Georges Brossard



Faire et connaître

Chapitre 10 : Convertibilité du vrai et du fait

Dernière mise à jour le 01/01/2016

Accueil

Philosophie

Économie

Blog

Dessins

Poèmes

Souvenirs

Sites

Contact


Note : ce texte date d'une dizaine d'années et est en cours de réécriture

  

Principaux apports de la théorie du verum-factum de Giambattista Vico 1

Qu'est-ce qu'un fait ? 4

Le fait est distinct de la conscience du fait 5

Distinction et corrélation entre proposition et fait 6

Conscience et connaissance 7

Les faits sont têtus et vulgaires 7

Conclusion 7

 

Le point de départ de la dissertation vichienne (De antiquissima sapientia …), dans laquelle Vico expose pour la première fois sa thèse de la "convertibilité du vrai et du fait", la dite "théorie du verum-factum", est la réfutation des arguments sceptiques, réfutation qui constituait en fait l'exercice obligé de nombre d'exposés philosophiques aux XVII et XVIII èmes siècles, de Descartes à Hume, de Locke à Berkeley et, plus tard à Kant, la saine philosophie consistant à trouver les arguments et raisons propres à ramener chacun dans le droit chemin, loin des sirènes du scepticisme associé à l'athéisme. L'important n'est pas de réfuter le scepticisme, ce que tout le monde s'accorde à faire, au moins officiellement, mais comment on le réfute. Vico le fait en acceptant la validité des arguments sceptiques sur les représentations (fantasma), et en déplaçant la question de la vérité de la connaissance vraie du domaine de la conscience à celui de l'activité constructrice de l'homme dans le monde. La connaissance vraie n'est pas d'abord un état de conscience qui aurait en second lieu la particularité de correspondre à un fait, mais d'abord un fait qui a en second lieu la particularité d'être conscient.

 

Principaux apports de la théorie du verum-factum de Giambattista Vico

Bien sûr, ces apports ne sont considérés ici qu'en relation avec les questions posées initialement. Le sens général de la philosophie de Vico déborde très largement les objectifs de ce travail, dont les ambitions ne sont pas historiques.

1. Que la conscience n’est pas la science

Le Cogito ne nous garantit qu’une conscience de pensée. Il ne nous dit rien, ni sur ce qu’est la pensée, ni sur le sujet pensant. En particulier, ne sachant pas quelle est la cause de cette pensée, il ne permet pas de conclure à l’existence d’une "chose pensante".

Les arguments sceptiques et solipsistes sont issus des contradictions propres à la conscience : l’erreur et l’illusion sont essentielles à la pensée humaine , et leur propre est de se présenter comme des faits de conscience semblables à la conscience du vrai. Les critères de la connaissance vraie ne peuvent pas venir de la conscience elle-même, mais de réalités extérieures.

L'évidence, qu'elle soit sensible ou rationnelle n'est pas le signe de la vérité.

 

2. La connaissance par les causes

Connaître un objet, c’est comprendre comment cet objet a été produit, quelles en sont les causes. La connaissance est une connaissance des genèses, développements et fins. Les Sceptiques avaient raison d'exiger que l'on cherchât non pas seulement à décrire et enregistrer les simulacres, mais aussi à en connaître les causes. Ils avaient tort de croire que cela fût impossible, car l'homme est une cause parmi les causes.

 

3. La science divine comme modèle

Dieu, étant la cause des causes, ayant créé tous les éléments de la réalité, les assemblant et les dissociant selon le plan de sa Providence est le modèle de la connaissance absolue et complète du réel. Cette connaissance ne nous est pas accessible, même si la révélation de la parole divine nous donne une conscience partielle de certaines vérités divines. En fait, c’est lorsque l’homme est lui-même créateur des objets du savoir qu’il s’approche le plus de ce modèle. C’est le cas en géométrie, où il crée des fictions comme le point, la ligne, l’unité, etc. et les combine selon leurs lois, c’est-à-dire, selon les lois de sa création. La limitation fondamentale de cette science est que ses objets sont de pures fictions. Un autre domaine où l’homme crée l’objet de sa connaissance est la société. Les sociétés naissent, se développent et meurent par l’œuvre humaine. La connaissance historique et sociale est de ce point de vue analogue à la connaissance divine.

