Une analyse incorporée au travail
 
 

 

- l'inconduite: un autre inconscient, technique
- La prise est une analyse spontanée
- il n'y a pas que l'ordinateur qui soit programmé
- nous ne parlons pas tous la même technique
- une analyse non objective fonction de la technique de chacun (des différences et des frontières déjà là mais non comme des propriétés physiques)

 

41- DÉSUBSTANTIALISER LE RAPPORT OUTILLÉ AU MONDE

 

- Pas plus que l'instrument, l'outil n'est ce qu'on a dans la main
 Il est souvent question d'intermédiaire: on dit facilement que le sculpteur procède par l'intermédiaire d'outils qu'on énumère: couteaux, ciseaux, haches, gouges, herminettes. Cette notion d'intermédiaire est non seulement ambiguë, mais quel que soit le sens qu'on lui accorde, elle est en porte-à-faux: soit qu'elle implique un rapport positiviste à l'activité qui tend à privilégier comme objet une chose en raison de sa seule situation moyenne entre l'opérateur et l'ouvrage, ce qui n'apporte rien, soit on postule implicitement et de façon idéaliste que le ciseau est agent de transmission aux ordres de celui qui fait, or précisément, s'il y a système technique, la question n'est plus de savoir qui fait, mais ce qui se fait quand on fait. On risque ainsi d'appliquer le schéma conception - exécution à l'activité, autant dire on sociologise indûment ce qui relève de la seule activité.
 - le matériau n'est pas la matière
 A l'encontre de la variété infinie des couleurs à "saisir", (et en contradiction dialectique avec le fait qu'il n'ait de couleur que techniquement produite et qu'on ne voit que les couleurs de sa technique) les matériaux de la clarté, de la tonalité, de pureté comme tout autre se réalise de diverses façons sans que cette variété apporte d'autres identités mécanologiques. Si le son du langage se joue toujours en polyphonie en restant toujours le même malgré la diversité des voix, l'utilité du matériau se manifeste à travers des matières différentes, ce que dit la polyhylie. A l'inverse une seule matière offre techniquement des différences utiles qui la font éclater, rendant disponible une polyvalence mécanologique.

Pour autant, et à l'encontre d'un matérialisme ou réalisme effrénés, tout n'est pas matériau de ce qui est physiquement là: l'utilité garantit la structure du fabriquant par référence non à la chose à faire mais à l'analyse élaborée de la fin qu'est le fabriqué.
Si j'ai à produire un volume solide, je peux recourir à une masse de granit dont les dimensions garantissent une solidité ; la solidité n'est pas liée par essence (par nature) au granit, elle s'élabore. De même si je procède par assemblage, le matériau solidité n'est pas réalisé par les seules barres de métal, mais par le serrage des écrous ou rivets ; bien plus: les barres elles-mêmes peuvent par leur poids cumulé contribuer à fragiliser l'ensemble.
La solidité technique n'est donc pas celle que le toucher appréhende, elle n'est pas affaire de sensation: elle est même négation de la variété des sensations, découpage abstrait dans la matière pour n'en retenir que des différences de pouvoirs qui peuvent conduire à identifier des matières en apparence différentes. On peut donc affirmer en ce sens que la technique implique un aveuglement dans le rapport aux choses, si du moins on désigne par là une négligence relative de la diversité que je ne cesse pas de constater naturellement.
Le matériau n'existe qu'à la condition qu'il distingue des séquences opératoires ou différencie des tâches: il n'est pas fonction du service qu'il peut rendre indépendamment du fait qu'il s'emploie en qualités utiles lorsque la fragilité est requise dans la casse du verre d'une alarme d'incendie ou constatée à regret face aux tessons. cette fragilité n'accède au matériau que par opposition à la solidité qui conduit à s'abstenir de frapper. Du fait même de cette solidité, la frappe n'est plus outillée.
- La possibilité de l'engin
La fragmentation des moyens est à la mesure des possibilités liées à l'analyse du fabriqué. De la même façon que les matériaux, les engins n'existent que par l'ustensilité conférée par la fin technique et non par les services qu'ils peuvent rendre. Peu importe que les dispositifs auxquels ils participent aient pour fonction de différencier des tâches ou de distinguer des machines, le principal tient à ce qu'ils sont susceptibles d'être employés, possibilité qui fonde la dimension non matérielle de l'engin, et empêche de le réduire à une stricte matérialité.

42- INVERSEMENT, MATÉRIALISER LA FIN

 

421- L'HYPOTHESE D'UNE ANALOGIE AVEC LE LANGAGE

 

De même que la glossologie pose qu'il n'existe pas de pensée sans langage qui la formule, il n'y a pas d'activité en dehors du système technique qui la produit.

 Si l'analyse de la fin fournit le critère de celle du moyen, réciproquement, le recours au dispositif introduit et assure de la différence et de la pluralité dans le rapport à la fin de l'activité.

Tout n'est pas tâche de ce qui est abstraitement à faire (si j'ai à cuire un choux-fleur, la cuisson n'est pas une tâche mais une affaire que des tâches différentes et en nombre varié peuvent gérer ou non (la cuisson n'est pas toujours programmée; rien n'empêche alors le chauffage d'aller jusqu'au terme de la carbonisation sinon un fait extérieur de volonté) puisqu'il faut compter avec l'instrument) , et rien de ce qui est intentionnellement à obtenir ne l'est.

Il n'y a de fin technique que dans un rapport d'exploitation aux moyens élaborés rendu ainsi disponibles.

- Les tâches ne nous viennent pas de nulle part: la disponibilité est à entendre non dans le sens de mise à disposition matérielle mais de possibilité offerte par le système technique c'est à dire organisée par lui. Si je n'ai pas un marteau sous la main je peux m'en procurer un. Et à supposer que je n'y parvienne pas mon geste n'en sera pas moins médiatisé par la frappe de telle sorte que je choisirai parmi les moyens ceux qui réalisent la masse du marteau; poids et solidité sont alors les matériaux mis en oeuvre, le manche relevant d'un dispositif de manutention autant que d'une amplification outillée de la force de frappe.

 Il a déjà été souligné le conflit de la manipulation et de la représentation; celui de la manipulation et de la volonté en est un autre: de la même façon qu'on peut manger pour ranger ou pour finir le paquet de gâteaux, on peut peindre parce qu'il reste de la pâte sur la palette, faire une fresque à hauteur de bras pour éviter l'échafaudage, ne pas mélanger les couleurs parce qu'il faut laver les pinceaux, utiliser la craie et le crayon faute de point d'eau, recourir au petit format et au travail en plan pour le transport, etc....on ne cesse en somme de zigzaguer, d'aller vers un but et de rebrousser chemin. L'important est de considérer à chaque fois la part du système technique dans ce qu'on décide de faire. La technique peut apparaître comme une contrainte, elle peut être aussi une promesse pour qui sait demander à la technique pas plus et pas autre chose que ce qu'elle peut produire.

 

5- TELEOLOGIE ET MECANOLOGIE (FABRIQUANT ET FABRIQUÉ)


 
La technique Déjà là
Ne pas faire