Milan 1927 :

Schéma de l'intervention d'André PAILLOT

1ère partie : Etude sur la Grasserie

La grasserie ou polyédrie du ver à soie

I études des lésions histo et cytopathologiques

II. Causes de la grasserie

III Transmission de la grasserie

Conclusions générales et conséquences pratiques
Débat (en italien)
2ème partie
Accueil général du site

 

 

Seduta del 4 Giugno 1927 - ore 10

 PIGORINI (Presidente). - Avverte che la riunione sarà dedicata alla patologia del baco da seta, cominciando dagli argomenti che riguardano, il " giallume ". Dà la parola al Dott. Paillot, Direttore della 'Stazione Entomologica di Saint. Genis Laval Lyon, che ha presentato una relazione dal titolo : Étude sur la grasserie (polyèdrie) et les maladies du tube intestinal du Bombyx du mûrier " pregandolo di leggere la prima parte di tale relazione : 

PAILLOT. - Legge la seguente prima parte della sua relazione : 

1ère Partie 

Etude sur la grasserie (polyédrie) JJ

A l'époque où Pasteur commençait ses recherches sur la maladie du ver à soie, l'avenir de la sériciculture était des plus compromis dans la plupart des pays séricicoles d'Europe. La mise en application de sa méthode de sélection aujourd'hui universellement appliquée, permit de lutter efficacement contre la pébrine et de réduire sensiblement les dégâts causés par la flacherie. D'autre part, les progrès considérables réalisés dans l'amélioration des races par la sélection des reproducteurs, a permis d'accroître dans de très notables proportions le rendement des éducations. La situation actuelle ne saurait donc se comparer à celle du milieu du siècle dernier où d'après PASTEUR, le rendement moyen des chambrées par once de 25 grammes, n'était que de kg. 18,4 pendant les huit années les plus productives du siècle, c'est-à-dire de 1846 à- 1853. Les dégâts causés par les maladies ont été néanmoins assez importants ces dernières années, dans certaines régions de grand élevage tout au moins, pour émouvoir les pouvoirs publics et susciter de nouvelles recherches sur les maladies les plus importantes: la grasserie et la flacherie. Je fus chargé de cette étude en 1923 par M. le Conseiller d'État E. Roux, Directeur de l'Institut des Recherches Agronomiques; le rapport que j'ai l'honneur de présenter ici résume l'état actuel de la question d'après mes recherches poursuivies pendant ces trois dernières années. 

La Grasserie ou polyédrie du Ver à soie JJ

Pendant longtemps, la grasserie a été considérée comme une maladie sans importance; beaucoup d'éducateurs interprétaient même favorablement la présence de vers gras dans les chambrées. Depuis quelques années cependant la maladie semble avoir pris un caractère malin de plus en plus accusé ; en France, on considère maintenant que les dégâts qu'elle occasionne dépassent ceux des autres maladies du Ver à soie. Le même phénomène a, été constaté dans d'autres pays, en Italie notamment où mon honorable collègue C. ACQUA, après m'avoir reproché d'alarmer inutilement l'opinion des sériciculteurs, a dû constater depuis, que la grasserie prenait les caractères d'un véritable fléau. 

I. Étude des lésions histo et cyto-pathologiques JJ

Depuis assez longtemps, on a constaté que la grasserie et les autres maladies à polyèdres des insectes étaient de nature parasitaire. Ces affections sont caractérisées par la destruction de certaines cellules de l'organisme et la formation, aux dépens du noyau, de cristalloïdes de forme rhomboédrique que BOLLE avait pris, à cause de la régularité de leur forme, pour un parasite analogue à celui de la pébrine. 

