Témoignage de Ker-Dilo
(France)
Mon problème
de douleur aux yeux (sécheresse lacrymale probablement) est apparu en
1997/1998 et dure toujours, seul l’œil gauche est affecté.
Comment le
problème est apparu
Janvier 1997 :
Je venais de changer de travail dans mon entreprise (grande entreprise) et
je voyais ce changement plutôt comme une promotion.
J’ai dû vite
déchanter. Très rapidement j’ai eu mal aux yeux. Changement de place de
l’écran pour être le mieux installée possible jusqu’à ce que je me rende
compte que l’écran n’était pas stable.
Hiérarchie
avertie, médecin du travail également, réparation par les services généraux,
réparation que je n’ai pas bien comprise mais n’étant pas compétente j’ai
laissé les spécialistes. J’avais signalé qu’il y avait un transformateur
dans la pièce du dessous, la réponse avait été "aucun rapport". Suite à la
pseudo réparation, l’écran était stable.
Le médecin du
travail m’a indiqué que mes yeux se remettraient : il est vrai
qu’officiellement le travail sur écran n’abîme pas les yeux.
Avril 1997 :
Je prends rendez-vous chez l’ophtalmo : pas besoin de lunettes, séances
d’orthoptie pour la convergence.
L’année 1997
se passe, mes yeux tirent ; au début je récupère du jour au lendemain, puis
il me faut un peu plus de temps. Je change l’écran de place souvent,
essayant de trouver une place optimale. Je resignale à la visite médicale
annuelle mes problèmes aux yeux : réponse « portez des lunettes ».
Janvier 1998 :
au retour de vacances, je décide d’en mettre un coup pour faire mon
document, mal m’en prit : maux de crâne, une barre partant du coin externe
de l’œil gauche et irradiant vers l’œil droit. J’examine à nouveau l’écran :
il était à nouveau instable, très légèrement instable mais instable quand
même (la vitesse de rafraîchissement de l’écran était de 50 Mhz). Arrêt
maladie pendant 15 jours. Pendant ce temps, des mesures sont faites : les
câbles issus du transformateur généraient des champs électromagnétiques qui
perturbaient l’écran. Selon la position de l’écran, la perturbation était
plus ou moins forte (ou pas de perturbation).
Cet arrêt
maladie a été suivi d’un autre arrêt de 6 semaines et d’un mi-temps
thérapeutique. Depuis cet arrêt maladie je peux dire que j’ai eu mal aux
yeux d’une façon permanente allant de la simple gêne à des douleurs fortes.
Les soins, les
médecins
Différents
examens ont été faits (plusieurs ophtalmologues, scanner, neurologue),
plusieurs séances d’orthoptie.
Les maux de
crâne ont disparu suite à la visite chez un rhumatologue qui a vu un
point douloureux dans le cou et m’a donné du coltramyl.
Le scanner
n’a rien donné.
Le
neurologue : pour lui rien à voir, essai d’un traitement léger qui n’a
eu aucun impact.
Pour les ophtalmos : il semblerait, qu’à cette époque du moins, les problèmes de
sécheresse oculaire et les douleurs aux yeux associées n’étaient pas bien
connus : ce n’est que le 6ème ophtalmo qui m’a dit que mes
douleurs venaient d’une sécheresse oculaire. Il m’a donné les différentes
causes possibles mais n’a pas recherché pour mon cas. Effectivement, il
m’avait été indiqué que j’avais une sécheresse lacrymale ou des larmes de
mauvaise qualité mais sans explication complémentaire. (Par la suite, j'ai
connu 2 personnes qui sont allées consulter très loin pour ce problème).
Un ophtalmo
(hôpital de Brest) a tenu à me dire que j’avais une très bonne vue, c’est
lui qui m’a orienté vers un neurologue,
Ostéopathe :
aucun effet
Allergologue :
pas de problème
Orthoptie :
tout le travail avec la première orthoptiste qui a consisté à renforcer la
convergence n’a pas beaucoup amélioré mon problème. Plus tard, d’autres
séances, qui ont moins porté à muscler mais ont fait large part à la détente
musculaire, ont un peu amélioré. Les tests de convergence passés lors des
visites médicales annuelles étaient corrects. Mon travail sur écran avait
réussi à tout dérégler.
