Milan 1927 :
C'est à PASTEUR, semble-t-il, que revient le mérite. d'avoir mis en évidence l'existence d'une maladie des Vers à soie, la flacherie, différente de la maladie des corpuscules. Examinant le contenu intestinal de Vers atteints de cette affection, PASTEUR constate la présence constante de nombreux microorganismes :
« l° Des Vibrions souvent très agiles avec ou sans noyaux brillants dans leur intérieur;
2° une Monade à mouvements rapides;
3° Bacterim termo ou un Vibrion très ténu qui lui ressemble;
4° un ferment en chapelets de petits grains».
Cette dernière espèce est la plus intéressante;
c'est celle qui a été rencontrée le plus fréquemment. Pour PASTEUR la
flacherie n'est pas autre chose qu'une maladie provoquée par la fermentation
anormale du contenu intestinal : « lorsque les Vibrions, dit-il, abondent dans
le matières du canal intestinal, les fonctions digestives se trouvent
suspendues et les parois du canal ne tardent pas à s'altérer » ?
Dans le cas où le microbe en
chapelets de grains est l'hôte principal du tube digestif, l'évolution de la
flacherie est lente ; « la maladie des vers se traduit dans ce cas par un état
languissant; par une grande lenteur de mouvements lorsqu'ils montent à la bruyère
ou qu'ils commencent à filer leur soie. Néanmoins, ils peuvent faire leur
cocon, se transformer en chrysalides, celles‑ci en papillons et ces
papillons avoir le plus bel aspect, mais la graine provenant de tels papillons,
bien que non infestée, donne naissance à des vers prédisposés à la
flacherie ».
Les causes pré disposantes jouent un rôle très important, d'après PASTEUR, dans la flacherie accidentelle ; parmi ces causes, on peut citer la trop grande accumulation des vers aux divers âges de l'insecte; la trop grande élévation de la température au moment des mues; la suppression de la transpiration par les effets du vent dit « marin » ou par un défaut prolongé d'aération ; le temps orageux; la feuille échauffée et mal aérée; le simple changement subi dans la nature de la feuille.
« Parmi ces causes - écrit
PASTEUR - il en est dont les funestes effets s'accusent dans l'intervalle de 24
heures. D'autres ne font qu'affaiblir le ver, souvent à l'insu de l'éducateur
qui se trouve fort étonné plus tard de voir sa chambrée décimée par la
flacherie sans avoir commis d'imprudence apparente à la veille du désastre.
Mais la faute a existé longtemps auparavant; c'est ainsi par exemple que les
choses se passent quand on a laissé la température s'élever au moment des
mues ».
Au moment où PASTEUR publiait le résultat de ses recherches sur la flacherie du Ver à soie et où il mettait en lumière la rôle des Microorganismes, VERSON publiait un mémoire sur la même maladie et affirmait au contraire que le développement de la flacherie était sans rapport avec le développement des ferments intestinaux. Ces ferments, en particulier le Vibrion et le ferment en chapelets de grains, ne se multiplient anormalement, d'après sa théorie, que lorsque l'organisme est déjà en état de maladie. La vraie cause devrait être cherchée dans l'obstruction des vaisseaux malpighiens par les cristaux d'acide urique, obstruction qui détermine des troubles dans la nutrition et l'assimilation et contribuent à empoisonner le sang qui se décompose.
Une thèse analogue est soutenue aujourd'hui par C. ACQUA qui distingue la flacherie typique, caractérisée par la résorption du sang et la perte de la tonicité musculaire; la pseudo-flacherie, qui se manifeste par la contraction du corps au moment de la mort; l'apoplexie ou « morti passi ». ACQUA semble admettre avec beaucoup d'auteurs, que la macilenza ou gattine représente la forme chronique de la flacherie typique. Il considère donc que cette maladie n'est pas de nature parasitaire; la forme aiguë, c'est-à-dire la flacherie typique, aurait pour cause une altération de la fonction malpighienne de nature encore inconnue: à l'appui de cette thèse, il donne les arguments suivants :
1. La flacherie est surtout fréquente
vers le 5ème ou le 6ème
jour du 5ème âge.
2.
D'après les recherches d'HIRATSUKA ECKITI, 1 activité malpighienne devient précisément
très grande à cette époque de la vie de l'insecte.
3.
La flacherie est caractérisée par une altération profonde des tubes de
Malpighi.
4.
