A propos de la réforme de l’élection des parents d’élèves
aux conseils d’administration des établissements scolaires
Je n’ai pas d’enfant, et donc aucun titre à me mêler de cette question, soi-disant. Pourtant voici qu’elle m’interpelle violemment. Rappel : il s’agit de faire en sorte que les deux parents d’un enfant puissent voter séparément (justement en cas de séparation ; je ne sais ce qu’il en est en cas de vie conjointe « normale ») et même différemment ; voila un progrès de la démocratie, qui s’adapte aux nouveaux modes de vie et respecte pour chaque parent sa liberté de choix de et son droit à dire son mot sur le sort de son enfant. Si j’ai souligné ces adjectifs possessifs, c’est que leur simple présence indique un des sens réels de cette réforme : notre gouvernement l’a dit, il veut faire une France de propriétaires ; et cela doit s’entendre non seulement de la propriété de son logement et de son auto, mais aussi de son choix et de son enfant, qui le valent bien …
Mais ce n’est pas de là que vient la violence. La violence, c’est-à-dire l’offense faite au droit et aux valeurs essentielles, vient de ce que cette réforme, quels qu’en soient les mérites démocratiques, introduit un élément supplémentaire d’inégalité. Inégalité entre les enfants qui ont deux parents et ceux de familles réellement monoparentales. Les premiers seront représentés par deux voix, les seconds par une seule. Ces familles sont les plus faibles, les moins riches, les plus en danger de chômage, d’expulsion, de maladie, de violence, peut-être ont-elles déjà tendance à moins voter dans ces élections, et voila qu’on divise par deux leur représentation !
On dira probablement qu’il s’agit d’élections de parents et non d’enfants, et qu’il est donc normal que la représentation soit proportionnelle aux parents et non aux enfants. Certes, mais ce qui fonde le droit de voter pour ces parents, c’est bien le fait d’avoir un enfant dans l’école, sinon, je voudrais bien, moi aussi, donner mon avis sur ce qui devrait ou non se passer dans une école ! Le but du conseil est bien d’assurer la meilleure éducation possible des enfants. A moins qu’il ne s’agisse que de flatter l’ego de leurs parents ?
Octobre 2004