Médecin du
travail :
pas beaucoup d’explications : surmenage visuel, les muscles des yeux qui ne
travaillent plus ensemble (les tests de convergence lors des visites
médicales annuelles étaient corrects).
Généraliste :
j’ai eu de la chance d’être suivi par un généraliste qui m’a arrêté pour un
mal pas très visible alors que j’allais très bien par ailleurs. Le médecin
du travail lui a demandé de le prolonger.
Service de
médecine du travail à l’hôpital
: pas vraiment de conclusion mais l’interrogatoire a surtout porté sur le
stress (inutile d’aller dans un tel centre).
Ce qui m’a
fait du bien
·
Les
exercices de détente des yeux : éloigner progressivement un crayon en le
suivant des yeux, cela permet de passer de la vue de près à la vue de loin.
·
Les
gouttes : la première fois que j’ai mis des gouttes, ça m’a fait un bien
fantastique. J’en ai malheureusement profité pour essayer de finir mon
document et au bout de 10 jours, j’ai eu des douleurs intolérables
(impression que l’œil explosait), alors les gouttes c’est oui et c’est non.
·
Les
lunettes de soleil à votre vue : même si vous avez besoin de peu de
corrections (attention, ne pas utiliser à la montagne, la protection n’est
pas suffisante).
·
Gardez la santé et en particulier, veillez à dormir suffisamment (pas facile
de s’endormir quand on a mal !!).
Les douleurs,
l’impact sur la vie quotidienne
Les douleurs : Il
est à noter que seul l’œil gauche me pose des problèmes (œil directeur), de
la simple gêne « sensation de brûlure » ou de fixité du regard à des
douleurs plus intenses (papillonnements, sensation que l’œil tire ou
sensation de saleté) ou brutales (sensation de contraction au fond de l’œil
puis impression que l’œil explose au point de le toucher plusieurs fois pour
vérifier qu’il est là), cela va même jusqu’à la « production incontrôlée des
larmes » (définition qui vient de mon ophtalmo ). Cela m’est arrivé une fois
alors que je comparais 2 documents : je peux dire que je me suis sentie
bête.
Ma vie a
complètement changé :
douleur et fatigue permanente avec une impossibilité quasi totale de savoir
ce qui a pu générer une douleur ou une fatigue plus importante, travail difficile alors que je m’étais toujours impliquée dedans, loisirs
limités : plus question de lire (à noter l’existence de livres pour mal
voyant imprimés en gros sur des feuilles anti-reflet), de regarder la
télévision, d’aller au cinéma. Jardinage difficile, je suppose que la
moindre micro poussière irritait l’œil donc pas de taille des haies ou de
feu.
Conduire une
voiture :
possible uniquement pour les petites distances. Pendant mon congé maladie,
j’ai dû arrêter de conduire au bout de 20km (c’était prévisible et j’étais
accompagnée). Cette difficulté a duré longtemps d’où limitation pour partir
en vacances.
Les courses :
j’ai dû arrêter d’aller dans les grandes surfaces. Même avec des lunettes de
soleil, les néons me gênaient. Aide au travail pour les enfants : ils
étaient autonomes mais ne pas pouvoir les aider car impossible de lire le
problème de physique c’est dur.
Relation avec
le travail
Reconnaissance
de votre mal en tant que maladie professionnelle: aucun espoir
actuellement d’être reconnu en maladie professionnelle (la sécheresse
lacrymale n’est pas reconnue donc ne fait pas partie des maladies
professionnelles). Une déclaration de maladie à caractère professionnelle a
été faite, et mon cas a été noté dans les comptes rendus du CHS (Comite
Hygiène et Sécurité) de mon entreprise. (Ceci dit ça ne sert pas a grand
chose sinon à vous confirmer que tout n’est pas psycho) ; être reconnu en
maladie professionnelle aurait permis d’avoir un poste adapté et des
avantages matériels très relatifs.
