Nous avons choisi d'aborder les
conséquences dès lors qu'une douleur cornéenne importante se fait sentir.
Cette douleur bouleverse la vie de nombreux de nos membres, bien plus
encore que le handicap visuel très souvent. Nul doute que dans de
nombreux cas, c'est elle qui limite les activités de nos membres et qui
constitue la source principal du handicap (même si cet aspect des choses
est très mal perçu par des services comme la COTOREP ou les MDPH par exemple). Cela
s'explique aisément car la cornée possède le réseaux d'innervation le
plus dense du corps humain et qu'il s'agit d'un type de nerf assez
particulier (sans pellicule de myéline pour assurer leur transparence).
La cornée a un seuil de sensibilité extrême... quel autre tissu est
susceptible de réagir de la même façon à la simple présence d'un grain
de sable ou d'une légère agression (goutte de citron ou un contact
fortuit par exemple). Nous le savons tous empiriquement, mais excepté
les malades, peu de personnes pensent à la douleur oculaire comme
quelque chose de incapacitant. Pourtant, cette extrême sensibilité alliée
à la chronicité des maladies de la surface oculaire rend cette douleur
particulièrement redoutable et insupportable. Cette situation est
importante dans un syndrome sec sévère mais l'est encore plus lorsque
la cornée présente une épithéliopathie voire des ulcérations. Les
douleurs sont alors intolérables.
Beaucoup de personnes sont alors tentées de dire qu'il
suffirait d'anesthésier la cornée (par des médicaments ou des collyres).
Cela peut être très tentant à court terme, mais il faut savoir que la
cornée a besoin de la sensibilité pour se régénérer et se défendre. Il
existe d'ailleurs des formes de kératites neurotrophiques iatrogènes
induites par l'utilisation abusive d'analgésiques locaux en particulier.
De nombreuses personnes sont tentées d'utiliser des antidouleurs et
anti-inflammatoires en gouttes pour faire face à ces pathologies de la
surface oculaire ou d'autres sources de douleur oculaire. Mais cette
voie risque d'être une impasse notamment à cause des conséquences
visuelles.
La douleur cornéenne... un mal
pour un bien!
Nous sommes tous d'accord pour affirmer que ne pas
ressentir la douleur constamment est essentiel pour mener une vie
normale. Mais anesthésier les cornées n'est pas la solution. Cela
revient, pour utiliser une analogie, à détruire le système d'alarme,
couper le téléphone sans pouvoir appeler les pompiers lorsqu'un feu se
produit, et en fait c'est même pire que cela puisque sans système
d'alarme la situation s'aggrave inéluctablement. Les nerfs de la cornée
fonctionnent comme un système de détection, d'alarme et réparation très performant et
sensible. Les nerfs ne servent pas seulement à transmettre le message
douloureux mais également à apporter les réponses de l'organisme à
ces agressions (comme le sont le larmoiement pour éliminer un corps
étranger dans l'œil ou encore pour apporter des facteurs de croissance et
autres nutriments permettant de régénérer la cornée quand elle est
attaquée). En éliminant la douleur, l'on élimine le messager -la douleur-
mais pas l'avancée de la maladie, le véritable ennemi - la cause de la
douleur. Et comme le savent nos amis anglophones, ce n'est jamais sur le
messager qu'il faut tirer!
En éliminant la douleur l'on recrée une des formes
les plus sévères d'yeux secs, la kératite neurotrophique, où les nerfs
sont incapables de réguler le système lacrymal, les nutriments et
facteurs de croissance que les nerfs transportent pour la régénération
de la cornée. Une cornée neurotrophique se régénère mal et s'adapte très
mal aux agressions qu'elle subit au quotidien.
Ainsi, plutôt que de considérer la douleur comme notre
véritable ennemi, c'est la source de la douleur qu'il faut combattre et
notamment le manque d'hydratation voire le manque de qualité des larmes
(en facteurs de croissance et autres nutriments). Il faut donc rétablir
le fonctionnement normal de l'unité oculo-lacrymale par de bonnes
larmes, une bonne hydratation, une bonne protection de la surface, etc.
Dans certains cas, utiliser trop analgésiques peut
mettre à mal un équilibre précaire d'un œil dont l'intégrité reste
garantie par la douleur; lui retirer cette douleur, c'est lui retirer ses
mécanismes de défense.
Ainsi, au stade actuel, s'il est vrai que la douleur
peut détruire nos vies, il se peut aussi qu'elle sauve notre vue
également. La solution se trouve dans le combat de la cause de la
douleur pas la douleur elle-même.
Si vous utilisez régulièrement des analgésiques, des
vasoconstricteurs et
anti-inflammatoires en gouttes sans le contrôle de votre médecin,
veuillez lui en parler car vous pourriez être en train de masquer une
situation plus grave.
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Keratos 2007