L'original de ce dossier,réalisé par M. Gérard Hartmann, peut être consulté sur le site du Conservatoire de l'Air et de l'Espace d'Aquitaine (CAEA) et lu en format PDF (1,6 M Octets). On trouvera sur le même site une foule de passionnants dossiers sur l'histoire de l'aviation

Les premiers appareils BREGUET

En 1913, René Moineau s’élance dans la course Monaco –San-Remo sur le Breguet H-U3 hydro à moteur Salmson de 200 ch qu’il va remporter à plus de 175 km/h de moyenne!

Une famille d’inventeurs

L'ingénieur Louis Charles Breguet est né à Paris le 2 janvier 1880 dans une famille d'industriels et d'inventeurs dont le nom est connu en France depuis plus d’un siècle.

Louis Charles Breguet pilotant son premier aéroplane (Breguet I) en juin 1909 à La Brayelle près de Douai. (Musée de l’Air).

Né en Suisse à Neuchâtel, Abraham Louis Breguet (1747-1823) a construit pour le roi de France Louis XVI de magnifiques pendules et des horloges astronomiques ; on lui doit plusieurs types d'échappements ; avec ses oncles, il met au point à Versailles des chronomètres de haute précision dont les marins sont les premiers utilisateurs (calcul des longitudes) ; en 1814, il entre au Bureau des longitudes ; en 1815 il succède comme horloger de la marine à Ferdinand Berthoud et en 1816, il est élu à l’académie des sciences. Son petit-fils Louis Clément Breguet (1804-1883), également horloger et membre de l’académie des sciences, poursuit la fabrication industrielle des chronomètres ; il fabrique de nombreux appareils de précision pour Jules Etienne Marey et Graham Bell et développe pour l'Armée un télégraphe électrique du type Morse. Son fils, Antoine Breguet (1851-1882), sorti de l'Ecole Polytechnique, maître de conférences scientifiques sur l'électricité à la Sorbonne,inventeur de l'anémomètre enregistreur, meurt prématurément à trente ans, laissant une veuve de 22 ans et deux enfants en bas âge, Louis et Jacques.

Louis Charles Breguet a le même âge que Gabriel Voisin. Après des études brillantes à Paris aux lycées Condorcet et Carnot, les deux frères effectuent des études supérieures, Louis en 1905 obtient un diplôme d'ingénieur de l'école supérieure d'électricité et Jacques deux ans plus tard à l'Ecole Polytechnique. Les deux frères entrent à 22 ans dans la vie active dans l'entreprise familiale de Douai produisant des machines dynamo-électriques et les moteurs électriques. La maison Breguet est réputée dans le monde entier ; elle va réaliser le premier bracelet montre, en 1910. Un ami de la famille, Charles Richet1, passionné par le vol mécanique, entraîne Louis vers l'aviation en 1895 ; ensemble, ils réalisent des maquettes volantes de plus en plus perfectionnées. Nommé en 1902 ingénieur en chef de l'usine familiale, Louis Breguet développe trois ans plus tard un tunnel aérodynamique sophistiqué, avec balance aéro-dynamométrique de précision afin d'évaluer les conséquences du vent sur des surfaces planes (ailes d'avion). Il met au point les moteurs électriques des sous-marins Mariotte et Archimède.

Le vol vertical

En 1906, Louis Breguet et Charles Richet réalisent une machine volante à décollage vertical à moteur à essence, pilotée. Le moteur choisi par Breguet est ce qui se fait de mieux dans le monde : le V8 Antoinette de 45-50 ch pesant à sec 85 kg, une prouesse technique pour l'époque.

1. Charles Robert RICHET (1850-1935), fils du docteur Alfred RICHET (1816-1891), docteur en médecine (1877), professeur de physiologie à la faculté de m édecine de Paris (1887-1927), nommé en 1878 rédacteur en chef puis en 1881 directeur de la Revue Scientifique, connu pour ses travaux sur les allergies et l’origine de crétinisme, éditeur du Journal de Physiologie (1917-1929), prix Nobel de médecine en 1913 pour ses recherches sur les ’anaphylaxies. Elève de Jules-Etienne Marey (1830-1904), inventeur de la chronophotographie dont les instruments utilisés pour ses expériences étaient fabriqués chez Breguet, Richet collabore avec Victor Tatin (1843-1913) à la réalisation de machines volantes, dès 1890. Richet fait voler en 1896 à Carqueiranne (Var) un aéroplane à vapeur.

