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Fruit de quinze années de travail, Le Désert et le Monde
a pour motif la naissance et l'écrasement du maquis du Vercors
en juillet 1944. L'épopée historique est augmentée
du roman de deux jeunes gens. La géographie y est quelque peu
malmenée : les montagnes du désert de Bruno – la
Chartreuse, royaume de l'enfance et des derniers solitaires – s'y
confond avec les paysages du maquis. |
Extraits Critiques |
Extraits |
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.I.
1. Hiver 42. Je
chante les larmes et les héros bannis...
Puis le vent, la lumière
pure, l'espérance.
Eté 44. Une montagne de
cendres.
Tout l'espace libre entre ces bornes
étroites.
Repeupler le désert,
ranimer les noms perdus.
2. Le paysage de la mélancolie :
prés rampants, forêts,
Ciel changeant comme un miroir
(l'illusion de la pureté).
Pièra, Théo,
embrassant cette patrie oubliée.
Mais que savent-ils,
aveuglés d'eux-mêmes ?
Une plainte passe d'arbre en arbre.
3. La détresse des jeunes morts.
Tournés vers l'abîme
Au sommet de cette solitude
démurée.
Mâchant une langue sombre,
une nuée embrasée.
Schaefer, Schwehr, Karl
Pflaum !
Leur cœur une
poignée d'herbes sèches.
4. Au désert les jours brûlent
et défigurent.
Les clandestins sont morts.
N'ont pas d'ailes. Ne trouvent pas le
ciel.
Les mots même ne les
reconnaissent plus.
La fenêtre ouverte dans le
soir où les monts s'évaporent.
.II.
Pourquoi malgré moi revenir
sur leurs pas ?
Trente ans gardant au coeur cette pierre noire qu'aujourd'hui seulement
j'entreprends d'extraire
Comme s'ils se dressaient toujours sur les roches humides
Leurs vieux fusils pointés sous l'ombre des Focke
Wulf
Secrets, taciturnes, préférant au feu des mots
les balles réelles
Ou ivres plutôt dans l'air raréfié,
parmi les pluies et les bandes d'oiseaux
Mais rien, le silence seul, la montagne énigmatique comme un
poème chiffonné
Vaine la réalité, et vain le songe ?
.XLIII.
Au-delà des toits l'amas
des forêts
léger papier chiffonné
où bruisse
sous l'encre
délavée une langue naïve
Pièra
cédant à cette voix qui la tire loin du
siècle
s'il faut fuir
n'est-ce pas là-haut
dans ce sombre paradis
fermé comme un tombeau
humble pays qui convient à la peine
Théo
dans la pénitence du désert
comme derrière
le tranchant d'une
épée
où nous pourrons aimer
retirés dans l'humide et les pierres
et oublier le chiffre des années
.I.
Minuit d'Août
ils passent le Drac
trait de galets
et de mares
au-delà les rochers tailladés
et l'ingrate forêt
ils vont parmi les lances agitées
la nuit un étroit soupirail
où
l'orage tourne comme une ourse
ainsi neuf
siècles plus tôt
fuyant au milieu des neiges
Bruno...
l'hiver noué dans les pins
double armure
où la flèche de Dieu
même ne
trouvait pas jointure
il quittait le siècle
un chant serré entre les dents
plaintes et
louanges mêlées
o comme a crû depuis le bruit du monde...
ils montent dans l'épaisseur muette
déchiffrant une ligne
ancienne
où le sens à nouveau va précipiter
et
pénétrer le cœur...
.IX.
Les jours ne pèsent
pas sur leur
rocher les partisans
Passent
silencieux
août 43
est-ce
Ce temps dans l’effusion des
arbres vingt fois
L’enclos
traversé
sur les tombes humides les fleurs
Renouvelées
que parfois visite un souffle
Merles et pies pendus aux
branches pour qui
chantent
Les oiseaux ? les
fruits mûrissants sous les feuilles
Et le vaste horizon qui
bleuit
où est
Notre guerre
?
durer et
face au ciel
S’amollir dans la
pénitence...
vingt fois la nuit
Dressée dans sa
cuirasse
comme le marbre
De
Septime-Sévère
tout fait silence
Les blessés paisibles dans leurs
langes les
amants
Accordés
un furtif pavillon de buis
Étroite union...