 

4. La science humaine comme anatomie de la nature

Concernant les objets naturels, ceux-ci nous apparaissent déjà créés et sont donc opaques à notre connaissance. Nous avons toutefois la capacité de les analyser, de les décomposer et de les recomposer de telle façon que nous dressons des inventaires partiels de leurs éléments, une sorte d’ " anatomie " de la nature, que nous pouvons recomposer, soit sous la forme de modèles, soit sous la forme d’objets artificiels.

 

5. La construction de l’objet

Le vrai est le fait. Le fait qui est accessible à la connaissance l’est à celui qui l’a fait. Etymologiquement, c’est le verbe latin facere qui est à la racine de son participe passé factum ; autrement dit c’est bien dans le sens de fabrication, de création, de production qu’il faut prendre la notion de fait. Le fait donné (dont nous ne sommes pas créateurs) ne nous est pas accessible et nous en sommes réduits à en faire une " anatomie ". Par contre, nous produisons, outre les objets idéaux de la géométrie et les sociétés humaines dans leur histoire, des modèles des objets naturels et aussi des objets artificiels. Nous produisons ces deux dernières catégories d’objets en utilisant des matières premières issues du monde naturel que nous recomposons selon nos propres plans. Nous en sommes donc les créateurs partiels, pour leur agencement (modus componendi).

Les modèles peuvent ressembler aux objets naturels et les représenter, mais il ne faut jamais perdre de vue qu’ils n’en sont que des sortes de symboles, et non la réalité. Quant aux objets artificiels, ils sont bien réels, mais, justement, pas naturels ; ils ne nous renseignent donc que sur certains aspects et certains mécanismes propres aux objets naturels.

 

6. Vico et les sciences expérimentales : notre connaissance de la nature ne peut être que partielle et analogique. Les expérimentations nous rendent partiellement créateurs des choses. Le reste de notre activité nous fait procéder à une sorte d' "anatomie" de la nature

  

7. Quelques concepts utiles :

Res : à la fois chose et objet. L’objet de la connaissance. La chose qui est donnée et impénétrable (car produite par un autre être), ou la chose construite par le sujet. En tout cas, la chose qui existe et dont la réalité fonde la confiance que nous avons dans le monde.

Forma : la forme, soit plastique, soit séminale. La forme est l’idéalité qui sert de modèle à la res, qui se " conforme " à la forme dans son développement et dans sa construction

Operatio : l’opération est l’acte par lequel l’operator humain ou la nature operatrix crée les choses en en composant les éléments et en les conformant à une forme qu’il détient dans son esprit, voire qu’il a lui-même par ailleurs produite.

Modus componendi elementa : le mode de composition des éléments est l’élément descriptif essentiel de l’opération. Seuls les sciences et les arts qui enseignent comment les éléments qui composent les choses étudiées par eux sont combinés, seuls ces sciences et ces arts sont utiles et vrais.

Interrogatio ordonnata : l’interrogation ordonnée des choses et des faits. L’expérience instructive est une interrogation ordonnée des faits qui nous dit, pour une chose donnée, ce qu’elle est, comment elle a été faite, quand, etc. La valeur de ce concept est double : 1/ la connaissance procède d’une interrogation du réel ; 2/ cette interrogation doit être ordonnée selon une topique de questions pertinentes. La question qui se pose ensuite est celle de la pertinence dont il s’agit. Il semble que la pertinence d'une question est relative à un point de vue, à une perspective d’un sujet particulier. Alors, les contenus des interrogations et des réponses doivent pouvoir être analysés selon ces diverses perspectives.

Qu'est-ce qu'un fait ?

Avant de quitter ce sujet, il convient de revenir sur la notion de fait, et de comprendre en quoi la conception qu’en donne Vico est utilisable dans des contextes plus larges que ceux où il l’a lui-même illustrée.

