La définition de ce "mal" est déjà en
elle-même source de complications et révèle le manque de consensus selon
les auteurs. Il est parfois appelé syndrome sec oculaire, ce qui
signifie qu'il s'agit d'un ensemble de symptômes accompagnant la
sécheresse oculaire sans en définir la cause exacte, ou encore nommé xérophtalmie, yeux secs, kératite sicca,
kératoconjonctivite sicca (KCS), etc.
Le terme le plus ancien, du temps de la Grèce
antique, est xérophtalmie qui, en grec, signifie yeux secs. Durant le
XXème siècle, le syndrome sec a longtemps été automatiquement assimilé
au syndrome de Sjögren alors que les autres étiologies restaient
méconnues. Selon Murube, les cas de Sjögren représentent 1% de tous les
yeux secs. Le terme "yeux secs" fut employé par von Rötth. Médicalement,
le terme utilisé est keratitis sicca (ou kératite sèche). Et ce sont ces
termes que l'on tente de définir et de caractériser mieux depuis plus de 50
ans. L'un des problèmes majeur est que ce terme prête à confusion: il
est parfois utilisé pour désigner à la fois une maladie (maladroitement
il nous semble car les yeux secs semblent toujours avoir une autre
cause, c'est-à-dire un autre maladie qui les cause - au sein de Keratos nous ne
croyons pas aux yeux secs idiopathiques ad vitam aeternam!), un
symptôme, un syndrome (c'est-à-dire, un groupe de symptômes liés à
diverses étiologies). Pour Keratos, il semble que c'est surtout le
"syndrome commun à plusieurs maladies" qu'il s'agit de définir.
Tout cela révèle aussi que l'ensemble du mécanisme à
l'origine des yeux secs est encore aujourd'hui méconnu et sans doute
insuffisamment étudié. Néanmoins, l'une des définitions la plus complète
nous semble être la suivante:
"La superficie oculaire, les glandes lacrymales
principales et accessoires, les glandes de meibomius et les connexions
neurales qui les interconnectent, forment une unité fonctionnelle qui
"fonctionne ensemble". Le dysfonctionnement dans l'une de ces structures se reflète ainsi par l'inadéquation du volume et/ou
de la composition lacrymale nécessaire à la réparation des nombreux
dommages provoqués par les multiples agressions auxquelles l'oeil est
constamment soumis, qui incluent l'action de microorganismes ou même la
simple action du clignement". (Stern et Al).
Selon Murube (célèbre ophtalmologiste
espagnol), la définition la plus précise du syndrome oeil sec est "un
désajustement entre la qualité et la composition des larmes et les
besoins de la surface oculaire". Cet auteur propose en outre, la
substitution du terme "oeil sec/yeux secs" par le terme "dysfonction
lacrymale".
Selon d'autres auteurs encore, il
s'agit d'une "perturbation associée à une déficience de la production
lacrymale et/ou l'excès de son évaporation causant "l'inconfort"oculaire
et des dommages en particulier à la superficie inter palpébrale" (Lemp
et Al). A quoi d'autres auteurs rajoutent que les dommages oculaires
peuvent s'étendre "au-delà de la superficie inter palpébrale en direction
à la zone supérieure du globe" et que la seule instabilité lacrymale
suffit pour établir le diagnostic d'œil sec et ce, même en l'absence de
dommages oculaires.
Récemment, un panel de grands
spécialistes de ce domaine de l'ophtalmologie a décidé de
rebaptiser la sécheresse oculaire ou le terme plus usuel d'yeux secs (dry eyes) en DTS ou dysfunctional tear syndrome (qui n'a pas reçu de
traduction en français pour l'instant mais pourrait être syndrome de
dysfonction[nement] lacrymal). Curieusement ce terme est assez proche du
terme, que nous-même à Keratos, avons choisi au moins un an et demi plus
tôt! Comme quoi nous avions lu les bons auteurs ;-).
Même si tout le monde s'accorde pour dire que ce terme est inapproprié,
il semble qu'il soit difficile de le renommer tellement il est intégré à
la littérature médicale sur le sujet.
Très récemment, en mai 2007, le terme "yeux secs" a
reçu une nouvelle définition lors d'un panel réunissant les plus grands
spécialistes mondiaux, le Dry Eye Workshop:
"Dry eye
is a multifactorial disease of the tears and ocular surface that results
in symptoms of discomfort, visual disturbance, and tear film instability
with potential damage to the ocular surface. It is accompanied by
increased osmolarity of the tear film and inflammation of the ocular
surface" c'est-à-dire "L'oeil sec est une maladie multifactorielle
des larmes et de la surface oculaire qui résulte en des symptômes
d'inconfort, de perturbation visuelle et instabilité du fil lacrymal
avec des dommages potentiels à la surface oculaire. Il est accompagné
par une osmolarité accrue du film lacrymal et inflammation de la surface
oculaire". Une emphase particulière est donnée à quatre aspects: le
caractère multifactoriel, la perturbation visuelle et les dommages
potentiels, l'hyperosmolarité et l'inflammation liée aux yeux secs.
Mais le
panel a complété cette définition consensuelle par les précisions
suivantes: "Dry eye is recognized as a disturbance of the Lacrimal
Functional Unit (LFU), an integrated system comprising the lacrimal
glands, the ocular surface (cornea, conjonctiva and meibomian glands)
and lids, and the sensory and motor nerves that connect them",
c'est-à-dire "Les Yeux Secs sont reconnus comme la perturbation de
l'Unité Fonctionnelle Lacrymale (LFU en anglais), un système intégré
comprenant les glandes lacrymales, la surface oculaire (cornée,
conjonctive et glandes meibomiennes) et les paupières, [ainsi que] les
nerfs moteurs et sensoriels qui les connectent". Ensuite, le rapport
aborde l'importance des nerfs trijumeaux et le 7ème nerf facial. Le
rapport précise que ce système régule les principales composantes du film
lacrymal et répond aux influences environnementales, endocriniennes
(hormonales) et corticales. Sa fonction est de préserver l'intégrité du
film lacrymal, la transparence de la cornée et la qualité de l'image
projetée sur la rétine.
En vérité, ce terme ne recouvre toujours pas tous les aspects
de la sécheresse oculaire et notamment les aspect neurologiques et
palpébraux (excepté les glandes qui sont comprises dans la notion de
dysfonctionnement lacrymal). Ainsi, la difficulté à baptiser
ce mal révèle la
complexité même de cette pathologie. Néanmoins, cette
nouvelle définition et termes employés permettent d'intéger une notion
importante de l'oeil sec, qui le plus souvent n'est pas le fruit d'une
simple insuffisance de larmes mais également de larmes de mauvaise
qualité, fragiles, parfois inflammatoires, irritantes et toxiques, qui
accentuent l'évaporation et la douleur.
Bref, maintenant que ce syndrome
épouvantable est un peu mieux nommé et défini tout de même, espérons qu'il sera désormais mieux étudié,
plus considéré
et surtout soigné.
Pour plus d'information
lire:
http://www.tearfilm.org/dewsreport
/
The Madrid triple classification of dry eye,
Triple clasificación de Madrid para el Ojo Seco.
Murube J, Benítez del Castillo JM, Chenzhuo L,
Berta A, Rolando M,
Archivos de la Sociedad Española de Oftalmología,
Madrid,
ISSN 0365-6691,
vol.78 no.11 Nov. 2003
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