AGRICULTURE 

- Vivant dans et avec la nature, les Kogis sont avant tout des agriculteurs. "Jardiniers", ils travaillent les formes, les énergies des lieux, les cycles des formes vivantes qui s'y déploient, passent des alliances avec la nature, plus qu'ils ne s'y opposent ou ne tentent de la dominer. Un tronc peut être légèrement déplacé pour retenir la terre, une pierre posée sur une autre pierre pour faciliter un écoulement d'eau, un arbre redressé pour que son ombre protège quelques légumes, un canal momentanément ouvert pour limiter l'érosion d'une terrasse, des coquillages déposés pour enrichir la terre. Une pratique qui révèle la pleine conscience que les Kogis ont de la nature, des bénéfices qu'ils peuvent tirer d'un sol respecté et préservé. Le premier type d'informations qu'ils se transmettent, est lié aux calendriers rituels qui, pour l'essentiel, correspondent aux cycles cosmiques, climatiques et agricoles en vigueur aux différents étages thermiques de la Sierra. Deux saisons sèches, de décembre à mars, puis de juillet à septembre, alternent de façon très régulière et prévisible avec deux saisons de pluies marquées par des précipitations denses et violentes. Les zones de culture sont nettoyées pendant les mois de décembre et janvier. En février commencent les brûlis. En revanche, compte tenue de la très grande diversité de plantes semées, exploitées ou cultivées selon les climats, la nature des sols, l'altitude et l'exposition au soleil, les activités de récolte se pratiquent toute l'année. Polycultivateurs, convaincus que les protéines animales peuvent être dangereuses pour la santé, notamment pendant les temps de rituels, ils pratiquent une agriculture de subsistance qui s'appuie pour l'essentiel sur la valorisation d'une grande variété de cycles végétaux, répartis sur différents étages thermiques. Une sorte de "chaîne agricole"qui leur permet de disposer, tout au long de l'année, du minimum pour survivre. Leurs connaissances agricoles se structurent autour de ce que nous désignons sous le terme de "permaculture", à savoir la valorisation et l'association des spécificités perçues comme complémentaires (cycles de vie, propriétés...) de chacune des plantes cultivées : un système millénaire de pilotage et de contrôle biologique. (LIK)

- "Toute culture est menacée par des prédateurs naturels, insectes, rongeurs, oiseaux ou limaces. Ayant connaissance des rythmes diurnes et nocturnes des activités de ces animaux, le Mamu établit des correspondances entre ces cycles et les cycles "soli-lunaires"indicateurs des périodes de culture et de croissance des plantes. Les animaux n'attaquent les plantes que lorsque leur cycle est synchronisé sur celui du végétal. Le rôle du Mamu, lié à ses connaissances "intimes"des cycles de vie d'un territoire donné, consiste à décaler le cycle normal de croissance d'un végétal, en demandant aux membres de sa communauté de retarder les semences de quelques jours, voire de quelques semaines, par rapport aux dates optimales. Lorsque les plantes vont commencer à germer, décalées par rapport à leur cycle normal, les prédateurs naturels auront atteint un stade de développement trop avancé pour être encore nuisibles. (Gerardo Reichel-Dolmatoff) (LIK)

- De 200 mètres d'altitude pour les plus bas, à 3500 mètres pour les plus hautes, chaque famille dispose de plusieurs lieux de vie, répartis aux différents étages thermiques de la Sierra. Selon les saisons, les cultures et les périodes de récolte, leurs chats, leurs enfants et quelques affaires amarrés sur le dos d'un bœuf ou d'une mule, les Kogis se déplacent de l'un à l'autre en permanence. Ils utilisent pour cela un important réseau de chemins ou bungula, qui sillonnent la Sierra, parallèles ou perpendiculaires aux principaux cours d'eau. Lorsqu'ils cultivent ou re-cultivent un espace agricole momentanément délaissé, ils procèdent de façon échelonnée, en accord avec leurs besoins alimentaires (nature et quantité). En règle générale, ils commencent par des tubercules, puis viennent des céréales comme le maïs, rapidement associées à des légumineuses dont les lianes prennent appui sur les plants de maïs. Bananes, plantain et arbres fruitiers vont ensuite être répartis de façon à ne pas générer trop d'ombre tout en protégeant d'une brise parfois excessive. Peu à peu, les champs se convertissent en véritables « silos » sur pieds, sortes de "supermarchés naturels"dans lesquels chaque famille, quelles que soient les distinctions de rang ou de fonction sociale, vient puiser proportionnellement en fonction de ses besoins quotidiens. Leur principale ressource alimentaire est la banane plantain (salée), un fruit qui peut être récolté tout au long de l'année, puis vient la banane, les haricots, les pommes de terre, qui semblent être apparues dans la Sierra après la conquête espagnole. Canne à sucre, mangue, yuca, maïs, batata et name semblent en revanche être précolombiens. Cette intégration de productions extérieures illustre la capacité d'adaptation de la société Kogi, capable de maintenir son autonomie culturelle, malgré les pressions et les risques d'acculturation croissants auxquels elle se trouvent soumise.

Getzama et muen : Certains produits frais, non consommés, peuvent être conditionnés et emportés vers d'autres étages thermiques où ils seront échangés contre des produits agricoles d'altitude. Le stockage est une pratique très peu répandue du fait de la rareté des plantes céréalières (plus faciles à conserver) mais aussi parce que les Kogis pensent qu'il n'est pas nécessaire de produire plus que nécessaire pour entretenir le système d'échanges entre zones de culture. Certaines terres vont être désignées commee "getzama", c'est-à-dire à même de produire des récoltes suffisantes pour assurer un échange avec des cultures en provenance d'autres écosystèmes, et d'autres "muen"dont la production agricole nécessite d'être complétée par des excédents produits sur d'autres terres.

- Tailles et brûlis font largement partie de leurs pratiques agricoles, mais à la différence des paysans ou des colons, ils commencent les brûlis avant que la végétation ne soit trop sèche et que les feuilles ne soient tombées. De fait, les flammes brûlent plutôt les parties hautes des branches, et épargnent la microflore et la microfaune (micro-organismes) qui se développent près du sol. Une pratique qui favorise la décomposition des matières organiques et la formation d'humus. Autre avantage, les plus gros troncs ne brûlent pas entièrement, ils forment des barrières de contention qui permettent de limiter les effets de l'érosion, puis ils se décomposent, augmentant les capacités de fertilisation du sol. (LIK)



 AHUYAMA 

- (lagenaria siceraria) est une plante rampante, qui symbolise l'évolution et l'accroissement de la société Kogi par dédoublements successifs et nouvel enracinement à partir d'un pied d'origine. C'est elle qui produit les calebasses qui seront remises aux jeunes garçons lors de leur passage ritualisé à l'âge adulte. Une simple calebasse qui deviendra poporo, un objet remis au jeune par le Mamu, sur lequel s'inscriront, via le dépôt d'un mélange composé de chaux, salive et résidus de coca, les émotions et les états intérieurs de leur propriétaire. Une façon de dire, pour les Mamus, que les poporo parlent, qu'ils ont une parole. (LIK)

 ALUNA 

- La pensée « l'âme ou l'énergie » a créé des formes différentes pour chacune des expressions du vivant, et chacune de ces expressions, de ces formes, a son Aluna, sa pensée, capable de communiquer avec les autres et d'être reliées. Tous les êtres vivants ont une pensée, une force « spirituelle » qui dynamise la vie. Sans Aluna, le corps n'est que matière inerte, où les éléments naturels interagissent les uns avec les autres, avant de pourrir et de disparaître. Les interactions entre la pensée, Aluna, et la matière créent une autre force, une autre « énergie », que les Kogis appellent « Seiwa », la conscience... Aluna n'est pas bonne ou mauvaise, elle est pensée et énergie. Seiwa, en revanche, peut être négatif ou positif... ou simplement Seiwa. De telles notions sont forcément relatives puisque ce qui peut être positif dans un cas peut se révéler négatif dans un autre. L'un ne peut être pensé sans l'autre, et la seule question qui préoccupe les Kogis est de savoir comment maintenir l'équilibre, donc la relation. Afin d'atteindre ce but, il leur faut demander la permission et faire les offrandes nécessaires pour agir. Une manière de respecter l'autre dans sa dimension spirituelle et matérielle, quelle que soit sa forme, son apparence. Si les Kogis transgressent cette règle, alors , lorsque Aluna quitte la matière, ils restent avec leurs dettes, leurs déséquilibres, et doivent en assumer les conséquences. C'est une manière d'être que les Kogis ont appelée Seiwa. Elle se travaille chaque jour, là-haut dans la Sierra. (KOG)

- C'est dans Aluna, monde de l'esprit, que se trouveraient les principes de vie et les potentiels, dont les formes physiques seraient de simples reflets. Aluna est à la fois souffle de vie, mémoire, potentiels et intention. (LIK)



 ANIMAL 

- Pour les Kogis, les animaux sont « presque » des gens. Ils leur semble évident de passer d'un « état » à un autre, voire de s'appuyer sur leurs comportements pour questionner et orienter les conduites humaines. Parmi eux, le colibri, qui symbolise le paradoxe entre la beauté et le côté « solaire » de son plumage et la paresse, voire l'instabilité de son comportement. L'oiseau, dans sa dimension symbolique, tient une place un peu à part dans les rituels, les danses et les cérémonies. Il « symbolise » et accompagne les voyages chamaniques, d'un monde à l'autre, d'une réalité à une autre. Avec la grenouille, la chauve-souris et le jaguar, il fait partie des représentations fondamentales de l'univers Kogi. La variété de leurs chants, de leurs danses et de leurs comportements, les stratégies mises en œuvre pour collecter leurs aliments, ou l'occupation d'un territoire, offrent de multiples « métaphores », supports analogiques, pour mieux comprendre les comportements humains. (LIK)



 ANOKUA 

- Désigne la force, l'énergie obtenue de la rencontre entre deux forces opposées, le haut et le bas notamment. Force de gravité. (LIK)





 BUNGULA 

- Important réseau de chemins qui sillonnent la Sierra, parallèles ou perpendiculaires aux principaux cours d'eau. (LIK)



 CABO 

- Terme transposé de l'espagnol. Désigne l'assistant du comisario ou du mamu. D'une manière générale, ce sont des Kogis chargés de transmettre des messages, d'aider un autre Kogi ou d'exécuter les décisions prises par la communauté. (LIK)



 CAFÉ 

- (Dans les années 2000) les Mamus de Santa Rosa ont collectivement décidé d'abandonner la culture du café, qu'ils estimaient trop dangereuse pour la communauté. Mise en place par le gouvernement, cette culture n'est pas une pratique traditionnelle chez les Kogis. Si certains en ont accepté le principe, lui assignant quelques hectares, d'autres ont préféré s'en abstenir, se contentant de travailler leurs ressources traditionnelles. Au bout de quelques années, les premières difficultés ont commencé à poindre. Les Kogis possesseurs de parcelles de café ont pu vendre leurs récoltes dans la vallée, dégager des bénéfices et acheter des objets de consommation introuvables dans la Sierra. Certains Kogis ont pu avoir ce que d'autres ne pouvaient avoir. Divisions, jalousie, et même vols, ce qui ne s'était jamais vu chez les Kogis, ont commencé à apparaître. La différence s'insinuait dans la communauté, créant des déséquilibres, puisque, contrairement aux objets ou productions traditionnelles qui se trouvent à profusion dans leur environnement naturel, certains ont soudain eu accès à des objets totalement nouveaux. La décision a donc été prise d'abandonner les plants de café et de les laisser mourir doucement. Une façon de conjurer la mort et la destruction de leur culture... Curieusement, ce sont les Kogis devenus économiquement les plus riches qui ont commencé à devenir socialement non pas les plus pauvres mais les plus « misérables », perdant leur ressources alimentaires, leur dignité et leur autonomie. Il perdait surtout le système de don et de réciprocité qui fonde leur identité et l'équilibre social du groupe. (KOG)



 CALEBASSE - TUTUMA 

- Calebasse ; les tutumas désigent également les cuillères des Kogis.



 CARTE TRESSÉE 

- Ces représentations symboliques, loin de n'être que métaphores ou représentations abstraites liées à l'imaginaire de leurs auteurs, sont issues d'une expérience "fusionnelle"de la nature. A la fois carte, calendrier, support mnémotechnique et analogique, elles nous confrontent à une lecture mentale, spirituelle, matérielle et agissante, à même de mettre en lien plusieurs plans : physique, symbolique, visible et invisible, énergétique, macro ou microscopique. Certaines de ces représentations, constituées de roseaux aplanis et tressés, renvoient au corps, au monde et au "tissage", fondamental chez les Kogis, qui considèrent que vivre, c'est tisser sa vie.

- "Ce sont des cartes physico-symboliques. Les plumes et les quartz, que l'on dispose dessus, sont nécessaire pour étudier, pour nommer les choses. Pourquoi ? Pour soutenir l'équilibre, l'eau, les arbres, les oiseaux, toutes les classes d'êtres vivants ou non. Avec les plumes, ce n'est pas seulement pour les voir. Chaque année nous utilisons ces cartes pour savoir à quelle dates précises nous devons danser, faire les danses traditionnelles. Nous devons danser pour les aliments, pour tailler la forêt. Si nous ne demandons pas la permission, sans demander nous ne pouvons pas brûler ou couper les arbres. Au début de l'hiver ou de l'été, quand viennent les saisons sèches, nous savons comment protéger la Sierra : le nom des choses, les danses viennent de nos ancêtres, de la mémoire, depuis le début du monde. Quand nous avons commencé à penser. Ces éléments, ce matériel, nous nous en servons pour consolider nos connaissances, notre culture et nos pouvoirs. Si nous connaissons le passé, nous pouvons vivre bien au présent et préparer le futur. Les Petits Frères pensent que nous ne savons pas écrire, les Petits Frères ont des livres, des cartes. Nous, nous n'avons pas de papiers, nous travaillons dans le cœur et dans l'âme. Mais ce sont des pensées plus vivantes, plus réelles que ce qui est sur vos papiers.
C'est comme cela que nous vivons, c'est comme cela que nous continueront à vivre. Toutes les formes ont un père et une mère. Nous sommes tous frères mais nous avons des langues différentes et nous travaillons des formes différentes. Nous devons apprendre à ne pas nous battre et nous disputer sur ces formes différentes, mais profiter de ce que nous a laissé la Sierra, la nature. Chacun a un territoire, un morceau de la terre où il peut vivre bien chacun avec avec sa manière de faire, de parler, de vivre ensemble. Mais nous sommes tous fils et filles d'un même père et d'une même mère. Il y a tout cela sur nos cartes. Elles nous donnent toutes les indications sur ce que nous devons faire pour respecter la vie, pour vivre bien, pour respecter les rivières, les plantes, les arbres, les forêts, et vivre bien entre nous. On ne va pas se battre, on ne peut pas se battre à propos de ce que nous laisse la mère. Nous devons apprendre à la respecter et à vivre ensemble en respectant la mère. Chaque communauté, chaque famille a la responsabilité d'une partie de territoire. Chaque famille doit faire le travail nécessaire, les offrandes nécessaires. Pour cela nous avons besoin de la mémoire. Les cartes nous aident.
(Antonio Dingula – Mamu) (LIK)

- Lorsque le jeune Mamu l'a sorti de la nuhé (la carte de roseaux tissés), je pensais que ce n'était rien de plus qu'un support pour éviter que la couronne (de plumes) ne touche le sol. J'étais loin de me douter... « regardez, pour nous ceci est une carte, ici, nous pouvons voir le monde... » Doucement Miguel commence à nous montrer chacune des composantes de cet étrange document. « Là, ce sont les montagnes, ici et ici, les rivières, ça se sont les lacs, et là, c'est la ligne noire qui délimite notre territoire. Tout ce que nous ont dit les anciens est là, vivant, écrit sur cette carte. Ce qu'il y a d'écrit ici, c'est la même chose que ce qu'il y a sur la pierre de Duanama. » Je reste un instant dubitatif. L'étrange document, sorte de « set de table » tressé, que nous présente Miguel serait une carte. Je m'approche pour essayer d'en comprendre la logique. A y regarder de plus près, le tissage de roseaux est extrêmement régulier, précis. Régulier, mais absolument pas répétitif. Chaque motif est légèrement différent du précédent. - Mais sur votre carte, on peut voir réellement les vallées et les montagnes, comme sur les notres ? « Bien sûr ! » Alors où est Tchendukua par exemple ? Miguel pose le doigt sur sa carte, remonte une suite de motifs et m'indique un endroit précis où il pose un objet en or, symbole de la fonction que représente le village de Tchendukua. « Le village est là. Mais pour nous, cette carte n'est pas seulement une carte de la Sierra avec tout ce qui existe. La Sierra est le cœur du monde, et un cœur qui n'est pas relié aux autres organes, aux organes de ce grand corps qu'est la terre, ne pourrait pas vivre, fonctionner. Si nous nous limitons seulement à la connaissance et à la représentation du cœur, nous ne pourrions réellement pas comprendre son fonctionnement. C'est un peu comme vos médecins, cela ne leur est pas suffisant de connaître le fonctionnement de la tête, ils doivent aussi comprendre comment fonctionnent les pieds et comment les deux sont reliésn non ? Nos cartes représentent beaucoup plus que cela... » En écoutant Miguel, je ne peux m'empêcher de regarder leur carte et d'essayer d'imaginer comment autant d'informations peuvent s'y trouver représentées. Si je comprend bien ce qu'il explique, il doit y avoir plusieurs niveaux d'information, d'ordres symboliques différents, imbriqués les uns dans les autres... Notre carte ne contient pas 10% des informations structurées contenues sur celle que nous présentait Miguel. Là il est possible de localiser les rivières, les sommets, les étages thermiques, les villages, les lieux de rituels et leur nature, mais aussi de connaître la luminosité de chacun des versants de la Sierra selon la position solaire, la biodiversité liée à chacun des étages thermiques et à leur ensoleillement... Imperturbable, Miguel poursuit ses explications :   « De nombreux Mamus portent sur eux certaines parties de cette carte généralement tissées sur leurs mochillas. Pour nous, les mochillas présentent une sorte d'écriture qui permet de transmettre des messages, conserver une information, sur des thèmes aussi variés que la musique, la danse, certaines danses spéciales qui nous permettent d'entrer en relation avec la nature. A chaque étage thermique, chaque rivière, chaque sommet, correspondent des danses, des musiques spécifiques, une sorte de langue spéciale adaptée à un contexte particulier qui évolue et se transforme selon les lieux géographiques. Dans chacun de ces lieux, se trouve une faune et une flore particulières, auxquelles correspondent aussi des rythmes et des danses. C'est toutes ces informations que nous avons là, écrites sur nos cartes. » (KOG)



 CHANTS - DANSES 

- "Nous savons comment apprendre ces choses, les danses. On utilise les flûtes (quizi), les tortues (kuiiguba), les tambours (kaja). Les instruments sont importants pour le travail spirituel. Il y a quatre danses et quatre chants importants, mais chaque Mamu peut avoir ses propres chants. On fait aussi des danses particulières pour les mariages, les baptêmes, pour la mort aussi. Pour chaque activité, il y a des chants et des danses particulières, et pour les danses il faut des plumes (celles des guacamayas)". (Miguel Dingula – Mamu) (KOG)

- "Avant, chacun avait un savoir particulier. Un Mamu connaissait les danses de la nourriture, un autre celle du vent et de la brise. D'autres connaissaient les danses du soleil, de la lune ou de l'obscurité, de la nuit. On savait pratiquer ces danses. Pour le baptême des maisons, pour les mariages, on savait faire tout cela." (Mamu) (KOG)