L'étude des processus qui se découlent dans les cellules en état d'altération, donne des résultats assez différents suivant la technique employée. En général, les auteurs, préoccupés surtout de bien mettre en évidence la structure nucléaire, ont utilisé les méthodes classique de fixation et coloration ou certaines méthodes spéciales, comme les imprégnations métalliques recommandées pour l'étude des Protozoaires. Mais si le noyau est un élément fondamental de la cellule, le cytoplasme en est un autre non moins fondamental et il importe d'en étudier les- modifications normales ou pathologiques au même titre que celle du noyau. Malheureusement, on connaît assez mal la structure véritable du cytoplasme; si l'existence de certains éléments constitutifs comme le chondriome par exemple, ne paraît plus faire de doute aujourd'hui, il n'en est pas de même de celle d'autres éléments décrits récemment : l'appareil de GOLGI par exemple. Le rôle du chondriome dans la vie cellulaire est d'ailleurs loin d'être connu ; j'ai pu montrer, en collaboration avec R. Noël, que dans certaines cellules du Ver à soie (cellules adipeuses et péricardiales) il participait directement à l'élaboration des plastes albuminoïdes qui apparaissent dans ces cellules au cours de certains stades de la vie larvaire ; mais dans beaucoup d'autres cellules, il n'a pas encore été possible de préciser la nature du fonctionnement du chondriome.

L'emploi des méthodes de fixation dites mitochondriales doit être préféré à celui des méthodes ordinaires pour l'étude des lésions histo et cytopathologiques ; ces méthodes, en particulier celle qui est basée sur l'emploi du formol salé présentent en effet sur les autres, le grand avantage de donner une image assez exacte de la structure cellulaire.

Si l'on fixe par les mélanges de Bouin ou de Duboscq-Brasil, des Vers a soie atteints de grasserie, qu'on colore les coupes à l'hématoxiline ferrique de Heidenhain, l'aspect des cellules en voie d'altération est celui décrit par PROWAZEK et par CONTE et LEVRAT : le noyau apparaît fortement hypertrophié et renferme, au lieu de grains réguliers de chromatine, une ou plusieurs masses très sidérophiles d'aspect généralement réticulé ; souvent la membrane nucléaire apparaît doublée intérieurement d'une couche irrégulière de chromatine. Dans la zone périlobulaire et quelquefois à l'intérieur des masses chromatophiles, prennent naissance les inclusions polyédriques de forme assez régulièrement hexagonale et dont le diamètre ne dépasse. pas 5 à 6 P.

On admet généralement que les corpuscules polyédriques sont des produits de transformation de la chromatine. KOMAREK et BREINDL étudiant la maladie des polyèdres des chenilles de Lymantria monaca, ont émis l'hypothèse que les corpuscules ne sont pas autre chose que les kystes d'un parasite endonucléaire analogue au Chlamydozoaire décrit par PROWAZEK sous le nom de Chlamydozoon bombycis. Cette hypothèse n'est guère soutenable: elle repose uniquement sur l'aspect granuleux que présentent parfois les corpuscules polyédriques après emploi de certaines méthodes de coloration. J'ai montré d'autre part qu'elle était en contradiction avec certains faits d'observation concernant la transmission du virus d'une génération à l'autre.

L'emploi des méthodes mitochondriales donne d'autres résultats que ceux qui viennent d'être décrits. Les Vers à soie malades sont ouverts ventralement de la tête à l'extrémité postérieure et étalés sur une lame de liège, puis immergés aussitôt dans le formol salé préparé suivant la formule :

Formol du commerce à 40 % . . . . . . . . . . . . . . 20

Eau physiologique à 9 p. 1000 de NaCL . . . . . . 80

Les pièces peuvent séjourner très longtemps dans ce mélange dont la. tonicité est voisine de celle du sang de Ver à soie et qui ne modifie pas sensiblement la structure des cellules. Les pièces fixées sont immergées ensuite dans une solution de bichromate de potasse à 3 % où elles séjournent de 1 à 2 mois.

Si la fixation est faite dans le liquide de REGARD (Bichromate-formol) les pièces doivent être retirées au bout de 4 jours et immergées ensuite dans la solution de bichromate à 3 %.

