COUPURES DE PRESSE (suite)
Fortifions les races
L'idée
du planteur de Saint-Vallier, basée sur la constatation directe des faits est
d'une portée biologique impressionnante.
Évidemment les doctrines pastoriennes ont été poussées à l'extrême.
L'infection comme l' " infestation " ne sauraient rendre compte de
tous ses faits. Tous les germes morbides sont partout et tous les êtres vivants
y sont à peu près également exposés. Quand l'on découvre, par exemple, du
bacille de Kock chez un tuberculeux, l'on a simplement démontré que cet homme
offrait un terrain de culture au microbe de la tuberculose.
Le cadavre attire, fatalement, par les lois infrangibles de l'instinct, toute la
cohorte merveilleusement échelonnée des parasites nécrophages. Si bien que
l'on peut rigoureusement supputer le date de la mort d'après les insectes qui
rôdent sur les chairs et sur les ossements.
Il est dans l'ordre de la connaissance et de la raison que ce qui se passe pour
le mort se passe pour le vif. S'il y a la faune des tombeaux, les nécrophages
accourant dès que tombe un oiseau ou un homme, il y a aussi - les faits en
témoignent - une faune des débiles et des malades. Les germes, les parasites
se jettent sur l'être dont la vie faiblit. Et l'attaque s'aggrave à mesure que
défaille la résistance.
Cette hypothèse a du moins le mérite de rendre compte de bien des faits qui se
passent sous nos yeux. Qu'est ce que ces maladies, ces parasites à invasions
mal expliquées et qui se multiplient d'une année à l'autre sur la pomme de
terre, le vigne, les arbres fruitiers ?
Faut-il admettre qu'autrefois tous ces germes néfastes n'existaient pas ?
Peut-être ! Mais pourquoi ne pas admettre aussi que la résistance des
végétaux a faibli ?
Et l'expérience de Saint-Vallier, corroborée par une foule d'autres
observations, en fournit l'explication :
Comment ont été reproduits, depuis des siècles, la pomme de terre, la vigne,
les arbres fruitiers ? Par bouture, à peu près exclusivement.
L'œil de la pomme de terre n'est qu'une bouture, au même titre que le rameau
de cep, que le rejeton du pêcher, de l'abricotier, de l'olivier, etc.
Ce mode de reproduction-là est asexué : le même individu cep, abricotier se
reproduit de lui-même, sans mariage. C'est en quelque sorte le même sang, le
même être qui poursuit sa vie, après dédoublement.
Tout autorise à penser qu'il vieillit plus vite et, partant, qu'il subit les
tares de la vieillesse, ses affaissements, ses réceptivités.
Il devient ainsi la proie offerte a tous les germes, à tous les parasites
" pathophiles " et la victime de sa sénilité héréditaire.
N'est ce pas une loi de biologie générale que les reproductions asexués,
surtout quand elles s'effectuent dans le même milieu, s'atrophient par degré
et cessent rapidement.
La vie, l'énergie vitale ne se renouvellent qu'aux corolles, pudiques et
profondes. La force des races est sous la loi impérative du sexe.
Mais le cultivateur, le viticulteur, l'arboriculteur ne sauraient chaque fois
remonter la graine de pomme de terre, au grain de raisin, au noyau du fruit.
Il faut des années et des années pour obtenir à partir du fruit l'arbuste
productif. Alors, il s'adresse à ses voisins ou bien aux marchands de plants du
pays. Et il plante ce qu'on lui vend.
Dramatique jeu de hasard ! Ne joue-t-il pas sur les frêles plançons, acquis au
prix fort, des années de travail, de dépenses, de privations !
C'est pourtant sur cette loterie qu'ont vécu et que vivent encore des
populations entières ! Que de désillusions ! Que de misères !
Et pourtant, les chercheurs persévérants n'ont point fait défaut. Tous les
viticulteurs ont présents à l'esprit les noms des Seibel, des Couderc,
d'Aubenas ; des Castel, de Carcassonne ; des Malègue, de Pezillat-la-Rivière ;
des Perbos, de Saint-Etienne-de-Fougère ; des Gaillard, de Brignais ; des
Berthier, de Sèves.
La plupart se sont épuisés à la peine sans grand profit ni pour eux, ni pour
l'œuvre immense.
C'est l'État qui doit poursuivre cette œuvre nationale
En
vérité - et l'expérience le démontre - la recherche incessante des
meilleures semences, la sélection des plants, la " police " contre
les dévastateurs de l'agriculture, tout cela dépasse les forces d'un homme. Il
y faut une institution d'État permanente, parfaitement pourvue de compétences
et de moyens d'action.
La Compagnie P-L-M, avec ses études agronomiques, ses conférences, ses
laboratoires, ses tracts de culture pratique, ses pépinières, ses champs
d'expérience, ses distributions généreuses de plants, etc., la Compagnie
P-L-M réalise à merveille l'esquisse de ce que l'État devrait organiser sur
le plan national.