- Quand la musique est là, dans l'obscurité profonde, les visages à peine effleurés par les flammes vacillantes du foyer, peuvent alors commencer les danses collectives ou solitaires, de l'obscurité vers la lumière, de l'intérieur vers l'extérieur, en spirale toujours. Elles sont lentes, presque statiques, les danseurs tournant parfois sur eux-même autour d'un même point puis d'un autre, des points reliés à des lieux du territoire ou des points du corps. Les hommes d'un côté et les femmes de l'autre, puis ensemble, puis de nouveau séparés, ils dansent comme une respiration ou le battement d'un cœur ; ils dansent et dansent encore aux sons lancinants des tambours, des flûtes, des maracas et des autres instruments. Prolongation du rythme cardiaque ou du souffle de la respiration, les mélodies semblent saccadées, répétitives, qui rapprochent puis éloignent, associent et dissocient. Rires, sourires, regards graves et concentrés, enveloppent des gestes que l'on écrit, comme une évidence. Devant les danseurs, le Mamu et la Saga. Imprégnés par la danse, ces rythmes qu'ils prolongent, presque en transe, ils orientent les « volutes », accélèrent ou ralentissent les rythmes. Des pas « évidents », expressions d'une lointaine réalité, transmises depuis des millénaires, de génération en génération.
Autour de la danse, les hommes et les femmes acquièrent une personnalité mythique. Ils partagent leur identité avec leurs ancêtres, leurs dieux ou certains animaux qui vivent sur leur territoire. Des instants d'intenses émotions, qui pendant un temps leur fait percevoir d'autres mondes, d'autres logiques et d'autres sensations, étrangères à leur vie quotidienne. (LIK)

- "Quand on apprend bien à danser, avec les plumes ou les masques, alors Kalguacha peut nous reconnaître et nous voir... Quand j'étais petit, mon père m'emmenait voir un Mamu qui savait les danses. Quand je le voyais danser, je trouvais cela très difficile, puis j'ai appris, j'ai compris les choses, maintenant je peux enseigner aux plus jeunes. Il y a des Mamus qui connaissent la danse du vent, de la brise et celle de la nourriture. D'autres connaissent les danses du soleil et de la lune, ou de l'obscurité. Il y en a d'autres pour les mariages, pour le baptême des maisons. Lorsque l'on danse « Casa Maria » nous devons traverser les neuf mondes, pour se retrouver dans le neuvième, le dernier. Quand nous parlons de choses importantes, elles rejoignent le neuvième monde, c'est là où se trouve le tout, l'unité. La danse de la « Casa Maria », c'est une danse qui doit durer neuf jours et neuf nuits, comme nous l'a laissé et comme nous le dit seiwa. Nous dansons au début de l'été, car nous savons que c'est le début de la sécheresse. Nous dansons pour que la sécheresse ne nous affecte pas trop, pour qu'il n'y ait pas de maladies, que les animaux et les plantes puissent être protégés jusqu'à l'hiver et jusqu'aux périodes des pluies. Il y a d'autres danses plus courtes qui ne durent que quatre jours, pour une naissance, un baptême, un peu comme vous quand vous fêtez la nouvelle année. Et il y a des danses qui sont réservées aux Mamus. Quand nous dansons, nous faisons des offrandes à la nature, nous lui donnons, pour la remercier de ce qu'elle nous donne. Vous nous avez amené du riz, nous devons à notre tour vous donner quelque chose. C'est pareil avec la nature. Quand la nature vous donne quelque chose, il est normal que vous la protégiez et que vous lui donniez aussi quelque chose. Ce sont les pagamientos, les offrandes « spirituelles » que nous faisons pour chaque chose, pour tous les êtres vivants ou non. Si on ne fait pas cela, si on ne « pense » pas les choses, si on ne fait pas le « travail », alors tous les déséquilibres arrivent, il y a des éboulements, des inondations, des maladies. Nous recevons les conseils de seiwa pour se protéger et protéger la nature. On ne danse pas car c'est joli ou pour se faire plaisir, on danse et on fait ce travail pour la nature. On doit avoir la mémoire de ce travail, de ces danses. Il y a un ordre précis : où il faut sauter, où il faut tourner, dans quel sens... Danser, c'est une forme d'écriture. Les femmes et les hommes suivent des pas de danse différents, les femmes dansent plutôt la nuit et les hommes, le jour." (Miguel Dingula –(Mamu) (LIK)

Voir aussi : Musique



 CHAPEAU 

- "Goro" est le terme utilisé chez les Kogis pour désigner le chapeau. (KOG)



 COCA- AYO 

- La coca ou « Ayo », ne peut être ramassée que par les femmes ou les enfants. Assimilée à la « pensée » en général, et la pensée de la Mère des plantes en particulier, échangée lors des saluts entre les hommes, elle tient une place essentielle dans la culture Kogi. Consommée sous forme de feuilles « toastées » mélangées à de la chaux qui en libère le principe actif, elle est exclusivement utilisée par les hommes lorsqu'ils se servent de leur poporo. Elle permet de « penser » la nature, et d'entretenir une relation privilégiée avec la Mère. (LIK)



 COMISARIO 

- Terme transposé de l'espagnol. Désigne un Kogi, qui sans être Mamu, est reconnu pour sa sagesse et ses connaissances. Il est souvent en charge des questions d'organisation et de mise en œuvre des décisions prises par la communauté. (LIK)



 CONFESSION - VERBALISATION - NESHI 

- "La confession ou "Neshi" permet d'éviter les déséquilibres. Elle peut durer une heure, un jour, parfois plusieurs jours. Elle peut être individuelle ou collective, selon les sujets ou les problèmes rencontrés. Il est nécessaire de se « confesser » pour se « laver », d'apprendre à parler, à dire les choses, pour que les problèmes ou les difficultés puissent être résolus, pour éviter les maladies. Se confesser, c'est nécessaire avant de faire une maison, de cultiver son champ, avant de faire toute chose. Pour connaître l'esprit et être dans une juste intention. C'est une façon de se laver, de se nettoyer, comme les gens qui lavent une casserole pour qu'elle reste propre et qu'elle puisse continuer à servir. Les offrandes, les pagamientos, nous permettent aussi de garder l'équilibre. Il y a des pagamientos pour tous les êtres vivants ; il faut leur donner à manger, ce sont les Pères et les Mères de la pluie, des nuages, des plantes, de l'air... c'est la loi des origines qui nous donne les grandes orientations. Une personne se fâche, n'aime pas la nourriture, se dispute avec son ami, sa femme a de mauvaises pensées, il veut une autre femme, elle un autre mari... Tout ce qu'ils pensent, ils doivent le dire, le faire sortir pour rétablir la paix. Parfois c'est difficile, certains pleurent de colère." (Marcello Nolavita - Mamu)(LIK)

- Conscients de leurs multiples dimensions, les Kogis n'hésitent jamais à verbaliser leurs ressentis. Au contraire, mettre des mots sur leurs états d'âme est une priorité. Le verbe circule dans le groupe, les conflits émotionnels sont partagés, analysés et assumés par l'ensemble de la communauté. Il en va de l'équilibre individuel et collectif. Véritable dispositif de régulation et de prévention, la verbalisation est le gage d'une bonne écologie, à la fois intérieure et extérieure. C'est la condition d'une bonne santé pour chaque indien et pour son peuple tout entier. On est bien loin des problèmes d'alexithymie (du grec a=absence, lexis=mot, thymos=émotion), cette incapacité de mettre des mots sur les émotions dont souffrent de nombreux Occidentaux et qui favorise l'apparition de toute une série de troubles somatiques, voire même de violents conflits sociaux.
Soucieux de partager l'information au service de l'harmonie, les Kogis insistent sur l'importance de clarifier leur pensée, de dire ce qu'ils pensent et de faire ce qu'ils disent. Cette constante recherche de cohérence nous apprend comment participer avec justesse à l'équilibre du monde. C'est là, le véritable secret de leur médecine . Art de prévenir plus que de guérir, celle-ci n'a pas de nom dans leur langue. Sans doute parce que, pour eux, il est rarement question de soigner les corps malades mais plutôt d'enseigner comment préserver le corps en bonne santé. Cohérence oblige, cet enseignement passe inévitablement par l'expérience. La recherche de l'équilibre n'est pas un concept théorique, c'est une intention de chaque instant qu'il faut concrétiser à travers la plus anodine des situations, le moindre des échanges. La médecine des Indiens Kogis ne dispose pas des moyens sophistiqués développés par la médecine scientifique. Elle n'en a pas forcément besoin, d'ailleurs. (Thierry Janssen) (LIK)

Voir aussi : Équilibre et Maladie/Santé



 CONFLIT 

- Ils (les Kogis) passent beaucoup de temps à repenser les situations à résoudre, assis sur une colline, sans bouger de la journée, en méditation : le sujet est creusé jusqu’à qu’ils en trouvent la racine, réunis à trente personnes, ou plus… Pratiquant la verbalisation collective de façon assidue, exprimant ce qui les préoccupe, la spiritualité étant au cœur de leur société, avec la présence de leurs Mamus, ou Sagas, pour les femmes, – leurs maîtres spirituels –, astreints à suivre une formation sur dix-huit ans. (IEJT)



 CUENTA - PIERRE TAILLÉE 

- Pierres taillées que les Kogis utilisent pour faire leurs rituels. A chaque cuenta correspond une fonction spécifique. Le plus souvent taillée dans des quartz de couleur, une cuanta peut mesurer de un à plusieurs centimètres. Leur finesse révèle l'incroyable patience que nécessitait leur fabrication. Parfaitement polies, de formes rondes, ovales ou tubulaires, selon leur usage, elles sont souvent percées en leur centre. L'irrégularité du trou – les Tayronas ne connaissaient pas le fer – révèle leur authenticité. (KOG)



 DOMINATION - RESPECT 

- S'il est une chose que les Kogis craignent par dessus tout, c'est de ne pas respecter l'autre, de donner l'impression d'être plus que lui, de vouloir le dominer. D'après eux, un homme ne peut pas être plus important qu'un autre homme, ni même qu'un arbre, une pierre ou une rivière. Chacun est là pour remplir une fonction qui lui est propre et qui est utile pour l'autre. Vouloir dominer est une façon d'entamer sa propre destruction. C'est, entre autres, pour cette raison que les Kogis regardent avec angoisse les petits-frères en particulier, et la société occidentale en général, tenter de dominer le monde. (KOG)



 DON - CONTRE-DON 

- Au-delà des offrandes que chacun doit réaliser en « remerciement » ou « contrepartie » de ce que lui donne la nature, les échanges et systèmes de réciprocités mutuelles, dons et contre-dons, qui sont au cœur de leur système social, sont transmis par le biais de l'enseignement de Dugunabi... Ainsi le concept de zhigoneshi qui pourrait être traduit de la manière suivante : « tu m'aides et je t'aide sans contrepartie rémunérée » se rencontre entre frères, beaux-frères ou voisins. Il n'est pas sans évoquer les systèmes de « SEL » (système d'échanges locaux), voire de solidarité qui se développe en cas de crise ou de pénuries dans nos sociétés modernes. Celui de nagone évoque un échange, travail/nourriture, individuel ou collectif, assez fréquent lorsqu'une personne souhaite construire sa Maison. Naes bos ge gone évoque l'aide que doit apporter un jeune garçon à son futur beau-père. Le kandji désigne, lui, les échanges de récoltes entre deux étages thermiques (voir Agriculture). Au non respect de ce système de réciprocité sont associés des sanctions, qui vont de l'information à la communauté, lors des réunions collectives – ce qui affaiblira la personne concernée au sein du groupe -, à des conseils donnés par le Mamu, en passant par des obligations rituelles diverses, qui doivent amener la personne concernée à comprendre les conséquences, pour le groupe, du non-respect de ces règles de réciprocités. Des systèmes de dons, contre-dons et entraides qui semblent avoir largement existé dans certaines sociétés rurales en Europe et en France ; mendiants accueillis à une table en échange de menus travaux, échange de main-d’œuvre pour les champs ou la construction d'une maison. Lorsque les enjeux se font plus pressants, les liens sociaux se resserrent.
Harmonie, équilibre, solidarité, engagement, responsabilité, respect, écoute, en arrière plan de ce fonctionnement basé sur le don et le contre-don, se trouve un très « puissant » et très « efficace » système de valeurs partagées. Puissant, car il est en permanence expérimenté et entretenu par les Mamus qui en sont les gardiens vigilants. Efficace, car c'est sans doute grâce à ce système de valeurs et leur implacable détermination à le faire vivre, que les Kogis ont réussi l'extraordinaire tour de force d'arriver jusqu'à nous. C'est ce système d'intelligence collective, ce dialogue « créatif », indispensable à notre survie, cette intelligence « vécue », qui permettent d'incarner des valeurs au détriment du lien institutionnalisé ou contractuel qui éloigne et dissout la relation « sociale ». (LIK)

Voir aussi : Partage



 DUDASCHI 

- Désigne les conversations qui peuvent parfois durer plusieurs nuits, sans interruption. (LIK)



 DUGUNABI 

- Ce personnage mythique est considéré comme étant le premier homme a avoir travaillé la terre avant de l'ensemencer. C'est lui qui a établi les règles du travail partagé, une règle stricte qui permet le contrôle de la réciprocité, et qui se décline à travers un grand nombre de concepts qui permet d'en contrôler le respect par les membres de la communauté. (LIK)



 ÉDUCATION 

- Lorsque l'enfant arrive au monde, et pendant une période de quatre ans, l'éducation est avant tout une éducation par l'exemple. L'exemple des adultes ou des enfants plus âgés. Pendant toute cette période, il ne peuvent pas être punis, car la punition risquerait d'altérer la mémoire acquise pendant la période embryonnaire. A partir de quatre ans, l'enfant est amené à prendre des responsabilités, à s'engager en fonction de son âge et de ses capacités. Seul un adulte ou un enfant plus âgé peut être tenu pour responsable d'une action qui ne serait pas correctement réalisée et ce, jusqu'à ce que Aluna (l'âme ) permette à l'enfant de développer son propre "Seiwa"(sa conscience), sa façon à lui d'être au monde. Au fur et à mesure de son évolution, le seiwa est celui qu'il reçoit de son environnement. Il développera alors des comportements qui seront en accord avec ce qu'il aura appris. Bien sûr, plus tard, l'adulte pourra encore apprendre, mais les Kogis considèrent qu'il s'agit plus de perfectionnement que d'un réel apprentissage. Une telle éducation n'est pas pensée comme un processus linéaire qui partirait d'un point pour tendre vers un autre, mais de façon circulaire où l'on apprend à être père pour être enfant et enfant pour être père. Dans un tel processus, pas de maître, ni d'école au sens de nos sociétés modernes, mais des temps individuels d'expériences partagées avec les parents, collectifs avec les Mamus, les autres membres de la communauté et la nature "où tout est écrit". (LIK)

- "Il n'y a pas de maître chez nous. Ce sont les parents, le père et la mère qui sont en charge de l'éducation. Les enfants doivent apprendre à vivre par la pensée. Ils doivent travailler leur pensée, et, pour cela, il n'y a pas besoin de livre. Plus tard, il recevra une charge particulière et il apprendra les offrandes, les segurencias ou les pagamientos qu'il doit faire pour réaliser son travail. Un jeune va apprendre à baptiser une maison, un autre va être formé pour le travail communautaire, un autre pour l'entretien des chemins, les constructions, comment protéger les rivières, les oiseaux, les animaux, quel bois couper, quand le couper, les lianes qu'il est possible d'utiliser ? Il devra savoir l'ensemble des pagamientos (offrandes) en rapport avec sa fontion. Parfois, nous nous réunissons pendant plusieurs jours à Tchendukua pour apprendre aux jeunes, partager les conseils, faire les offrandes, aller à la loma (méditation collective), réparer les maisons, tisser, chanter, danser, faire nos vêtements. Tchendukua, c'est un site sacré, un site cérémonial, là où « converge la pensée » C'est au cœur des quatre sommets, des quatre points cardinaux des quatre clans. C'est notre école à nous. Une école où les plus anciens vont apprendre à penser les choses aux plus jeunes. Il est important d'avoir une seule pensée, une belle pensée. C'est ça que nous apprenons." (Miguel Dingula – Mamu) (LIK)

- Au-delà de l'apprentissage que les adultes transmettent aux plus jeunes afin qu'ils trouvent leur place au sein de leur société, les Kogis considèrent que le processus éducatif, difficile, exigeant, dure toute une vie. Un processus lent qui passe par des étapes précises, condition pour revenir à l'état d'unité et de pureté que nous avons à la naissance. A chacune de ces étapes, l'état de connaissances acquises par un élève va se mesurer, s'apprécier à la lumière de la qualité de ses questions. Plus pertinente sera la question, plus dense sera le niveau de la réponse et la qualité de réflexion que nécessitera son intégration.

Éduquer consiste donc, pour les Kogis, à entretenir et faire vivre un système collectif qui permette à chaque membre de la communauté d'y trouver sa juste place. Un tel système doit toujours être en capacité de comparer un événement donné à un événement similaire inscrit dans la mémoire du groupe, afin d'en déduire collectivement la plus juste réponse, liée aux conséquences de cet événement et à la façon dont la communauté est à même de les assumer. (LIK)

- Pendant son enfance et son adolescence, le jeune Kogi a son Aluna, son âme, mais il ne dispose pas encore de sa seconde force, sa seconde énergie, Seiwa, la conscience. Ce n'est qu'à l'âge de la puberté que son seiwa sera complet, et que le jeune Kogi pourra devenir un adulte. C'est à cette étape de sa vie qu'il reçoit son poporo, objet symbolique qu'il devra garder tout au long de son existence. Son usage régulier va l'aider à penser la vie, la nature et le monde. (KOG)



 FEMME - MASCULIN/FÉMININ 

- Dans la société Kogi, la femme, la mère, et d'une manière générale la condition féminine de la vie, sont particulièrement respectées. Dans leur mythologie les 9 mondes sont symbolisés par les 9 filles de la mère, la dernière étant la dernière terre, la terre noire, l'utérus qui donne la vie, c'est elle qui est à l'origine de toute chose, c'est elle qui fonde la culture Kogi. En ce qui concerne la vie quotidienne,
la répartition des activités entre hommes et femmes est stricte. Seuls l'agriculture, les constructions de maisons ou de temples, les travaux d'intérêt collectif et la pratique de certains rituels, dont les rituels de divination, sont pratiqués en commun. C'est le cas du rituel de décision, pour prendre une "juste"décision il faut solliciter les deux composantes de la vie masculine et féminine, lunaire et solaire, celle du bas et celle du haut. Toute décision doit naître d'une relation d'équilibre entre les deux pôles de la vie, les deux pôles entre lesquels notre terre doit trouver son équilibre. (LCNM)

- La vision du monde des Kogis distingue bien le pôle féminin et le pôle masculin pour les faire dialoguer ensemble d'une manière complémentaire et opposée. La fille doit apprendre à tisser, notamment les mochillas, et prendre une part active à la vie quotidienne. Elle est enseignée par les anciennes qui lui racontent leurs journées, selon la tradition, en rapport avec la famille et les enfants. Elles lui apprennent surtout à penser les choses de la vie. Le groupe des femmes est souvent un groupe de résonance, d'échoïsation de pensée, pour toute activité importante à réaliser pour le groupe. (René Barbier) (LIK)

- Les Kogis expriment et tentent de faire vivre le nécessaire équilibre entre les dualités du monde. Le principe masculin ne peut être pensé, envisagé, sans son complément opposé, le principe féminin, le soleil sans la lune, l'inspiration sans l'expiration. Au sein de la société Kogi, la place de la femme est fondamentale. Elle n'est pas plus ou moins, elle est l'autre, complément indispensable qui porte et donne la vie. Elle est la mère. Une ancienne parmi les anciennes prend la parole doucement. A mots mesurés, elle nous explique son rôle, nous parle de sa vie. Autour d'elle, les femmes tissent leur mochilla, une façon « active » de soutenir la pensée de leur aînée : "Il faut que l'on enseigne beaucoup de choses aux jeunes filles. Elles doivent savoir tisser les mochillas, s'occuper de la vie quotidienne. Si on ne leur enseigne pas, elles perdent très vite l'habitude et elles oublient de faire les choses. C'est à nous les anciennes de dire les choses, de donner les conseils. Nous sommes là pour cela. Souvent, nous parlons ensemble, nous nous racontons nos journées, ce que nous avons fait, comment nous l'avons fait, avec quelles intentions nous l'avons fait, avec quelle énergie, puis nous échangeons sur la façon de bien faire les choses, de les faire justement, avec la famille, les enfants... Nous les femmes, nous connaissons beaucoup d'histoires racontées par nos ancêtres... Si les jeunes n'écoutent pas, il ne leur reste plus qu'à vivre mais sans penser les choses, alors elles vont avoir des problèmes. On ne peut pas vivre bien sans penser les choses. Nous devons nous rappeler toujours, partout, jour et nuit, la nécessité de vivre bien, afin que nos âmes aillent dans la bonne direction. Nous devons y penser tout le temps... On ne peut pas vivre bien sans penser les choses..." (KOG)

Voir aussi : Procréation



 GRENOUILLE 

- Animal particulièrement important dans la culture Kogi du fait de sa capacité à vivre à la fois dans l'eau et hors de l'eau. (KOG)



 GUACAMAYA 

- Ces perroquets (Ara) portent un plumage vivement coloré, généralement à dominante rouge ou verte, une longue queue et un bec puissant. Ils vivent en Amérique tropicale. Recherchés pour leurs couleurs chatoyantes et pour leur aptitude à « parler » comme beaucoup d'autres Psittacinae, les aras sont menacés d'extinction à l'état sauvage. Une espèce, l'Ara de Spix, a même disparu dans la nature. Les seuls spécimens vivant à l'heure actuelle se trouvent en captivité. Dans la nature, les aras se nourrissent en bandes.

