Georges Brossard



Droit du travail ?

Dernière mise à jour le 27/01/2016

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Robert Badinter vient de présenter le rapport de sa commission sur le Code du travail, qui préconise un préambule, comme la Constitution, rappelant les « principes essentiels » du droit du travail, qui devront guider les juges dans leur interprétation et leur application des lois, sans avoir pour autant une « valeur juridique supérieure aux lois ». Cette présentation me suggère deux questions.

La première, c'est le statut de « principes » qui n'ont pas de valeur juridique supérieure à ce dont ils sont censés être le principe. Pourra-t-on les invoquer devant un tribunal ? Dans quelle mesure un agent qui ne respecterait pas l'un ou l'autre de ces principes se rendrait-il coupable d'une infraction ?

La seconde question est : quelle est le domaine d'application du code du travail ? Que faut-il entendre par « travail » et par « employeur » ? Dans sa rédaction actuelle, le code du travail régit essentiellement les rapports créés par le contrat de travail et s'applique au travail salarié. Or deux conflits sociaux actuels montrent que ce champ ainsi délimité est trop étroit.

Les agriculteurs, principalement les éleveurs de vaches, de porcs et de canards, et les chauffeurs de taxi protestent contre leur situation. Ils ne demandent pas d'aide, ils demandent une rémunération décente de leur travail. Les chauffeurs de taxis ont emprunté pour acheter leur licence, les agriculteurs ont emprunté pour acheter leur matériel, moderniser leur installation, les taxis doivent payer leurs charges, les frais de leur véhicule, les agriculteurs doivent payer la nourriture des bêtes, les assurances, les loyers. Les uns comme les autres, à la fin du compte, ont plus de charges que de recettes, et ne peuvent donc ni vivre ni survivre dans ces conditions.

Parmi les « principes essentiels du droit du travail », Robert Badinter énonce notamment : « Tout salarié a droit à une rémunération lui assurant des conditions de vie dignes » et « un salaire minimum est fixé par la loi ». Au passage, ce droit était déjà énoncé dans la Déclaration des droits de l'Homme (article 28 : « Hommes et femmes ont droit à une juste rémunération selon la qualité et la quantité de leur travail, en tout cas, aux ressources nécessaires pour vivre dignement, eux et leur famille. »). La Déclaration des droit de l'Homme va donc plus loin que le rapport Badinter, puisqu'elle n'est pas limitée au travail salarié, et que ce droit à une vie digne est étendu à la famille du travailleur.

Robert Badinter le souligne : le droit du travail doit être adapté aux évolutions de la société et de l'économie. Or les conflits récents montrent que les notions de salariat et d'employeur n'ont plus la même signification que naguère. Les chauffeurs de taxis sont soit salariés d'une compagnie, soit estampillés artisans, mais dépendent en fait de la préfecture, qui fixe leurs prix, leurs conditions de travail et leur vend la licence. Les agriculteurs sont soumis aux exigences de leurs « clients » uniques et non concurrentiels, coopératives, entreprises de transformation et de distribution, tant en ce qui concerne l'organisation et la nature de leurs production, que leurs prix de vente. De nombreuses entreprises sous-traitantes de grands groupes industriels et commerciaux, dans l'automobile, le bâtiment, l'aéronautique, l'alimentation, en particulier, exercent de fait la fonction d'employeur par délégation de ces grands groupes qui sont souvent leur unique client et dont elles dépendent entièrement. La relation de subordination, notamment, qui est constitutive de la relation employeur-salarié, se retrouve évidemment dans ces situations. Cette relation devrait donc être redéfinie et permettre à l'ensemble des travailleurs le respect de leurs droits fondamentaux, y compris dans des relations contractuelles diverses.

Prétendre que taxis et agriculteurs sont des entrepreneurs libres et non des salariés, et ne relèvent donc pas du droit du travail, est à la fois inexact et inégalitaire car on ne voit pas pourquoi un droit reconnu dans la Déclaration des droits de l'Homme ne s'appliquerait qu'à une catégorie particulière de travailleurs.



Janvier 2016


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