Site des BD Magic~Strip Atomium 58
Les éditions Magic~Strip

 

 

 

Cette maison d'édition belge (fondée en 1979 par Didier et Daniel Pasamonik) a créé en 1981 la collection Atomium 58.

La collection Atomium 58 comporte 27 albums, petit format (16.5cm x 24.5), chacun comportant un récit court (env 30 planches en bichromie).   Le dos est toilé rouge (cf fond d'écran).

Le mauvais travail du diffuseur, "Maître du Monde", le retard dans ses remises aux éditeurs, puis sa faillite a coûté la vie en 1990 à de nombreux petits éditeurs, dont Magic~Strip. (Lire "L'édition de la bande dessinée en Belgique")


Didier Pasamonik m'a accordé début Mars 2004 une interview. Il apporte ainsi de précis éclairages sur cette collection.

On peut retrouver Didier Pasamonik sur son site Pasamonik.com mais aussi sur le site d’Univers BD où il présente régulièrement des articles sur l’actualité de la BD.

Je tiens à le remercier pour sa gentillesse et sa disponibilité.

Entretien avec Didier PASAMONIK (mars 2004)

Comment vous est venue l’idée de créer la collection Atomium 58 ?
Didier Pasamonik : Quand nous avons débuté, mon frère et moi, les éditions Magic-Strip en 1979, nous nous étions employés à publier des classiques belges avec plus ou moins de succès : Cuvelier , Funcken, Lambil, Tibet, Greg figuraient à notre catalogue, ainsi que le grand Franquin qui avait imposé au Lombard que nous publions les Modeste & Pompon, ce que les libraires parisiens appelaient alors ironiquement des " belgeries ".
Par ailleurs, nous étions intéressés par la nouvelle BD française puisque nous avions publié en 1980 une monographie sur Tardi signée Thierry Groensteen, le 3ème et le 4ème Neuvième Rêve, ainsi qu’un portfolio signé Schuiten et Renard. Par ailleurs, propriétaires de la librairie Chic Bull à Bruxelles, nous nous étions liés à Serge Clerc, Yves Chaland et Luc Cornillon, ces deux derniers venant de publier " Captivant " aux Humanos. Or, cette nouvelle génération n’était pas, au contraire de celle qui l’avait précédée – la génération de Pilote, de Fluide Glacial, L’Echo des Savanes… - en rupture avec l’école franco-belge. Au contraire, leurs admirations allaient à Franquin, Tillieux, Jacobs et j’ai souvent vu dans les ateliers parisiens leurs albums ouverts à même la table de travail. Nous avons par ailleurs conseillé Chaland pour la documentation belge de " Bob Fish ". Une véritable amitié s’est tissée entre nous.
Quand la vague des rééditions de classiques belges s’est essoufflée, nous avons créé cette collection qui avait l’habileté de faire évoluer notre clientèle de nostalgiques de l’école belge vers des créateurs alors débutants : outre les trois auteurs cités Dupuy et Berberian, François Avril, Wozniak, Stafan Colman, Olivier Saive, Marcelino Truong, mais aussi Bézian, Goffaux, ce qui contredit l’idée que cette collection était dédiée à la seule Ligne Claire.

 

La ligne éditoriale n’est donc pas la Ligne Claire ?
Didier Pasamonik : Non. Contrairement à la légende, la Ligne Claire n’était pas la ligne de la collection, mais plutôt une certaine modernité et il faut le préciser, un cosmopolitisme affirmé : les Français Chaland et Serge clerc, côtoyaient les Flamands Piotr & Meynen, l’Espagnol Daniel Torrès, l’Autrichien Chris Scheuer, le Britannique Rian Hugues, le Suisse Aloys… A Bruxelles, Chaland rencontrait chez nous à la fois André Franquin et le Hollandais Joost Swarte qui habitait alors Bruxelles. C’était un choc de cultures.
L’Atomium s’est imposé à nous grâce à la proximité du 25ème anniversaire de l’Exposition Internationale de Bruxelles. Un livre-anniversaire collectif, L’Expo 58 et le Style atome, a servi de référent fédérateur à ce mouvement. En préface de cet ouvrage, un texte de Joost Swarte qui parle du "style atome" comme un style "joueur avec le design". De la même manière, Les héritiers d’Hergé de Bruno Lecigne, publié par Magic-Strip la même année (année de la mort d’Hergé), donnait une justification esthétique aux successeurs du maître de l’Ecole de Bruxelles, réinvestissant ce style classique dans une certaine modernité.

