COUPURES DE PRESSE (Suite et Fin)
28/04/1921 Le Progrès Cultivateurs, cultivez… vos Laboratoires
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La
station entomologique de Saint-Genis-Laval s’informe et informe de tous
les parasites de l’agriculture Combien
de Lyonnais, combien d’agriculteurs connaissent la station entomologique
de Saint-Genis-Laval. Elle fonctionne pourtant depuis 1917, et il n’a
pas dépendu de son très actif directeur, M. André Paillot, inspecteur
de phytopathologie, c’est-à-dire de médecine agricole, qu’elle rendît
aux cultivateurs, et particulièrement aux arboriculteurs, des services
signalés. N’est-il
point tout à fait remarquable que les intéressés songent si peu à
utiliser les foyers de renseignements mis ainsi à leur disposition par le
ministre de l’agriculture et le conseil général du Rhône ?
Comment
en France, de notre temps, la population rurale peut-elle se tenir autant
à l’écart, sinon en défiance des sujets des
chercheurs désintéressés, des institutions officielles, qui ne
demandent qu’à travailler avec elle, pour elle, qui s’efforçait de
guider, d’éclairer sans cesse ses efforts ? N’y
aurait-il point là comme un stigmate d’ignorance, une sorte de tare
ancestrale que l’école, l’enseignement opiniâtre des conférences,
des livres, de la presse doivent effacer au plus vite. |
Les
cultivateurs ne viennent que lentement, et comme à regret, aux méthodes
scientifiques. Les tournées des professeurs d’agriculture demeurent, les plus
souvent, parfaitement stériles.
Rien
ne sera changé au mode traditionnel de culture dans le village, s’il ne se
trouve pas un citoyen, mieux informé, plus hardi, pour entreprendre un
ensemencement, une plantation suivant le procédé nouveau.
Alors,
si l’expérience paraît favorable, les voisins, un à un, se grattent la tête,
louchent sur le champ le plus prospère, puis en cachette, timidement, tant bien
que mal, imitent…
La
méfiance paysanne est légitime. On n’engage pas à la légère son travail,
son argent et celui des siens. Les offices agricoles ont précisément la tâche
de multiplier, sur tous les points du territoire les preuves expérimentales que
les cultivateurs sont en droit d’exiger.
Mais,
de leur côté, les agriculteurs ne doivent-ils pas s’informer davantage des
institutions créées pour eux ?
Exemple :
Si les arboriculteurs du Lyonnais et de la vallée du Rhône s’adressaient régulièrement
à la station d’entomologie de Saint-Genis, pour les maladies de leurs
vergers, ils auraient, de première main, toutes les prescriptions utiles.
D’autre part, ils fourniraient à la Station des informations permanentes
permettant de veiller et de parer à la propagation des parasites des arbres
fruitiers.
Que
de peines et de temps gaspillés, que d’argent perdu, en ce pays, qui, par
privilège naturel, devrait être le Chanaan de la France, qui pourrait être
elle-même le jardin du monde ?
En
fait, la culture méthodique, basée sur l’agronomie expérimentale,
n’existe chez nous qu’à l’état
embryonnaire. Dans la plupart des campagnes l’on reste a la polyculture
familiale et, par le morcellement indéfini de la propriété, les fils
continuent plus pauvrement la routine des pères.
L’avenir
n’est point à la chaumière, à la famille vivant chichement sur mon lopin,
produisant à peine de quoi suffire à une existence sans horizons. Il
appartient à l’association des activités, des intelligences, manœuvrant les
leviers du savoir et la technique, accouchant sans cesse la terre de sa fécondité
éternelle.
Mais
le ministère lui-même prend-il la chose tout à fait au sérieux ?
N’arrive t-il pas que l’on envoie pour diriger les services d’une région
à grande culture un savant spécialiste des arbres fruitiers… et vice-versa ?
Voulez-vous
une idée de ce que l’on étudie et de ce que l’on apprend à la station
entomologique de Saint-Genis-Laval ? Voici ce que nous avons retenu de
notre conversation d’hier avec M. André Paillot.
Les
champignons qui s’attaquent aux arbres ou aux fruits : fusicladium de la
tavelure du poirier, du pommier ; monilia des abricotiers ; corinneum
de l’abricotier ; mildiou, oïdium de la vigne, etc., les champignons, en
raison, sans doute, de la sécheresse, ne semblent pas s’être développés
beaucoup ; en tout cas leur menace ne s’est pas jusqu’ici prononcée.
Mais
l’on peut craindre pour l’été le ver des fruits ( carpocapse ), la mouche
à scie, la tenthrède limace, la
chenille verte arpenteuse, la phalène hiémale ou cheimatobia, dont l’on a
remarqué de nombreuses larves.
Les
hannetons - qui mettent trois ans pour devenir adultes - ne seront à craindre
que l’an prochain. Nous ne connaissons encore pour s’en défendre que le
hannetonnage. Il faudrait l’organiser enfin en France. Les Suisses imposent à
chaque propriétaire la capture de quatre litres de hannetons par hectare.