Les coupes, dont l'épaisseur ne doit pas dépasser 5 à 6 p., sont colorées par la méthode de Kull (Coloration à chaud à la fuchsine acide anilinée à 20 %, lavage à l'eau distillée, coloration rapide au bleu de toluidine à 0,5 % ou à la thionine phéniquée, lavage à l'eau distillée et différenciation à l'aurentia). Les cellules adipeuses se présentent sous l'aspect suivant: le chondriome, qui se présente normalement sous forme de longs chondriocontes épousant la forme des vésicules occupées paT les globules de graisse, apparaît transformé en grains répartis dans toute la masse du cytoplasme. Dans le noyau, très hypertrophié, on observe la présence de masses colorées en bleu, de forme et de grosseur très irrégulières, qui correspondent aux masses sidérophiles décrites précédemment; ces masses apparaissent généralement tachetées de points colorés en rouge par la fuchsine: les grains, assez régulièrement disposés à la surface des masses chromatophiles sont d'origine nucléoplasmique. On peut d'ailleurs suivre assez facilement, sur coupes colorées par la méthode de KULL, les diverses phases de transformation des nucléoles dont la coloration rouge tranche nettement sur le fond bleu de la chromatine: le début du processus d'altération est marqué par la tendance des nucléoles à s'accoler les uns aux autres; ils se dispersent ensuite très irrégulièrement dans le noyau; quelquefois, leur nombre s'accroît considérablement; puis ils semblent disparaître ; finalement, le nucléoplasme dont ils sont constitués précipite sur les masses chromatophiles sous forme de grains arrondis régulièrement disposés. L'altération des nucléoles, qui avec celle du chondriome marque le début des processus d'altération cellulaire au cours de l'évolution de la grasserie, n'avait jamais été signalé jusqu'ici. PROWAZEK, qui a fait un large emploi des méthodes recommandées pour l'étude des maladies à Protozoaires (imprégnations métalliques ou fixation par le sublimé alcoolique) a constaté, la présence, dans le noyau des cellules en voie d'altération, d'amas finement granuleux qu'il interprète comme des zooglées constituées par le parasite lui même.

J'ai pu observer sur des coupes fixées par les mélange de DUBOSCQ-BRASIL ou de ZENKER et colorées par l'hématoxyline ferrique ou le trichromique de REYMON- Y CAYAL, des formations semblables à celles décrites par PROWAZEK, mais, à mon avis, ce ne sont que des artéfacts ; ils ne correspondent nullement d'ailleurs aux éléments parasitaires qu'on distingue si nettement à l'examen ultramicroscopique. La coloration de frottis de sang de Ver à soie en état de grasserie par le méthode de GIEMSA, après fixation par l'alcool méthylique ou les vapeurs d'acide osmique, donne une image assez exacte des processus d'altération qui se déroulent dans les cellules, sanguines et tels qu'on peut les observer à l'état vivant : on observe d'abord une concentration de la substance nucléaire après disparition des grains de chromatine; il se forme ainsi, aux dépenses de cette chromatine, une masse centrale plus ou moins homogène colorée en pourpre foncé par le GIEMSA; tout autour s'étend une zone moins intensément colorée dans laquelle on n'observe aucune trace de granule, cette zone, à l'examen ultramicroscopique du sang vivant, apparaît occupée par les éléments parasitaires.

Il était admis, jusqu'ici, que seules les cellules adipeuses, sanguines, hypodermiques et trachéales étaient sensibles à l'infection; les cellules épithéliales de l'intestin moyen étaient considérées comme réfractaires, or il résulte d'observations récentes que ces cellules surtout celles de la région postérieure de l'intestin moyen peuvent, comme les autres, héberger le parasite de la grasserie et présenter les signes caractéristiques de cette maladie. Cette constatation est très importante; elle permet d'expliquer la propagation parfois très rapide de la maladie et alors même qu'on a pris soin d'enlever les vers malades avant qu'ils n'aient souillé la nourriture de leur sang.

Les auteurs ne sont pas d'accord sur la sensibilité relative des cellules de l'organisme; pour GLASER, les cellules sanguines des chenilles de Lymantria dispar seraient les premières dans lesquelles il aurait observé les symptômes caractéristiques de la maladie des polyèdres, pour d'autres auteurs, les cellules hypodermiques, seraient les plus sensibles; l'altération réelle des cellules sanguines n'aurait lieu que vers la fin de l'évolution de la maladie.

D'après mes observations propres, la marche des processus varie suivant le mode de pénétration du virus dans l'organisme: après inoculation dans la cavité générale, de sang de ver gras, ce sont les cellules du sang qui sont les premières altérées; après infection per os, les cellules hypodermiques paraissent altérées avant les autres, mais ce n'est pas toujours le cas ; en réalité il existe de très grandes variations dans la marche des processus généraux qui caractérisent les maladies à polyèdres et il ne paraît pas possible d'établir une échelle de sensibilité des diverses cellules de l'organisme.