Auguste Comte définit la " positivité rationnelle " de notre intelligence en ce qu’elle " reconnaît désormais, comme règle fondamentale, que toute proposition qui n’est pas strictement réductible à la simple énonciation d’un fait, ou particulier ou général, ne peut offrir aucun sens réel et intelligible " (Discours sur l’esprit positif, Paris, Vrin, 1974, p.19). Le fait est ainsi dans ce contexte ce qui donne un sens " réel et intelligible " à une proposition. On a là une approche de ce que l’on attend du fait, mais non de ce qui le constitue. En effet, c’est bien du fait que l’on attend le " contact " avec la réalité. On entend également qu’il soit susceptible de contenir une information, un élément de compréhension de cette réalité. Il ne se résume pas à la proposition, mais il est ce qui fait que cette proposition a un " sens " à la fois dans la réalité et dans notre intellect. En d'autres termes, et pour tenir compte des remarques faites dans la partie précédente de cette recherche, suivant lesquelles le sujet est actif dans la connaissance, et, selon la recommandation kantienne, de poser des questions à la Nature, le fait doit rendre ce questionnement – et les réponses relatives – possibles.

La thèse de Vico, selon laquelle le vrai est " convertible " avec le fait semble répondre à cette interrogation de façon assez précise. Le fait s’entend comme l’acte de production, de création. Dieu connaît la Nature parce qu’il en est le créateur. Mais cette vision est d’un degré trop haut pour nous, qui ne sommes pas Dieu. L’analogie avec l’opération humaine, créatrice de ses effets, montre bien en quoi la connaissance humaine se constitue sur la base de ce que nous opérons. L’exemple des recherches expérimentales dans les sciences montre que ce qui est appris est ce qui est fait.

Dans les labyrinthes que comportaient autrefois les fêtes foraines, labyrinthes composés de panneaux en vitre, à chaque pas, on se demande si l’on a en face de soi une vitre ou un passage libre. On tend la main et on essaie d’avancer pour savoir si l’x que l’on a en face de soi possède la propriété d’être franchissable. La réponse est fournie sans équivoque par la situation dans laquelle on se trouve après la tentative. Cet exemple met en valeur une différence essentielle avec la notion habituelle d'expérience sensible comme source des connaissances : dans celle-ci, la décision de la question est en fin de compte du ressort du sujet, qui juge de l’identité ou de la ressemblance entre deux représentations. Le jugement émis est peut-être (mais pour le moment nous ne savons pas comment) instruit par l’environnement extérieur, mais il n’est pas nécessité par celui-ci. Au contraire, dans notre exemple, la réponse qui vient de l’environnement est nécessaire, dans le sens où elle ne laisse pas de liberté au sujet. Elle ne se situe pas dans le domaine de la représentation, mais dans celui de la possibilité ou de l’impossibilité. Si l’x est une vitre, il est impossible de le franchir (à moins de la briser ), et ceci n’est pas un jugement du sujet, mais un fait qui, même s’il n’était pas reconnu, s’imposerait avec nécessité. Le " pont " établi entre la question posée par le sujet et la réponse reçue de l’environnement est un fait défini par une situation du possible et de l’impossible.

Trois problèmes se posent :

1. L’impossibilité ou la possibilité effective rencontrée ici ne se manifeste-t-elle pas, à son tour, dans une représentation ? Si oui, cette conception ne renvoie-t-elle pas à la conception traditionnelle du sensualisme ?

2. L’opération dont l’environnement nous dit si elle est possible ou non est représentée subjectivement. Lorsque nous affirmons que la question posée est bien celle que nous croyons, et que c’est bien telle opération représentée qui est révélée possible ou impossible par l’environnement, n’est-ce pas un jugement subjectif arbitraire ? Ce modèle n’implique-t-il pas un jugement arbitraire et subjectif sur l’adéquation entre question et réponse ?

3. Toutes les propriétés sont-elles susceptibles d’une telle épreuve ?

 

 