Voir aussi : Plumes



 GUAQUEJO 

- Dans la Sierra, rare sont les paysans qui, par hasard, après une grosse pluie, ou de manière plus organisée, ne s'improvisent pas pilleurs de tombes, les fameux guaquejos. On est souvent guaquejo par nécessité, quand la faim vous tenaille ou que le désespoir est trop grand. On est aussi guaquejo parce que les profits peuvent être immenses et rapides. C'est un peu comme le loto. Celui qui, par chance, arrive à localiser une tombe qui n'a pas été profanée peut espérer gagner en quelques jours l'équivalent de plusieurs années de travail. C'est d'ailleurs grâces à un pilleur de tombes qu'à été, sinon découverte, au moins connue, l'existence de Tayuna, Ciudad Perdidad, la « cité perdue » ancienne capitale des Tayronas. (KOG)



 HOMME 

- Au même titre que la terre, l'homme est composé de micro-organismes et chacun de ces micro-organismes est composé des mêmes éléments que la terre. Terre, nature et homme ne font qu'un, puisqu'ils sont composés d'éléments identiques qui interagissent à travers le même système. Aucune des composantes n'a plus d'importance qu'une autre et l'homme n'est qu'une partie une forme incarnée parmi une multitude, une forme "momentanée"dans un cycle cosmologique, aux méandres infinis. Les frontières entre les hommes, les plantes, les animaux, les pierres et les formes en général sont ténues. Un ancêtre peut réapparaître sous une autre forme, au même titre qu'un arbre ou un animal peut incarner l'esprit d'un membre de la famille. Dans une telle vision, il est impossible de contrôler la nature, d'avoir la prétention de la dominer, tout au plus est-il possible de passer des alliances. (LIK)



 HUERTA 

- Les huertas sont les jardins où les Kogis, essentiellement les femmes, se déplacent régulièrement entre de nombreuses petites parcelles de terre. Sont cultivés, en association : maïs, yucca, haricots (+ de 80 espèces source de protéines), malanga, igname, batata, piment, citrouille, banane, citron, mandarine, orange, goyave, papaye, avocat, mangue etc. (LIK)



 JUSTICE 

- Pour notre première journée de travail, les Mamus ont décidé de nous reparler de leur territoire et de la notion de justice qui lui est associée. Sans territoire, il ne peut y avoir de justice, d'où l'importance de la démarche de récupération des terres que nous avons engagée. D'où, aussi, leur incompréhension de voir à quel point nous nous éloignons de la terre et du vivant, ce qui, d'après eux, revient à s'éloigner de la justice. (KOG)

- "Si un homme, ou une communauté, dispose de terre, d'éducation (de connaissances pour travailler cette terre), il disposera de la santé et d'une bonne production entendue au sens de la production agricole mais aussi sociale ; alors la justice sera présente. Mais il faut comprendre que cette idée de justice est rattachée au plus ou moins bon usage que l'on peut faire de ces différentes composantes. En fait, la justice apparaît à travers la qualité et les quantités de ressources produites. Si un homme n'a pas de terre, il n'a pas de lieu où apprendre, où se former, et où former ses enfants, l'éducation n'est donc pas présente ; s'il ne peut pas apprendre, se former, il est incapable de cultiver et d'avoir une récolte ; sans récolte, sans le minimum de ressources alimentaires, sa santé risque d'être mauvaise. C'est comme cela qu'une communauté ou une personne, peut risquer de perdre le sens de la justice et donc ne plus pouvoir vivre en équilibre." (Miguel - Mamu) (KOG)

Voir aussi : Loi



 KAGABA 

- Signifie "les gens de la terre", c'est-à-dire toute personne qui, accepté à l’unanimité par l'ensemble de la communauté, partage sa vie quotidienne et les valeurs qui la sous-tendent (entre eux les Kogis se nomment les kagabas). (LIK)




 KANKURUA 

- La Kankurua, cette grande hutte sacrée, reproduction réduite de l'univers, représenterait une véritable porte d'accès à ces différentes dimensions (Aluna l'énergie, Yuluka l'équilibre, Seiwa l'alliance, Selda le contraire) et aux clés du savoir des Kogis. Entrer, pénétrer dans une Kankurua serait un peu, sous certaines conditions, comme pénétrer dans une "machine"sinon à voyager dans le temps tel que nous le concevons, au moins à voyager dans l'espace : l'espace de la connaissance, de la matière vivante, l'espace du microcosme qu'est le monde. (LCNM)

- Autre terme, semble-t-il plus utilisé par les indiens Aruacos, pour désigner les temples. On distingue plusieurs types de temples, dont les caractéristiques sont liées à leurs usages. Les premiers se rencontrent dans tous les villages, ils servent essentiellement pour les réunions publiques. Les seconds se rencontrent dans les principaux sites de cérémonies, les troisièmes dans les sites de cérémonies les plus importants, et les derniers sont à usage exclusif des Mamus.
Le temple ou nuhé joue un rôle fondamental dans l'organisation, la cohésion sociale l'orientation de la société Kogi. La chaleur, ainsi que l'harmonie qui s'en dégage, nourrissent un sentiment de protection et de douceur. Dans ces lieux on peut parler, se livrer, être et partager.
Construction circulaire de 7 à 9 mètres de diamètre, surmontée d'un toit conique et de deux portes opposées orientées est/ouest, il n'est pas possible d'y préparer ou d'y consommer des aliments, d'y dormir, d'y laisser pénétrer des animaux, des enfants, ou toutes personnes qui auraient un comportement irrespectueux. Chaque nuhé se doit d'être construite à proximité d'une montagne, dont le nom sera le même que celui qu'elle portera au moment de son « baptême ».
Modèle explicatif du monde, c'est avant tout un support pédagogique qui permet la transmission d'un héritage culturel millénaire. Chaque pièce, chaque composante, chaque élément du mobilier est porteur de sens, de symbole, et joue le rôle de support mnémotechnique. Ils renvoient au corps humain, dont chaque organe se trouve reflété en correspondance symétrique. (LIK)

Voir aussi : Nuhé



 KASHIVITA 

- Penser pour demain ou penser pour devant (fonction essentielle du mamu), divination, forme de divination réalisée avec les doigts. (LIK)



 KOGIS 

- Les Indiens Kogis sont les derniers héritiers des Tayronas, l’une des plus grandes sociétés précolombiennes du continent sudaméricain. Au nombre de 12.000, repliés dans les hautes vallées de la Sierra Nevada de Santa Marta, en Colombie, ils ont développé leur culture au cœur d’un territoire géographique unique : un massif montagneux culminant à 5.800 mètres et situé à 42 km de la mer des Caraïbes (le plus haut du monde en bord de mer). Cette pyramide aux sommets enneigés présente une variété unique de climats et d’écosystèmes. Plus qu’une montagne, la Sierra Nevada représente le cœur du monde, la Mère terre, qui a transmis au peuple Kogi son code moral et spirituel. (ST)

- "Le peuple Kogi est organisé autour de la responsabilité du Mamu, c'est celui qui connaît les lois de la nature. La Sierra Nevada où nous vivons est comme un monde complet. Nous pouvons vivre, voir et sentir toutes les formes de la nature. Nous avons appris des Mamus, les sages, que chaque chose de la nature est une forme de vie, et que toute vie a une mère, l'eau à une mère, les arbres ont une mère. Les Kogis se réunissent avec les Mamus pour discuter des problèmes et des difficultés actuelles, pour essayer de trouver des solutions pour leurs villages, pour la Sierra ou pour la terre. Ils essayent de voir d'où viennent les problèmes, et le Mamu fait les offrandes pour chaque forme de vie. Le territoire Kogi est un cercle délimité par une ligne, la ligne noire. C'est la représentation de l'ensemble du monde. C'est cette représentation que nous travaillons. Ce cercle c'est aussi nos mochilas, la Kankurua, le poporo, et nous considérons que la mère nature est dans ce cercle. Il y a beaucoup de gens sur les territoires Kogis. Dans chaque village, on analyse les situations, puis on réunit les informations pour essayer de trouver ensemble des solutions. Les lieux où nous faisons des offrandes sont particulièrement sacrés. Il est impossible d'apporter des choses de l'extérieur qui ne soient pas adaptées."(Manuel Dingula – Mamu en voyage au Canada avec Éric Julien) (LCNM)

- Le monde Kogi n'est pas un monde abstrait parmi d'autres, une sorte d'invention de l'esprit, une de plus, née d'un imaginaire fertile et exotique. Il est l'expression de la nature, du vivant. Il est le prolongement, sous forme humaine, puis sociale et politique, des règles et logiques structurantes qui fondent le vivant. De fait, la créativité ne s'applique pas dans la transformation de la matière, mais dans la façon de donner forme au vivant, de le faire vivre, d'en transmettre les règles fondamentales, intangibles, même si leur expérience reste l'expérience unique et personnelle de chacun des membres du groupe. Aller à la rencontre d'une telle société, ce n'est pas rencontrer un modèle parfait, c'est s'ouvrir à une autre façon d'habiter le monde, pour retrouver les bases de toute société humaine, ces bases qu'il faut pouvoir intégrer, comprendre et desquelles nous nous sommes éloignés. Ces bases, réinvesties à travers notre modernité, devraient pouvoir nous fournir les éléments indispensables d'un futur acceptable...
Il est évident que les Kogis ne sont pas  « plus » ou « mieux » que nous. Ils sont humains, terriblement humains, soumis aux mêmes travers, aux mêmes pulsions que sont la colère, la jalousie, l'envie, la peur, la lâcheté, mais aussi la joie ou la tristesse. La grande différence, et elle est de taille, c'est qu'ils ont conscience, collectivement conscience des risques qu'encourent la nature et leur société si les émotions qui nous habitent ne sont pas identifiées, gérées et canalisées. Canaliser ne veut pas dire supprimer ou nier, mais reconnaître que l'être humain est dualité reliée (inspiration/expiration), que la vie naît de la reconnaissance, puis de la connaissance, et enfin du travail subtil et délicat (rituels) d'équilibre entre les composantes de cette dualité. Un équilibre chaque jour questionné, renouvelé, comme une alliance fragile entre les formes du vivant. Un équilibre qui permet la mémoire des règles, face aux chaos du mouvement.
C'est autour de cet équilibre, et de la mémoire collective qu'il nécessite, que les Kogis concentrent leur savoir, qu'ils structurent leur société pour échapper à la maladie et à la mort. Une mémoire que nous avons perdue, dont nous n'avons plus ni connaissance ni conscience. Alors comment a-t-on pu un seul moment laisser croire ou penser qu'une telle société pouvait être « archaïque », qu'un peuple à ce point sensible aux autres et au monde pouvait être primitif ou sauvage ? Des termes qui dans nos sociétés sous-tendent un jugement sans appel. (KOG)

- Les Kogis font émerger un système dynamique de vie sociale, politique et spirituelle en recherche constante d'équilibre. L'entretien des règles qui structurent ce système est pour eux une question de survie. Au même titre que la nature est porteuse d'ordre face au chaos, la société Kogis, expression de la nature, est porteuse d'ordre face au désordre. Équilibre entre l'ordre qui stabilise et le mouvement qui questionne et revitalise. Harmonie des contraires. La mémoire vécue est indispensable pour intégrer le mouvement comme source de vie et non de mortelle destruction...
Rappelons ce que nous disent parfois les Kogis. Dans leur langue, kagaba, l'homme, le Kogi, serait synonyme de kakbei, la terre, elle-même porteuse d'Aluna, la pensée. Les Kogis se vivent comme étant la pensée de la terre. S'ils pensent la terre, il est donc normal qu'ils en formalisent les principes et les modes de fonctionnement. La société Kogi serait un prolongement social et politique, un support « d'exploration » des règles qui structurent et organisent le vivant. Dialoguer avec le collectif Kogi reviendrait donc à dialoguer avec le vivant, à en percevoir les mécanismes intimes, car il y a bien deux dimensions dans la société Kogi : le savoir vivre ensemble fondé sur une relation forte au vivant, et le pouvoir explorer le vivant, en parcourir les méandres. Qui va croire une chose pareille, qui sera seulement capable de l'entendre, sinon de l'accepter ? Et pourtant... (KOG)

- Tout chez les Kogis témoigne d'une profonde conscience de l'appartenance des « gens » - comme ils se nomment eux-mêmes – à l'immense réseau qui fait la vie. Expression d'une véritable « culture source », héritière d'une transmission ininterrompue depuis plus de quatre mille ans, l'attitude de ces indiens nous indique la posture fondamentale que chaque être humain devrait adopter face à la vie. Celle-ci est non seulement empreinte de responsabilité mais aussi de confiance, de fluidité et de cohérence. Les conditions essentielles d'une bonne santé. (Thierry Janssen) (LIK)



 KUALAMA 

- Cérémonies liées aux principales époques de semences, de récolte ou de préparation de la terre. (LIK)



 KUINA 

- Forme de divination réalisée grâce à l'interprétation des spasmes musculaires. (LIK)



 LANGAGE - LANGUE - PAROLE 

- Les Indiens Kogis, qui parlent peu l'espagnol, pratiquent très majoritairement le koguïan, une langue vernaculaire sans liens établis avec les grandes familles linguistiques de type arawak ou quechua. Structurée autour d'une conception collective des relations (nous), elle privilégie la localisation spatiale et temporelle, là ou nous privilégions la possession et la définition (c'est). Lors de certaines cérémonies les Mamus pratiquent une langue très ancienne qui semble issue de la langue des Indiens Chichba, une société précolombienne du centre de la Colombie aujourd’hui disparue. Mais dans une relation, ce qui va largement intéresser les Kogis c'est l'intention, positive ou négative, qu'ils vont percevoir chez leur interlocuteur. Postures physiques, intonation de la voix, gestes, expressions du visage vont être autant d'éléments sur lesquels ils concentrerons davantage leur attention que sur la parole ou les mots utilisés. (LIK)

- Si l'autorité morale d'un mamu est reconnue, comme la valeur des « anciens » d'ailleurs, il n'y a pas de « chefs » au sens où nous l'entendons dans nos sociétés plus ou moins militarisées. C'est la parole qui prime. Une parole collective qui force chacun dans ses retranchements pour aboutir à une action réellement responsable parce que collective. L'acte est toujours précédé de la pensée. La discussion collective dans laquelle chaque mot prononcé exclut tout bavardage insignifiant est de règle. Autant dire que le silence dégage une valeur d'approfondissement et de gravité impressionnante. Rien d'étonnant, ensuite, de voir que la tâche entreprise est réalisée avec une efficacité remarquable. (René Barbier) (LIK)



 LOI 

- "Lorsqu'un homme enfreint la loi, les règles de la communauté, il n'est pas regardé comme un coupable. En fait les Mamus vont tenter de rechercher les causes, les raisons ou l'origine de ce non-respect. Dans de nombreux cas, le plus coupable est sans doute celui qui n'a pas enseigné ces lois ou qui ne les a pas enseigné correctement, ceux qui n'ont pas veillé au bon équilibre de la communauté ou de l'un de ces membres... En fait, celui qui a transgressé la loi apparaît comme l'instrument, l'illustration, la manifestation de la nature qui informe les hommes de l'existence d'une injustice ou d'une mauvaise transmission du sens de la justice. La Mère nature est la loi, elle porte les règles, c'est aussi la justice, et toute transgression de la loi nécessite réparation, car l'homme aussi est un être de nature, et c'est la nature dans son ensemble qui peut être affectée par une injustice." (Miguel Dingula – Mamu) (KOG)

- "La loi des origines ne change jamais, elle ne change pas. Même si nous devions disparaître, elle serait toujours là. C'est une loi bien réelle qui organise l'évolution des êtres vivants, les hommes, mais aussi les animaux, les plantes et les arbres. C'est la même pour tous, même pour les petits frères, mais ils ne le savent pas. La loi des origines, c'est "notre Mère"et notre "père", c'est Serankua qui nous l'a laissée, elles sont les mêmes pour tout le monde. Quand le petit frère a commencé à manier de l'argent, à s'intéresser aux choses que vous appelez l'économie, il s'est désintéressé de la nature. Il a préféré gagner de l'argent. Nous, les Kogis, nous avons continué à écouter les lois de la nature, à les comprendre pour tenter de ne pas les perdre, ne pas nous perdre. Le petit frère préfère capitaliser et construire ses propres lois, articles, résolutions, décrets... Ce sont des lois qui les arrangent, qu'ils changent quand ils le souhaitent. La maladie apparaît quand on ne respecte plus ces lois, les lois des origines. (Miguel Dingula – Mamu) (LIK)

Voir aussi : Justice



 LOMA 

- C'est surtout sur des collines ou coteaux que se trouvent les lieux spirituels des Kogis. (LIK)

- "La loma est un lieu neutre entre le sommet et la nuhé, identifié et indiqué aux mamus par l'esprit de la montagne en relation avec la nuhé, comme un lieu de conciliation entre les deux pôles, les deux parties, le sommet et la nuhé, pour déterminer les actions à mettre en œuvre entre la dimension spirituelle et la dimension matérielle."
"Aucune action matérielle ne peut être effectuée sans un accord spirituel. Matériel et spirituel représentent les deux pôles négatif et positif, et la loma est le lieu où elles peuvent être conciliées, équilibrées."
(Mamu) (KOG)



 MAISON - JUZHI 

- Les maisons ou Juzhi servent essentiellement à protéger des intempéries, la Sierra Nevada étant considérée comme une grande "maison". Elles sont regroupées par deux, une pour les hommes et l'autre pour les femmes, parfois quatre afin d’accueillir un « futur » gendre, le temps qu'il apprenne son rôle de père et qu'il travaille auprès de son beau-père en échange de sa fille, sa future épouse. Lorsqu'ils ne sont pas sur leurs lieux d'habitation, les Kogis se retrouvent dans des villages, pour des fêtes, des danses, ou des « réunions » rendues nécessaires par la gestion toujours collective de la vie communautaire. Ils rejoignent alors les Kankurua, à la fois temples, lieux de rituels de discussions ou de cérémonies appelées Kualama. (LIK)