Souvent on trouve des vers dans lesquels les symptômes de flacherie sont plus
avancés dans la partie postérieure du corps à partir du 9ème anneau que dans la partie antérieure; on peut admettre, dans
ce cas, dit l'auteur, que par suite de l'altération survenue aux tubes de
Malpighi, des toxines spéciales sont produites qui agissent principalement sur
les tissus et organes dans lesquels se déverse le contenu des tubes de
Malpighi, c'est à dire dans l'intestin postérieur.
L'étude des lésions tissulaires
qui caractérisent la flacherie de C. ACQUA a été faite par A. FOA. Cet auteur
donne d'abord une description détaillée de l'histologie normale du tube
digestif et conclut de ses observations que la paroi du tube intestinal moyen
est formée de deux types de cellules qui alternent régulièrement: les
cellules caliciformes de type sécrétant et les cellules cylindriques, de type
absorbant, toutes deux participent à la sécrétion intestinale. Chez les vers
en état de flacherie, les cellules caliciformes seraient détruites électivement;
ainsi s'expliqueraient les modifications profondes qu'on observe dans la
composition du suc intestinal dont la réaction devient nettement acide.
D'après OSAMU SHINODA, les
cellules caliciformes représenteraient la phase de repos des cellules sécrétantes
et absorbantes, c'est-à-dire des cellules cylindriques.
Si nous résumons l'ensemble des opinions émises jusqu à ce jour sur la flacherie, nous voyons qu'elles peuvent être groupées en deux écoles :
École de Pasteur : la flacherie est une maladie unique causée
par la multiplication anormale, dans le contenu intestinal du Ver à soie, de
microorganismes divers. cette multiplication est toutefois conditionnée par
l'action de certains facteurs.
École italienne : la flacherie n'est pas une
maladie microbienne; sa cause n'a pu être encore déterminée avec certitude ;
la gattine ou macilenza ne serait que la forme chronique de cette affection.
Sans
entrer dans le détail de toutes mes recherches, je suis en mesure de pouvoir
affirmer et démontrer :
1. Que la flacherie n'existe pas en tant qu'entité morbide définie, mais qu'il existe un certain nombre d'affections du tube intestinal différentes par leurs causes comme par les lésions qu'elles provoquent ;
3.
Qu'il existe des formes de gattine compliquée d'infections secondaires dont les
symptômes sont ceux de la flacherie de PASTEUR,
4. Qu'il existe
un certain nombre d'affections intestinales dont les symptômes externes sont
ceux de la flacherie de PASTEUR, mais dont la cause n'est pas microbienne
5.
Que la flacherie désignée par C. ACQUA sous le nom de la Flacherie typique,
est une entité morbide déterminée dont la cause n'est vraisemblablement pas
microbienne; cette affection est très rare en France.
Il existe des régions en France,
dans la Basse-Ardèche notamment, où la gattine, désignée aussi sous le nom
de maladie des « têtes claires », existe à l'état pur et cause chaque année
des dégâts très importants. L'examen du contenu intestinal permet de reconnaître
la présence, à l'état de pureté. d'un Microcoque colorable par la méthode
de Gram et de forme identique au ferment en chapelets de petits grains de
PASTEUR. Si l'on ensemence avec ce contenu des tubes de gélose inclinée, les
ferments donnent naissance à de petites colonies toutes semblables ; des
isolements de Microcoque ont été faits en divers lieux et pendant deux années
consécutives ; toujours le microbe isolé était spécifiquement le même et
toujours il était obtenu à l'état de pureté lorsque les symptômes de la
maladie étaient bien ceux de la gattine ; on peut donc conclure de ces faits
qu'il existe une corrélation étroite entre la maladie et le Microcoque.
L'inoculation dans la cavité générale de Vers à soie normaux, d'une goutte
d'émulsion obtenue en diluant une parcelle de culture dans l'eau physiologique,
déclenche la maladie avec ses symptômes et ses lésions caractéristiques.
Si l'on fait ingérer à des Vers
à soit normaux une goutte de la même émulsion, on déclenche la maladie dans
un certain nombre de cas, mais après une durée d'incubation de 5 à 6 jours;
l'infestation réussit mieux si l'on emploie le contenu intestinal de Vers
malades.