Dans
les environs le point le plus infesté de hannetons est, actuellement, Rillieux.
A
redouter également : les chenilles tordeuses qui s’attaquent déjà aux
feuilles des pêchers et des cerisiers de la Drôme et de l’Ardèche.
Pour
les abricotiers il faudra veiller particulièrement
contre les colites qui perforent l’écorce, nichent et pondent dessous,
détruisant le cambium, tuant l’arbre.
A
Saint-Rambert-d’Albon, M. Paillot a découvert un foyer nouveau de neurotama némoralis.
Ce parasite s’attaque aux feuilles et aux fruits du pêcher. Très répandu il
n’avait frappé jusqu’ici que des arbres ou des groupes d’arbres isolés.
Mais cette année l’attaque devient massive et les arboriculteurs feront bien
de se tenir sur leurs gardes.
Le
Liparis, dont nous avions noté l’invasion brusquée, formidable l’an
dernier, est en décroissance dans notre région. Par contre il a essaimé dans
le Centre.
-J’entends
bien, vous constituez une sorte de police de sûreté contre les insectes
voleurs de fruits, assassins d’arbres. Je vois à merveille le poste… mais où
sont les agents ?
-Nos
brigades, répond en riant, M. Paillot, sont assez nombreuses encore
qu’invisibles et, pour la plupart fort mal utilisées. Il y a d’abord les
auxiliaires : les bêtes grosses mangeuses d’insectes : les
crapauds, les serpents, les oiseaux, particulièrement la mésange,
l’hirondelle, puis les insectes… insectivores.
C
est ainsi que M. Marchal est parvenu à sauver les orangers et les citronniers
des Alpes-Maritimes et de la Côte d’Azur dévorés par la cochenille
australienne Icerya Purchasien lui jetant dans… les antennes son ennemi
mortel, la coccinelle, australienne aussi, Novius cardinalis.
C’est
l’entomologie Riley, directeur du département de l’agriculture des États-Unis,
qui eut le premier l’idée de cette méthode. En 1888, il organisa une mission
pour rechercher le parasite de l’Icerya qui ruinait les plantations
d’orangers. Ce fut le naturaliste Koebele qui découvrit la fameuse bête-à-bon-Dieu
qui fut – et qui demeure – pour les orangers du Cap de Bonne-Espérance, du
Portugal, de l’Italie et enfin de Nice, une véritable providence.
On
le sait si bien, que le ministère de l’agriculture a fait installer à Menton
un insectarium où l’on élève avec tous les égards dus à ses mérites
la précieuse coccinelle.
Dans
le même ordre d’idées, l’on s’efforce de répandre parmi les insectes
les microbes, les bactéries, les champignons qui les tuent.
Exemple :
la bacille d’Hérel contre les criquets.
Mais
tout cela, conclut M. Paillot, a grand besoin d’être étudié, mis au point.
Pour le moment, ce sont encore les agents physiques et chimiques, intelligemment
employés, qui rendent le plus de services.
La
plupart des arbres fruitiers de cette région sont plantés à « plein
vent » ou à « demi-vent ».Il s’en suit que l’aspersion
des feuilles par les solutions insecticides est malaisée, incomplète, sinon
tout a fait inopérante, inefficace.
Il
faut des pompes à forte pression pour projeter sur toutes les feuilles, au fond
de toutes les corolles, les gouttelettes de bouillie chimique.
Or
– chose admirable ! – nos constructeurs français ne se sont point
encore décidés à construire ce type de pompes.
Seuls
les Américains les fabriquent. Ils les utilisent d’ailleurs depuis longtemps
et en grand. C’est ainsi que pou la sauvegarde de leurs forêts, ils ont de
ces pompes automobiles plus puissantes que nos plus puissantes pompes à
incendie, capables de pulvériser les solutions insecticides jusqu’à la cime
des plus grands arbres. Le traitement rationnel de nos vergers n’est possible
qu’avec de tels engins. Les propriétaires, les communes, devraient, en se
groupant, se pourvoir rapidement en temps utile les traitements de préservation
indispensables.
Pour
bien des produits, nous sommes encore tributaires de l’étranger. C’est
ainsi qu’il est encore impossible de se procurer en France de la bonne glu,
aussi efficace, aussi résistant à la dessiccation que le tanglfoot américain,
par exemple. Or, il faut des ceintures de glu aux troncs si l’on veut arrêter
l’invasion des larves et des chenilles dans l’arbre.
Nos
usines à gaz ne pourraient-elles trouver au fond de leurs cornues de ces
sous-produits sulfo-calcaires que les Italiens nous fournissent et qui sont
d’excellents insecticides.
Et
la poudre de pyrèthre… qu’on va chercher à grands frais en Dalmatie, au
Monténégro, et qui viendrait à merveille sur nos sols les plus ingrats…
Voilà
quelques-unes des idées qui jaillissent et s’élaborent dans le petit enclos
de la station entomologique de Saint-Genis-Laval.
27/07/1926 LE PROGRES
Séance du Conseil général du Rhône
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