- "La partie située en haut de la maison, la pointe, c'est comme les parties hautes, le cœur de la Sierra. L'eau descend de la Sierra comme elle descend du toit de la maison, vers la mer. Une maison, c'est comme la Sierra. Le toit est en palmes, dans la Sierra il y a les arbres. Dans une maison, nous devons penser bien les choses, pour écouter, apprendre, enseigner justement, comme dans la Sierra. Une maison c'est comme la Sierra, la mère. La porte de la maison et chacun des morceaux de bois utilisés représentent les sommets, les vallées. Chaque maison a un nom, une pensée, comme une personne, avec toutes ses fonctions." (Miguel Dingula – Mamu) (KOG)



 MALADIE - SANTÉ 

- "Pour vous la santé, je crois, c'est vivre mieux, être protégé et se sentir bien. Pour nous c'est un peu différent : la première chose c'est qu'on pense avec la Mère nature, la terre. Pourquoi y a-t-il tant de maladies différentes ? De la Sierra on peut observer qu'il y a beaucoup de destructions de la Mère terre." (IKT)

- Malgré les vagues de colonisation incessantes, les pressions de toutes natures, la volonté continuelle des « colons », paysans, religieux, touristes ou représentants de l'État d'imposer leurs conceptions du monde et d'éradiquer des pratiques considérées comme « diabloliques », ou « dégénérées », les Kogis sont toujours porteurs de pratiques traditionnelles en matière de santé. (LIK)

Chez les Kogis la maladie exprime avant tout un déséquilibre, lié au non respect des lois de la Mère ou « lois des origines », condition pour être en harmonie avec Aluna, le monde des esprits et de tous les potentiels. Déséquilibre qui peut être d'ordre physiologique, psychologique, énergétique, symbolique, culturel, alimentaire, voire une combinaison de ces différents « plans » qui conditionnent l'état d'harmonie d'une personne. Sous la responsabilité du Mamu, un ensemble d'actes, rituels, « processus » et même de techniques de soin, vont être mis en place pour éviter le déséquilibre et tenter de le rétablir lorsqu'il est rompu. Parmi ces « processus », la « confession », traduction imparfaite des nombreux systèmes de verbalisation individuels et collectifs qui permettent la régulation des relations (émotions) entre membres de la communauté, tient une place fondamentale... Une telle approche de la santé s'inscrit dans un système d'interrelations qui associe, la personne malade ou en situation de déséquilibre, le Mamu, le déséquilibre ou la maladie, l'entourage social et la nature, comme contexte global. (LIK)

- La médecine moderne ne regarde pas un malade dans son ensemble et dans un environnement donné, mais bien plus comme étant porteur d'une pathologie, objet d'un savoir médical. Au sein de la communauté Kogi, ce que nous appelons « santé » est indissociable des principes qui structurent leur société, parmi lesquels une représentation systémique et holistique du monde, à savoir l'unité et la complémentarité de chacune de ses fonctions, la prédominance des interactions et la prise en compte de l'effet de ces interrelations dans un contexte global, le temps (durée) et les cycles de transformation. Des principes issus des « lois de la nature », autrement appelées « lois des origines », transmises aux Mamus à travers l'expérience de leur territoire ancestral laissés par les Pères et les Mères spirituels de toutes choses. Leur système de santé est avant tout basé sur la bonne application ou pour le moins, la juste « pratique » de ces lois. (LIK)

- "Pour nous, la maladie est une forme de punition. Cela veut dire que nous n'avons pas respecté les lois de la nature. C'est par la maladie que la nature reprend possession de ce qui lui est dû afin de rétablir l'équilibre. Une façon pour le malade de payer la dette qu'il n'aurait pas honorée. Le non-respect des lois de la nature peut être sanctionné par une maladie ou un accident. Cela peut directement toucher la personne concernée ou ses proches. Si la cause du déséquilibre n'est pas rapidement identifiée, régulée, les maladies vont s'étendre, affecter d'autres membres de la famille, voire provoquer la mort des animaux domestiques. Qu'une personne vienne à mourir sans avoir « payé sa dette », où réglé la cause du problème, et les déséquilibres physiques ou psychologiques risquent non seulement de s'amplifier mais surtout de se transmettre à d'autres générations (…) Tous les actes, les comportements d'une personne, sont en relation avec les actes et les comportements des autres personnes. Rien n'existe pour exister, et exister à un « fout » spirituel dont il convient de s'acquitter. De la même façon qu'un être humain a un esprit en Aluna, une énergie porteuse d'une intention, chaque « forme » vivante ou non à aussi un esprit, une énergie:l'air que nous respirons pour vivre, l'arbre dont nous avons besoin pour construire nos maisons ou nous réchauffer, les rivières qui nous permettent de boire ou d'irriguer nos plantations. Ne pas « payer » pour les services que nous offre l'autre, qu'elle que soit sa forme, c'est prendre le risque d'enfreindre les lois de la nature et de laisser venir le chaos. La maladie est l'une des principales manifestations du non-respect de ses règles et de l'irruption du déséquilibre chez une personne. (…) La nature ne connaît pas l'égoïsme, l'homme oui." (Miguel Dingula – Mamu) (LIK)

Voir aussi : Confession-Verbalisation et Équilibre



 MAMU 

- "Nous les Mamus, nous faisons le travail de divination, pour savoir si les choses sont justes." (KMDH)

- Les éclairés. Autorités spirituelles masculines de la communauté Kogis. Formés dans les Moxas dans l'obscurité totale pendant 18 ans pour les Mamus mayores (Mamu muru nakobi) les plus importants, et de 7 à 9 ans pour d'autres Mamus qui n'ont pas accès à tous les champs de connaissances (Mamu aguanaké). Ils sont à la fois prêtres, médecins et philosophes. Ils sont les gardiens de l'équilibre (de la communauté, de la Sierra, de la nature) et sont les intermédiaires entre la Mère et les hommes, responsables que les choses soient justes, "en accord". (LIK)

- … un Kogi ne sème pas, ne retourne pas la terre, ne coupe pas un arbre, ne dévie pas le cours d'une rivière pour irriguer, ne construit pas une maison, n'entreprend pas un déplacement, ne chasse pas un animal sans en référer au "Mamu". Ce dernier lui indiquera non seulement l'esprit qu'il convient de solliciter pour obtenir l'autorisation nécessaire (l'alliance), mais aussi et surtout le lieu où les rituels correspondants ou "pagamientos"(offrandes) devront être réalisés afin de compenser, de "payer", sur le plan spirituel, pour le déséquilibre causé auprès de la Mère ou des maîtres des animaux. Ces lieux sont souvent des roches où se trouveraient pétrifiés des ancêtres qui auraient commis des manquements, ou qui n'auraient pas réalisé les pagamientos nécessaires, source de déséquilibre pour la communauté.(LIK)

- Dans l'obscurité totale, coupés de toute influence culturelle extérieure, les futurs Mamus vont apprendre et réciter par cœur des mythes et de longues séries de généalogies qui relient les Kogis à leurs ancêtres. Éclairés par les flammes rasantes du foyer, ils vont apprendre danses et incantations, entrant parfois en transes sous l'effet hypnotique du scintillement produit par les objets en or utilisés pendant les différentes phases de l'apprentissage. Ils devront pouvoir mémoriser un ensemble de connaissances relevant de domaines aussi variés que l'astronomie, la météorologie, le comportement des animaux, l'utilisation de plantes ou de minéraux, ainsi que tout le vocabulaire descriptif associé. Il leur faudra maîtriser des techniques permettant de modifier leurs rythmes respiratoires, cardiaques, leurs cycles de sommeil, afin d'élargir leur perception de la réalité pour mieux "s'imprégner"des lois de la Mère. Peu à peu va se constituer un "savoir"comparé à l'or par sa permanence et par son éclat. Pour les Kogis, l'or est une métaphore qui fait allusion à l'acquisition d'une vision "intégrale"de la défense de la vie et du sacré. Ce n'est qu'à l'issue de ces 18 ans de formation intensive que le Mamu sera autorisé à délivrer ses "conseils", individuels et collectifs, auprès des membres de sa communauté... (LIK)

Prêtre, médecin, philosophe, astronome, historien, ils sont avant tout intermédiaires entre la Mère, dans sa dimension spirituelle, sacrée, et les hommes, responsables que les choses soient toutes ses formes en "accord". "Pères"et "Mères"de la communauté, à la bonté reconnue, ils sont considérés comme des sortes "d'hommes dieux", entendu au sens d'hommes (et de femmes, les Saga) dont le moi s'est dissout, qui explorent et rendent manifeste la "nature"humaine, qui réfléchissent, dans leurs actes et leurs postures, la puissance et les règles de la nature, loin du caractère déformant et préfabriqué de nos sociétés modernes... Grands observateurs de la nature, de la voûte stellaire "où tout est écrit", c'est par le biais de la divination, qu'ils décident des principaux événements qui structurent la vie de la communauté : le travail de la terre, les semailles, les récoltes, la construction d'un temple, d'un pont, les coupes de bois, les brûlis et la préparation des champs. La divination est avant tout une action de "mise en lien", résultante d'extraordinaires capacités d'observation et de mémoire. Elle a pour objet essentiel de "se mettre d'accord", ou plus précisément "se mettre en accord". Elle peut se pratiquer de quatre manières différentes. Avec de l'eau, symbole de la Mère, du sang vital de la terre (Yatukua) ou plus exactement par le biais de cristaux "ancestraux"rouges, verts, blancs, gris ou noirs (nyikuitsi) qui vont être plongés dans une calebasse (tutuma) remplie d'eau.
Le nombre, la forme et la régularité des bulles qui vont être observées à cette occasion, seront l'objet de divination et de "lecture"par le Mamu. Avec les doigts (kashivita), ou bien encore par l'interprétation de spasmes musculaires (kuina), voire directement en Aluna, par l'esprit, via une méditation profonde. C'est le processus de divination qui doit permettre de déterminer quel type d'offrande devra ensuite être réalisé auprès des Pères et des Mères de chaque chose, et à quel endroit pour rééquilibrer chacune des situations. Pour l'essentiel, ces offrandes sont composées de petits cailloux, cristaux, graines, coquillages marins, fils de coton, voire de poils d'animaux, de cheveux ou d'ongles. Tous ces objets doivent être recueillis dans des lieux, et surtout, à des instants très précis. Ils sont ensuite enveloppés dans les feuilles intérieures des épis de maïs desséchés, enroulés en paquets minuscules et placés dans ou à l'entrée d'un "orifice"sacré. Un autre des mécanismes clés de la société Kogi, supervisé par les Mamus, est sans doute la "confession", mot qui rend compte assez mal de ce qui s'apparente à un important travail de verbalisation des difficultés, offenses, réelles, rêvées ou pensées, qui iraient à l'encontre des valeurs et règles de la vie de la communauté. (LIK)

Voir aussi : Saga



 FORMATION DES MAMUS 

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 MASQUE 

- Accompagnés par la musique les danseurs portent des masques qui leur permettent un changement « d'état » et d'identité. L'acte de se mettre un masque est considéré comme similaire à la prise de substances hallucinogènes, ce qui revient à dire que la personne entre dans une autre dimension, à même de communiquer avec les quatre points cardinaux pour maintenir l'équilibre cosmique. Un système de relation totalement nouveau se présente à lui, à elle. D'homme danseur, avec un masque de jaguar, il devient jaguar, à même de se déplacer sur le territoire du jaguar, de voir comme un jaguar, de vivre et de souffrir comme un jaguar. Il est jaguar. Avec des plumes d'oiseaux, il devient oiseau, vole et se déplace au-dessus de son territoire, chante et danse comme l'oiseau dont il a pris l'apparence. (LIK)

Voir aussi : Perception du réel



 MER 

- "Dalluma était la mer ; la plus grande partie de son corps s'est transformé en eau. C'est d'elle qu'est sortie la vie. C'est pour ça que le corps humain est composé d'eau. Si Dayuma devait disparaître, cesser de vivre, la terre mourrait. Si l'eau de notre corps n'est plus en quantité suffisante, alors l'homme devient malade et il meurt." (KMDH)



 MÉMOIRE 

- "La mémoire, c'est comme les yeux qui ont été fait pour voir ; si elle disparaît, si les jeunes n’apprennent plus, alors nous allons disparaître, et si les Kogis disparaissent, les petits frères civilisés vont disparaitrent." (KMDH)

- Un Kogi à qui j'ai demandé ce que représentait la mémoire, son rôle dans la communauté, m'a fait cette jolie réponse : « La mémoire est la connaissance des lois naturelles, de ses origines. Elle représente le savoir, c'est pour cela que les anciens, leurs connaissances, leurs expériences, sont si importants. Perdre la mémoire, c'est comme si les planètes perdaient le soleil. Quand une communauté perd la mémoire, il lui faut se la réinventer. Mais c'est une mémoire qui ne peut fonctionner, car elle est basée sur ce que les hommes veulent qu'elle soit, et non sur ce qu'elle est vraiment. Les Petits Frères ont perdu leur mémoire. C'est pour cela qu'il font des lois, les unes plus importantes que les autres, mais jamais égales. Ainsi ils se donnent des pouvoirs, ils font la guerre, ils sont des maladies. Chaque fois ils font des lois, puis d'autres lois qui engendrent d'autres lois, ce n'est pas ça la mémoire d'un peuple. La mémoire, elle ne s'écrit pas, elle s'exerce, elle se vit chaque jour. Lorsque la mémoire ne s'exerce pas, ne se vit pas, elle se perd. C'est un peu comme les yeux qui sont faits pour voir, s'ils se ferment, tout devient obscur. C'est seulement avec la mémoire que l'on sait où l'on va. » (KOG)



 MÈRE - TERRE MÈRE - NATURE 

- "La Terre Mère (la Nature). C'est comme une personne qu'il faut écouter et protéger. Elle nous transmet les règles que nous devons apprendre pour vivre en paix ensemble." (KMDH)

- "Ces règles sont gardées par les anciens, les Mamus, et transmises aux jeunes. Elles enseignent qu'une personne c'est aussi la nature, qu'une personne est aussi composée d'eau (60 à 65%), de minéraux, d'air, et de tout ce qui compose la terre en général. C'est pour cela que la personne est la mère nature, et la nature un corps. Se faire du mal à soi c'est faire du mal à la terre. Si on enlève le sang du corps, il meurt, si l'on enlève les minéraux du corps il meurt, c'est pareil pour la terre. Si l'on enlève le pétrole, le sang de la terre, elle meurt, si l'on coupe les arbres, ses cheveux, elle meurt. Nous sommes la nature. La question est de savoir comment nous allons protéger la terre. Pour cela, il faut faire des offrandes." (Manuel Alimako - Mamu en voyage au Canada avec Éric Julien) (LCNM)

- "Pour nous, la nature est comme vos livres, tout y est écrit. Si nous perdons ces connaissances, si les jeunes n'apprennent plus, ils vont devenir sourds et aveugles, ils ne sauront plus parler avec la nature. Pour parler avec la nature, il faut connaître les noms." (Miguel – Mamu) (KOG)

- "La Mère "Shibalaneuman", Mère des chants, Mère de tous nos ancêtres, nous a donné la lumière. Au commencement, elle était la Mère de toutes les races, elle était la Mère de toutes les tribus. Elle était la Mère des lacs, des rivières, des arbres et de toutes les choses. Elle était la Mère des chants et des danses. La Mère du monde et des anciens frères de pierres, des fruits et de toutes les choses. Elle était la Mère des Petits Frères, Mère des instruments pour les danses, dans tous les temples... et c'est la seule Mère que nous avons. Elle seule est la Mère du feu, du soleil et de la voie lactée. C'est la mère qui nous a remis le poporo. Elle est la Mère de la pluie, la seule que nous avons. Shibalaneuman, elle seule est la Mère de toutes choses, elle seule. Elle a laissé son souvenir, elle a laissé sa mémoire dans tous les temples avec ses quatre fils spirituels, Sintana, Sijankua, Aluauik et Kulshavitabuaya... Elle a laissé en mémoire les chants et les danses..." (Jacinto Garavito - Mamu) (LIK)

- Quand les Kogis disent qu'ils essayent de récupérer la nature, que veulent-ils dire exactement ?
Ce qu'ils doivent faire en premier lieu, c'est renouer une relation avec le lieu qu'ils réinvestissent, tenter de « parler » avec la nature, c'est pour cela qu'ils doivent construire une Kankurua, une nuhé. Un lieu où se construisent la pensée, les connaissances liées à la nature, le point de départ de la récupération de la terre et d'une relation plus équilibrée entre l'homme et son environnement. Les Kogis considèrent que tout ce qui vit à une pensée, et parmi ce qui vit, il y a l'homme, le kagaba « les gens » comme ils disent. Pour eux, la mère nature a aussi une pensée, qui se retrouve à travers toutes les formes de vie. (…) Pour comprendre ce qui se passe ici, il ne faut pas regarder les Kogis comme étant d'un côté, et la nature de l'autre, il faut les voir comme un tout, une sorte de système global, en équilibre fragile. Si la nature retrouve son équilibre, alors les Kogis retrouveront aussi un équilibre, les gens iront bien, les relations seront meilleurs et il n'y aura pas de maladies. (KOG)



 MOCHILLAS 

- A l'homme la "Mère"a laisser le métier à tisser, à la femme le tissage des mochillas (ou tutu), ces petits sacs que les hommes portent en bandoulière. C'est à l'homme que revient la responsabilité de préparer la fibre végétale avec laquelle la femme va réaliser les mochillas. C'est à la femme qu'il convient de filer le coton, qui sera utilisé par l'homme sur le métier à tisser. L'homme et la femme qui tissent sont en relation avec la "Mère". Par l'intermédiaire du fil, ils (re)parcourent l'histoire de la création du monde. Seules les femmes sont autorisées à les tisser. C'est d'ailleurs l'une de leurs occupations essentielles. Depuis leur plus tendre enfance, lorsqu'elles marchent ou se reposent dans un champs, elles ne cessent jamais de tisser, toujours dans le même sens, en spirale et avec la même régularité.
Seule évolue la taille, qui augmente avec l'âge de la jeune fille, puis de la femme qui la réalise. Ce travail permanent est considéré comme un acte spirituel à même d'augmenter la fertilité. Elles sont élaborées à l'aide de fibres végétales (fique) ou de fils de coton teints en blanc, rouge, noir, parfois jaune , à l'aide de colorants végétaux. Leurs formes et leurs couleurs, les mêmes que celles qui identifient les terres qui couvrent la Sierra (noires, rouges, blanches, jaunes), sont dictées par la loi des origines (la Mère). Les représentations les plus courantes alternent des lignes blanches, rouges et noires, représentation des neuf mondes qui structurent l'univers Kogi.
D'autres, aux motifs géométriques plus complexes, évoquent des pas de danse liés aux déplacements des animaux, de ces informations qu'il faut pouvoir conserver et transmettre pour garder l'équilibre d'un lieu. Plus largement, la mochilla est aussi un symbole de l'utérus féminin, au sein duquel tous, nous avons grandi avant d'arriver dans ce monde. Un homme porte toujours deux, parfois trois mochillas croisées sur le plexus. L'une pour les objets spirituels, l'autre pour les objets courants, et la troisième réservée pour le poporo. (LIK)



 MONDE - UNIVERS - MYTHOLOGIE 

- Les Kogis ne vivent pas le monde comme nous. Notre géographie, notre histoire, notre biologie ou notre philosophie, jusqu'à notre perception du temps, n'apportent que des concepts, partiellement "opérants"pour appréhender leur univers. Pour eux la nature est l'expression d'un corps vivant dont la Sierra Nevada serait le cœur. Un corps composé de micro-organismes, différents dans leurs formes, mais constitués des mêmes éléments que la terre : de l'eau, des gaz, des minéraux. Les rivières symbolisent le sang et les autres liquides présents dans le corps, le vent le souffle et le système ventilatoire, les arbres le système pileux, les rochers les os, les sommets la tête, le charbon le foie etc. chacune de ces composantes est nécessaire pour l'équilibre du tout. (LIK)