C. ACQUA dit avoir observé dans les cellules glandulaires de l'hypoderme une forme partielle d'altération cellulaire ; il figure ainsi dans les cornes des cellules où aboutissent les prolongements du noyau, de petits nids de corpuscules polyédriques qui résulteraient, d'après lui, de l'altération de la chromatine de ces prolongements. Mais on peut se demander, après examen de la figure donnée par l'auteur, s'il s'agit véritablement d'une altération nucléaire ou d'une pénétration accidentelle, dans les cellules, de corpuscules en suspension dans le sang. Le fait signalé par C. ACQUA ne doit pas être fréquent, car je n'ai pu répéter son observation sur les nombreuses préparations que je possède.

II. Cause de la grasserie JJ

 Tous les auteurs ne s'ont pas d'accord sur la nature véritable des maladies à polyèdres; la plupart admettent cependant qu'elles sont infectieuses et ont pour cause un virus filtrant. Les preuves à l'appui de cette hypothèse ne font pas défaut.

        1. Des vers sains inoculés dans le cavité générale avec sang de ver gras, même fortement dilué (à 1 p. 1000 par exemple), contractent tous la grasserie. Le temps qui s'écoule entre l'inoculation et l'apparition des premières taches jaunes varie avec la température : cet intervalle n'est jamais inférieur à 5 jours. Lorsque la température ambiante ne dépasse pas 18° C., la durée d'évolution de la maladie est très allongée; sur des vers inoculés et maintenus à une température voisine de celle-ci, les taches jaunes n'étaient pas encore visibles 15 jours après l'inoculation.

        2. Il est facile de contaminer des vers sains par la voie digestive; il suffit de déposer une goutte de sang de ver gras sur la cavité buccale; la goutte est assez rapidement absorbée; la durée d'évolution de la maladie est ,sensiblement la même que dans le cas de l'inoculation. Un certain nombre de vers peuvent résister à l'infection, surtout lorsqu'il s'agit de vers ayant mué depuis quelque temps.

        3. Du sang de ver gras filtré sur bougie de porcelaine à pores fins (par exemple, bougie Chamberland L5 L6 L7) perd toute virulence; il l'a conservé au contraire si la filtration est faite sur papier filtrant ou au travers de bougies de porcelaine à pores grossiers (par exemple, bougie Chamberland L2).

Ces expériences de filtration ont une grande importance pour là détermination de la nature du parasite de la grasserie. Les auteurs ne sont pas tous d'accord 'sur I'action filtrante des bougies employées et les conclusions qu'ils tirent de leurs expériences sont souvent contradictoires.

Ainsi, PROWAZEK dit avoir réussi à infecter des Vers à soie avec le filtrat de bougies Berkefeld taudis qu'ESCHERICH et MIYGIMA, HAYASHI ET SAKO émettent une opinion contraire ; le premier conclut à l'existence d'un virus filtrant en suspension dans le sang des malades; les autres nient l'existence de ce virus et considèrent les polyèdres comme les porteurs de virus, confirmant ainsi l'opinion de BOLLE. Mes premières expériences de filtration datent de l'année 1923 ; elles ont été faites à l'Institut Pasteur dans le laboratoire du Professeur BORREL; ces expériences ont montré que le virus en suspension dans le sang des Vers à soie atteints de grasserie traversait les parois les plus grossières des bougies Chamberland, mais était arrêté par les parois des bougies à pores fins. Elles on été reprises en 1924 et les résultats furent très exactement les mêmes qu'en 1913. C. ACQUA affirme que le virus n'est pas retenu par le filtre Berkefeld N. Les expériences de GLASER et CHAPMANN aboutissent aux mêmes conclusions ; ces deux auteurs ont montré en outre que le virus ne passe pas au travers des bougies Chamberland F, ce qui confirme mes observations propres.