Le fait est distinct de la conscience du fait

Concernant le premier problème, une distinction est à prendre en compte entre la possibilité (ou l’impossibilité) même de l’opération, d’une part, et , d’autre part, le fait que nous soyons ou non informés de cette possibilité (ou impossibilité). Dans le premier aspect, nous n’avons pas affaire à une représentation, mais à une situation ; dans le second aspect, il s’agit de la représentation de cette situation. Une réserve possible consisterait à dire que seul ce second aspect nous intéresse, car, lorsque nous ne sommes pas informés de cette possibilité (ou impossibilité), la théorie de la connaissance, par définition, n’est pas concernée. Cette réserve ne serait pas pertinente, et ressemblerait à celle que ferait un boulanger disant que la qualité de la farine n’a pas d’importance, puisqu’elle n’entre dans son art qu’une fois mélangée et transformée en pâte. Le fait est susceptible d’être connu. S’il vient à être connu, il est alors constitutif de la connaissance. Il n’en est pas dépendant pour autant. La nature du fait doit donc être étudiée indépendamment de la conscience que nous en avons ou non. Qu’elle soit représentée ou non, qu’elle le soit correctement ou de façon erronée, la situation est une condition qui s’impose à l’existence même du sujet. Celui-ci peut faire abstraction de sa représentation, non de sa présence, de sa réalité.

Le deuxième des problèmes mentionnés plus haut relève des difficultés de l'adéquation déjà examinées dans le chapitre 6 et consiste à savoir si la réponse fournie par le réel correspond bien à la question que le sujet a posée. Si je pose, par exemple, la question "  cet x est-il une vitre ? ", d’une part et " cet x n’est-il pas, bien que transparent, infranchissable ? ", d’autre part, s’agit-il bien de deux représentations de la même question ? L’appréhension de cette difficulté demande de renoncer à l’évidence de l’intuition. Le sujet peut-il se tromper sur l’intention actuelle de sa pensée ? Sartre le concevrait difficilement en dehors de la " mauvaise foi ". Certes, je peux ne pas poser la bonne question ( il ne s’agit pas d’une vitre, mais d’une matière plastique, etc.), mais la question que je pose effectivement, je sais par là même quelle elle est ; je ne peux me tromper à ce sujet. Il ne peut y avoir de distance entre ma représentation de ma pensée et ma pensée elle-même. Cette difficulté a peut-être son origine dans le fait que nous avons tendance à considérer la représentation verbale de la question posée, et en tout cas, sa dimension psychologique. Mais l’acte mental n’est qu’un aspect de la question posée à l’environnement. La question n’est pas posée à l’aide de mots, de pensée, ou d’intentions, mais d’opérations. Dans l’exemple du labyrinthe vitré, c’est en tentant de franchir le passage supposé que je pose la question : " est-ce une vitre ou un passage ? ". La question n’est donc pas seulement donnée à travers ses représentations, mais aussi en réalité, présente dans le fait. Elle est elle-même un élément de la situation de laquelle on ne peut pas l’abstraire, sinon par une fiction. J'avance réellement dans le labyrinthe, le vaisseau du capitaine constructiviste navigue réellement dans le détroit embrumé.

Il est important de distinguer la question de fait de sa représentation, éventuellement verbale. La présence d'une vitre n'est qu'une hypothèse, que l'on sait vraie pour d'autres raisons (c'est convenu comme ça et annoncé dans la publicité de l'attraction foraine), mais le panneau résistant et transparent pourrait bien être constitué d'une autre matière. La phrase "cet x est une vitre" est donc une représentation du fait et, sans être fausse, elle comporte une supposition qui a d'autres fondements gnoséologiques que ceux contenus dans le fait qui nous sert d'exemple. Une grande partie des difficultés rencontrées vient de la difficulté à isoler correctement dans nos croyances ce qui se rattache à tel ou tel fait. La distinction entre fait, représentation, croyance et énoncé est essentielle. Le fait n’est pas donné ; il résulte d’une interaction entre le sujet et l’objet. Il n’est pas une création arbitraire du sujet, mais, au contraire, met celui-ci en présence d’une nécessité externe. Il peut être représenté ou non dans la conscience du sujet. S’il est représenté, il peut l’être par plusieurs modèles. Si le sujet adhère à l’un de ceux-ci, ce sera une croyance du sujet . Ces représentations peuvent faire ou non l’objet d’énonciations, selon les systèmes linguistiques utilisés par le sujet. Les énonciations peuvent être plus ou moins adéquates aux représentations et elles-mêmes peuvent être plus ou moins adéquates au fait. Celles qui sont adéquates sont réputées vraies ; elles expriment la convertibilité du vrai et du fait. Mais quoi qu’il advienne de ces représentations et énonciations, qu’elles aient lieu ou non, qu’elles soient, totalement ou partiellement, adéquates, le fait sera là : le sujet a tenté de franchir le passage et il a rencontré ou non un obstacle invisible et infranchissable.

