Les identités du fabriqué
 
 


 

On peut doublement définir l'hypothèse du fabriqué, négativement et positivement

90- CE QUE LE FABRIQUÉ N'EST PAS (par hypothèse)

Pour dire ce que le fabriqué n'est pas , il faut l'opposer successivement au produit fini, à l'intention, à la fin instrumentée, et à la chose à la chose à faire.

900 - FABRIQUÉ ET PRODUIT FINI

Le fabriqué n'est pas le produit, mais l'instance formelle qui confrontée aux paramètres de la conjoncture aboutit à celui-ci encore que l'on peut encore désigner comme la part de l'outil dans l'ouvrage. Les paramètres incluant: le trajet, le constructeur, l'exploitant, le cadre financier, spatial et temporel de l'ouvrage, le produit n'est pas à confondre avec le trajet.

901 - FABRIQUÉ ET INTENTION

 En séparant le fait de ce qu'on veut faire, loin d'écarter l'analyse de la fin, on l'intègre dans la technique réduite bien souvent à un ensemble de moyens au service d'un projet.

La distinction introduite ainsi entre le fabriqué et l'intention suppose qu'on repère en chaque chose prise comme trajet l'équivalent d'une sorte de programme incorporé, à l'instar de l'ordinateur qui traite sans hiérarchie toutes les entrées mais en fonction du seul arbre de possibilités des algorithmes qu'il comporte.

Elle amène à distinguer le pour faire quoi du pourquoi que la technique ne saurait gérer. Non seulement La technique met la fin à distance mais la fin analysée en question n'est pas celle qu'on croit (but / intention / projet): elle est celle du dispositif qui assure son fonctionnement. Si l'on peut dire que "ça fonctionne" c'est qu'on suspecte déjà que l'action n'est pas l'acte.

- qualitativement, concernant le choix de la fin;

- pour ne pas se brûler ...

- à propos du rangement, autre exemple: peu importe que les choses soient mélangées, que le biberon de verre soit par devant une casserole qui risque de le renverser et de le casser, le rangement sur l'étagère n'est pas le classement rationnel (opérationnel ou fonctionnel) des choses, il assure seulement une disposition par rangées ce qui rend possible une disposition devant/ derrière et pas seulement à droite/à gauche. Il ne faut donc pas demander plus à la technique que ce qu'elle organise; c'est une façon de gérer techniquement le rapport aux choses et particulièrement aux projets que de n'espérer que ce qu'elle promet.

 - quantitativement, concernant le nombre des fins;

- pour sortir la voiture du garage, j'enfile une veste. Le rapport entre les deux faits n'est pas tel que l'un serait le moyen de l'autre; le fait d'avoir à sortir de l'appartement et de craindre le froid du dehors relève de l'ordre de ce qu'il faut faire autrement dit de l'intention qui m'amène à augmenter les choses à faire avant de parvenir au résultat. Le recours à la veste n'est pas techniquement nécessité par l'ouverture du garage; il n'empêche qu'un ordre qui est aussi celui de l'activité s'impose alors qui m'amène à me couvrir avant de sortir et non l'inverse. Il faut simplement sortir de l'appartement (moyen) pour accéder au garage (fin) et distinctement, il est nécessaire de se couvrir (moyen) pour s'isoler du froid du dehors (fin); La sortie correspond donc à deux trajets différents, elle est moyen et fin en raison de l'enchaînement des deux actions. j'enfile une veste parce qu'il fait froid dehors (la fin de l'action est de s'équiper contre le froid, le moyen est de se vêtir davantage) et je sors pour aller au garage

Remarque: ce qui instrumentalement s'analyse comme moyen, techniquement se réanalyse et l'inverse ; ainsi on rend compte du fait qu'on puisse assimiler la technique à un ensemble de moyens quand elle préfabrique de la fin.

- de même, pour mettre l'ordinateur en fonctionnement j'allume d'abord le moniteur; l'ordre inverse n'empêche pas l'utilisation; mais il n'intègre pas l'entretien du matériel qui est en soi une chose à faire supplémentaire qui s'ajoute à celles que permet l'ordinateur.

- de même pour faire du vélo, je gonfle les pneus, sinon je me prive de la suspension, non de la locomotion.

- pour peindre je peux me dispenser du pinceau; je ferai alors avec une charge limitée de matière qui me conduira à interrompre souvent l'enduction, disposant seulement du stockage.