On peut donc admettre que le virus de la grasserie n'est pas complètement filtrant. Ce virus est en suspension dans le sang, mais au début de la maladie il se rencontre surtout dans les cellules. En effet, si l'on centrifuge un sang de Ver à soie inoculé depuis deux jours avec sang de ver gras, qu'on inocule ensuite deux lots de Vers à soie normaux, les uns avec le culot de centrifugation dilué dans l'eau physiologique, les autres avec la partie claire, on constate que la grasserie évolue plus rapidement dans le premier lot que dans le second. Si l'on examine à l'ultramicroscope du sang de Ver à soie en état de grasserie avancée, on distingue, outre les cellules, corpuscules polyédriques et débris divers d'origine cellulaire, de nombreux granules, Ies uns brillamment éclairés, les autres, plus petits et beaucoup plus obscurs ; les premiers se retrouvent dans le sang normal, mais ils sont moins nombreux; les autres existent exclusivement dans le sang des vers malades; après avoir accordé aux granules observés à l'ultramicroscope une signification étiologique, GLASER est revenu ensuite sur ses premières conclusions et en 1918, il conclut ainsi de l'examen ultramicroscopique du sang de chenilles de Lymantria dispar atteintes de maladie des polyèdres: " Nothing visible that could be interpreted as being different from minute protein or pigment particles ". Les très petits granules faiblement éclairés qu'on observe dans le sang de tous les Vers à soie en état de grasserie, et seulement dans le sang de ces vers, se retrouvent également dans la partie claire du sang de ver gras centrifugé, et dans le filtrat de bougie Chamberland L 2; mais il est impossible de les mettre en évidence dans le filtrat des bougies à pores fins L4 L5, etc. Si l'on examine du sang de Ver à soie inoculé depuis moins de deux jours avec sang virulent dilué, on distingue dans le cytoplasme de certaines cellules sanguines, les mêmes granules ultramicroscopiques avec les mêmes caractéristiques physiques. Deux jours après l'inoculation, les granules ont à peu près complètement disparu de la couche cytoplasmique, mais ils apparaissent de plus eu plus nombreux dans le noyau, en particulier dans la zone périphérique où ils forment un anneau miroitant autour de la masse plus sombre constituée par la chromatine condensée. 

De ces différentes observations et expériences, on peut tirer les conclusions suivantes : 

        I. La virulence du sang des Vers à soie atteints de grasserie est liée à l'existence des granules ultramicroscopiques intracellulaires ou en suspension dans le plasma; ces granules représentent les éléments parasitaires eux-mêmes, mais ils n'ont rien de commun avec les organismes décrits par PROWAZEK sous le nom de ChIamydozoon. J'ai cru devoir rapprocher ce virus d'autres très voisins observés chez les chenilles de Pieris brassicae et créer, à leur intention, un nouveau groupe de microorganismes intermédiaire entre les Bactéries et les Protozoaires, le groupe des Borrellina

2. Le parasite de la grasserie (Borrellina Bombycis) se multiplie seulement dans l'intérieur des cellules réceptives d'abord dans le cytoplasme; puis surtout dans le noyau dont il détruit progressivement la substance chromatique; celle-ci donne naissance aux corpuscules polyèdriques intranucléaires. Mon opinion sur l'étiologie de la grasserie est corroborée par la découverte récente, chez, les chenilles de Pieris brassicae, de deux parasites ultramicroscopiques de type voisin de celui des vers à soie; l'un, dont les dimensions ne dépassent pas celle du Borrellina bombycis, se multiplie exclusivement dans le cytoplasme de certaines cellules sanguines et cellules adipeuses ; l'autre, de dimensions microscopiques, (100 p_p., environ), se rencontre exclusivement dans le cytoplasme des cellules adipeuses. Ce dernier est visible aux plus forts grossissements du. microscope et peut être coloré par la fuchsine phéniquée de Ziehl à chaud. 

C. ACQUA n'a pu dit-il, confirmer mes observations, bien qu'il ait employé un " apparecchio modernissinio per ùltramicroscopia a ottimo funzionamento ". Je me ferais certainement un plaisir, si l'occasion se présentait, de convaincre par les faits mon honorable contradicteur. Il est d'ailleurs, un moyen facile de répéter les observations que j'ai faites; il suffit de contaminer des Vers à soie normaux par inoculation dans la cavité générale d'une gouttelette de sang virulent dilué; de prélever 2 ou 3 jours après, une goutte de sang et de l'examiner avec le condensateur à fond noir (j'ai employé celui de Leitz avec un objectif 1/7 A et l'oculaire périplanétique 25); si l'on a l'habitude de l'observation ultramicroscopique, on doit voir très facilement, dans le noyau des cellules sanguines, les granules en mouvement rapide dans la zone périphérique interne. 