Piloté par l'ingénieur Volumard de l'usine Breguet, le « gyroplane » Breguet-Richet réussit à quitter le sol et à effectuer un vol stationnaire à 50 cm du sol, retenu par quatre hommes, le 24 août 1907, une semaine avant l'hélicoptère de Paul Cornu (1881-1944), autre précurseur du vol vertical en France.

Le gyroplane Breguet-Richet n° 1 en 1907 sur le terrain de La Brayelle. (Musée de l’Air).

L’hélicoptère de Paul Cornu (1907). (cette maquette et celle de la page précédente sont des maquettes du Musée de l’Air).

Un second appareil Breguet à décollage vertical est construit en janvier 1908, un biplan offrant 50 m2 de surface portante assurant une certaine sustentation propulsé par deux hélices de 7,85 mètres de diamètre pivotant dans le sens vertical (premier « convertible ») servant à la traction après un décollage vertical. Propulsé par un lourd mais fiable moteur V8 Renault aviation de 45 ch dont Breguet est l’un des premiers acheteurs, le gyroplane Breguet-Richet n° 2 vole pour la première fois sur le terrain de La Brayelle près de Douai en mars 1908 ; après quelques vols réussis, l'appareil finit sa carrière le 19 septembre dans un champ de betteraves, suite à un rude atterrissage. Breguet en conclut que le pas des pales du rotor vertical doit varier à chaque rotation. Il dépose sur ce sujet le premier brevet concernant le pas cyclique des hélices (brevet numéro 395 576).

Le gyroplane Breguet-Richet n° 1 (1907). En bas vue générale, en haut vue d’un rotor. (Musée de l’Air)

En octobre 1908, Louis Breguet fonde à Douai avec le professeur Richet la société des ateliers d'aviation Breguet-Richet, afin d'y produire industriellement des machines volantes, gyroplanes, aéroplanes, hélices et autres dispositifs aérodynamiques. Durant l'hiver 1908-1909, Breguet construit une troisième machine, le Bre- guet-Richet n° 2bis partant de l'épave du précédent. Présentée statiquement à Paris en décembre 1908, la machine qui aurait volé en avril 1909 est détruite en mai par une tempête. Seul le V8 Renault peut être récupéré.

Le Breguet-Richet type 2bis construit à partir des restes du Breguet-Richet type 1. (Cliché Musée de l’Air).

Breguet construit immédiatement une quatrième machine volante, un biplan classique à voilure sesquiplan, muni de skis d'atterrissage, propulsé par le V8 Renault monté à l’avant entraînant une tripale métallique ; le Breguet type I décolle pour la première fois du terrain de Douai La Brayelle le 28 juin 1909. La machine comporte un dispositif d’incidence variable de l’aile, commandé par chaînes.

Louis Breguet apprend le pilotage sur son biplan (type 1) à La Brayelle en juillet 1 909. (Carte postale ancienne).

Breguet inscrit la machine au meeting de Reims qui doit se dérouler en août, et en attendant il utilise cette machine pour apprendre à piloter. Il commande deux moteurs V8 Renault 60 ch durant l'été. Quelques sportifs se montrent déjà intéressés par l'acquisition d'un biplan semblable. Le terrain de Douai est utilisé également par Louis Paulhan, volant sur un biplan Voisin.

Le Breguet type I vu a Reims en 1909 possède un plan d’aile supérieur variable en incidence. (Musée de l’Air).

Lors du fameux meeting de Champagne à Reims, piloté par son jeune constructeur (29 ans), et malgré le mauvais temps et les bourrasques de vent, le Breguet I portant le numéro 19 - où des roues sont venues s’ajouter aux skis - réussit à décoller et à voler sur une centaine de mètres, à l'issue desquels l'appareil est rabattu au sol par le vent et termine sa course en pylône. Louis Breguet est indemne, mais l'aventure de la grande semaine de Champagne s'arrête là.

