Georges Brossard



Sur l'état d'urgence

Dernière mise à jour le 22/12/2015

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La proclamation de l'état d'urgence a suscité d'abord une sorte d'unanimité, puis une saine méfiance démocratique.

Le Monde a établi un "Observatoire de l'état d'urgence". Les comptes-rendus de cet observatoire font apparaître une bonne dizaine de ratages, bavures ou dérapages. Ce qui pose deux problèmes, l'un journalistique, l'autre juridique et politique

Sur le plan journalistique, la question est de savoir ce que représentent ces comptes-rendus. A première vue, ils sont inquiétants : que des perquisitions pour rien et des assignations à résidence non justifiées. Inefficacité et déni de droit. Une autre perception serait que sur quelques 2 800 interventions, une dizaine "seulement" (une serait toujours de trop) de bavures représente plutôt un bon bilan. On aurait aimé savoir comment les cas signalés par l'Observatoire sont venus à la connaissance du journal, par le biais des personnes concernées ou de leur entourage, par le biais de policiers ? Relever des actes inappropriés fait partie du rôle démocratique d'un journal. Donner une vision objective d'une situation relève du rôle d'un "observatoire".

Sur le plan juridique et politique, il faut se souvenir que, par définition, l'état d'urgence comporte la suspension provisoire du contrôle des juges sur l'action de la police. Comment s'étonner alors que si peu de cas aient entraîné la mise en examen des personnes perquisitionnées ou assignées ? C'est l'inverse qui aurait été surprenant, car alors cela aurait signifié que, bien que l'on disposait d'éléments probants à leur encontre, on ne les ait pas inquiétées plus tôt. L'état d'urgence implique par définition que la police puisse inquiéter des personnes sur qui elle ne peut rien prouver. Si, au contraire, elle disposait d'éléments probants, c'eût été non seulement sa possibilité, mais son devoir de les appréhender et de les déférer au juge, sans avoir besoin de recourir à l'état d'urgence.

Ceux que cette situation inquiète ou qui réprouvent aujourd'hui cette conséquence devraient logiquement prendre position contre le principe même de l'état d'urgence. La plupart ne l'ont pas fait lorsqu'il a été proclamé. On peut donc légitimement s'interroger sur la signification politique de cette inconséquence juridique.

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