C. ACQUA, s'inspirant des travaux récents de CARREL sur le mécanisme de la formation et de l'évolution des tumeurs malignes (sarcome de Rous en particulier) se demande si le virus de la grasserie ne pourrait pas être assimilé au principe ressemblant à un virus qui, selon l'hypothèse de CARREL, " se formerait dans les tissus sous l'influence d'une substance chimique non définie, agirait de façon spécifique sur des cellules d'un certain type et se reproduirait indéfiniment en présence de ces cellules ". 

L'hypothèse nouvelle envisagée par C. ACQUA serait séduisante si l'on pouvait établir un rapprochement entre les sarcomes des Vertébrés et les maladies à polyèdres des insectes; mais les deux types d'affections diffèrent trop l'un de l'autre pour qu on soit en droit d'homologuer leurs causes. 

On peut ajouter aussi que l'hypothèse de C. ACQUA ne repose que sur des analogies et non sur des faits; celle de CARREL, au contraire, a pour base des faits expérimentaux indiscutables, par exemple la production de sarcomes expérimentaux par introduction dans l'organisme, de certaines substances minérales (coaltar, acide arsénieux). Il n'est d'ailleurs nullement prouvé que le mécanisme de la formation et de l'évolution des tumeurs malignes soit bien celui qui découle des travaux de CARREL. D'autres hypothèses ont été envisagées (par GYE, BARNARD, notamment) qui tendent à expliquer la genèse des tumeurs par l'action d'un virus ultramicroscopique, elles reposent également sur des faits expérimentaux de grande valeur. Si l'on admet que la grasserie peut naître spontanément, il faut prouver qu'on peut déclencher expérimentalement ces maladies sans intervention de virus; un simple fait, bien observé, ferait plus pour le succès de la théorie non parasitaire des maladies à polyèdres, que toutes les dissertations sur les théories physiologiques du cancer. Une hypothèse curieuse a été envisagée par NELLO MORI, qui a publié "sur les maladies des animaux domestiques" des travaux fort intéressants. Cet auteur, étudiant une maladie infectieuse du cheval, le Farcin (" Farcino criptococcico ") avait, dès l'année 1914, émis l'hypothèse que les virus filtrants ultramicroscopiques, pourraient bien ne pas être autre chose qu'un stade logique de l'évolution de certains champignons. C'est en partant de cette hypothèse que NELLO MORI a entrepris l'étude de la grasserie et il a pu isoler effectivement du sang de Vers à soie nourris avec feuilles de Maclura aurentia et en état, de grasserie, un champignon à mycélium qu'il dit avoir retrouvé également sur les feuilles présentant de petites taches couleur de rouille. 

Il a isolé aussi du sang d'un Ver atteint de grasserie ordinaire, 3 espèces de champignons appartenant aux genres Cryptococcus et Saccharomyces; ces levures sont plus ou moins pathogènes pour le Ver à soie et peuvent être considérées comme des microbes d'infection secondaire ou des microbes dits " de sortie ". Ces faits, pour intéressants qu'ils soient, ne sauraient constituer cependant des arguments en faveur de l'hypothèse envisagée par NELLO MORI. Cette hypothèse vaut néanmoins d'être signalée; elle est à rapprocher des observations très curieuses concernant l'existence de formes filtrantes du Bacille tuberculeux. 

III. Transmission de la grasserie  JJ

D'individu à individu, la grasserie se transmet ordinairement par la voie intestinale. Si l'on fait ingérer à un Ver à soie normal, une goutte de sang de Ver à soie atteint de grasserie, on. provoque généralement le déclenchement des processus caractéristiques de la maladie. 