Les lésions internes sont des
plus caractéristiques; si l'on fait une coupe longitudinale du tube digestif de
Vers malades, après fixation par le formol salé et post chromisation, qu'on
colore par la méthode de KULL, on constate que les cellules épithéliales du
tiers postérieur de l'intestin moyen sont toutes très altérées; la structure
du noyau, en particulier, est profondément modifiée; les nucléoles, d'abord
rejetés à la périphérie, sont ensuite détruits; les grains de chromatine
augmentent de volume, se colorent intensément par les couleurs basiques, puis
se fondent en masses d'aspect laqué sans structure apparente. Le cytoplasme se
vacuolise, les chondriocontes ont tendance à se fragmenter et se grouper autour
du noyau qui s'hypertrophie; les inclusions de graisse, qui existent normalement
dans les cellules épithéliales postérieures deviennent plus nombreuses et généralement
plus grosses.
Ces lésions ont été observées
chez tous les Vers à soie d'origine les plus diverses, présentant les symptômes
de gattine. On peut en conclure que la gattine est une entité morbide bien définie
et qu'elle a pour cause directe le Streptococcus bombycis. Ce n'est dons
pas comme l'affirment certains auteurs, la forme chronique de la flacherie.
L'altération des cellules épithéliales
est limitée à une zone bien définie de l'intestin moyen dont la longueur,
ainsi que nous l'avons déjà dit, est sensiblement le tiers de la longueur
totale de l'intestin: cette zone correspond à une différenciation histologique
et fonctionnelle entrevue par certains auteurs. A. FOA, en particulier, a fort
bien observé que les cellules épithéliales de la partie postérieure de
l'intestin moyen ne présentaient pas le même aspect que celles de la région
antérieure. Cette différenciation avait été mise en évidence dès l'année
1898, chez les larves de Tenebrio molitor, par BIEDERMANN. L'étude du
PH, chez le Ver à soie normal, montre que celui de la zone antérieure de
l'intestin moyen est toujours inférieur de 0,2 à 0,3 à celui de la zone postérieure.
Chez le Ver normal atteint de gattine, le PH moyen devient nettement plus élevé
que chez le Ver normal et on ne constate pas de différence sensible entre le PH
des régions antérieures et postérieures. Il semblerait donc que les cellules
épithéliales antérieures cessent de fonctionner. On observe, en effet, après
fixation et coloration par les méthodes mitochondriales, que le chondriome de
celles se transforme plus ou moins complètement en grains de grosseur variable.
On observe aussi que la paroi de la zone postérieure est en voie de destruction
plus ou moins active, un certain nombre de cellules. épithéliales se détachent
de cette paroi et tombent dans la lumière du tube. Ces cellules isolées ou
groupées correspondent aux vésicules de structure singulière observées par
VERSON chez les Vers atteints de macilenza et vraisemblablement aux cellules
prises pour des Grégarines par le Prof. Tigri.
Bien qu'on observe assez souvent,
en période de digestion normale, une destruction plus ou moins active de
cellules épithéliales, il ne semble pas qu'on puisse établir un rapprochement
entre les deux états physiologiques différents; mais on peut admettre que la
substance résultant de la fonte des cellules soit la cause de l'alcalinisation
du contenu intestinal.
Si les épidémies de gattine
pure sont fréquentes en certaines régions, dans d'autres, par contre, elles
constituent l'exception; mais assez souvent il arrive que l'infection principale
à Streptococcus bombycis est compliquée d'infections secondaires les
symptômes de gattine disparaissent alors et on croit avoir affaire à la
flacherie ordinaire. Les microbes d'infection secondaire
appartiennent aux espèces les plus diverses ; j'ai isolé ainsi, depuis
le début de mes recherches sur les maladies du tube digestif du ver à soie,
plus de 20 espèces différentes dont aucune ne joue un rôle capital dans la
maladie. Les microbes d'infection secondaire prennent parfois la place du
Streptocoque, qui peut disparaître presque complètement du contenu intestinal.
Mais l'étude histo et cyto‑pathologîque des Vers en état de maladie
permet toujours de reconnaître facilement les lésions caractéristiques de la
gattine.
Parmi les. espèces microbiennes
qui cohabitent ordinairement avec le Strept. bombycis, il convient de citer en
tout premier lieu un Bacille sporulé dont la forme est identique à celle des
Vibrions à noyaux découverts par PASTEUR.