- "Quand la mère nature était à peine spirituelle, elle a décidé de prendre forme, de se matérialiser, alors s'est formée la terre, mais sa surface était totalement plane, il manquait beaucoup de choses, beaucoup d'éléments pour la perfectionner. Où et comment allaient pouvoir vivre les gens qui n'étaient encore qu'esprit ? Comme tout était plat, Anokua, que l'on pourrait appeler la force de gravité chez vous, n'existait pas. Il n'y avait pas de forces positives ou négatives, il était nécessaire de les créer pour que puisse naître la vie matérielle. La mère nature a alors décidé de créer les montagnes, toutes avec des formes, des tailles différentes. C'est ainsi qu'on pu être créés les pôles négatifs et les pôles positifs qui ont généré les mouvements, et avec les mouvements est apparue Anokua. C'est pour cela qu'il est impossible de penser que les sommets fonctionnent ou vivent seuls. Même sur des grandes distances, ils sont connectés les uns aux autres, parfois avec d'autres planètes, des mises en relation qui permettent la naissance des énergies. A l'intérieur des sommets, la mère nature a abrité les esprits pour maintenir les forces en équilibre. Chaque sommet a son maître spirituel, ou sa capacité de « force », d'énergie qui a un rôle, une fonction particulière pour permettre et maintenir la vie sur terre. Serankua, le père, a décidé qu'il fallait matérialiser aussi les esprits, alors il a donné vie à la nature, et avec la nature à l'homme, il s'est alors posé la question de savoir où pourrait bien vivre un esprit transformé en matière. Alors, il lui a enseigné à construire une nuhé, elle devait être semblable aux sommets, aux montagnes, pas seulement dans la forme, mais aussi à travers sa capacité d'accomplir certaines fonctions. Elle devait pouvoir générer des énergies positives et des énergies négatives et être soutenue, maintenue par Anokua. Le père a alors enseigné que l'homme était comme un univers, ses oreilles sont reliées à des planètes, sa bouche, ses yeux, sa tête comme des univers et chacun est connecté. Chaque homme représente un univers, et ces univers doivent être connectés entre eux. C'est pourquoi une nuhé, c'est bien plus qu'une simple structure de bois, c'est un lieu d'énergie." (Mamu) (KOG)

- C'est la Mère qui, à l'origine du temps, a créé le monde et l'a peuplé de sa descendance. Pour les Kogis l'univers se présente comme un espace ovale, un "oeuf" cosmique, définit par sept points - nord, sud, est, ouest, zénith, nadir et centre - structuré autour de neuf niveaux superposés, représentant neuf mondes. Le cinquième niveau, situé au centre, constitue notre monde, celui où se développe la vie. Ces "mondes" ou strates cosmiques, sont les neuf filles de la Mère. A chacun de ces niveaux correspond une nature du sol : du sable stérile à l'humus noir. Le monde où nous habitons, le cinquième, est représenté par un sol noir et fertile, qui permet la subsistance de l'humanité. A chacun de ces sept points de référence sont associées de longues séries d'êtres et d'animaux, de plantes, de couleurs et de concepts abstraits d'origine mythique. Les quatre points cardinaux sont occupés par les ancêtres mythiques qui structurent leur société : au nord, le marsupial et son "époux"le tatou ; au sud, le puma et son "épouse", le cerf ; à l'est le jaguar et son "épouse" le pécari ; et à l'ouest, l'aigle et son "épouse" le serpent. Chacun devant être associé à sa proie, son opposé ou son contraire. Tout est relié dans un système dynamique, structuré autour des lois de la Mère terre, de Serankua, des lois qui expriment une intelligence du monde avec laquelle, par le biais d'intenses travaux de méditation, de concentration et de divination, il convient de se relier, de se fondre, de se mouvoir, pour maintenir l'harmonie de toutes choses. C'est donc bien la nature - les relations qu'ils établissent avec elle et la connaissance intime qu'ils en acquièrent - qui fonde le système politique, social et économique des Kogis. Que ces relations viennent à être perturbées par un comportement irresponsable, et c'est toute la société qui risque d'être soumise au chaos, à la morcellisation et à la mort. Un équilibre dont ils se sentent profondément responsables. (LIK)



 MORT 

- "Quand une personne meurt, sa pensée retourne à l'énergie, Enguacha. Nous ne pensons pas qu'elle meurt. Les corps meurent mais la pensée reste ici, avec nous. Parfois, l'un d'entre nous pense à celui qui est mort, il rêve de lui en train de travailler, en train de faire des choses. Il peut être en train de nous aider ou de nous donner des conseils. Il est mort, mais il reste à côté des enfants, des amis, de sa famille. Il reste ici, sa pensée est là. Le corps et la pensée, ce sont deux choses différentes." (Antonio – Mamu) (KOG)



 MUSIQUE : flûtes, tambours... 

- Il y a deux flûtes (Kuizi), l'une masculine nommée Kuizi sigi ou macho, l'autre féminine nommée kuizi bunzi ou embra, elles doivent parler ensemble. Les mélodies « mâles » sont souvent répétitives et simples, support des mélodies « femelles » qui, elles, s'enroulent et se développent de façon plus mélodieuse. Avec les flûtes, on trouve des maracas, des tambours, des coquillages et des calebasses utilisées comme trompes, des clochettes ou sonnailles fixées aux membres des danseurs. Très répétitifs, presque lancinants, les rythmes et fréquences utilisés contribuent à modifier l'état de conscience des musiciens et des danseurs. La notion de « spectateur » est inconnu dans un rituel dont le sens ne peut être révélé que par la pratique. (LIK)

Voir aussi : Chant/Danse



 NEUF : ÉTAPES-ÉTATS-NIVEAUX-VIES... 

- "Pendant son existence l'homme doit traverser neuf étapes, neuf niveaux cosmiques, neuf vies qui correspondent à neuf états de conscience. Ces niveaux cosmiques partent du centre de la terre, en forme d'anneaux, de spirales. Le premier est le plus petit, c'est de là que partent les choses pures, spirituelles. Pour passer à un niveau supérieur, il faut passer par une évolution intérieure. Chaque niveau est plus large que le précédent jusqu'au cinquième. L'homme doit ensuite revenir à cet état de pureté qu'il avait lorsqu'il était au premier niveau, lorsqu'il a commencé à se différencier du tout. Pour cela, il faut qu'il continue son ascension et sa transformation à travers quatre autres niveaux, pour atteindre le neuvième monde où il retrouvera de nouveau la Mère spirituelle." (Marcello Nolavita – Mamu) (LIK)



 NOM 

- Chaque coquillage à un nom. Si quelqu'un n'a pas de nom, si quelque chose n'a pas de nom, on ne peut pas lui parler. En nommant les choses, nous pouvons les réveiller. (KMDH)

- "Toutes les choses ont un nom, les plantes, les arbres, les pierres. Qui a dit cela ? Notre père, Serankua, c'est lui qui a nommé toutes les choses. Aujourd'hui on est en train de perdre cela. On dit seulement : c'est un arbre ou une pierre. On ne peut pas parler avec une personne qui n'a pas de nom. C'est comme les pierres avec lesquelles nous travaillons, elles ont un nom. Si elles n'ont pas de nom, alors on ne peut pas travailler. Toute chose a un nom, car chaque chose à un rôle précis, une fonction. Cela permet aussi de savoir d'où elles viennent, avec qui elles sont mariées, en relation. Si nous ne pouvons plus nommer les choses, nous risquons de ne plus pouvoir les utiliser correctement, alors cela crée des déséquilibres, les problèmes arrivent et tout s'abîme." (Miguel Dingula – Mamu) (KOG)



 NUHÉ 

- Temples de tailles et d'usages différents, symbole du cosmos, du corps et de l'utérus créateur, où se réunissent les Kogis pour leurs rituels et cérémonies. (LIK)

- C'est là que se réunissent les Kogis pour aborder toutes les questions importantes qui touchent la communauté. C'est une sorte de modèle réduit de la Sierra, de la mère nature, et donc du féminin. La nuhé est considérée comme un utérus protecteur, source de vie et de créativité, au sein duquel peuvent se développer la pensée et la vie collective du groupe. C'est une porte d'entrée essentielle pour pénétrer l'univers Kogi. (KOG)

- "Pour construire une nuhé, il faut faire appel à trois types de connaissances spirituelles. Il faut d'abord pouvoir entrer en relation avec le sommet, celui avec lequel la nuhé sera reliée. Il faut ensuite connaître les différents organes humains qui permettent la libération de l'énergie humaine. Il faut enfin savoir comment ils se connectent entre eux. C'est pour cela que dans une nuhé, chaque mamu dispose de son lieu à la fois géographique et astrologique. Un ou plusieurs mamus vont entrer en relation avec le maître spirituel, l'esprit du sommet auquel sera reliée la nuhé. Ils vont lui demander l'autorisation de construire la nuhé, qui devra être localisée selon un axe précis, en lien avec le passage du soleil, au-dessus du sommet qui doit être illuminé le matin par le soleil. Ils vont faire les offrandes traditionnelles nécessaires et ainsi décider de la date de construction. Le lieu choisi doit être le plus plat possible pour éviter trop de travail de préparation et de remblais. Ce sont des adultes qui devront la construire, assistés par quelques jeunes qui souhaitent mieux connaître et apprendre comment se construisent les nuhés. Le matériel nécessaire doit provenir de quatre directions différentes. Deux des quatre piliers principaux devront venir de l'est qui représente la force négative, mais aussi le masculin, et deux de l'ouest qui représente la force positive, le féminin. Quatre piliers plus petits seront apportés des quatre points cardinaux : ils représentent les pôles qui permettent la décharge de l'énergie. C'est entre ces huit piliers que naît l'énergie d'Anokua. Celle-ci devra non seulement soutenir la structure physique de la nuhé, mais aussi avoir la capacité de capter les énergies de ceux qui s'en serviront et des activités qui s'y dérouleront. Les plus grands piliers positionnés à l'est et à l'ouest seront réunis au sommet rassemblant l'essentiel des forces de la nuhé. En aucun cas les piliers majeurs et les piliers mineurs ne devront être enterrés. Ils devront tous reposer sur des pierres qui proviennent elles-mêmes des quatre directions d'origine des piliers. La localisation des piliers obéit à une logique géographique, mais elle représente aussi la structure du corps humain. Les deux jeux de grands piliers représentent le corps, des pieds jusqu'à la tête, et les quatre piliers plus petits, les quatre principaux organes du corps qui génèrent, captent et distribuent les énergies vitales. Un sommet principal, à la hauteur de la tête, et plus spécifiquement au niveau des oreilles, représente la gravité qui maintient l'équilibre du corps.
La nuhé fonctionne avec deux verbes particuliers, voir et saisir : « tu verras ce qui existe et tu te saisiras de ce qui te convient. » On se rend à la nuhé pour discuter des problèmes ou des difficultés quotidiennes de la nature, la nature dont l'homme fait partie. La nuhé assure l'équilibre des forces en présence, permet à l'homme de percevoir avec clarté son environnement matériel. Chaque homme est en lien avec différentes planètes, il est donc porteur de différentes énergies qui pourront être équilibrées à travers la nuhé pour ensuite être prises et portées jusqu'à la loma...
Une personne qui entre dans la nuhé contrôle ses énergies pour pouvoir penser. Celui qui pense avec ses énergies régulées est capable de se voir, de prendre conscience de lui-même, de ce qu'il est et de son environnement. Il va pouvoir penser justement. Les personnes entrent et se positionnent dans la nuhé selon leurs besoins, il n'y a que quelques lieux où il ne faut pas s'asseoir, car la concentration d'énergies y est trop forte.... Il existe des nuhés positives, qui correspondent aux énergies féminines et d'autres négatives, qui correspondent aux énergies masculines."
(Mamu) (KOG)

- Dans une nuhé le temps passe d'une manière étrange. Il suffit d'être là. Personne ne vous jugera si le sommeil vous emporte. A croire que la compréhension de ce qui vous est transmis dans ce lieu est plus physiologique qu'intellectuelle... De fait, c'est une grande paix qui se dégage de ces instants, une tranquillité partagée. Ici, on se sent apaisé... Allongé à même le sol tiède ou blotti dans de petits hamacs de cordes fixés aux murs, on se relie avec le monde. (KOG)

- "La nuhé, c'est comme un père ou un grand-père. Les enfants aussi viennent dormir ici. Une nuhé c'est comme les grands-mères et les grands-pères. Ils vivent ensemble, comme le mamu et la saga. Les montagnes et les sommets sont comme des nuhés, les villes des ancêtres." (Mamus) (KOG)

- "En construisant la nuhé, nous pouvons à nouveau parler avec la nature, les arbres, les pierres, les animaux. Nous pouvons expliquer aux jeunes comment est la Mère, comment lui parler pour réveiller les choses. Une nuhé, un temple, c'est comme un corps, une personne. Chaque pierre, chaque morceau de bois a un nom. Il y a les bras, la tête, les yeux, les oreilles. Au début, nous devons penser ensemble, savoir où faire la construction, puis, on fait le cercle, la forme, toujours ronde, comme le temps. Deux piliers viennent de l'est et représentent la forme négative, mais aussi le masculin, et deux de l'ouest qui représentent la force positive et le féminin. Ils représentent les quatre principaux organes du corps qui équilibrent les énergies vitales." (KMDH)

- Au-delà du support d'apprentissage, une nuhé renvoie par ailleurs à la structure politique de la communauté dans ses dimensions structurantes et relationnelles. Chaque « place » dans le temple est rattaché à une fonction dans la communauté, mamu (spirituelle), comisario (politique), cabo (organisation), jeunes, etc.
Les quatre foyers qui divisent le sol en quatre espaces, représentent les quatre Pères créateurs, les quatre fils de la Mère qui ont donné naissance aux quatre clans de la communauté Kogi, cadre fondamental qui structure les règles du mariage. Chaque clan, auquel correspondent des responsabilités et des relations mythiques, est associé à certains animaux féminins ou masculins. Certaines associations peuvent être faites et d'autres non. Ainsi, lorsque les hommes se réunissent dans un temple, ils ne peuvent pas prendre place et s'asseoir n'importe où, ils doivent occuper la place qui leur revient au centre du schéma cosmique. Au nord-est, la nuit, les ombres, les animaux sombres et les pères spirituels associés. Au nord-ouest, la terre, les plantes, la forêt et d'une manière générale, tout le monde végétal non cultivé par l'homme. Au sud-est, le père de l'eau, le tonnerre. Au sud-ouest, le père du feu et des animaux. Le cinquième point, au centre du temple, le père Mulkuéxé. C'est le point le plus sacré, même s'il n'est pas matérialisé par un foyer, la grenouille associée au concept de centre.
Le temple est aussi un observatoire astronomique et lieu de divination. A l'occasion des solstices d'été ou d'hiver, ou dans le cas d'un doute sur une date de leur calendrier, le mamu va ouvrir un orifice caché dans la partie sommitale du toit, laissant filtrer un filet lumineux qui perce l'obscurité. Le 21 juin par exemple, de 9 heures du matin à 3 heures de l'après-midi, le rayon du soleil vient précisément frapper les deux foyers de la nuhé au sud-ouest, puis au sud-est. Les quatre points de sortie et d'apparition du soleil marquent les quatre points cardinaux de l'univers Kogi, chacun étant sous la protection de l'un des quatre pères fondateur du monde. Ces quatre dates solaires correspondent aux saisons de l'année, ce qui s'avère fondamental pour un peuple d'agriculteurs comme les Kogis. (LIK)

Voir aussi : Kankurua



 OFFRANDES - PAGAMIENTOS 

- Offrandes réalisées sur des sites sacrés, afin de partager les connaissances des arbres, d'éviter les maladies, de préserver les lieux de collecte des pierres et des coquillages sacrés, de préserver les fleurs, les oiseaux, de rééquilibrer un acte sacré passé ou à venir, sur lesquels les Mamus se doivent de venir régulièrement. (LIK)

- A chaque col, chaque passage d'un territoire à un autre, il est nécessaire de se purifier et de faire les offrandes nécessaires pour maintenir l'équilibre du monde. (LIK)

- (Par exemple), la qualité des récoltes est étroitement liée à la qualité et à la fréquence des offrandes, des pagamientos qui vont être faits aux Pères et au Mères de chaque chose. Semer, cultiver, récolter nécessite d'obtenir "l'autorisation", la permission ou seiwa particulier, signes que les "actes"sont justes et que l'action envisagée peut être menée sans risque. L'agriculture devient alors une sorte de "thermomètre"qui leur permet d'apprécier l'état de leur relations, bonnes ou mauvaises, avec la Mère nature. Une bonne réponse sera interprété comme une réponse positive de la terre au travail de préparation et d'ensemencement réalisé au paravant. (LIK)

- Cette relation à la terre, au monde, qui parle d'alliance et d'équilibre et que nous commençons à entrapercevoir chez les Kogis, n'a que peu à voir avec notre mode de fonctionnement, la façon que nous avons de nous relier et les croyances de domination et de division qui sous-tendent ces relations. Comme nous le rappelle Gilles-Éric Séralini, cette "relation d'être"est non seulement récente, mais porteuse de graves menace pour la vie. Il fut un temps ou nous étions reliés, ce que nous rappelle les Kogis ; nous devenons maintenant des êtres dissociés, créateurs de déséquilibres. Pourquoi, et pour quel avenir ? (LIK)



 PARAMO ou PAJAMOS 

- En Équateur, au Venezuela et en Colombie (paramo de guerrero), le paramo est une formation végétale d'altitude que l'on rencontre entre 3200 et 4200 mètres dans les étages subalpin, alpin et nival ou il fait transition avec la selva nublada ou forêt de brumes. On y trouve des tourbières, qui jouent un rôle de rétention/régulation d'eau fondamental pendant les saisons sèches. (LIK)



 PARC TAYRONA 

-Le Parc national naturel de Tayrona (en espagnol : Parque Nacional Natural Tayrona) est une aire protégée située dans la région carribéenne de la Colombie, dans le département de Magdalena à 34 km de la ville de Santa Marta. Le parc abrite une biodiversité endémique dans les montagnes de la Sierra Nevada de Santa Marta. Le parc comprend 30 km2 de zone maritime dans la Mer des Caraïbes et 150 km2 de terre.