Il reste encore beaucoup à dire sur tout cela, mais il reste encore plus… à
faire. Qu'on s'y mette au plus vite ! Voilà la raison de cet article et sa
conclusion.
LES INSECTES ? OUI MAIS APRES ?
07/04/1923
Le Progrès
L'immunologie comparée
En vaccinant des chenilles, M. Paillot montre de nouveaux modes de défense de l'organisme contre l'infection
En son laboratoire de Saint-Genis-Laval, M.
André Paillot, directeur de la station entomologique, poursuit des recherches
qui sont pour l'agriculture d'un intérêt direct, immédiat.
Le Progrès a parlé déjà des résultats démonstratifs qu'il a obtenus dans
le vallée du Rhône pour la préservation des arbres fruitiers et des fruits.
Or, voici que cet esprit positif s'élève d'un large coup d'aile dans les
régions inexplorées de la science.
Occupé à détruire les parasites, il s'est efforcé des ennemis mortels : les
parasites des parasites. J-H Fabre en avait décrit quelques unes, notamment :
le parasite de l'asticot. Descendant plus profond encore, M. Paillot, cherchant
les moyens de déchaîner les épidémies artificielles pour détruire les
insectes nuisibles, en vient à projeter sur le seuil de la vie, grouillant
d'infiniment petits en incessante destruction, reconstruction, des faisceaux de
clartés qui révèlent quelques grandes vérités lointaines et même quelques
grosses erreurs.
Gendarmerie phagocytaire
On
connaît la théorie de Metchnikoff, généralement admise par les biologistes :
la défense de l'organisme contre les maladies serait assuré constamment,
automatiquement, par une sorte de gendarmerie cellulaire qui, dès la
pénétration d'un corps étranger ou d'un microbe, court sus à l'intrus,
l'appréhende, le met hors d'état de nuire, au besoin en le dévorant. Cela
s'appelle la phagocytose.
Chez les invertébrés et, particulièrement chez les insectes, il n'y en a pas
de même. Il arrive, par exemple, que les gendarmes de l'organisme succombent et
que, pourtant, le parasite est finalement vaincu.
Le plus souvent ( en ce qui concerne les cas d'immunité étudiés par M.
Paillot ), l'insecte triomphe de l'infection par le seule action bactéricide du
sang. Exemple :
Une chenille de Noctuelle ou " ver gris " ( on les trouve
fréquemment en été au pied des salades et en hiver, dans les jardins à fleur
de terre ) est inoculée avec un microbe isolé, en 1919, de hanneton pris dans
la région lyonnaise ; le microbe se multiplie d'abord activement dans le sang
de la chenille ; au bout de 8 à 9 heures, la disparition des microbes est
complète ; la chenille est vaccinée, c'est-à-dire qu'elle détruit les
bacilles nouvellement injectés dès après leur pénétration dans le sang.
Le phénomène est à peu près identique à ceux qu'on observe fréquemment
dans l'organisme des vertébrés immunisés contre certaines maladies
infectieuses, mais le mécanisme de la réaction est tout différent et
l'immunisation est à peu près immédiate.
M. Paillot démontre, en effet, que la destruction des microbes dans le sang
n'est pas seulement due à la présence dans ce milieu de substances nouvelles
élaborées au cours de l'immunisation, mais doit être considérée comme
l'aboutissant de réactions colloïdales complexe entre le sang d'une part et la
substance microbienne d'autre part. Il est possible de mettre en évidence la
transformation colloïdale du sang examiné à l'ultramicroscope, le sang des
chenilles immunisées apparaît comme un liquide tenant en suspension
d'innombrables particules ultra-microscopiques, alors que le sang normal est
relativement homogène.
La bactériologie générale
Aucun
des deux cas d'immunité étudiés chez les insectes ne peut être expliqué par
les théories actuellement admises par la plupart des bactériologistes. De
cette constatation, M. Paillot tire la conclusion que voici :
Il y a une pathologie infectieuse des invertébrés qui diffère essentiellement
de la pathologie infectieuse des vertébrés ; on ne saurait don envisager le
problème de l'infection dans la série animale par les seules fenêtres de la
médecine, c'est-à-dire avec l'idée que les invertébrés devaient répondre
aux infections comme y répondent les vertébrés. Une étude méthodique de
l'infection dans la série animale est indispensable pour l'avenir de la
bactériologie. Pour cette science nouvelle, M. Paillot propose le nom
d'Immunologie comparée.
Le savant directeur de la station entomologique du Sud-Est montre lui-même dans
la thèse substantielle qu'il vient de soutenir à Paris pour le doctorat des
sciences, tout ce que ces investigations aux profondeurs abyssales de la vie
invisible permettent d'entrevoir.
Sans doute ce n'est point de sitôt que l'on pourra, à coup sûr, déchaîner
des épidémies artificielles anéantissant les insectes nuisibles, mais
l'étude des réactions élémentaires dans les organismes inférieurs éclaire
singulièrement les phénomènes complexes de l'infection chez l'homme.
Les microbes des insectes sont les frères sinon les pères des nôtres. A ce titre la, du moins, ils doivent nous intéresser.
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