Il semble bien que ce soit au moment de la dernière mue que les Vers à soie s'infestent le plus facilement. Lorsque la grasserie apparaît dès les premières mues, les épidémies se succèdent de plus en plus graves jusqu'à la montée et peuvent ainsi causer des dommages très importants. Les épidémies se succèdent d'autant plus rapidement et sont d'autant plus meurtrières que la température ambiante est plus élevée. J'ai montré que si la température ne dépasse pas 18° C., l'évolution de la grasserie est très lente. Le chauffage exagéré des magnaneries doit donc être condamné puisqu'il favorise l'évolution du parasite de la grasserie. Nous verrons aussi qu'il favorise indirectement l'évolution de certaines maladies du tube intestinal. Je crois qu'il est de l'intérêt de l'éducateur de modérer le chauffage des magnaneries pendant les premiers âges. Le virus de la grasserie se conserve bien à l'air d'une année à l'autre; le fait a été signalé par différents auteurs; j'ai moi même constaté expérimentalement que du sang virulent desséché sur tarlatane et conservé à l'air libre, était capable l'année suivante, après émulsion dans l'eau physiologique stérile et inoculation dans la cavité générale, de déclencher les processus caractéristique de la maladie. J'ai constaté aussi que les corpuscules polyédriques séparés du sang virulent par centrifugation et lavés à plusieurs reprises dans l'eau physiologique, puis conservés à l'air après dessiccation, perdaient rapidement leur virulence; la partie claire du sang centrifugé après dessiccation sur tarlatane conserve au contraire très longtemps son pouvoir virulent. Ce simple fait d'expérience démontre que les corpuscules polyédriques ne sauraient être considérés comme des porteurs de virus ou comme des kystes ainsi que l'admettent KOMAREK et BREINDL. L'observation montre aussi que le virus de la grasserie se conserve très bien d'une année à l'autre, témoin le fait suivant observé dans une localité de la Basse-Ardèche. Deux éducateurs élèvent séparément des vers à soie provenant d'un même lot, de graines; le matériel de l'un d'eux a servi l'année précédente pour une éducation qui fut décimée par la grasserie; il n'a pas, été désinfecté avant la nouvelle campagne séricicole; le matériel de l'autre éducateur n'a pas été utilisé depuis deux ans. À la sortie de la, quatrième mue, les vers gras sont relativement nombreux dans la première Chambrée tandis que dans la deuxième, la maladie est inexistante; celle-ci fait cependant son apparition vers l'époque de la montée. Comment expliquer cette apparition tardive? L'éducateur avait emprunté au cours de l'éducation, quelques planches de la première magnanerie et ne les avait pas désinfectées; or ces planches étaient plus ou moins infestées de virus depuis l'année précédente. C'est à la présence de ce virus que l'on doit attribuer l'explosion tardive de la grasserie. Dans une autre magnanerie inoccupée en 1925 et dont le matériel d'élevage avait été soigneusement lavé avec une solution d'acide sulfurique à 10 %, il n'y a pas eu un seul cas de grasserie. Ces faits d'observation, qu'on pourrait multiplier facilement, montrent bien que le virus des poussières joue un certain rôle dans la transmission de la grasserie d'une génération à l'autre. je reste néanmoins convaincu que la transmission héréditaire de la maladie joue un rôle capital. 

Tous les auteurs ne sont pas de cet avis : 

C. ACQUA, en particulier, niait formellement, ces dernières années, l'existence du virus chez l'imago et dans l'œuf. Dans une note critique publiée peu après la présentation à l'Académie des sciences de ma note sur l'étiologie et l'épidémiologie de la grasserie, mon honorable collègue Italien affirmait que la contamination du papillon était impossible. Or dès 1925, je réussissais à obtenir d'un petit élevage de deuxième génération un papillon atteint naturellement de grasserie typique. En 1926, TEODORO a fait des constatations de même ordre qu apportent une nouvelle preuve à l'appui de la thèse que j'ai soutenue depuis 1924. Il a observé d'autre part, sur certaines coupes d'œufs, des cellules dont le noyau présente des signes d'altération rappelant ceux décrits autrefois par VERSON. Cet auteur, étudiant l'évolution post embryonnaire des articles céphaliques et thoraciques du ver à soie, avait observé dans l'hypoderme de certaines larves, ainsi que dans la paroi trachéale, des altérations cellulaires singulières; dans ces éléments, le noyau apparaît transformé en vésicule arrondie renfermant ce qu'il appelle des corpiccioli vescicolari au nombre maximum de 16 : quatorze ans plus tard, reprenant avec GHIRLANDA l'étude de la grasserie, le même auteur établit un rapprochement entre les altérations cellulaires qui caractérisent cette maladie et celles observées dans les tissus post embryonnaires. Les faits signalés par TEODORO, pour importants qu'ils soient, ne constituent pas cependant une preuve décisive en faveur de l'existence de la grasserie dans l'œuf; il n'est pas démontré, en effet, que les lésion cellulaires observées ont bien pour cause le parasite de la grasserie, l'observation aurait plus de valeur si elle avait été faite sur des oeufs pondus par des papillons atteints de grasserie typique. 