 PARTAGE 

- "Nous les Kogis, nous sommes frères, nous aimons bien partager. Si l'un de nous est seul dans un coin, s'il n'a rien, c'est triste. Quand il n'y a pas trop à manger, on partage, pour ne pas que l'un ait tout et l'autre n'ait rien, qu'il souffre ou qu'il ait faim. Nous sommes ensemble, les jeunes, les anciens, les enfants, ceux qui ont et ceux qui n'ont pas. En partageant, nous ne nous disputons pas, nous ne parlons pas mal les uns des autres... c'est ce que nous pensons. Il y a beaucoup de respect. Respect entre nous, respect pour la nature, pour les travaux communautaires, pour le Mamu. Beaucoup de respect pour que tout soit fait en accord avec Seiwa". (Ignacio Alimako) (LIK)

- "On ne mange pas comme les petits-frères, chacun un plat, dans un coin, séparé des autres. Non, nous nous mangeons ensemble et tout est mélangé, pommes de terre, yucca, malanga, viande. Et il faut manger sans sel pour être plus fort, faire ainsi un meilleur travail intellectuel. Nous sommes heureux comme cela. Alors que si nous sommes seuls, dans notre coin, c'est triste... Vous les petits-frères, vous avez des cuillères, des fourchettes. Nous, nous avons nos cuillères, nos assiettes. Et on partage tout." (Ignacio Alimako) (KOG)

- Le partage, concerté et régulé, est de la solidarité mise en application. Pour autant, ce partage est relatif, en fonction des possibilités et des besoins de chacun, grâce à des mécanismes de concertation et de régulation collectifs, simples et sophistiqués, car les Kogis ne sont en rien une société bureaucratique, mais bien une société fonctionnant par la mise en œuvre de ses valeurs, garante de leur fonctionnement. L'individu est reconnu, ses besoins et ses spécificités acceptées et valorisées par la communauté.
Néanmoins, l'appartenance au groupe est essentielle. Le lien qui unit l'individu au groupe est plus important pour chacun que l'assouvissement de ses désirs individuels. Chacun apprend que l'observation des normes collectives est la condition de la pérennité du groupe et de son propre développement. La société Kogi n'encourage pas l'individu à accaparer les ressources, ni à dominer les autres pour récupérer le fruit de leur travail. S'il tente de le faire, il sera confronté à la question du sens de son action : au nom de quoi l'as-tu fait ? Quelles sont les conséquences de cet acte pour toi et pour les autres ? Comment pouvons-nous réparer l'équilibre ainsi rompu par le passage à l'acte ?
La solidarité est concrète, présente à tout moment, organisant les choix, fixant les priorités, les obligations, les réciprocités entre individus. Sans procédures, normes ISO, indicateurs... Par le partage et l'acceptation du sens de cette valeur et la même conscience de ses conséquences. Arrêtons-nous sur cette notion de partage du sens. Elle est essentielle pour les Kogis. Rien ne doit se faire sans partage du sens à l'échelle de la communauté. Partager le sens, c'est créer les condtions pour faire vivre la solidarité.
Agir, c'est créer une solution qui ait le sens voulu et accepté par tous. Si les Kogis, sans ingénieur, technicien, qualiticien ou chef de chantier, savent construire et faire durer un pont dans des conditions défiant les normes de nos experts et ceci, depuis bien avant Christophe Colomb, nous devons nous interroger, non pas sur la prouesse technique, mais sur ce qui la sous-tend : la solidarité, en tant que forme d'intelligence collective, au sens de compréhension et appropriation d'une même solution pour tous. (Jean-François Maréchal) (LIK)

Voir aussi : Don/contre-don



 PAUVRETÉ - RICHESSE 

- "Nous ne sommes pas pauvres, vous les Petits Frères êtes plus pauvres que nous. Nous n'abîmons rien, au contraire, nous protégeons ce que nous donne la nature. Nous avons de l'eau en quantité, claire et limpide, des arbres, des fruits... Chez vous, vous avez tout détruit. Chaque jour qui passe, vous êtes plus pauvres. Si vous continuez, vous allez devenir vraiment très pauvres. Nous ne dépendons de rien ni de personne pour vivre, faire une maison, manger, nous chauffer. Nous sommes libres. Les petits frères deviennent pauvres car ils détruisent tout ce que la nature leur a donné. C'est parce qu'ils enferment la vie qu'ils pensent qu'ils sont plus riches ? Parce qu'ils traversent les montagnes en faisant des trous pour aller plus vite ? Si je vous faisais un trou dans le ventre pour aller de l'autre côté, quel effet cela vous ferait ? Nous n'avons pas toutes vos machines ou votre argent, mais nous ne sommes pas pauvres. Vous êtes sans doute plus pauvres que nous. Ici dans la Sierra, nous protégeons la nature, nous n'abîmons pas les choses. Vous, vous êtes en train de tout détruire et vous allez finir pauvres de tout ce que la nature vous a donné. Si vous continuez à tout détruire, la chaleur va arriver et va tout brûler. Le vent va tout assécher et tout va disparaître. Tous vos objets vont êtres détruits et vous mourrez." (Miguel Dingula - Mamu) (LIK)



 PERCEPTION DU RÉEL 

- Toutes les traditions nous le rappellent, il n'y a sans doute pas qu'une seule manière de percevoir le réel. Élargissement et modification du champs de conscience ont toujours fait partie des « rituels » chamaniques dans toutes les cultures et sous toutes les latitudes. Aller voir « de l'autre côté », appréhender le réel à travers d'autres formes de perception participe de la compréhension du monde, de sa « dynamique » et de la place que l'homme peut et doit y tenir. Ce « voyage », passage d'un état à un autre, d'une perception à une autre, modifiée, d'un monde à un autre, se réalise avec l'aide de substance hallucinogènes, voire de pratiques physiologiques (modification des rythmes respiratoires, cardiaques, du sommeil) ou de conditionnement physique. La musique, les sons et les vibrations (fréquences) qui y sont associées, tiennent une place essentielle dans ces voyages, puisqu'ils en marquent les étapes, début et fin, tout en servant de fil rouge, parfois ténu, pour éviter à ces « voyageurs » de ne pas se perdre dans ces mondes « parallèles ». (LIK)

Voir aussi : Masque



 PETIT FRÈRE 

- "Vous les petits frères vous pensez des pieds à la tête ; nous, nous pensons de la tête aux pieds. Si vous êtes dans une hutte ronde et que vous souhaitez sortir, vous allez vous diriger directement vers la sortie. Nous, nous ne fonctionnons pas de la même façon, nous allons commencer par revenir en arrière, puis faire le tour des parois, explorer des parties plus sombres, avant, peut-être, mais ce n'est pas sûr, de nous diriger vers la sortie. A la question qu'est-ce que c'est que cet objet ? Un verre par exemple, vous répondez "un verre", et votre propos s'arrête là. Nous, avant de répondre, nous devons convier toutes les personnes qui ont quelque chose à voir avec le sujet abordé, dans le cas du verre, celle qui connaît la matière utilisée pour faire ce verre, celle qui connaît ses modes de transformation, celle qui connaît son usage, celle qui maîtrise son histoire. Ensuite, pendant la phase de discussion, nous pouvons être amené à répéter plusieurs fois les mêmes idées, à les associer, en y ajoutant à chaque fois une information supplémentaire, ou au contraire en modifiant une autre idée, comme une pensée qui se déroulerait en spirale, se nourrissant des différents apports des personnes présentes. Petit à petit nous commençons à construire une représentation partagée de l'idée ou de la question qui nous réunit ou que nous devons aborder." (LIK)

- Les Kogis doivent se respecter et s'aimer comme ils respectent et aiment la nature. Les petits-frères, eux, ils ne respectent rien. Ils viennent chez nous et ils pillent nos tombes, les pierres, les colliers, en faisant cela ils créent des problèmes, des guerres. Pour nous ces pierres sont très importantes, elles nous servent pour faire des offrandes, former les jeunes mamus... Les gens de l'extérieur viennent et pillent nos lieux sacrés. Ils emportent l'âme, la mère des lieux sacrés, mais nous avons encore la mémoire. Nous connaissons encore les lois, les règles, notre pensée est encore forte. Emportez cette pensée, là-bas. Emportez-là. (KOG)



 PLEURER 

- "On apprend à nos enfants qu'il ne faut pas pleurer, car s'ils pleurent, les rivières vont déborder et les petits chiens noirs, ceux qui montent l'âme des morts vers les montagnes, ne pourront plus traverser." (Manuel Dingula ou Manuel Alimako - Mamus en voyage au Canada avec Éric Julien) (LCNM)



 PLUMES 

- Avant le voyage en Équateur :
- "Aujourd'hui nous n'avons plus que treize plumes. Avant, nous en avions quinze. Pour deux couronnes, il faut trente plumes. Il nous manque beaucoup de plumes pour pouvoir réparer et refaire les couronnes.
Nous sommes obligés de nous prêter les couronnes entre les villages. Nous ne sommes pas responsables, mais les guacamayas ont disparu, alors il n'y a plus de plumes. Sans plumes cela devient plus difficile pour enseigner les chants et les danses. […] Notre mémoire est encore là, vivante à travers les connaissances et les savoirs des Mamus. Mais comment faire vivre ces connaissances, comment les transmettre aux jeunes, si nous ne disposons plus des éléments traditionnels et du matériel nécessaire pour le faire ?
(Miguel Dingula – Mamu) (KOG)

- (Les Kogis) ont besoin de plumes, des plumes qu'ils trouvaient dans la Sierra, ce qui n'est plus possible aujourd'hui, puisque de nombreuses espèces d'oiseaux ont disparu. C'est le cas des guacamayas, ces grands perroquets de couleur, dont ils utilisaient les plumes dans de nombreux rituels. Aujourd'hui c'est un animal qui a quasiment disparu de la Sierra, non pas tant parce qu'ils auraient été exterminés par les Blancs, les colons, mais plus simplement parce que leur habitat a été détruit. (…) il y a des régions où il serait possible de retrouver des plumes, mais bien souvent, contrôlées par la guérilla ou les paramilitaires, elles sont inaccessibles. (KOG)

- Après le voyage en Équateur :
- "Tisser ces couronnes de plumes, pour nous, c'est un peu comme pour vous écrire des mots sur du papier. La Mère nous a laissé l'histoire, les règles de la vie, mais sans plumes, nous ne pouvons plus écrire cette histoire, alors nous perdons notre mémoire. Avec les plumes, nous pouvons travailler pour protéger la terre. Tous les animaux peuvent voir que nous pouvons parler avec les autres animaux, avec les rivières, les grottes. Avec les plumes, on peut de nouveau parler avec l'esprit des choses. Le pouvoir est là. Il faut que l'on continue à utiliser les plumes, c'est le savoir, le chemin que nous ont laissé les anciens, c'est notre responsabilité de protéger, de faire vivre cette mémoire.

- Les couronnes ont un ordre, c'est comme cela qu'elles doivent être, les grandes plumes en haut, mais celles qui manquent, ce sont les petites plumes rouges, pour les bras et le reste. Cette grande plume signifie la terre, la terre est ronde, mais en haut, il y a d'autres mondes, ces plumes signifient le neuvième monde. Les danseurs (les nourlaneukui), quand ils travaillent avec les musiciens, se réunissent, se retrouvent tous dans le neuvième monde, le dernier. Tout ce dont nous parlons, nos paroles aussi montent et viennent dans le neuvième monde. Quand nous parlons des choses importantes, elles rejoignent le neuvième monde. C'est comme le chapeau des Mamus, le neuvième monde, c'est le bout du monde. C'est là que doivent se faire les offrandes, là où se réunissent les paroles, là où se retrouve le travail spirituel que nous faisons, là où se retrouve le tout, l'unité."

- Maintenant que l'on peut récupérer cette mémoire, ce serait bien que les petits-frères nous amènent d'autres plumes. Ici, dans la Sierra, c'est difficile de les trouver. Mais nous, on veut continuer à faire vivre l'esprit des choses, on veut continuer notre travail spirituel, pour cela, il nous faudrait d'autres plumes, beaucoup de plumes. Vous les petits-frères Éric (Julien), Gentil (Cruz), vous nous avez aidés avec des choses matérielles, nous devons maintenant travailler et vous aider avec notre travail spirituel. Quand vous voyagez ailleurs, nous devons vous protéger avec notre travail spirituel. Gentil, Éric, ils nous aident avec des choses matérielles. Tous les manus de Santa Rosa, on va travailler pour les aider spirituellement, eux nous aident, nous devons les aider, on va faire le travail ensemble, pour eux, pour nous, pour la terre, tous ensemble nous devons travailler, penser les choses justement.

- Ces plumes qui viennent de si loin, on va les protéger comme nos femmes et nos enfants, les aimer, les caresser. Les plumes et le tissage nous disent comment faire les choses, c'est avec ces plumes que l'on va faire notre travail spirituel. Nous avons un dieu, Kalguacha, à qui nous devons demander qu'il aide les deux petits-frères qui nous ont aidés. Nous devons penser les choses pour le travail spirituel, pour que les petits-frères nous aident. On va tisser les plumes, faire les couronnes pas seulement pour ici, Santa Rosa, non, elles pourront servir d'autres villages, d'autres mamus. Cette couronne que l'on tisse va être belle, comme elle était avant. C'est comme cela que nous devons récupérer la mémoire traditionnelle, garder les choses. (Mamus)(KOG)

- […] La couronne est terminée. Elle va être rangée dans une boite en roseau spécial. Il y aura un rendez-vous, plus tard, plus haut, pour danser. Corps et esprits vont être purifiés, amené à un état de sensibilité extrême, qui permettra aux formes du vivant de se retrouver, de nouer des liens. Le tambour est là, omniprésent, lancinant, les flûtes, les maracas qui, encore et encore, emportent l'esprit, jusqu'à le relier à l'essentiel. Seuls les reflets de l'or trahissent les corps qui dansent et dansent encore, comme une porte vers le monde, une porte que l'on cherche en soi. La mémoire n'était pas morte. La mémoire permettait de voir encore. Pour un temps, l'ordre du monde est préservé. (KOG)

Voir aussi : Guacamaya



 POLICE 

- "Nous aussi nous avons une police, ce sont des gens qui protègent les choses, la nature, les animaux. Vous, vous avez une police qui protège ceux qui détruisent la vie. Vous faites tout sans comprendre... (Marcello - Mamu)(KOG)



 POPORO 

- Calebasse surmontée d'une boule jaune, remise au jeune garçon pour marquer son changement de statut, d'enfant à adulte en âge de se marier. (LIK)

- (Le poporo) doit pouvoir être rempli de cal (chaux), extraites de coquillages marins, réduits en poudre, qui, mélangé dans la bouche avec les feuilles de coca, libère l'alcaloïde absorbé par les muqueuses... Pour sortir la cal déposée à l'intérieur d'une calebasse, il est nécessaire de disposer d'un morceau de bois, fin, d'une longueur de vingt à trente centimètres. Calebasse et petit morceau de bois représentent respectivement la dimension féminine et la dimension masculine de l'existence. En ce qui concerne l'association de la cal extraite des coquillages et des feuilles de coca, elle symbolise la vie issue de la rencontre entre les forces positives et les forces négatives de l'univers. (KOG)

- … objet mystérieux qui désigne à la fois une calebasse, un symbole, un support culturel voire thérapeutique, et un moyen mnémotechnique de transmission. Le bâtonnet, couvert d'un mélange de salive et de coca, est introduit dans la calebasse où se trouve de la chaux, obtenue en brûlant des coquillages. Le mélange crée un dépôt jaune, qui va être déposé via un frottement régulier du bâtonnet du haut en bas et de gauche à droite sur la partie haute de la calebasse. Remis aux adolescents lors d'un long rituel (3 jours et 3 nuits) comme symbole de leur passage à l'âge adulte, le poporo représente leur "épouse", celle avec laquelle ils devront symboliquement se marier pendant leur initiation. Chaque jeune adulte veillera dessus, de la même façon qu'il protège le monde et qu'il sera responsable de sa future famille. (LIK)

- "Utiliser le poporo (le dijioburo) et mâcher de la coca, cela fait partie de notre culture. On ne peut pas faire cela n'importe comment. Il faut en demander l'autorisation au Mamu. Le poporo représente aussi la Sierra. Ses formes spécifiques permettent les clans et d'être identifié par les autres. Chaque communauté a son poporo et chaque poporo une forme particulière. Un poporo c'est un peu comme vos cartes d'identité, il reflète ce que nous sommes, il permet à la Mère nature de nous identifier, de nous connaître. C'est un symbole qui réunit les éléments fondamentaux de la vie et de l'univers : le bâtonnet de bois nous relie aux arbres et à la végétation ; le tabac symbolise le sang, l'énergie ; les coquillages réduits en poudre nous relient à la mer, à l'océan source de vie ; la coca rappelle l'acte de penser et la possibilité de chacun de rentrer en communion avec le monde ; et enfin la calebasse qui, en regroupant l'ensemble, personnalise l'identité et la personnalité de chacun (…) Le poporo, c'est aussi une représentation de la vie. Le posséder, c'est être "baptisé", à savoir être accepté dans le monde des vivants. Il s'utilise toujours avec l'aillo (la feuille de coca). La coca c'est la pensée, la communication (…)
Utiliser un poporo, c'est un peu comme écrire deots sur un papier. Après son travail, l'homme se sert de son poporo pour se reposer, pour retrouver le contact avec la nature. S'il pense quelque chose au moment où il utilise son poporo, le poporo va enregistrer l'énergie et la manière de penser, une forme de relation qui permettra de mettre à jour les intentions qui animent la personne au moment où il s'en sert."
(Miguel Dingula - Mamu) (LIK)



 PROCRÉATION - REPRODUCTION 

- Les Kogis connaissent le lien, la relation qui existe entre l'acte sexuel et la conception. Ils en déduisent que chaque objet, animé ou inanimé, est issu d'un acte intentionnel de procréation, qui nécessite l'existence d'un « père » et d'une « mère » dont la rencontre « harmonieuse » donnera une « forme ». une bipolarisation, complémentaire, qui permet de perpétuer et de faire vivre, dans le corps social, l'ordre naturel qui structure le monde : le haut et le bas, la nuit et le jour, la paix et la violence. C'est donc la rencontre de « genres » opposés, masculin et féminin, « Père » et « Mère » spirituels, leur juste tension, qui permettent l'existence d'une énergie de vie. Des « genres » physiques et symboliques , qui se déclinent, s'incarnent sous de multiples formes (constructions), actions, objets rituels ou quotidiens, jusqu'à l'usage et la structuration des territoires, des temples et des activités quotidiennes. Dans ce contexte, musique, danse et chants apparaissent à la fois comme support de mémoire nécessaire pour transmettre et faire vivre cette perception du monde et comme moyen de médiation entre les genres, afin de persévérer ou retrouver l'équilibre créateur, toujours fragile.
Les valeurs assignés au genre masculin (force corporelle, contrôle des émotions) viennent se mettre en tension avec les valeurs féminines (source de vie, continuité spirituelle, accès aux émotions, douceur). Une articulation/tension qui viennent nourrir le système vertical (origine du monde, mythe fondateur et maintien de l'ordre) et horizontal (dynamique sociale de pouvoir et de contrôle de la société).
Les valeurs assignés au genre masculin (force corporelle, contrôle des émotions) viennent se mettre en tension avec les valeurs féminines (source de vie, continuité spirituelle, accès aux émotions, douceur). Une articulation/tension qui viennent nourrir le système vertical (origine du monde, mythe fondateur et maintien de l'ordre) et horizontal (dynamique sociale de pouvoir et de contrôle de la société). (LIK)

Voir aussi : Feminin



 RIVIÈRE 

- Sur une carte d'état-major, reflet de la pensée moderne, une rivière est désignée par un nom unique. Pour les Kogis, elle peut adopter différentes appellations, depuis sa source jusqu'à sa rencontre avec une autre rivière, liée à la symbolique ou au "reflet"cosmogonique du territoire traversé. Elle peut parfois ne plus porter de nom, dans le cas où une partie de son cours ne tient aucune place dans leur système de représentation. (LIK)



 SAGA 

- Les éclairées. Autorités spirituelles féminines de la communauté Kogi jouant le même rôle que les Mamus.

