Le mystérieux assassinat de Suzanne Furimond






Une inquiétante disparition




Suzanne Furimond. Photo presse.

Avertissement

Cette histoire, déjà ancienne, n'a en principe rien à voir avec celle qui précède. En principe..., car Monsieur C. et la victime de ce crime se connaissaient très bien et se fréquentaient volontiers. Elle a donc sa place ici et, comme le Rhône, elle déroule son cours entre les deux cités d'Avignon et de Villeneuve, que l'Histoire et leurs "histoires" ont indissociablement liées. A cette époque, en 1948, Avignon pouvait avoir à peine plus de 50 000 habitants et Villeneuve 3 000. C'est pourquoi, la plupart des Villeneuvois allant travailler à Avignon, tout le monde se connaissait alors plus ou moins d'une rive à l'autre du Rhône. Et c'est aussi pourquoi l'affaire y fit grand bruit. Elle pose une question récurrente et toujours d'actualité, dont la Police n'a jamais vraiment trouvé la réponse : pourquoi le bourgeois bien établi, le notable, incline-t-il à s'encanailler avec la dangereuse crapule du grand banditisme, au risque du pire ?

Il s'agit d'une authentique énigme policière, où le vrai coupable, le commanditaire, n'a jamais été soupçonné ni inquiété. Ce qui est étrange, car l'enquête policière, pourtant bien menée, aurait dû permettre de le confondre. Ce sera donc au lecteur de le faire, si le cœur lui en dit. Ce n'est pas très difficile et ce qui suit en dit assez. L'affaire est ancienne. Il y a prescription des actions pénale et civile. Et les protagonistes de ce sordide assassinat sont vraisemblablement tous décédés.

Voici maintenant ce qu'il en fut

Le dimanche 14 Mars 1948, à 15 heures, Madame veuve Marie Furimond, née Conil, âgée de 70 ans, demeurant à Mazan dans le Vaucluse, se présente au Commissariat de Police du 2ème arrondissement d'Avignon où elle est reçue par le commissaire Alliot, de permanence, à qui elle déclare que sa fille, Suzanne Furimond, âgée de 50 ans, divorcée de Louis R. , transporteur à Avignon, a quitté la maison familiale de Mazan le jeudi 11 Mars vers 14 heures, pour se rendre à Avignon où elle a son propre domicile, 40, rue Saint-Lazare.

De là, elle devait partir pour Nice le vendredi 12 Mars, par le train de 6 heures du matin, ayant à régler des affaires dans cette ville. Elle était attendue à Nice chez son notaire Maître Martin, pour procéder à un changement de gérant à l'hôtel bar-américain "Le thé de la Reine", dont elle est propriétaire.

La mère se déclare très inquiète car elle n'a plus aucune nouvelle de sa fille Suzanne depuis que celle-ci a quitté Mazan. Or, Suzanne a pour habitude de lui téléphoner plusieurs fois par jour, à fortiori de retour de Mazan, pour lui dire qu'elle est bien rentrée chez elle ; en outre, le nouveau gérant du "Thé de la Reine" a appelé Madame Furimond mère pour lui dire que sa fille n'était pas à l'arrivée de son train à Nice, contrairement à ce qui avait été convenu. Madame Marie Furimond s'est rendue plusieurs fois (elle n'en a pas les clés) au domicile de sa fille où elle a sonné en vain. Aussi elle présume que quelque chose de fâcheux a dû lui arriver.

A la demande de cette dame très inquiète et éplorée, le commissaire Alliot charge un gardien de la paix d'accompagner les membres présents de la famille et un serrurier requis, pour ouvrir et visiter le domicile de Suzanne Furimond au 40, rue Saint-Lazare, à Avignon. Ceci fait, on n'y découvre rien de suspect. Sur la table de la salle à manger sont posés trois verres à apéritif vides et une bouteille de pastis. Dans la cuisine, il y a un repas préparé qui n'a pas été consommé, ni même entamé. Les bagages de Suzanne Furimond sont de toute évidence préparés pour un voyage.

Le mercredi 17 Mars, cette dame qui est une personnalité en vue de la ville et même de la région, n'a toujours pas donné signe de vie. Aussi, le commissaire René Heinis, chef de la section locale de la Police Judiciaire d'Avignon, agissant sur commission rogatoire de Monsieur Dumas, juge d'instruction, décide de procéder à toutes les investigations nécessaires afin de retrouver la disparue.

Il s'intéresse d'abord à la personnalité de Suzanne Furimond et pour ce faire, il va auditionner systématiquement ses plus proches voisins, sa famille, des employés qui ont travaillé pour elle dans son entreprise de transport, les personnes qu'elle fréquentait. Il enquête aussi sur la fortune de Suzanne Furimond qui se révèle être une femme riche et intéressée.