C'est depuis Washington que j'apprends en consultant le site web de La Voix du Nord la décision de retirer à la ville de Douai son régiment.
Je suis frappé que l'union sacrée soit trouvée sur un tel sujet. Bien évidemment, le départ de l'armée aura un impact sur la vie de la cité. Mais faut-il donc s'en lamenter ainsi? La voilà tombée bien bas la fière cité de Gayant, et bien sûr le vint d'osier que je suis ne peut s'empêcher d'avoir un pincement au cœur en voyant sa chère vieille cité ravalée au rang d'une vulgaire bourgade de garnison.
Bien sûr, en cherchant bien, on retrouvera une longue tradition militaire à Douai comme partout où l'on retire des régiments, sans doute... Mais qu'on me permette plutôt de livrer mes souvenirs d'enfant douaisien des années soixante.. Certes, il y en avait des militaires, beaucoup même, et surtout des casernes encore marquées par les souvenirs de la guerre. Rasée depuis, celle qui faisait face au lycée... Et les terrains militaires, interdits, un peu partout... Non, messieurs, elle ne m'amusait guère cette armée dont les camions et parfois les chars encombraient mes boulevards bien aimés. Alors je ne pleurerai pas son départ.
Quant à la fameuse fonderie dont on nous rebat les oreilles, j'ai bien connu ce terrain vague... Oui, quand je passais place St Amé pour me rendre à l'école rue d'Arras. De l'histoire ancienne, depuis très longtemps.
Sans doute n'avez vous pas les mêmes souvenirs. Sans doute le rigodon de Gayant ne vous prend il pas aux tripes. Sans doute ne vous sentez-vous pas un peu chez vous en entendant un carillon à l'autre bout du monde.
Non, je pleurerai plutôt, mais de rage, sur le sort de cette malheureuse cité aujourd'hui réduite à votre union sacrée. Douai la bourgeoise, douaisiens qui regardent la rue derrière d'épais rideaux, craignant la canaille ouvrière qui a pourtant depuis bien longtemps déserté la ville endormie dans une frilosité empêtrée dans un passé qui se veut glorieux. Douai n'a pas su vivre après guerre, les décisions municipales ont défiguré une ville déjà meurtrie. De la très hideuse et impersonnelle place d'armes aux nombreux aménagements que l'on aurait pu trouver dans n'importe quelle ville de banlieue. Ou êtes vous, marchés de mon enfance? Goudronnée la place St Amé, que reste-t-il des marronniers du mois de septembre? Volailles disparues, mais il est vrai que le poulet ne s'achète plus que sous plastique, et à Auchan ou à Match, plus chez M Blervaque (personnage imaginaire au nom qui sent bon Flines Les Raches...). Marché aux poissons que j'ai à peine connu devenu parking depuis belle lurette. Le centre ville de Douai est aussi impersonnel que les malls ou les Américains font flâner et faire leurs courses le dimanche, d'ailleurs les magasins sont à peu près les mêmes. Que dire des innombrables statues d'avant 14, des églises d'avant la révolution? Que reste-t-il de ce vieux Douai, fier au point d'avoir toute une famille de géants? Un folklore standardisé et aussi insipide que le poulet sous blister? Quel commerce original reste-t-il à Douai ? L'homme de fer de mon camarade Desfontaines? Peut être. Pour combien de temps?
Et où est-il le bouillonnement culturel qui nous donna Jean de Bologne, Marceline, Dutilleux, Warlop l'enfant maudit de la ville bourgeoise, et tant d'autres. Qu'en reste-il? Faut-il donc que Bonnaffé chante Cafougnette? Il a raison Bonaffé, l'accent drôle du Nord n'est pas moins beau que celui de Marseille. Et merde aux parisiens qui n'y comprennent rien.
Ah ! Vous n'êtes pas peu fier de votre petit bout d'université. Vingt cinq ans après Valenciennes. Passons. Mais tout ce qui apporte un peu de vie dans cette ville dérange sa quiétude. Mourons, de mort lente sans doute... Et le sport, tiens oui le sport... A chaque fois qu'un club s'est hissé au niveau national, ce fut la déconfiture. Qui se souvient encore du sporting pro de l'après guerre, sinon quelques pages du web? Ou de l'AC Douai dans le dernier carré du championnat de France d'athlétisme? Sans oublier le volley, le basket (y compris à Dorignies), ou même le hockey. Soutenir le rayonnement sportif était sans doute plus difficile que de récupérer la gloire du travail des bénévoles ou de donner à un équipement local le nom d'un ancien surveillant général du lycée, où il ne fit rien pour le sport. Paix à son âme.
Quant au développement des industries et du commerce, parlons-en. Ce sera vite fait. C'est fini, pour ce qu'il y avait à en dire. Pas la peine d'attendre aussi longtemps que pour voir se développer une zone industrielle digne de ce nom, serpent de mer des années 60 et 70…
Alors, voilà, aujourd'hui dans un bureau parisien, un fonctionnaire du Massif Central (ils sont tous de là-bas, c'est bien connu, sauf les Corses bien sûr) décide que le régiment qui était à Douai serait mieux ailleurs. Et tant pis pour les équipements qu'on abandonnera sur place. Que vous trouviez cette décision absurde, oui, je le comprendrais. Qu'elle vous affole parce qu'elle met en péril Douai, là je me mets en colère.
Ainsi donc, on en est là. Que la ville meure peu à peu ne semble pas trop vous inquiéter, qu'elle ne soit guère plus qu'une banlieue de Lille semblerait presque vous satisfaire. Mais tous ces militaires partant, sale coup pour le prestige de la ville. Pour ce qu'il en reste, pourtant.
L'union sacrée, d'accord, mais pour la secouer cette ville endormie dans une gloire bourgeoise, tellement ancienne que seuls les livres s'en souviennent encore.
Allons, vints d’osier de l’extérieur, remuons nous!