Voir aussi : Mamu



 SEIWA et SELDA 

- Deux autres concepts qui contribuent aussi à orienter le comportement des Kogis. Seiwa pourrait être associé à l'idée d'alliance (entre un homme et une femme, entre deux temples, voire deux étoiles) alors que Selda, au contraire désignerait l'idée d'opposition. Un seiwa désigne aussi un ensemble d'objets, fibres de coton ou cristaux qui accordent protection et pouvoirs à ceux qui les possèdent. Aluna, Yuluka, seiwa et selda sont à peine quatre des nombreux concepts qui déterminent la vie des Kogis, leur permettant de se "relier", d'être en liens dans un univers mouvant où, en fonction de son comportement, chaque personne trouve la place qui lui est propre. (LIK)

- "Nous devons avoir une seule pensée, une belle pensée et avancer sur un juste chemin. Cette pensée, nous devons la garder dans les grottes et dans la nuhé, la kankurua. Seiwa, c'est toute la pensée qui vient d'un territoire à travers toutes ses composantes. C'est la Sierra qui nous transmet les lois. Aluna, c'est la pensée de tous les êtres vivants et non vivants. Dans la pensée, on sait ces choses, ce qui va se passer, les sentiments, les intentions, les connaissances. Quand quelqu'un va venir de Santa Marta, en Aluna nous savons que quelqu'un vient d'ailleurs, nous savons les choses. Quand des gens vont venir avec de bonnes ou de mauvaises pensées, Aluna nous prévient, nous savons. Tu ne peux pas être égoïste, jaloux, tu ne peux pas te mettre en colère pour telle ou telle chose. Que sais-tu d'avant ? Que te disais ton papa, ta maman ? Quels conseils te donnaient-ils ? Les écoutais-tu ? (Maria Nieve - Mamu) (LIK)

- "Nous ne pouvons pas aller à l'encontre des lois de « Seiwa». Nous devons faire attention, ne pas être jaloux, ne pas être envieux, ne pas voler, ne pas être violents et éviter la colère. Apprendre d’où viennent ces émotions, essayer de les comprendre, cela fait partie du travail que nous faisons avec le Mamu. Si nous faisons attention, si nous respectons Seiwa, si nous pensons bien les choses, alors nous ne pouvons pas tomber malade. Sinon la maladie arrive. Nous devons avoir une pensée claire, les idées claires, respecter nos enfants, nos familles, la terre et tous les êtres. Dans certains cas, certaines plantes et certaines pierres peuvent nous aider à soigner. Il y a des endroits sacrés où tout le monde ne peut pas aller, où on ne peut pas faire n'importe quoi. Là où il y a des arbres très vieux qui ne doivent pas être coupés, certains chemins que nous ne pouvons pas emprunter, des rivières où il n'est pas possible de se laver. Si nous connaissons et respectons ces choses, il n'y a pas de maladies." (Marcello Nolavita – Mamu) (LIK)



 SERANKUA 

- Le Père. A créé la terre composée de 9 niveaux (correspondant aux 9 planètes) et a donné la vie.



 SIERRA NEVADA DE SANTA MARTA 

- Sa localisation à seulement 45 km de la mer, sa forme, une pyramide aux parois vertigineuses, la variété de ses climats, font de cette île montagneuse, cernée par la mer et les déserts, un monde à part. C’est là que vivent les Kogis, les Aruacos et les Arsarios, derniers héritiers de l’une des plus brillantes civilisations du continent sud-américain, les Tayronas. Des 500.000 habitants approximativement dénombrés au XVIème siècle, on ne compte plus aujourd’hui que 25.000 représentants. Plus qu’une simple montagne, la Sierra Nevada représente à leurs yeux, le centre du monde, la Mère terre qui leur a transmis le code moral et spirituel qui régit leur civilisation. Peuple de sages et de philosophes, ils connaissent une vie spirituelle intense. Privilégiant les choses de l’esprit, très tôt, ils initient certains de leurs enfants aux mystères de leur religion, selon un rite et une éthique particulièrement rigoureuse. (ST)

- La Sierra Nevada est un lieu sacré, c'est le cœur du monde. De sa protection dépend le destin de la planète. Si le cœur devait mourir, la vie serait condamnée à disparaître. (LIK)

- Malgré les saccages et les destructions (85% de sa couverture forestière a disparu en moins de 40 ans), la Sierra Nevada de Santa Marta a gardé une partie de sa splendeur. Véritable pyramide montagneuse cernée par la mer et les déserts, ses sommets enneigés, qui culminent à 5775 mètres avec le pic Bolivar, sont à moins de 40 kilomètres des côtes caraïbes. Cachées par d'épais nuages, ses vallées profondes abritent tous les climats de la terre, depuis la chaleur humide de la côte caraïbe et ses couleurs vives, jusqu'au froid sec des zones d'altitude, avec ses étendues de sables foncés, ses paysages de lagunes et de roches coiffés par d'imposants glaciers. En contrebas des sommets se trouve la toundra pluviale, puis les "pajamos"ou plateaux désertiques de type pluvial subandin, avec ses arbres nains et ses étendues couvertes de graminées dorées. Plus bas encore la montagne est recouverte par la forêt pluviale avec sa couverture de gros nuages et de bruine froide où croît une végétation de romarin, de lentisque fleuris, d'opuntia vert émeraude et de bambous touffus. Vers 2900 mètres, le climat est plus doux. C'est le royaume du palmier à cire et de la forêt humide qui recouvre toutes les vallées. Au-delà, au-dessous de 2200 mètres les températures varient de 18 à 24° avec des précipitations annuelles de l'ordre de 2000 à 4000 millimètres. C'est là que l'on découvre les magnifiques forêts des nuages, où les arbres, imposants, peuvent atteindre de 30 à 40 mètres de haut. Au-dessous de 200 mètres les températures sont supérieures à 24°, le climat est chaud, humide. Ce sont les plaines littorales bordées de palmiers, de figuiers, calebassiers, qui s'étendent jusqu'à la mer. (LIK)

- La Sierra Nevada de Santa Marta occupe 1,48% du territoire colombien (elle possède 4 sommets de plus de 5000 mètres qui délimitent ses territoires d'altitude : les pics Guardian, Bolivar, Colomb et Reina) ; on y rencontre 35% des espèces d'oiseaux vivant en Colombie et 7% des espèces vivant sur la planète. 51 espèces sont des oiseaux migrateurs. Une diversité et une richesse naturelle qui ont dû largement influencer les "savoir-vivre et penser en harmonie"des Tayronas, ancêtres directs des actuels Kogis. (LIK)



 SITES ARCHÉOLOGIQUES 

CIUDAD PERDIDA
- Ciudad Perdida (en français "Cité perdue") est le site archéologique d'une ancienne cité de la Sierra Nevada de Santa Marta, en Colombie. Elle est supposée avoir été fondée vers 800 ap. JC, soit 650 ans plus tôt que Machu Picchu. Ce lieu est également connu sous le nom de Buritaca tandis que les indiens l'appellent Teyuna car la cité était le centre d'un réseau de villages habités par les Tayronas, peuple d'une civilisation pré-colombienne.
Redécouverte en 1979 par des guaqueros, des pilleurs de tombes. Construits sur des arêtes étroites, escaliers, canaux d'irrigation, terrasses, canalisation des eaux, les restes de la cité témoignent du savoir-faire des bâtisseurs tayronas pour adapter leurs constructions aux reliefs et à la nature. Les surfaces dallées des terrasses étaient un important facteur de climatisation, permettant d'exercer un véritable contrôle de l'humidité de l'air.(LIK)

Les Kogis racontent qu'ils visitaient le site régulièrement avant qu'il ne soit découvert mais qu'ils avaient gardé le silence quant à son existence. Ciudad Perdida était probablement le centre politique et économique de la région du Río Buritaca et abritaient de 2 000 à 8 000 personnes. Elle fut apparemment abandonnée durant la colonisation espagnole. Elle se composait d'une série de 169 terrasses creusées à flanc de montagnes, un réseau de routes étroites et de nombreuses petites places circulaires. L'entrée ne peut être atteinte qu'après la montée d'environ 1 200 marches de pierre à travers une jungle dense.

DUANAMA
- Site structuré autour de 9 pierres sculptées, dont la plus grande mesure environ 5 mètres de diamètre sur 4 mètres de haut. C'est là que se trouverait "inscrite"la mémoire de la culture des Kogis. Un visiteur non averti ne verra rien d'autre qu'une banale zone archéologique composée de pierres couvertes de dessins symboliques ou zoomorphiques. Pour les Kogis, c'est là que se trouve l'histoire et l'explication des origines de la vie, comme une bibliothèque de pierres où seraient stockées des informations sur la création du monde, les règles de la nature qui doivent régir la vie des membres de leur société, et la façon d'interpréter ces informations pour envisager le futur. Au-delà d'une écriture de la mémoire qu'elle permet de transmettre, le site représenterait la terre au cœur du cosmos, lieu de structuration des multiples forces dont l'interaction génère la vie. (LIK)

- "Pour les Mamus de la Sierra, c'est ici que se trouve notre site le plus sacré. Pourquoi ? … Car là se trouvent les Mères de tous les êtres vivants, les oiseaux, les rivières, les arbres, c'est comme d'avoir réuni toutes les parties d'un corps. Avant, pour entrer, il fallait demander une permission à la Mère. Il fallait être capable de lire et de comprendre tout ce qui est écrit sur ces pierres. La pierre qui est en-dessous, près de l'entrée, c'est le gardien, l'esprit qui surveille le site. Les cinq pierres qui sont autour, ce sont les femmes. C'est aussi un peu comme une carte du monde.
Toute la terre se voit sur ce cercle, cette pierre. Toutes les offrandes sont là. Tout est écrit pour que nous sachions toujours les offrandes qu'il convient de faire. C'est aussi la Sierra, avec ses sommets en haut et les règles de la Mère terre qu'il convient de respecter. Pour nous, c'est une sorte d'horloge traditionnelle comme un cadran solaire, un calendrier ; le soleil et le temps se mesurent sur les rayons. Tous le monde venait travailler ici, apprendre les différentes parties du corps. Il y a plusieurs niveaux d'apprentissage : neuf niveaux, comme les neuf mondes. En haut, c'est la pensée juste, c'est là que convergent les choses, ce sont les sommets, la neige. Duanama, c'est un support pour étudier, une sorte de carte traditionnelle. C'est là que la pensée converge vers l'unité."
(Antonio Dingula – Mamu) (LIK)

- D'après Miguel, "la partie sculptée représente la face de la terre illuminée par le soleil. La partie non sculptée représente la nuit, l'obscurité et, dans l'obscurité, il est impossible de lire quoi que ce soit... Sur cette pierre, on peut aussi apprendre comment construire une nuhé. C'est ici que l'on peut apprendre sa taille, ses dimensions, la forme du monde, on peut aussi savoir où il faut la construire. Cela s'appelle « Sevaxé » et concerne tout ce qui a trait à la nuhé, à sa construction, à sa signification, etc. Le Mamu qui a fait cette pierre s'appelait Mamu Seishi Gauneya. Pour faire cette pierre, il fallait qu'il puisse chanter tous les chants de la nature. Si l'on ne comprend pas ce qu'il y a d'écrit sur cette pierre, on ne peut pas apprendre à chanter ni à danser pour notre Mère la terre. Si on ne comprend pas la pierre, on ne peut rien apprendre et nous sommes perdus. Si nous ne récupérons pas notre pensée, nos connaissances, nous allons perdre le savoir de Duanama. Nous allons perdre notre mémoire spirituelle... Ici est la mère de la mère de la mémoire. Quand quelqu'un veut faire quelque chose, il doit d'abord penser : « je le fais ou non ? ». Si la mémoire me dit non, alors je ne le fais pas. Ici (il met le doigt sur l'une des sculptures, en suit les courbes) commence la mère du serpent, la tête est ici, la queue est là. Il y a plusieurs serpents, en fait, c'est comme l'écriture, mais des étrangers sont venus la voler. Ils l'ont cassée pour en savoir plus, il faudrait redemander aux anciens. Là c'est la mère de la musique, mais des « Yaji », des étrangers de l'extérieur, des Espagnols, l'ont abîmée ! Mais on ne connaît pas l'histoire des Espagnols. Ici, il y a la tête et la bouche, le centre de la tradition. Avant, personne ne pouvait voir ni regarder, ni même approcher ces pierres, ce lieu, il fallait savoir pour approcher. Maintenant, elle ne sert plus, les gens ont tout cassé, ils lui ont enlevé sa mémoire, sa force. " (Miguel Dingula – Mamu) (KOG)

"Les dessins de Duanama ce sont nos ancêtres qui nous les ont laissé pour faire vivre la mémoire. Tous les lieux importants apparaissent, les rituels que nous devons faire pour garder l'équilibre ; un peu comme sur vos cartes. Chaque dessin nous enseigne quelque chose sur notre corps, notre relation avec la nature et les règles que nous devons respecter. (KMDH)

PUEBLITO
C'est un des lieux où la civilisation Tayrona avait élu domicile il y a environ 1 400 ans. Vivaient à l’époque dans ce village de 3000 à 4000 personnes, mais la végétation ayant fait son travail, on ne pourra admirer que 4% de ce que l’on suppose avoir été cette agglomération. 250 terrasses, des ponts monolithiques, escaliers monumentaux, maisons de pierre… Les Tayronas usaient de ce matériau de façon très ingénieuse, et disposaient des pierres plates pour guider le ruissellement des eaux (épargnant les fondations des habitations, irriguant les cultures). Leur système de terrasses reste à ce jour un bel exemple d’exploitation agricole et de préservation de l’environnement.

- En apparence, Pueblito n'est rien de plus qu'un site archéologique destiné aux touristes qui souhaitent occuper leurs journées. On y trouve des panneaux explicatifs, quelques poubelles pour déposer les papiers gras, et une famille Kogi disponible pour la photo d'usage. Un visiteur attentif, capable de prêter attention aux êtres et aux choses, découvrira vite que Pueblito est bien autre chose qu'un simple site archéologique. Masquée par la forêt qui donne au lieu une ambiance magique et mystérieuse, se cache une histoire encore vivante. C'est cette histoire qui intéresse Miguel.  "Ici, c'est un site important pour parler, pour se mettre d'accord, ici c'est la mère de toutes choses. C'est notre site sacré, là où nous pouvons faire le travail traditionnel. Ici, c'était la première ville de nos ancêtres... Les autres villages que nous avons construits dans la Sierra, ont été construits sur ce modèle. Nous les Kogis, nous avons des règles de vie. Sur la base de ces règles, chaque Kogi a sa terre, sa maison où il peut et où il doit faire vivre la règle. Si nous ne souvenons pas de ces règles, nous risquons de nous perdre. En revenant dans ce lieu, nous pouvons retrouver les règles de la nature. Avec ces règles, nous retrouvons nos règles de vie, nous retrouvons l'équilibre, nous pouvons être Kogis." (Miguel Dingula – Mamu) (KOG)



 TAYRONAS 

- Les Tayronas étaient un important groupe amérindien précolombien qui occupait le territoire de l'actuel département de Magdalena en Colombie, dans la Région Caribe. Les Tayronas vivaient sur la face nord de la Sierra Nevada de Santa Marta ainsi que dans la plaine côtière, notamment le long des fleuves Guachaca, Don Diego et Buritaca, et sur l'actuel Parc national naturel de Tayrona. Le nom de ce peuple est en relation avec les mots teyuna, teiruna ou tairuna, qui se retrouvent dans les langues des peuples indigènes vivant aujourd'hui dans cette région, et qui descendent des Tayronas survivants de la colonisation espagnole au XVIe siècle.

- La société tayrona avait une très forte identité religieuse. L'utilisation de l'or pour magnifier les chefs religieux ou politiques et pour renforcer leur ascendant prit place en des périodes où le pouvoir était peu partagé. Les qualités ou compétences du leader étaient assimilées à certaines forces animales. La grenouille est importante (eau-fertilité) mais la chauve-souris l'est encore davantage. Le passage chamanique potentiel de l'homme à l'animal est patent dans les représentations d'hommes-chauves-souris. On trouve également en grand nombre des représentations d'oiseaux (condors, aigles et faucons), de couleuvres et de félins.

Art tayrona





 TCHENDUKUA 

L'association loi de 1901 "Tchendukua - Ici et Ailleurs", fondée en France par le géographe Éric Julien en octobre 1997, réunit celles et ceux qui souhaitent préserver un mode d’existence basé sur le respect de la nature, des autres et la recherche de l’équilibre. Sauvé d’un oedème pulmonaire par les Kogis, alors qu’il découvrait leur territoire, il s’est mis dans la tête de les aider à récupérer leurs terres. Ces terres sans lesquelles, coupés de leurs racines, les Kogis deviennent des êtres flottants, des êtres morts. D’après lui, permettre aux Kogis d’entretenir leur différence, c’est s’enrichir de leur regard sur le monde, tant il est vrai que la vie naît de la richesse des confrontations et non du rejet des différences. (ST)

Coordonnées de l'Association :

Association Tchendukua-Ici et Ailleurs
11 rue de la Jarry
94300 Vincennes
Tel : 01 43 65 07 00
Fax : 01 43 65 09 52
E-mail tchendukua@wanadoo.fr
Site : www.tchendukua.com

Voir aussi : Village/ville



 TEMPS (PASSÉ-PRÉSENT-FUTUR) 

- Avant toute chose, les Kogis ont du temps. Ou plus exactement, ils l'organisent, le perçoivent et le structurent différemment ; trois notions peuvent être évoquées, qui chacune nous dit quelque chose du temps "Kogi".
Le temps passé : le père passe du temps avec son fils, la mère avec sa fille, les parents avec leurs enfants, les anciens avec les plus jeunes, et tous se retrouvent régulièrement lors d'instants festifs de partage. Du temps "présentiel"comme diraient certains spécialistes des sciences de l'éducation, c'est-à-dire du temps vécu et partagé physiquement avec une personne ou un groupe de personnes ce qui n'est pas sans influencer largement leur "système éducatif".
Un temps circulaire : ils habitent un temps différent du temps linéaire qui caractérise nos sociétés modernes, un temps circulaire que connaissent bien ceux qui vivent de et par la nature, moins orienté sur le futur que sur le perpétuellement recommencement des cycles, des saisons et bien sûr, des chemins de consciences. Si la terre est mal préparée ou si les semailles ne sont pas faites au bon moment, les récoltes seront mauvaises et l'avenir de la famille, voire de la communauté, se trouvera compromis. Une telle perception du temps renvoie inéluctablement aux valeurs d'engagement et de responsabilité. On se doit de "bien faire les choses", au risque, si elles sont mal ou incorrectement faites, d'en payer ou d'en faire payer à d'autres les conséquences. Une perception du temps qui explique que leur engagement soit toujours mûrement réfléchi. Nous sommes loin de notre perception linéaire du temps, qui nous place devant les peuples "primitifs"ou "autochtones", ces derniers n'étant que les témoignages "archaïques"de ce que nous ne sommes plus, nous qui sommes en avance et développés. Dans nos sociétés modernes, lorsque nous posons un acte au présent, nous n'avons nul besoin de nous préoccuper des conséquences de cet acte ; elles disparaissent avec le passé, sans qu'il ne soit vraiment nécessaire de s'en préoccuper.
Enfin le temps nécessaire : le temps passé avec une personne pour répondre à ses questions, pour faire, construire, cultiver ou penser, ne sera pas un temps comptabilisé mais correspondra au "temps nécessaire"pour faire "justement"les choses, toutes les choses, même celles qui peuvent nous apparaître comme anodines. Une particularité qui éclaire sous un angle original les spécificités de leur système éducatif. Un système ou "l'éducation"des enfants commence bien avant la naissance, pendant la période de gestation, parfois même avant que l'enfant soit conçu. (LIK)

- "On ne peut pas laisser les temps anciens, les oublier... Si on oublie où étaient les choses, alors, on ne peut plus rien faire. Nous devons toujours parler du passé, du présent et du futur, parler des trois ensemble. Pas seulement l'un des trois séparé des autres, mais les trois ensemble, autrement nous perdons notre culture et nous allons souffrir. Un peuple qui perd la mémoire du passé, qui perd sa mémoire, ne sait plus où il va... Si nous ne faisons que penser le futur sans le relier à notre histoire et à la nature, la terre va se dessécher, nous allons mourir. Les Petits Frères le savent, ils le savent bien, mais ils ne voient que le futur, un futur où ils auront plus, où ils seront plus gros, avec plus et plus de choses. S'ils continuent comme cela, nous allons tous disparaître, la vie va disparaître. Il faut penser au passé, ne pas le laisser seul, pour préparer le présent et le futur. Il faut tisser chaque chose, chaque événement, avec son histoire (…) Un baptême, une Kankurua, un poporo. Si on oublie tout, nous devenons des êtres perdus." (Antonio Pinto – Mamu) (LIK)