Ce bacille diffère nettement de
toutes les espèces décrites jusqu'ici comme parasites du Ver à soie, par son
inaptitude à cultiver sur les milieux nutritifs artificiels employés pour la
culture des Microbes aérobies ou anaérobies; l'emploi de milieux spéciaux à
base de feuilles de Mûrier ou de tissus de Ver à soie ne m'a pas donné de
meilleurs résultats. Le Bacille sporulé est beaucoup moins pathogène pour le
Ver à soie que le Streptococcus bombycis et ne semble se multiplier dans
le contenu intestinal que si le Ver est en état d'affaiblissement ou s'il est déjà
parasité. Je l'ai rencontré à l'état de pureté dans un élevage de la
Basse‑Ardèche où la mortalité était relativement importante à la
sortie de la 4.ème mue: les symptômes étaient ceux de la flacherie de
PASTEUR; contrairement à mes prévisions, l'épidémie ne s'est puis aggravée
par la suite et la récolte a été moyenne. L'étude anatomo-pathologique des
Vers malades m'a permis de constater que beaucoup d'entre eux étaient atteints
de grasserie; la cause de la multiplication anormale du Bacille peut être
cherchée dans l'action prédisposante du virus de la grasserie (nous avons vu
que ce virus parasitait les cellules épithéliales de l'intestin moyen); elle
peut être cherchée aussi dans les conditions même de l'élevage; l'éducateur
a reconnu en effet que les Vers avaient été tenus beaucoup trop serrés depuis
leur naissance et que les dimensions du local ne permettaient pas d'élever
normalement une telle quantité de Vers à soie.
Les lésions déterminées par la multiplication anormale du Bacille sporulé sont beaucoup moins caractéristiques que celles du Streptocoque, néanmoins on peut parler d'une entité morbide déterminée puisque le développement de ce Microbe a pour conséquence une diarrhée comparable à celle que se manifeste au cours de l'évolution des autres maladies du tube intestinal.
Dans la nature, le Bacille sporulé
est fréquemment associé avec le Streptocoque : son développement est assuré
grâce à la multiplication de cette dernière espèce. C'est à une telle
association que doit être attribuée la destruction totale d'un de mes élevages
de laboratoire en 1926; il est juste de faire observer que le déclenchement de
l'épidémie a été rendu possible par un certain état de prédisposition des
Vers résultant en premier lieu d'un changement brusque des conditions d'élevage
à la sortie de la 3.ème mue (nous verrons par la suite qu'un tel changement
peut être la cause de lésions très graves des cellules épithéliales de
l'intestin moyen). L'odeur butyreuse, souvent considérée comme caractéristique
des épidémies de flacherie (senso largo), était particulièrement
nette au plus fort de l'épidémie ; comme cette odeur n'est nullement
perceptible dans les élevages atteints de gattine pure, on doit en conclure
qu'elle a pour cause principale le Bacille sporulé. L'étude histo et cyto‑pathologique
des Vers malades m'a permis de constater que le Streptocoque jouait le rôle
principal dans l'infection mixte; même chez les Vers où le Bacille se
rencontrait à l'état presque pur dans le contenu intestinal diarrhéique, on
pouvait reconnaître les lésions caractéristiques de la gattine.
A
mon avis, ce que PASTEUR a décrit sous le nom de flacherie ce n'est pas autre
chose que la gattine compliquée d'infections secondaires. Sa théorie sur le rôle
fondamental des microorganismes, en particulier sur celui du ferment en
chapelets de petits grains, était donc juste.
La gattine pure ou compliquée d'infections secondaires est certainement l'affection intestinale qui cause en France les dégâts les plus importants. Les microorganismes ne sont cependant pas seuls à incriminer; la pathogénie du tube intestinal est conditionnée aussi par d'autres facteurs de nature physique ou chimique dont il importe de préciser la nature et le rôle. L'action pathogène de ces facteurs se manifeste par la production de lésions cellulaires et tissulaires qui permettent de caractériser les affections dont ils sont la cause. Trois cas différents, qui constituent autant d'entités morbides différentes, ont été étudiés jusqu'içi:
Elle
a été observée dans une filature de l'Ardèche où l'on faisait l'élevage
industriel de Vers à soie dans un local voisin de la salle de manipulation des
cocons; chaque année, une proportion importante de Vers du 5ème âge mouraient en présentant les symptômes généraux de la
flacherie de PASTEUR; une seule fois la récolte fut assez bonne: ce fut une année
où la magnanerie avait installé dans un local éloigné de la salle de
manipulation des cocons. L'influence des poussières apparaît ici prépondérante.
J'ai pu d'ailleurs reproduire expérimentalement la diarrhée caractéristique
de la flacherie en faisant ingérer à des Vers à soie normaux de la poussière
prélevée sur la déblazeuse ([1])
de la filature. Quel est le mécanisme de l'action des poussières? A priori, le
rôle des microbes semble secondaire, les cocons étant soumis à l'action
prolongée de la chaleur à leur entrée dans la filature. L'action mécanique
de la poussière parait nulle; en effet, l'ingestion de nourriture souillée
avec poussière ordinaire ne détermine aucune diarrhée.