Médecine du
travail :
suite à mes visites médicales j’avais la remarque « pas de surmenage
visuel », cela ne veut pas dire grand-chose et n’empêche pas la pression des
responsables. Maintenant les médecins du travail ne veulent pas en mettre de
trop : incapacité du travail peut signifier licenciement.
Dégradation
des conditions de travail
Quand vous n’arrivez plus à faire votre travail ça devient
difficile : plus de satisfaction personnelle due au travail effectué, peur
d’avoir encore plus mal ou d’abîmer durablement les yeux et malgré cela,
vous devez être productif ; vos responsables veulent bien comprendre que
vous avez mal aux yeux mais ont du mal à comprendre que vous ne pouvez pas
sortir votre document même avec 8 jours de plus, la relation avec
l’apprentissage difficile de nouveaux logiciels n’est pas faite. De là à
trouver que vous êtes incompétente ou que vous ne voulez pas travailler, ça
va vite. Très rapidement tout travail ayant besoin d’analyse m’a été retiré
(car travail urgent) pour n’avoir plus que du travail de saisie (fusion de 2
documents de plus de 300 pages la dernière chose à faire !!). De plus avoir
mal d’accord mais aussi longtemps.
J’ai quand
même eu de la chance d’être soutenue par beaucoup de collègues et par
l’association ADEBEM qui m’a mis en contact avec un expert en rayonnement et
m’a soutenu moralement (au moins j’étais prévenue que tout serait mis sur le
compte du stress …).
Réagir au
travail
Pas facile
d’autant plus qu’avec une douleur permanente, ce n’est pas toujours la
grande forme.
J’ai réussi à
changer de travail 18 mois après mon premier arrêt de travail en écrivant
que je ne pouvais plus faire le travail demandé pour raison de fatigue
visuelle. J’y ai perdu au point de vue intérêt du travail et le travail
était moins coté mais au moins les douleurs ont diminué (moins de travail
sur écran).
a)
La prévention :
installer votre poste le mieux possible, prendre du repos …
b)
Définir les taches que vous pouvez faire ; on doit tous travailler sur écran
mais tous les travaux ne sollicitent pas la vue de la même façon.
Le grand
argument pour ne pas me trouver un poste est « maintenant on travaille
toujours sur écran », à certaines personnes qui voulaient bien m’écouter,
j’ai pu expliquer :
Que l’écran était un support de lecture; qu’il fallait dissocier des
tâches. Les inconvénients de l’écran sont nombreux: on ne peut pas les
déplacer en cas de reflet ou les rapprocher comme on ferait avec une feuille
de papier, ils sont lumineux, il peut y avoir une différence de luminosité
entre l’écran et la feuille sur laquelle on travaille ….
Que les tâches demandent un effort visuel plus ou moins important:
lire un grand titre de journal ou lire les articles écrits en petit à
l’intérieur ne demande pas le même effort. Il en est de même pour le travail
sur écran: écrire une lettre avec un logiciel connu est beaucoup plus
facile que de comparer 2 documents et de les fusionner. Le temps passé
devant l’écran joue également.
Que certains outils ne sont pas bien adaptés ou mal connus (d’où
l’obligation de l’employeur de vérifier que toute personne travaillant sur
écran connaît bien les outils).
Vous entourer
et informer
Le
site de Keratos contient beaucoup d’informations. Le soutien des collègues
au travail a été important pour moi.
Et
maintenant ?
J’ai toujours
mal et j’attends beaucoup de Keratos aussi bien sur les soins que sur la
reconnaissance de la maladie. J’ai apprécié l’introduction de l’association,
je pense que ça aurait été une excellente aide pour expliquer mon problème à
mes collègues. |