.XIII.
Ils se mettent en route
gagnent un pré
ras sous des épis de pierre
machoire déchirant
la chair orageuse
d'Août
ils s'embrassent
émissaires de chaque camp
dressent une cité de drap
deux jours
les pluies flagellent le
lapiaz... ici
est la mémoire
un jardin chaotique
ici
l'origine
vipères
insectes cornus
seule compagnie des hommes
rudes espèces seules
à
s'acclimater...
mais tout l'esprit n'est pas perdu
ils rêvent
devisant le monde
sous les toiles
ruisselantes...
Que les camps se fédèrent
à Durieu le nord et les
pluies fertiles
à Thivollet
les espaces du sud
solitude dans la solitude
n'y gouverner que l'ombre et les
marbres informes
et à Clément
le politique...
les cartes dépliées
à terre
ils se taisent
agenouillés
épaule contre épaule
leurs souffles
mêlés
priant quelque dieu laïc
qui jamais n'aima que les larmes
et
le sang...
alors tombe le vent
le chant
lointain d'un merle
frappe la montagne
ils écoutent
sous le drap haletant...
.V.
Ils quittent tout
de maigres effets sur
l'épaule
centaines d'hommes
dans la nuit brûlante de
présages
ils passent le Drac
ses eaux liées en deux tresses
traversent
Fontaine des
états indécis
ils n'attendaient
que ce signal
s'avancent vers les hauteurs
Sur tous les versants
toutes les voies où la montagne
se plie et se
déplie
montant dans la nuit d'été
où luit
sur les grandes
serres froides
une cicatrice pâle
– quel dieu ici
découvre son humanité
au seuil de ce
jardin privé
où furent interdites
les femmes
et les armées...
Tout le jour et
les suivants Hervieux
sur chaque mont où le vent s'abat
dans chaque œil
de rocher
dispose ses hommes
Serre Brion
les deux Sœurs
77 pli 4
Pas de l'Arc et de la Selle
.xx.
milie Francs
endurant l'attente
retranchés dans le ciel
comme
derrière le front
bosselé d'un géant...
.XLI.
La nuit oscille sur son
arête
deux torrents épuisés charrient la cendre
elle s'endort
tremblant sous
la rosée
le ciel des parfaits
appuyé sur la nuque
beati quelli
ke trovarane...
accueillant en
songe celle qui
descend o
devinée
et tue...
Dur repos
qu'à peine
l'esprit perce...
une montagne perdue
grande et
ténébreuse
sous une roche creuse une lande
Pièra
tournée vers le
ciel nu
où passent
des pierres errantes
beati
ka la morte secunda
nol farra male...
d'étranges
paroles dans la nuit...
elle rêve en aveugle
suffoquant
dans l'herbe baignée
de terribles
menstrues
.XLIV.
Les voix se sont tues
changent les monts et les
landes l'humide
le serein
glorifient le
ciel dans
l'à-pic
des cités hâtives dressent leurs
échelles...
sous la fenêtre la table maculée
où
reposent dans l'encre
les liasses abandonnées
la mémoire
bientôt
n'aura plus de mesure...
de rares ombres
descendent parfois
se cachant le visage
est-ce pudeur ou
l'éblouissement du jour tombant
ils frappent à la vitre
épelant
un nom qui se perd dans le soir...
Est-ce vous
frères lointains
voix mêlées de larmes
que cherchez-vous
venez-vous
étonnés
que reverdissent les forêts
que sous l'ombre errante
les rochers ne
tremblent...
mais rien n'a changé
rien
chacun reste sur sa terre
vous dans le froid
nous
dans les paysages de lumière
ne
pleurez pas
avez-vous donc
laissé toute espérance
ne pleurez pas
le monde peut-être
se
prépare dans la nuit
par une éclatante jeunesse
à vous consoler
du désordre et du sang...