L'action des poussières de
filature parait se réduire, en dernière analyse, a celle d'un poison
accompagnant les sécrétions normales du Ver à soie, en particulier la bave
que l'on retrouve en abondance autour des cocons et qui forme la bourrue.
L'action du poison est surtout marquée chez les jeunes Vers; en leur faisant
ingérer de la feuille de mûrier souillée avec débris de bourre, on les met généralement
en état de diarrhée. Le mécanisme de cette action n'a pu être encore précise.
Le développement des Bactéries est postérieur à l'intoxication; il est
simplement favorisé par l'état pathologique du Ver.
L'étude. histo et cyto‑pathologique des Vers en état de diarrhée montre que les cellules de l'intestin moyen sont en état de fonctionnement anormal: après fixation par les méthodes mitochondriales et coloration par la méthode de Kull, on 'constate que la plupart des cellules épithéliales présentent de grandes vacuoles semblables à celle des cellules caliciformes mais non ciliées intérieurement. Le chondriome est peu altéré au début, mais après action prolongée du poison, on constate la transformation des chondriocontes de certaines cellules en grains arrondis, ou en forme de, goutte d'eau. On constate aussi la destruction d'un nombre plus ou moins considérable de cellules de la paroi: ces cellules tombent dans la lumière du tube et la substance qui les forme se fond avec celle qui constitue la membrane péri trophique ; ainsi s'explique le phénomène de l'épaississement de cette membrane signalé par maint auteurs chez les Vers à soie atteints de flacherie. L'origine cellulaire apparaît nettement grâce à la présence de grains de chondriome altéré qui persistent longtemps dans la masse de la membrane. Ce phénomène n'est pas spécial à l'affection qui fait l'objet de cette étude; on l'observe aussi chez les Vers à soie atteints de gattine ou de maladies intestinales d'origine non microbienne.
Les constatations que j'ai faites
sur l'action pathogène d'un poison accompagnant les produits normaux de sécrétion
du Ver à soie, sont à rapprocher des observations déjà anciennes faites par
certains sériciculteurs sur l'influence néfaste exercée par les Vers montant
à la bruyère, sur les Vers plus jeunes élevés dans le même local. Cette
influence est attribuée au « goût de soie ».
Ce deuxième type d'affection
intestinale amicrobienne a été observé en 1925 dans une magnanerie de la
Basse-Ardèche. L'épidémie éclata brusquement à la sortie de la 4ème
mue. Les vers avaient été transportés à la, sortie de la 3ème
mue, d'une cuisine pourvue d'une grande cheminée et chauffée au bois, dans une
grande magnanerie chauffée au charbon de terre mais très bien aérée. Une
partie de l'éducation avait été conservée dans la cuisine; elle donna une
excellente récolte.
L'étude de la flore intestinale
des Vers de la grande magnanerie n'a pas permis de mettre en évidence une seule
espèce microbienne susceptible de jouer le rôle de parasite; elle a montré
par contre que le contenu intestinal de certains Vers en état de diarrhée était
remarquablement pauvre en microbes. Enfin l'allure de l’épidémie était très
différente de celle d'une épidémie de nature infectieuse. Le changement
brusque des conditions d'élevage à la sortie de la 3ème mue m'a
paru devoir être considéré comme la cause déterminante de la maladie. Il résulte
d'ailleurs de nombreuses observations faites par moi-même et par certains éducateurs,
que le changement des conditions d'élevage à la sortie des premières mues présente
très souvent de graves inconvénients pour la marche générale de I'éducation.
On a constaté par exemple que l'éducation en plein air donne de bons résultats
sous notre climat lorsqu'elle est commencée dès l'éclosion des Vers, mais réussit
beaucoup moins lorsque les Vers sont placés sur les arbres à partir de la 2ème
ou de la 3ème mue.
L'étude
histo et cyto‑pathologique par les méthodes mitochondriales m'a permis de
préciser la nature des lésions qui caractérisent la maladie; le noyau des
cellules épithéliales de I'intestin moyen parait normal; par contre, le
chondriome est le siège d'altérations très étendues; au stade le plus avancé
de l’évolution de la maladie, la plupart des chondriocontes sont transformés
en grains de grosseur variable; quelques‑uns de ces grains, accumulés généralement
dans la partie de la cellule qui regarde la lumière du tube intestinal,
atteignent des dimensions énormes; on ne distingue aucune différence dans la
nature des lésions du chondriome entre les régions antérieure et postérieure
de l’intestin moyen.
