invraisemblable que Scully ne puisse pas admettre des choses qui paraissent tellement évidentes à Mulder et donc à nous.
Et c'est en cela que le départ de Mulder va déséquilibrer la série, tout d'abord Scully n'aura plus de contre-poids, mais en plus Mulder restait quand même le personnage principal de la série, car nous étions poussés à nous identifier à lui car il voyait des choses que les autres personnages ne voyaient pas, ce qui nous poussait paradoxalement à croire ce qu'il voyait, il nous avait finalement transmis son envie de croire : "I WANT TO BELIEVE"

MULDER:That wasn't a movie, Federman, that was real life.
FEDERMAN:The difference being?
MULDER: Federman, vous n'êtes pas au cinoche, revenez dans la vie. FEDERMAN :C'est quoi la différence ?

Sous des semblants de phrase anecdotique, il s'agit là d'une vraie et grande question : Y-a t-il réellement une différence entre le cinéma et la vie ?
Truffaut n'a-t-il pas dit que le cinéma était plus important que la vie ?! Nous jouons tous des rôles différents selon les circonstances, nous nous servons de notre expérience acquise à travers les aléas de la vie comme les scénaristes le font pour créer leurs personnages et leurs donner une véritable densité à tel point que des comportements cinématographiques finissent eux même par nous influencer, nous dire ce qu'il est "cool" de dire, de porter, de penser, etc...

1°) Les raisons du départ :

Ainsi, il semble que Duchovny veuille expliquer à ses fans sa décision de se faire moins présent dans la série. Tout commence par cet ersatz des X-Files qui, si l'on en juge par les mines réjouies des spectateurs dans la salle de cinéma, semble plaire à tout le monde sauf à Mulder/Duchovny. Et là est certainement la première raison de son départ ; il a peur qu'à force de se prolonger sans cesse la série perde toute son essence et son sens (De ce point de vue, je le rejoins complètement !).
Il est vrai qu'à force de rebondissements pas toujours vraisemblables la lassitude nous gagne et le mythe risque de s'essouffler, gagné par la vanité et la cupidité. Cela, Duchovny nous le démontre au travers de l'Église qui est tombée elle aussi dans la folie du portable. Il casse aussi le mythe du cinéma en nous montrant l'envers du décor d'un plateau de tournage garni de fonds verts et autres effets spéciaux.

MULDER: And us, how are we gonna be remembered now? MULDER: Et toi et moi, quelle image la postérité se fera de nous quand on va voir cela ?

La deuxième raison, plus évidente, est la volonté de Duchovny de faire carrière à Hollywood (titre et lieu de l'action dans la moitié de l'épisode). Il fait d'ailleurs preuve d'une grande lucidité en se moquant de ceux qui se prennent déjà pour des stars.
Cet épisode fait donc tout pour nous persuader des buts altruistes et même nobles de Duchovny dans sa décision d'arrêter la série. Cela fait certainement partie de ses raisons, mais ne soyons pas pour autant aveugles ; le rêve hollywoodien finit toujours par gagner les acteurs de série télévisée. Son strass, ses paillettes , sa gloire , ses cachets (même si là il n'était vraiment pas à plaindre) et le besoin de reconnaissance inhérent en particulier à tout métier artistique.
L'avenir nous dira si Duchovny a eu raison de partir de la série pour une carrière d'acteur, si il l'a fait à temps ou s'il était déjà trop tard. Je pense pour ma part, qu'il n'a pas la carrure d'un grand acteur hollywoodien et même s'il l'acquérait (si tant est que cela puisse s'acquérir) il resterait à jamais Mulder dans la mémoire collective (ce qui doit être vraiment frustrant pour un acteur).
Et c'est d'ailleurs certainement ce qui pousse Gillian Anderson à continuer, elle ne trouve pas sa place sur le grand écran, même si ils ont tout deux essayé de faire des apparitions dans quelques films récents, sans grand succès cependant.
Mais soyons francs : à travers ce départ, on sent arriver la fin de la série, ce que l'on souhaite depuis longtemps même si il sera impossible de bien la finir ( le nombre de séries qui ont réussi à avoir une fin honorable se compte sur les doigts de la main ... Quantum leap ; L'homme de nulle part .... ) et en même temps cela nous effraie car bien sûr, on n'a pas envie que cela s'arrête ...
En effet, nous nous sentons maintenant tellement proches (toute proportion gardée encore une fois) des personnages qui ont pu être développés, fouillés au cours de ces sept saisons qu'on aura du mal à les laisser partir ...