Capotage de Louis Breguet à Reims en 1909. (Musée de l’Air).

Un second biplan portant le même type de voilure que le Breguet I cette fois fixe, le Breguet II est construit en septembre 1909, propulsé par un moteur rotatif Gnôme de 50 ch, plus léger que le V8 Renault de près de 50 kg. Avec cet aéroplane, Louis Breguet effectue plusieurs vois particulièrement réussis sur le terrain de la Brayelle près de Douai.

Breguet type I (1909)
Envergure (plan supérieur) 13,70 mètre
Envergure (plan inférieur) 12,00 mètre
Surface portante 40 m 2
Longueur 9,15 mètre
Train d’atterrissage Patins et roues
Nombre de places Une
Moteur V8 Renault de 60 ch
Hélice Tripale de 2,50 m
Poids à vide 580 kg
Poids maximum en charge 800 kg
Vitesse 60 km/h
Caractéristiques du Breguet type I de 1909. (Source : L’Aéroplane pour tous 1910).

Sur le Breguet II, un appareil qu'il affectionne tout particulièrement, Breguet effectue un vol de Douai à Arras, soit 40 kilomètres, parcourus en 30 minutes, le 12 avril 1910. C'est l'un des premiers vols de ville à ville de la saison 1910, après les vols « historiques » de Henri Farman du camp militaire de Mourmelon à Reims le 30 octobre 1908 - 27 kilomètres parcourus en 21 minutes - et de Louis Blériot le jour suivant de Toury à Artenay et retour, soit 28 kilomètres parcourus en 22 minutes, suivi d’un vol de 41 kilomètres parcourus en 44 minutes le 13 juillet 1909 entre Etampes et Orléans.

Le sapeur Breguet lors des manoeuvres de Picardie en 1910, aux commandes de son biplan type II. (Musée de l’Air).
Biplan Breguet type II à moteur Anzani (1910).

C'est aussi sur le Breguet II que Breguet connaît ses premières frayeurs. A la fin du mois d'avril 1910, il tombe d'une hauteur de vingt mètres et l'appareil est évidemment détruit, son pilote n'étant que blessé. Aussitôt la construction d'une demi douzaine d'appareils semblables est entreprise dans l'usine de Douai. Le succès commercial est au rendez-vous. Construit à six exemplaires, le Breguet type III est vendu à des pilotes sportifs, tels Jean Gobron, Henri Coanda et Léon Bathiat, et les Breguet types IV et V sont achetés par l’Armée après leur exhibitions aux manoeuvres de Picardie en septembre 1910.

Breguet type II (1910)
Envergure (plan supérieur) 15,99 mètre
Envergure (plan inférieur) 13,00 mètre
Surface portante 42,25 m2
Longueur 9,20 mètre
Système de commande Gauchissement
Nombre de places Deux
Moteur V8 Renault de 60 ch
HéliceBipale de 2,90 m
Poids à vide 703 kg
Poids maximum en charge 1150 kg
Vitesse 80 km/h
Caractéristiques techniques du Breguet type II de 1910. (L’Aéroplane pour tous 1910).

Breguet II type militaire 1911, propulsé par un moteur V8 Renault de 60 ch. (Musée de l’Air).

Le général Roques et son adjoint le colonel Hirschauer proposent que les meilleurs pilotes civils soient intégrés aux pilotes militaires lors des manoeuvres de Picardie qui se déroulent en se ptembre 1910. L'Armée dispose à ce moment de 41 pilotes brevetés et elle se sent particulièrement forte. Le capitaine d'artillerie Madiot sert d'observateur au sapeur Louis Breguet sur un biplan Breguet IV et ces manoeuvres se soldent par la vente de deux biplans Breguet IV à l'Armée. Les deux hommes connaissent un destin contraire. Excellent pilote, le capitaine Madiot se tue sur un Breguet le 23 octobre, devenant ainsi le premier pilote militaire français victime de l'aviation. A la fin de l'année 1910, Breguet est décoré de la Légion d'honneur.

Gérard HARTMANN
Les premiers appareils BREGUET

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