Tous les vers examinés ayant présenté les mêmes lésions, on peut considérer celles-ci comme caractéristiques de la maladie étudiée. Si l'on admet que le chondriome joue un rôle important dans la sécrétion intestinale, on doit en conclure que sa destruction a pour conséquence une altération profonde de la, fonction digestive, suffisante pour entraîner la mort des Vers à soie.
Le changement brusque des conditions d'élevage à la sortie des premières mues n'a pas toujours des conséquences aussi graves: l'effet morbide peut se borner à un affaiblissement général des Vers à soie qui rend possible le développement des Bactéries intestinales en particulier, du Streptococcus bombycis. Dans ce cas, qui doit être assez fréquent dans la pratique, le facteur agit comme cause prédisposante.
Dans ce dernier cas de dysenterie
amicrobienne, je place l'affection dont les symptômes correspondent à ceux de
la « flacherie typique » de C. ACQUA. Contrairement à ce que pense mon
honorable collègue italien, cette affection diffère de toutes les autres
maladies du tube intestinal, c'est une entité morbide bien définie. Elle ne
cause d'ailleurs, en France tout au. moins, que des dégâts insignifiants;
ainsi depuis l'année 1924, je n'ai eu l'occasion d'étudier que trois cas bien
caractérisés, dont un dans mes élevages de laboratoire. Les symptômes
externes étaient bien ceux décrits par C. ACQUA : mort rapide avec relâchement
de l'appareil musculaire ; intestin gonflé sur toute son étendue; sang résorbé
presque totalement ; tubes de Malpighi profondément altérés.
Mes
recherches propres, d'après les méthodes mitochondriales, ont mis en évidence
les faits suivants :
1. Le chondriome de toutes les cellules épithéliales de l'intestin moyen est profondément altéré : ll se présente sous forme de goutte d'eau, puis de grains et finalement de vésicules.
2. La vacuole ciliée des cellules caliciformes a tendance à se résorber: les cils apparaissent agglutinés; leur masse se concentre de plus en plus; finalement, ils sont expulsés dans la lumière intestinale. Il n'y a donc pas destruction des cellules caliciformes comme le dit A. FOA, ais destruction des vacuoles ciliées.
3. Au terme du processus morbide,
toutes les cellules épithéliales présentent le même aspect: cytoplasme
coloré d'une manière homogène et rempli de grains ou de vésicules d'origine
mitochondriale. Le fonctionnement de toutes, et non pas seulement celui des
cellules caliciformes, est profondément altéré; les noyaux ne sont pas détruits
comme dans la gattine.
4. Un nombre plus ou moins grand de cellules épithéliales se détachent de la paroi et contribuent à accroître l'épaisseur de la membrane péri trophique.
5. L'altération mitochondriale
s'étend à toutes les cellules de l’organisme, y compris les cellules
musculaires; ainsi s'explique le relâchement de l'appareil musculaire avant la
mort.
Tout se passe comme si la tonicité
du système cavitaire baissait brusquement et entraînait la résorption du sang
par osmose à travers la paroi intestinale en même temps que la transformation
générale du chondriome en grains.
La cause primordiale de toutes ces altérations ne paraît pas devoir être attribuée à une espèce microbienne déterminée: en effet, l'étude de la flore microbienne intestinale des Vers à soie en état de maladie nous montre que les espèces microbiennes sont extrêmement variables. Aucune de celles qui ont été isolées n'a été capable de reproduire expérimentalement la maladie; même le contenu intestinale des Vers malades est sans action sur les Vers normaux.
La marche de, l'épidémie fait
penser bien plus à une action extérieure (intoxication ou asphyxie) qu'à une
maladie parasitaire. Dans l'impossibilité où j'ai été jusqu'ici de pouvoir
reproduire expérimentalement la maladie, sa cause véritable reste encore
hypothétique. Elle doit correspondre vraisemblablement à cette flacherie
accidentelle que PASTEUR attribuait à l'action de certaines causes pré
disposantes dont « les funestes effets s'accusent dans l'intervalle de
24 heures ».