2°) Les clins d'oeil humoristiques :

Pour donner cette impression de joie de vivre dans cet épisode (ou l'on voit d'ailleurs Scully sourire à pleines dents !!!), Duchovny use (et abuse ?!) de références à l'inconscient collectif des X-philes.

WAYNE FEDERMAN: She *: Jodie Foster's Foster child on a Payless budget. He **: Jehova's Witness meets Harrison Ford's Witness... WAYNE FEDERMAN: Elle *:on dirait une Jodie Foster pour une production fauchée. Lui **: ce serait plutôt Harisson Ford qui prêcherait chez les témoins de Jehova.

* Federman décrit Scully
**Federman décrit Mulder

Qui ignore encore que le rôle de Scully voulait rappeler celui de l'agent Clarice Starling (Jodie Foster) dans Le Silence des Agneaux ? Gillian Anderson était d'ailleurs pressentie pour reprendre ce rôle dans la suite du Silence des Agneaux.

L'autre clin d'oeil s'adresse à la vie privée de l'acteur, en effet celui-ci fait dire à Scully qu'il a certainement un ticket avec Tea Leoni (qui n'est autre que sa femme in the real life). Et il y a bien d'autres situations cocasses qu'il vaut mieux voir pour apprécier, comme ce ménage à trois entre les salles de bain de l'hôtel.

Et tout se finit par une danse...

Mulder ou Duchovny ? : Mulder (le personnage ne sait pas qu'il va disparaître) est atterré par la caricature qu'Hollywood fait de son travail ; il a honte devant sa collègue et son supérieur.
Mais la réciproque n'est pas vraie ; Scully et Skinner sont visiblement amusés, preuve qu'ils font la différence, EUX, entre cinéma et réalité, ce qui n'est pas le cas de Mulder. Duchovny se livre ici à une analyse plus fine qu'il n'y paraît de son personnage. Il en fait un homme quelque peu névrosé, un obsessionnel de la Vérité et de la Vertu (en effet, la scène de "cul" le gène terriblement), un pourfendeur de moulins à vent, un Don Quichotte du FBI.
Le paradoxe de cet épisode tient donc dans le décalage de Mulder par rapport aux autres personnages et à l'histoire elle-même, laquelle est tellement loufoque que l'on pourrait en faire un film à Hollywood !!
Moins Mulder prend de distance avec les X-Files, plus Duchovny en prend avec la série : ce mouvement centrifuge rappelle l'autre grand hommage/testament laissé aux X-Files par Darin Morgan (3X20 Jose Chung's "From Outer Space").

Raccourci un peu réducteur : c'est justement ce que Duchovny (et non Mulder) égratigne dans le monde du cinéma hollywoodien ; à savoir qu'il ne prend vraiment au sérieux, qu'il simplifie tout à outrance...

Ménage à trois : Skinner, Scully et Mulder sont au même instant chacun dans leur bain et prétendent, dans une conversation téléphonique à trois, être occupés à d'autres tâches bien plus importantes que boire du vin, du champagne et se parfumer le corps !
Je vois, là encore, plutôt une satire des moeurs hollywoodiennes qui ont vite fait (Mulder, Scully et Skinner VIENNENT d'arriver à L.A. !) de corrompre les êtres les plus vertueux. Le cinéma comme univers du mensonge industrialisé...

Harrison Ford's Witness : Le vrai bon jeu de mot de cette scène est là. Harrison Ford (dont la carrière n'est plus à faire) fut l'acteur principal dans le film de Peter Weir Witness (Témoin) où un enfant Amish (d'où l'allusion à Jodie Foster, enfant-actrice prodige) lui donne la réplique.
Duchovny joue donc les (faux) modestes qui (n')osent (pas) se comparer à Harrison Ford... ou à Woody Allen, quand il cite Zelig (autre film de Allen).

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