C. ACQUA ne conteste plus maintenant l'existence de la grasserie chez le papillon, mais ce n'est pas encore pour lui une preuve suffisante de l'hérédité de la maladie. " Le farfalle con granuli poliedrici sono rarissime " écrit il e non presentano, ammette Io stesso Teodoro, se non dei casi eccezionali; il propagarsi della malattia del giallume (assumendo maggiore o minore intensità secondo le cause ambientali) è invece freqentatissimo ". 

Je ne conteste pas que les papillons atteints de grasserie bien caractérisée soient rares ; mais d'abord, rien ne prouve que les porteurs de virus sont toujours à un stade avancé de la maladie et que leur corps renferme en abondance les corpuscules polyédriques ; la maladie n'évolue pas toujours avec la même rapidité et le Ver à soie peut être parasité sans que les symptômes de grasserie soient très accusés. On peut noter aussi que les corpuscules polyédriques sont toujours beaucoup moins abondants, normalement, dans le corps des papillons, que dans celui des vers et qu'il n'est pas toujours facile, dans la pratique, de distinguer ceux qui sont sûrement parasités de ceux qui ne le sont pas. Il est à remarquer enfin que dans la plupart des éducations, le nombre des cas de grasserie héréditaire est généralement peu élevé. Ces vers succombent à la maladie dès les premières mues et sont l'origine d'épidémies qui, ainsi que je l'ai déjà dit, se succèdent d'autant plus rapidement que la température ambiante est plus élevée et que les vers sont moins espacés. On comprend ainsi, étant donnée la grande contagiosité de la grasserie et le pouvoir infectant des produits de déchet de la digestion, qu'une épidémie originellement insignifiante soit la cause d'une mortalité très importante au moment de la montée.

Conclusions générales et conséquences pratiques JJ

De mes observations et expériences j'ai tiré les conclusions suivantes:

        1. La grasserie est une maladie très contagieuse ; elle a pour cause un parasite ultramicroscopique qui se multiplie principalement dans le noyau des cellules adipeuses, sanguines, hypodermiques, trachéales et épithéliales de l'intestin moyen.

        2. La transmission d'une génération à l'autre est assurée

            a) Par l'intermédiaire de l'œuf ;

            b) Par les poussières de magnanerie.

        3. La transmission d'individu à individu a lieu par la voie intestinale. 4. L'évolution de la grasserie est conditionnée surtout par la température. Les mesures pratiques susceptibles de réduire l'intensité des dégâts causés par la grasserie s'adressent aussi bien aux graineurs qu'aux éducateurs. En l'état actuel de nos connaissances, il n'est guère possible d'espérer mettre au point une méthode de sélection comparable à celle imaginée par PASTEUR pour lutter contre la pébrine.

Les mesures suivantes sont susceptibles cependant d'améliorer sensiblement la qualité de la graine  :

        1. Écarter du grainage les lots de cocons où la mortalité par grasserie est supérieure à 2 le pourcentage est établi après séjour des échantillons en chambre chaude (température 30 31° C.) ; ce procédé déjà employé dans certains établissements de grainage a donné d'excellents résultats.

        2. Surveillance minutieuse des éducations dites " de reproduction " principalement au moment des mues; la présence de vers gras à la sortie des premières mues est un signe certain que l'éducation ne sera pas bonne pour la reproduction; la surveillance sera exercée par le graineur et par les agents de surveillance de l'État.

        3. Désinfection obligatoire et complète des magnaneries par les méthodes en usage en hygiène humaine (emploi de vapeurs de formaldéhyde en milieu humide, ou de solution de formol, de sublimé, etc.). En cas d'épidémie grave de grasserie, changer de local et même de matériel d'élevage.

        4. Chauffage modéré des magnaneries pendant les premiers âges; cette mesure est recommandée surtout pour les élevages industriels.

        5. Enlever et. brûler aussitôt les Vers à soie qui présentent les premiers symptômes de grasserie.

        6..Employer le papier perforé pour les délitages ou tout autre procédé qui permette d'éviter les manipulations brutales causes de blessures de l'épiderme particulièrement chez les vers atteints de grasserie. (Applausi).