Fabriquant et fabriqué
 
 


L'hypothèse d'une analogie avec le langage:
De même que la glossologie pose qu'il n'existe pas de pensée sans langage qui la formule, il n'y a pas d'activité en dehors du système technique qui la produit.

50- LA FACE CACHEE DE L'OUTIL: LE PROGRAMME INCORPORE

 

Si la fin peut avoir une quelconque autonomie dans le travail qui la départit de l'intention, c'est à la condition de soumettre sa réalité technique à la matérialité d'une exploitation déjà là par un certain agencement des moyens, exploitation qui n'est pas à confondre avec l'exploitabilité sociologiquement autre et toujours possible d'un même matériel, ni avec l'instrumentation qui subsiste à travers l'outil.

- L'exploitabilité sociologiquement autre et toujours possible

En présence d'un même matériel les modes d'emploi sont différents selon chacun ce qui atteste que le dispositif n'est pas réductible au "nécessaire à" ; sociologiquement, il y a, à la limite, autant de dispositifs différents que de sujets à s'en servir. Cette variation des usages est une question distincte de l'utilisation: étant donné une classe d'usages relativisée par son lieu, son milieu et son époque, certaines contraintes formelles de l'ordre du travail et non de la société, précisent la tâche à mettre en oeuvre.

- L'instrumentation subsiste à travers l'outil

Le programme dont il est question n'est pas la chose à faire, mais un certain fonctionnement pour lequel un dispositif a été élaboré. Le rapport à la chose à faire relève principalement de l'instrument qui consiste à finaliser un équipement quelconque par le contrôle d'une conduite machinale qui lui est techniquement liée. La fin est donc gérée doublement et contre-activement par l'outil et l'instrument.

51- DISSOCIATION ET RECIPROCITE DES DEUX FACES

"Signifiant et signifié ne sont point deux domaines distincts mais deux manières séparées de structurer une seule et même réalité."
Jean Gagnepain, DVD, T1, p. 27

En transposant l'analyse propre au langage , s'il y a fabrication dans l'activité, le fabriquant n'est pas le moyen d'un fabriqué qui serait la fin, les deux faces de l'outil procèdent d'une dissociation du moyen et de la fin liés instrumentalement dans l'action. Le signal d'une barre oblique remplaçant la flèche peut l'indiquer: fabriquant / fabriqué.
Mais la dissociation ne va pas sans réciprocité et de même que le signifiant n'est pas le son mais son analyse par le critère du sens du langage, ni le signifié, le sens mais son analyse par la marque du son du langage, de même, le fabriquant n'est pas le moyen mais son analyse basée sur les fins outillées de l'art ni le fabriqué la fin mais son analyse fondée sur les moyens techniquement élaborés. en somme, chacune des faces fournit à la structure de l'autre le support de sa propre organisation.

52- DIFFÉRENCIATION ET SEGMENTATION

Le problème est double:
1. il s'agit de prendre en compte la différence entre notre façon de différencier perceptuellement les choses, de les compter ordinairement et l'analyse technique qui néglige les variations et les fragmentations matérielles techniquement sans importance…
2. …et de réaliser que l'identité technique est fonction des oppositions disponibles, qu'elle se précise par les relations de différence utile et que les unités sont fonctions de mises en contrastes de faisceaux, sorte de cadre d'intégration de variations qui ne sont plus prises en compte.
Globalement il y a à retenir la relativité des qualités et des quantités que sont les identités et les unités.

Les unités et identités thématiques et narratives ne sont pas superposables aux unités et identités techniques. Les pages ne sont ni les identités ni les unités de l'histoire graphique. Elles scandent néanmoins esthétiquement le récit en imposant un rapport au début et à la fin du livre ou de la page qui offre l'occasion d'une chute ou d'une amorce, d'un exergue, d'un prologue et d'un épilogue.

Dans une suite, chacun des éléments n'est qu'un partiel de l'ensemble qui impose son cadre unitaire ; cette participation à l'ensemble fonde la cohésion de l'unité. Dans une série, chaque élément ne vaut qu'en fonction de la différence que lui oppose les autres éléments ; cette différence récurrente fonde la cohérence de la série.

La proposition de travail pourrait être, après avoir constitué une suite ou une série, de faire basculer par un certain réaménagement à trouver, ne serait-ce que de l'espace de présentation, la suite dans la série et inversement.

520- LA DISCRÉTION DES DEUX AXES

La discrétion des analyses qualitative et quantitative désigne le fait que le constructeur procède par une analyse implicite de l'activité, sorte d'inconscient technique qui en conséquence pourrait autoriser à dire ça fait pour invoquer la part de l'outil dans l'ouvrage. Le langage courant ne favorise pas la mise en évidence de ces analyses: lorsqu'il est question des matériaux, on ne sait pas si on vise une diversité de matériaux appréhendés dans leurs différences ou si c'est une pluralité impliquant un dénombrement de ce qui se répète à l'identique. Le même, en français, est un terme qui entretient encore l'équivoque. Pour y voir clair, les conjonctions et et ou peuvent aider: l'analyse qualitative organise le choix entre des identités relatives tandis que l'analyse quantitative définit un nombre également relatif d'unités. Quoiqu'on fasse, le problème techniquement se ramène à une question de choix et de dénombrement ; la préparation d'un repas suppose par exemple : qu'on aille au marché, qu'on choisisse alors entre des ingrédients, puis qu'on les débite ou qu'on les épluche ou qu'on les laisse tels quels puis qu'on les cuisine en crudités ou par cuisson, puis qu'on mette la table avec des possibilités diverses de présentation et enfin qu'on serve soit individuellement soit collectivement auxquels cas un récipient s'ajoute ou non.

6 - MÉCANOLOGIE QUALITATIVE: LE MATÉRIAU

 
Les deux faces de l’outil
Les fins et les moyens élab orés
Ce qui nous fait agir
et comment nous sommes agis