 

La décision de choisir une présentation soignée (petit format, dos toilé) s’est-elle imposée d’elle- même ? 
Didier Pasamonik : Il y avait une contrainte : nous n’avions pas les moyens de financer un auteur, comme Chaland ou d’autres, sur le format d’un album normal. Nous avons donc formaté notre collection pour que ces albums soient réalisés assez vite, entre quinze jours et un mois de travail. Par ailleurs, le dos toilé était un clin d’œil vis-à-vis de notre clientèle de collectionneurs franco-belges, en même temps qu’elle réunifiait le lien entre cette nouvelle génération et l’Ecole belge.  Le format est, quand on y réfléchit, celui d’un comic-book. Des auteurs comme Jack Kirby influencent autant ces jeunes auteurs que les classiques belges. Par ailleurs, l’exiguïté du format interdisait de développer autre chose qu’un récit qui ne soit pas une sorte d’exercice de style, une démarche qui confine à la poésie.

 

Qui a réalisé le logo Atomium 58 qui n’apparaît qu’à partir du numéro 3 édité en 1982 ?
Didier Pasamonik : Le logo de la collection Atomium a été créé par le graphiste flamand Ever Meulen, un graphiste internationalement reconnu, publiant notamment dans le New Yorker. Un graphiste exceptionnel. Nous étions très fiers de sa collaboration.

 

Comment s’est effectué le choix des auteurs ?
Didier Pasamonik : Souvent, nous allions les chercher car nous les avions repérés dans l’une ou l’autre publication. Cela a été le cas pour Dupuy & Berbérian, Torrès, Scheuer, ou Piotr & Meynen…Parfois ils nous présentaient des projets, comme Aloys. Il n’y avait pas de règle.

 

La collection a elle été publiée en plusieurs langues ?
Didier Pasamonik : Sous la même forme que le français, dans sept langues : Allemand, Catalan, Espagnol, Finnois, Français, Italien et Néerlandais. Sans doute en anglais dans des revues.

 

Qu’elles étaient les contraintes imposées aux auteurs ?
Didier Pasamonik : Nous étions très proches des auteurs, parfois même enclins à leur expliquer ce qu’il fallait faire. Mais cela ne marchait pas toujours. Quand on est jeune, on a de ces prétentions…

 

Avez vous refusé des projets ?
Didier Pasamonik : Sans doute avons-nous refusé des auteurs, je n’en ai pas le souvenir précis. En revanche, nous étions assez interventionnistes. Nous demandions les crayonnés avant l’encrage. J’ai quelques photocopies de crayonnés de Petit Peintre par exemple.

 

Dans le premier numéro de la collection (Sam Bronx et les robots de Serge Clerc) est noté le libellé " COLOPHON " avant les références de l’édition. Que cela indique t’il ?
Didier Pasamonik : "Colophon" est le terme technique savant de ce que les français appellent "l’ours". J’ai su plus tard que ce dernier terme avait été inventé par Balzac à la vue du mouvement de balancement fait par le typographe allant d’un endroit à l’autre de la casse. Ce terme inspiré du grec est couramment utilisé en Belgique pour indiquer les mentions obligatoires que l’imprimeur est tenu d’apposer sur un livre.

 

Un des albums est signé Albert Lingot. Cela ressemble fort à un pseudo. De qui il s'agit ?
Didier Pasamonik : C’est le pseudo d’un dessinateur qui continue, je crois, de publier sous ce nom. C’est un ami à Walter Minus qui a choisi ce pseudo par imitation de celui porté par ce dessinateur.

 

Faut–il se fier aux détails des publications antérieures qui figure dans certains albums pour identifier les EO ?
Didier Pasamonik : Je ne suis pas un spécialiste de mes productions et souvent, ma mémoire me fait défaut. Il n’est pas impossible que nous sachions déjà les titres à paraître. Peu d’Atomium ont été réédités, surtout sur la fin.

 

A l’époque, cette collection a t-elle connu le succès escompté ?
Didier Pasamonik : Je pense bien que l’album de Chaland a dû dépasser les 20.000 exemplaires en cumul. Avec les ventes à l’étranger, ce n’était pas si mal. Surtout, sur notre point de vente à Bruxelles, nous en vendions entre 250 et 500 exemplaires en direct au public, ce qui rendait la collection immédiatement rentable, car elle ne coûtait pas cher à produire : les 32 pages en bichromie tenaient sur une feuille offset de 70x100 cm. La reliure était couplée avec la coédition en plusieurs langues, notamment allemande et néerlandaise.

 

Les quatre derniers albums de cette collection ont été édités par Loempia, maison d’édition flamande qui a repris Magic Strip en 1987. Etait-ce la conséquence des problèmes du diffuseur " Les maîtres du monde " ou vouliez vous " passer à autre chose " ?
Didier Pasamonik : En 1987, MDM avait déposé son bilan en nous laissant un trou assez considérable. Nous étions obligés de vendre la boîte. J’avais dit à mon frère : "si nous ne sommes pas achetés par un gros éditeur, je passe à autre chose". Nous avons été achetés par le petit éditeur Loempia. Mon frère a continué quelques années mais, en ce qui me concerne, j’ai rejoint le groupe Hachette et les Humanoïdes Associés. Dès lors, rien n’a plus été comme avant.

 
Propos recueillis par François SIRVEN (mars 2004)