La pathogénie des affections intestinales du Ver à soie, telle qu'elle résulte de mes observations et expériences, se présente sous un jour différent de celui sous lequel elle a été envisagée jusqu'ici. Cette nouvelle conception s'oppose beaucoup moins cependant à l'ancienne conception de PASTEUR qu'à celle de l'École Italienne, dont elle infirme certaines des conclusions les plus importantes. On peut caractériser ainsi la pathologie générale du tube intestinal du Ver à soie: cet organe est le siège d'affections diverses ou dysenteries, les unes microbiennes, les autres de nature non parasitaire. Parmi les premières, la gattine seule est véritablement infectieuse. C'est une entité morbide bien définie à laquelle on peut conserver le nom de gattine ou de macilenza.
Lorsqu'elle est compliquée d'infections secondaires, elle se manifeste par des symptômes différents de ceux de la gattine pure. A cette forme complexe, qui est celle étudiée par PASTEUR, je propose de réserver le nom de flacherie vraie ou flacherie de PASTEUR. Les affections intestinales de nature non parasitaire constituent les dysenteries amicrobiennes dont les causes sont diverses: l'une a pour cause l'action d'un poison organique accompagnant les produits normaux de sécrétion ou d'excrétion du Ver à soie; une deuxième, le changement brusque des conditions d'élevage, température et nourriture principalement, à la sortie des premières mues, de la 3.ème surtout; la dernière est celle étudiée par ACQUA sous le nom de flacherie typique; sa cause n'a pu être déterminée avec certitude, mais son rôle économique peut être considéré comme nul en France.
Les causes qui provoquent ces
dernières maladies peuvent agir comme causes pré disposantes dans la gattine
et la flacherie vraie. Il est certain par exemple que la première et la deuxième
favorisent, dans beaucoup de cas, le développement du Streptococcus bombycis
et du Bacille sporulé et peuvent parfois provoquer indirectement le déclenchement
d'épidémies très graves; mais il ne reste pas moins qu'à elles seules, elles
peuvent déterminer aussi la production de lésions tissulaires et cellulaires
bien déterminées et assez graves pour entraîner la mort. Les autres causes prédisposantes
énumérées par PASTEUR jouent un rôle plus ou moins important dans la gattine
et la flacherie vraie; leur effet morbide se manifeste surtout pendant le jeune
âge.
Pour lutter efficacement contre les diverses affections du tube intestinal, il faut intervenir préventivement. La gattine simple ou complexe étant la plus importante de toutes les affections intestinales, c'est contre elle qu'il convient de lutter en tout premier lieu. Je n'exposerai pas ici le détail de toutes le mesures pratiques qu'il conviendrait d'appliquer pour éviter la maladie; beaucoup d'entre elles sont déjà mentionnées dans les manuels ou les traités de sériciculture, mais il leur manque la base scientifique qui seule permet de les coordonner et de juger de l'opportunité de leur emploi. Je ne mentionnerai que les plus importantes, celles qui découlent plus directement de mes recherches propres.
1.
La désinfection des locaux et du matériel d'élevage est indispensable pour
faire disparaître des magnaneries le parasite de la gattine; cette désinfection
est déjà appliquée dans un certain nombre de magnanerie, mais les procédés
en usage ne donnent généralement que des résultats très imparfaits. Les
mesures suivantes, à la portée de tous les éducateurs, sont suffisantes pour
arriver au but qu'on se propose: aussitôt après la levée des cocons, nettoyer
avec soin les locaux et le matériel d'élevage, par lavage avec une solution de
carbonate de soude ou de potasse; exposer pendant plusieurs jours à l'action du
soleil, montants et claies ou planches; à la fin de l'hiver, désinfecter par
lavage ou pulvérisation, au moyen de solutions antiseptiques énergiques
(solution de formol à 1 % ou 2 % d'acide sulfurique à 10 % de sublimé à 1
pour 1000, de permanganate de potasse à 2 pour 1000, etc.); si la fermeture
hermétique des ouvertures est possible, désinfecter les locaux par les procédés
en usage en hygiène humaine (vapeurs de formaldéhyde en milieu humide); dans
le cas contraire, employer la solution formolée en pulvérisation; badigeonner
ensuite les murs avec un lait de chaux préparé avec de la chaux grasse fraîchement
éteinte.
Ces
mesures générales de désinfection doivent être suffisantes pour détruire,
non seulement les germes de gattine, mais aussi le virus de la grasserie.