 TERRE - TERRITOIRE 

- "La terre a une âme, un esprit comme tous les êtres. C'est notre terre, notre mère. Nous sommes les enfants de la terre, c'est elle qui nous protège. Nous sommes sortis du ventre de la mère mais nous sommes toujours dans le ventre de la terre. Lorsque nous mourons, nous retournons dans le ventre de la terre. Au moment de mourir, la terre reçoit de nouveau ses enfants. Le destin c'est de revenir vers la terre, c'est ainsi, nous devons revenir vers la terre pour maintenir l'équilibre, pour lui donner sa force, et pour que revienne la vie. La vie spirituelle ne peut pas être dissociée de la vie quotidienne terrestre. Lorsque l'on parle de la vie spirituelle, on parle de l'essence des choses, cette essence qui supporte la vie matérielle, c'est important de préserver cela. (Mamu) (LCNM)

- "Sans doute ne le savez-vous pas, mais lorsque vous nous rendez de la terre, vous ne nous rendez pas seulement des terres pour que nous puissions cultiver, vous nous rendez aussi des lieux sacrés, les sites de nos ancêtres où l'on peut faire notre travail traditionnel pour protéger les choses. Sur ces terres et dans la Sierra, grâce aux "cuentas", nous pouvons faire les offrandes nécessaires pour garder la loi. Tout ce matériel que vous nous ramenez comme cela, cela nous permet de retrouver des mots, de faire vivre la mémoire et d’élargir notre pensée pour qu’elle reste vivante, forte." (Mamu) (ASB)

- "De fait, pour nous, l'idée de territoire recouvre les sols, leur composition bien sûr, mais aussi les climats que l'on peut rencontrer dans telle ou telle vallée, les vents dominants, selon les saisons et les altitudes, les étages thermiques et tout ce qui vit, pousse et se déplace. Mais toutes ces montagnes, ce n'est pas seulement notre territoire ancestral, ce n'est pas seulement un territoire physique, pour nous, c'est le cœur du monde, de la vie. Il est doté de fonctions spécifiques. Comme un corps, c'est un espace vivant. C'est là que l'on peut faire les rituels et notre travail spirituel. Si on ne fait plus ce travail traditionnel, tout va s'arrêter. Si nous faisons comme les petits-frères, si nous commençons nous aussi à abîmer la nature, couper les arbres, l'eau va disparaître, tout va brûler. Ce n'est pas possible, nous devons continuer à protéger le cœur du monde. A l'extérieur de ce territoire, les autres Indiens, nos frères, sont en train de tout abandonner. Ici, c'est toujours la nature qui nous guide, grâce à elle notre travail spirituel est vivant. Le travail spirituel, c'est le travail de l'esprit, de la pensée, entretenu par le rituel. Chez vous, dans les villes, tout est mort, il n'y a plus rien. Il ne reste que des voitures, des maisons, du ciment partout. La mère est morte, et vous ne vous en rendez pas compte. Ce territoire, pour nous, c'est comme une personne, nous devons être auprès d'elle. Ce n'est pas juste de la matière, mais vous, vous ne voyez rien, vous ne voulez pas voir les choses. C'est pour cela qu'il y a des inondations, des avalanches, des problèmes partout, car la terre tombe malade comme une personne. Pourquoi ? Simplement parce que vous ne la respectez pas. Vous la maltraitez, alors elle meurt. Vous ne l'entendez même plus. Notre travail à nous, c'est de protéger la terre, nous ne pouvons pas faire cela, nous ne pouvons pas." (Fiscalito - Mamu) (KOG)

- "Les petits-frères sont en train de détruire la Sierra. Ils tuent le cœur du monde, ils détruisent la terre et la vie. Ils lui enlèvent son sang. Le sang c'est un peu comme l'eau des torrents, elle vient des sommets, comme le sang qui vient du cœur. Si nous ne faisons rien, bientôt il ne restera plus qu'une peau et quelques os...
Pour nous la Sierra c'est un peu comme une petite planète, avec toutes ses composantes, c'est la Mère nature. Elle comporte tout ce qui est nécessaire à la vie, y compris la mort. Pour nous, le territoire n'est pas une donnée strictement physique, mais aussi psychologique, à travers la connaissance de tout ce qui existe dans un lieu. Dans ce contexte, dans cet esprit, l'idée de justice est liée à l'usage bon ou mauvais que l'on peut faire des ressources offertes par un territoire. On peut dire qu'un territoire a quatre composantes essentielles, qu'il peut se comprendre à travers elles : la terre, sous-entendu l'agriculture, l'éducation, la santé et la justice."
(Miguel - Mamu) (KOG)

- De la mer, jusqu'au sommets enneigés, le territoire Kogi est jalonné par des nombreux sites qui dessinent une géographie sacrée où les Kogis peuvent entrer en relations avec les esprits des animaux et des plantes. Nombre de ces sites se trouvent sur les plaines littorales, entre les contreforts de la Sierra et la mer, reliés entre eux par une ligne symbolique connue sous le nom de "ligne noire". Au-delà des offrandes, l'usage de ces sites sacrés est directement lié aux représentations politiques, sociales et "juridiques"qui orientent le comportement des membres de la communauté. C'est autour des principaux cours d'eau qui parcourent les contreforts du massif parmi lesquels : rio Piedra, Mendihuaca, Buritaca, Guachaca Palomino Ancho, Dibulla au nord, Badillo, Guatapuri, Cesarito à l'ouest, que sont structurés les territoires traditionnels Kogis. Crêtes et sommets servent de repères aux Mamus pour suivre le déplacement des constellations et établir les calendriers agricoles. (LIK)

- Géographiquement, leur territoire d'origine, auquel sont associés les clans (lignages) les plus importants appelés "tuxe"et "dake", se structure sur le versant nord de la Sierra, autour d'une rivière particulière, El rio Palomino, Hukuméiyi. Un territoire occupé depuis 3000 peut-être 4000 ans d'après ce que l'on peut reconstituer des informations orales recueillies par les autorités religieuses depuis la conquête espagnole. De ce point central les Kogis auraient ensuite émigré vers les vallées orientales et occidentales, puis, plus récemment, sous l'effet de l'évangélisation, vers le versant sud. Ils évoquent souvent un site, celui de "Bunguanguega"(Bonga) où Hàaba-Naboba, la Mère mythique, aurait divisé le territoire de la Sierra Nevada de Santa Marta en quatre espaces, quatre territoires, répartis entre les quatre communautés actuelles de la Sierra : les Kogis, les Aruacos, les Arsarios, et les Kankuamos. Sur la base de ces territoires ancestraux, en 1980 puis en 1983, le gourvernement colombien a créé deux réserves (resguardos) respectivement de 364 390 et 195 900 hectares. Structurées par "bassins versants", autour d'une rivière, depuis sa source jusqu'à son embouchure, les terres Kogis sont cultivées de 300 mètres jusqu'à 3200 mètres d'altitude. Un Indien Kogi ne peut exister hors de son territoire et plus précisément du lieu où il vit. Il en est "l'expression"et il doit en assumer la responsabilité. Il lui transmet sa mémoire, les règles sociales et politiques de sa communauté, son identité et tout ce dont il a besoin pour vivre, se soigner, se nourrir et protéger sa famille. C'est pourquoi tenter de mieux connaître les Kogis, c'est avant tout se familiariser avec leur territoire : ses animaux, leurs comportements, sa flore, ses climats, leurs cycles biologiques et leurs interrelations. (LIK)



 TISSAGE - MÉTIER A TISSER 

- Tisser est une activité masculine et très personnelle. Tous les hommes disposent de leur métier à tisser appuyé contre un mur, devant leur maison. Lorsqu'un Kogi s'assied devant son métier à tisser, il se met symboliquement en relation avec le monde et commence à questionner ses pensées intimes. (LIK)

- "C'est avec un fil "sanctifié", symbole du cordon ombilical, que le Mamu protège la vie du nouveau-né et qu'il éloigne les mauvais esprits, avec un fil que sont transmises les mesures, issues de "la loi des Origines", pour construire temples et maisons, avec un fil encore qu'est mesurée la taille des bancs de bois utilisés dans les Kankura, avec un fil que sont attaché les offrandes, avec un fil qu'est attaché le corps des défunts, avec un fil toujours que les Kogis restent reliés, par la pensée, à l'esprit de leurs morts. Le fil représente l'union magique entre le temporel et le spirituel, l'instant et l'éternité, l'humain et le divin. Le fil est le cordon ombilical qui relie la mère universelle avec l'humanité." (Manuel Hormaza) (LIK)

- La préoccupation essentielle des Kogis est la connaissance, de son acquisition à sa transmission, qui structure leur existence jusqu'à leur organisation sociale. Penser est pour eux, non seulement une pratique nécessaire, mais saine pour l'esprit. C'est par la "juste"pensée que peut s'établir une "médiation"entre la nature infini et l'éphémère des formes vivantes, dont la vie humaine. Dans l'espace et le temps, tout s'inscrit au sein d'un immense métier à tisser vivant. C'est pourquoi, chez les Kogis, vivre c'est tisser, et tisser c'est penser, se relier à Aluna, le souffle de la vie, Aluna hanguté.
Autre reflet de cette relation au monde et au territoire, porteur de leurs principes éthiques, le métier à tisser est un support à très forte connotation symbolique. Simple carré de bois, maintenu par deux autres morceaux de bois croisés en diagonale qui tiennent l'ensemble, appuyé contre le mur des maisons, il représente "le lieu où l'on vit". comme la carte tissée, c'est une représentation du monde rectangulaire et plate, avec un nombril des "organes"dont les quatre coins correspondent aux quatre points cardinaux et dont les deux faces renvoient, comme dans une Kankurua aux forces opposées qui organisent l'univers, l'ombre et la lumière, le féminin et le masculin, le haut et le bas, le négatif et le positif... Ce principe de tissage, d'aller et retour de la navette entre la chaîne (verticalité) et la trame (horizontalité) du tissu, se retrouve dans l'image cosmique du "Père"Soleil, le grand tisserand qui tisse la toile de la vie entre les solstices et les équinoxes... En déplacement constant entre les différentes petites "fermes"réparties sur plusieurs étages thermiques, les familles Kogis considèrent la Sierra Nevada comme un gigantesque métier à tisser dont ils seraient les tisserands, et les productions agricoles issues du travail de la terre, l'expression de la toile de la vie. Le tissage, clé de compréhension de la société Kogi, permet non seulement de réguler l'accès à la mosaïque de petits territoires utilisés par chaque famille aux différents étages thermiques de la Sierra (alternances, répartitions, équilibre, association, échanges de production etc.) mais aussi et surtout aux Mamus, à travers leurs activités de médiation et de divination de déplacer avec subtilité les fils (relations) qui vont réguler les activités profanes des enfants de la "Mère". (LIK)



 TRAVAIL COLLECTIF - TRAVAIL INDIVIDUEL 

- "La réparation des chemins, la construction d'un temple, d'une nuhé, la construction d'un pont ou l'entretien général des espaces d'habitation ou des zones de cultures communautaires font partie des activités qui doivent être réalisées collectivement. Mais aucune de ces tâches ne peut être envisagée sans qu'aient été sollicitées, dans la nuhé, les autorisations et les offrandes spirituelles nécessaires pour réparer les agressions que nous allons commettre contre la nature. Pour nous de tels travaux collectifs ne représentent pas seulement une manière facile de disposer d'une force de travail pour réaliser telle ou telle activité. C'est aussi et surtout une façon de maintenir de bonnes relations sociales entre nous, entre les membres de la communauté et entre la collectivité et sa composante spirituelle. Pour réaliser un travail collectif, quel qu'il soit, plusieurs étapes précises doivent être mises en œuvre. Il faut correctement identifier le besoin, discuter des différentes formes possibles de réponse, et rapprocher et mettre en cohérence, dans la nuhé, les dimensions spirituelles et matérielles du travail que nous allons réaliser. C'est à ce moment que sont mises à l'épreuve les relations sociales de la communauté. Quand un homme pénètre dans la nuhé, il se doit de donner un peu de ses feuilles de coca à chacune des personnes présentes, en signe d'amitié. Si quelqu'un ne reçoit pas de feuilles du nouvel arrivant, les forces ou les énergies de celui qui est entré ne pourront pas être justes, n'arriveront pas à se centrer, en risquant d'interférer avec celui qui ne les a pas reçues. Si cette situation de déséquilibre devait se prolonger, au moment de l'analyse du problème abordé, sur la loma (colline sacrée) les forces de la matière et celle de la nuhé ne pourront pas être accordées, et il faudra revenir dans la nuhé le temps nécessaire pour retrouver un équilibre total entre les participants. C'est notre façon de maintenir un équilibre au sein de la communauté. Pendant que les hommes délibèrent entre eux, dans la nuhé masculine, les femmes doivent faire de même dans la nuhé féminine. Ensuite, c'est sur la loma que seront rapprochés et unifiés les points de vue. C'est aussi sur la loma que les forces vont s'équilibrer car celle-ci est considérée comme un lieu neutre où les énergies peuvent s'équilibrer... Il y a aussi certaines activités collectives qui sont réalisées de façon individuelle. C'est le cas lorsque l'on utilise certaines ressources naturelles, l'air que l'on respire, l'eau, allumer un feu, le travail de la terre, etc. ce sont des activités quotidiennes, faites pour tous, mais individuellement, chacun à son rythme et au moment qui lui convient. Pour ces activités aussi, il est important de faire des offrandes. A plusieurs moments de l'année, des rituels spécifiques devront être observés, des fêtes, des danses ou des repas pour remercier les maîtres des esprits de chacune de ces ressources naturelles et de nous en permettre le libre usage.
- Les enfants aussi se doivent de réaliser des travaux collectifs., toujours sous la responsabilité et l'orientation d'un Mamu. En cas d'erreurs ou de difficultés, c'est lui qui doit en assumer les conséquences. Généralement, il s'agit plus d'activités d'enseignement que de réels travaux physiques, identiques à ceux fait par les adultes. Mais tous, adultes et enfants, doivent démarrer, avant toutes choses, par un travail d'analyse dans la nuhé. C'est à travers ce processus que les enfants apprennent à identifier leurs forces et leurs énergies intérieures, à connaître et à identifier celles de la nuhé , pour pouvoir se comporter plus tard en adulte. Les enfants se doivent de pratiquer aussi nombre d'activités agricoles, apprendre à préparer les sols, les nettoyer, semer, récolter etc. Ces activités sont suivis et encadrés par les enfants les plus âgés. Au départ, ils commencent à travailler dans les jardins de leurs parents. Plus tard, ils sont invités à aller aider un cousin ou une tante, dans les jardins voisins. Ce qui est présenté comme un jeu, aller aider un membre de sa famille ou un ami, est une façon d'apprendre aussi qu'il faut maintenir de bonnes relations avec les voisins et les autres membres de sa famille. Parents et adultes suivent cette initiation de manière discrète mais vigilante, même si ce sont les enfants les plus âgés, ceux de plus grande expérience, qui en ont la responsabilité."
(Miguel Dingula – Mamu)
- Tous y est, la connaissance de soi, la transmission par l'exemple, la communication comme gage de bonnes et justes relations, la vigilance et l'attention que nécessite un tel système et la conscience qu'en ont les Kogis. (KOG)



 VÊTEMENT 

- Les vêtements sont le reflet de la vie, des souffrances et des joies de celui qui les porte. Les parties reprises ou rapiécées expriment la capacité de chacun à dépasser les "accrocs"de la vie et à retisser, pour les dépasser, les blessures qui nous sont parfois infligées. Un vêtement qui nous semblera particulièrement abîmé sera, chez les Kogis, le reflet de la vie d'un sage. (LIK)



 VILLAGES - VILLES 

Maruamaké : Village frontière sur le versant sud de la Sierra. C'est le premier village Kogi après Guatapuri. Une sorte de village qui n'est plus tout à fait Kogi... mais qui n'est pas encore "civilisé". En prise directe avec les agressions incessantes du monde moderne que nous appelons "civilisé". (KOG)

Nabusimaké : "Là où naît le soleil", parfois aussi appelé "Le lieu où habite la petite soeur". Le village de Nabusimaké est la capitale et un des grands centres religieux de la culture indigène Aruaco, l’endroit où le soleil est né.

Santa Rosa : situé à plus de 10 heures de marche de la dernière piste, reconstruit par les Kogis depuis une trentaine d'années. Après avoir été chassés de leurs terres par les colons, évangélisés de force, les Kogis ont peu à peu réussi à reprendre possession de leurs terres et à refonder leurs villages. (LIK)

Tchendukua (voir aussi : association Tchendukua) : Un de leurs villages capitales situé sur le versant sud de la Sierra. (KOG)

"Là où converge la pensée" en langue Kogi ; site d'enseignement et de transmission des connaissances traditionnelles. Le plus souvent vide et gardé seulement par une famille, le village ne se remplit que lors des cérémonies ou d'importantes réunions politiques qui concernent l'ensemble de la communauté. (LIK)

- Site où l'on rencontre plusieurs nuhé cérémonielles pour les hommes et pour les femmes. A la nuit tombée des ombres blanches amènent quelques morceaux de bois, apports individuels au travail collectif qui va être mené à la lumière de quatre foyers, seuls témoins de ce travail qui durera toute la nuit. Sur les toits, les constructions en forme d'antennes paraboliques symbolisent la fonction de la nuhé, mais aussi l'existence d'une nuhé inversée, qui viendrait prolonger « spirituellement » la nuhé physique construite par les Kogis. (LIK)



 YATUKUA 

- Forme de la divination réalisée avec de l'eau, symbole de la Mère, sang vital de la terre. (LIK)



 YULUKA 

- Peut être illustré par le mot équilibre, et la capacité d'un individu à être en harmonie avec son milieu. Désigne en fait la capacité d'une personne à être en accord avec un phénomène, à s'y identifier jusqu'à la transcender afin d'en dépasser les inconvénients. (LIK)

"Un homme malade dira, je pense comme la maladie, ce qui lui permettra de dépasser son angoisse. Quand une ondée le surprend en chemin, il dira de même, je pense comme l'averse. Grâce à cette attitude, il assimile, sublime et dépasse tout ce qu'une situation peut générer comme inconvénients ou difficultés pour lui"(Géraldo Reichel-Dolmatoff - "Indios de Colombia") (LCNM)

- Verbalisation, connaissances médicales spécifiques, rituels, offrandes, relations entre les êtres vivants, mais aussi avec le territoire porteur de la mémoire, sont autant d'éléments qui participent d'un système global de préservation de l'équilibre, condition indispensable pour éviter l'irruption du désordre et des maladies associées. Pour cela, il faut maintenir un système « judiciaire » qui garantisse à chacun, chaque famille, d'avoir accès à la terre, et donc aux ressources alimentaires voire « médicales » qu'elle peut « produire ». l'accès à la terre est lui même une condition préalable à l'éducation des plus jeunes, éducation nécessaire pour connaître les gestes et pratiques indispensables pour éviter les maladies. Dans l'univers Kogi, justice, agriculture, éducation et santé sont donc irréductiblement liées, autour de la régulation bienveillante du Mamu, gardien des lois de la terre. (LIK)

- Le maintien de l'équilibre global du Monde naturel et de tout ce qui existe sur un plan individuel ou collectif est lié à l'accomplissement social conscient des lois du cosmos et de la vie. Une philosophie de la vie qui n'est pas sans rappeler « l'Hozho », la voix de la beauté, cet état intérieur décrit par les Navajos, (peuple amérindien d'Amérique du nord) quand tout est à sa jutes place. Des sociétés dans lesquelles les concepts de beauté, de bonne santé, voire d'art sont souvent désignés par les mêmes mots, les mêmes expressions. Ils évoquent tous la nécessité de tendre vers ce qui est « juste », équilibré, comme chemin de beauté et d'harmonie. C'est ce qu'évoquent les Kogis lorsqu'ils ponctuent leurs actes et la fin de leurs phrases par le mot « entchivé » (c'est bien.) (LIK)

Voir aussi : Confession-Verbalisation et Maladie/Santé