Conclusion: il y a un nombre techniquement nécessaire de séquences opératoires et un nombre qui tient au projet. Bien que ce dernier n'échappe pas concrètement à l'incidence de l'ordre technique, il relève analytiquement d'un autre ordre

902 - FABRIQUÉ ET FIN INSTRUMENTÉE

Ayant à détruire la mousse de la pelouse, je suis dans un rapport outillé à la chose à faire lorsque j'ai recours au sulfate de fer en solution dans l'arrosoir. Je mets encore en oeuvre l'outil de façon prépondérante lorsqu'au râteau je j'arrache systématiquement ce qui s'y accroche c'est-à-dire aussi de l'herbe. Je compense toutefois l'aveuglement technique par des coups de râteau en plus grand nombre là où la mousse est abondante et inversement. Pour finir le travail je peux aussi m'agenouiller et laborieusement extirper à la main les derniers brins. Là encore l'outil n'est pas absent non seulement si je prends des gants pour me protéger les mains mais parce que spontanément je procède avec mes doigts comme avec le râteau.

903 - FABRIQUÉ ET CHOSE À FAIRE

Il importe également de différencier le quoi faire de ce qu'il est possible de faire techniquement.

ex: Quoi faire aujourd'hui?

Aller se balader au bord de la mer
Essayer son vélo, son auto, faire ses chaussures (neuves) à ses pieds

Ce qu'il est possible de faire techniquement:
- aller à la mer en vélo, et pour l'essayer, freiner dans une côte
- y aller en voiture et pour l'essayer, choisir un parcours en ligne droite
- y aller à pieds bien chaussés, c'est-à dire avec une paire de rechange

Aller à vélo c'est gonfler les pneus, emporter sa pompe, de quoi réparer une crevaison, c'est une façon d'organiser la productivité de la bicyclette ; cf. La production . Dès lors que le dispositif en fait partie (à l'encontre de la définition ordinaire de la tâche) on se rend compte que le quoi faire analysé techniquement n'est pas loin du comment faire. Si nous prenons en considération l'appréhension ordinaire qui réduit la technique à un ensemble de moyens, il faut en conséquence admettre que la question "comment faire" se réfère aussi à l'analyse de la fin. Identifier l'analyse de la fin partiellement au "comment faire" permet de comprendre le désinvestissement de la technique: le quoi faire n'est pas à prendre comme un service à produire, (celui-ci est fonction de la situation et s'avère ambivalent tout comme le sens du message) mais comme ce que le fabriqué est en mesure de produire, autrement dit ce que l'analyse de la fin nous fait faire quand on a quelque chose à faire.

Ainsi comment faire lorsque je ne dispose pas de stylo pour écrire sur une planche? Le fait (comme en atelier de sérigraphie à Rennes2) de procéder par agrafage ne nous fait pas sortir du rapport outillé plus que la linéarisation qui d'ailleurs a parfois dans l'écriture bâton, recours à l'assemblage. Je suis amené à envisager une diversité de façons de faire qui toutes peuvent traiter le même problème. (Dans le cas de la sérigraphie, la fixité de l'écriture est aussi gérée par la durabilité d'une lettre de métal assemblée au châssis de bois)

Les techniques en relai, lorsqu'elles retraitent la même affaire, s'analysent structurellement comme des synergies indépendamment de leur successivité:
La plupart du temps la même affaire est traitée successivement par "différentes techniques" (la différence n'est pas ici appréhendée sociologiquement, elle est analytiquement réduite à sa dimension industrielle): un texte d'abord écrit à la main est transcrit à l'ordinateur, une peinture est photographiée, une émission télévisuelle est enregistrée... on se trouve donc dans le cas d'une identité téléotique soumise à une diversité téléologique de traitements non dans celui d'une identité téléologique variable matériellement. A l'analyser comme telle on régresse vers l'appréhension ordinaire qui voit dans la technique un ensemble de moyens sous couvert d'une fausse téléologie qui n'est en fait qu'une instrumentalisation déguisée de l'activité. La fin de la technique n'est pas à confondre avec la chose à faire, pas plus qu'avec les secteurs industriels qui font varier le trajet.

A négliger cet aspect, ce n'est rien moins que la dimension de l'outil qu'on jette ainsi à la poubelle. Si l'on veut éviter ce rejet hâtif du fondement même de l'ergologie, il y a à faire valoir une façon de faire qui procède systématiquement par l'emploi d'une fin élaborée, ce qui nous dispense d'une attention à la finalité particulière du travail en cours.

En photographiant une peinture, une visée de la photographie apparaît négativement: la photographie paraît élaborée pour enregistrer le visible en mouvement, produire un instantané. Mais je peux aussi entreprendre de multiplier une apparence. On pourra toujours ajouter d'autres destinations à la photographie, par exemple celle de l'agrandissement, celle de voir en noir et blanc, de mettre à plat le réel en volume ou celle de courber l'espace plan de deux photos en deux rouleaux qui se rejoignent comme le fit Alfred WOLS. En fin de compte le fait du noircissement de l'argent à la lumière intégré à la convergence optique dans la camera oscura peut servir à n'importe quoi.

91- CE QUE LE FABRIQUÉ EST QUALITATIVEMENT

 
ce que le fabriqué n’est pas
Faire attention
Les jardiniers du Thabor