2. La sensibilité des Vers à soie aux différentes maladies du tube intestinal, à la gattine en particulier, est fonction de certains facteurs d'éducation parmi lesquels on doit mentionner: la disproportion entre le degré de la température ambiante et le nombre des repas quotidiens; le changement brusque des conditions d'élevage à la sortie des 2ème et surtout, 3ème mue; le manque d'espacement des Vers pendant les premiers âges. Étant donné que le nombre des repas que l'on donne dans certaines régions françaises, de grand élevage est rarement supérieur à trois par jour, il y a intérêt dans ces régions à ne pas laisser la température des magnaneries monter au delà de 18°. A cette température l'éducateur ne court pas le risque de sous alimenter les Vers, même en ne donnant que 3 repas par jour. Cette mesure a de plus l'avantage de réduire sensiblement les dégâts causés par la grasserie; elle rend d'autre part moins critique le changement de local d'élevage à la sortie de la 2ème ou de la 3ème mue.
Je demande acte au Congrès de certains faits nouvellement observés concernant l'épidémiologie des dysenteries microbiennes du Ver à soie. Une note sur ce sujet sera présentée prochainement à l'Académie des sciences ou à la Société de biologie de Paris.
Lorsque dans un élevage décimé
par la gattine, on étudie la flore microbienne intestinale d'un certain nombre
de Vers à soie malades, il n'est pas rare de constater que le contenu
intestinal diarrhéique de certains d'entre eux est remarquablement pauvre en Streptococcus
bombycis. Or ces Vers présentent les mêmes lésions que ceux dont le
contenu intestinal est riche en microbes; on peut donc admettre que les uns
comme les autres sont atteints de gattine. L'étude pathogénique de la gattine
expérimentale ayant montré que l'altération caractéristique des cellules épithéliales
postérieures de l'intestin moyen était due à l'action cytotoxique d'une
substance élaborée ou libérée au moment de la pénétration des
Streptocoques dans l'espace qui sépare la membrane péri trophique des cellules
épithéliales, on peut affirmer que cette substance est capable de déterminer
à elle seule les lésions de la gattine. En temps d'épidémie, les litières
en sont plus ou moins saturées et les Vers en absorbent une certaine quantité.
L'altération de la fonction intestinale qui en résulte favorise la
multiplication du Streptocoque, autrement dit, augmente sa virulence. Ainsi la
notion de virulence dans le cas particulier du Streptococcus bombycis s'éclaire
d'un jour nouveau; il apparaît bien en effet que cette virulence est liée non
au microbe lui‑même, mais à la substance résultant de la collaboration
de l'hôte et du parasite.
Lorsque la gattine est compliquée
d'infections secondaires, des faits de même nature peuvent être observés;
ainsi j'ai déjà montré que dans une épidémie de laboratoire caractérisée
par la multiplication anormale et simultanée du Streptococcus bombycis
et du Bacille sporulé que j'identifie avec le « Vibrion à noyau » de
Pasteur, certains Vers présentant les lésions de gattine étaient parasitées
seulement par le Bacille sporulé. Ainsi, comme dans le cas exposé plus haut,
l'action cytotoxique du poison bactérien prépare le terrain et précède
l'invasion microbienne.
En définitive, il apparaît que
les épidémies de gattine et de flacherie vraie sont conditionnées :
1.
Par la présence du Streptococcus bombycis, microbe spécifique de ces
affections ;
2.
Par celle d'une substance cytotoxique résultant de la collaboration de l'hôte
et de son parasite; l'action de cette substance est surtout importante en cours
d'épidémie ;
3.
Par un certain nombre de facteurs intrinsèques et extrinsèques qui constituent
les causes prédisposantes proprement dites et qui jouent un rôle particulièrement
important à l'origine de l'épidémie. J'ai déjà mentionné les plus
importants des facteurs extrinsèques. Parmi les facteurs intrinsèques, on peut
mentionner ceux qui constituent les tares héréditaires proprement dites. (applausi).
(Vedi traduzione in iWiano Allegato 4.0).
ACQUA. ‑ E' d'accordo che la flaccidezza e la
macilenza non esistono come tipo unico ma vi sono un'infinità di altre forme.
Desidera rammentare che sulla questione dello « streptococcus bombycis » cirea
25 anni or sono ha fatto studi in proposito con un altro indirizzo. Anche sulla
flaccidezza tipica ha in corso delle ricerche ché quanto prima pubblicherà.
PiGoRiNi (Présidente). ‑ Ringrazia gli oratori
e non domandando nessuno la parola, essendo passato mezzogiorno~, toglie la
seduta rimettendola al pomeriggio.
[1] (1) Machine employée dans les filatures pour enlever la bourre soyeuse qui entoure les cocons