Le troisième problème posé ci-dessus est trop vaste pour être discuté ici. Toutefois, il serait de bonne politique de tenter systématiquement l’épreuve du fait.

On pourrait voir à ce sujet Schopenhauer : "De la quadruple racine du principe de raison suffisante".

 

 

Distinction et corrélation entre proposition et fait

D'un fait peuvent être tirées plusieurs proposition : si je heurte la vitre dans le labyrinthe forain, je peux déduire par exemple les deux propositions suivantes :

1. L'objet heurté est transparent

2. L'objet heurté est dur.

Chaque information est contenu dans une proposition. Le fait est leur référent réel. Le fait ne se réduit pas à une proposition, mais à une conjonction de propositions. L'atomisme logique est nécessaire pour analyser le discours, mais la connaissance est alors "moléculaire".

 

Sujet et objet sont relatifs, c'est-à-dire qu'ils sont en relation. Dans le faire, cette relation est une relation de coïncidence, c'est-à-dire que la subjectivité est objectivée. Par exemple, en tentant de franchir la vitre je rends objective la question "cet x est-il franchissable ?" . Cette question est corrélative de l'opération que je conduis, même si je la formule différemment. C'est cette coïncidence que le terme de "convertibilité" utilisé par Vico traduit.

 

Conscience et connaissance

Il y a une difficulté constante à reconnaître que la vérité doit être séparée de la connaissance. Elle n'est pas une variété de la connaissance. Le problème n'est pas "comment savons-nous que telle connaissance est vraie ?", mais "comment avons-nous connaissance de telle vérité ?".

Distinction de la connaissance et de la conscience de la connaissance.

Schopenhauer, par exemple, dans la Quadruple racine du principe de raison suffisante affirme : " Il n’y a pas un connaître du connaître. " " Le savoir de votre connaissance se distingue de votre connaissance même seulement par les termes. " Je sais que je connais " ne dit pas plus que " je connais " ". (p. 146). Russsell monte bien pourtant qu’il faut séparer la connaissance de sa conscience et de son énoncé :

1. Il peut y avoir une connaissance inconsciente : je fais un écart pour éviter une flaque d’eau en marchant, mais je ne me suis pas formulé en moi-même la connaissance de cette flaque d’eau. Pourtant, cette connaissance a bien été déterminante de mon comportement et il faut donc supposer son existence.

2. La conscience de connaissance accompagne souvent l’ignorance ou l’erreur. Tant que l’erreur n’est pas démontrée comme telle, elle ne nous est pas différente de la vérité.

3. L’énoncé, ou la formulation que nous donnons de ce que nous savons est plus ou moins adéquat à cette connaissance. La formulation est approchée et imprécise, et contient souvent une induction qui va au-delà de la connaissance effective.

Vico montre bien aussi la même confusion à l'œuvre chez Descartes : comment peut-il à la fois fonder son discours sur le constat que l'erreur se présente sous les jours de la conscience du vrai et fonder sur celle-ci même son "premier principe" ?

En fait, la philosophie commence avec la conscience que la vérité et l'erreur se ressemblent.

 

Les faits sont têtus et vulgaires

La tradition philosophique est dans l'ensemble et à de rares exceptions près sous l'emprise d'une conception théorique, spectaculaire, de la connaissance. "Le sujet connaît l'objet" est généralement compris comme signifiant "le sujet voit vraiment l'objet". En fait, sujet et objet sont en interaction et leurs interactions produisent des changements dans la réalité qui les environne. Il est curieux de constater que cet aspect de la relation sujet-objet est constamment occultée, ignorée, ou déplacée dans le champ de l'action morale ou politique. On peut supposer que cela est dû en partie à ce que les faits s'opposent aux croyances. Or, ce sont précisément les croyances que les Dogmatiques veulent asseoir. Les faits ne leur conviennent donc pas. Ils offrent cette caractéristique désagréable d'être incontournables, de comporter la seule véritable nécessité présente dans la nature.

Une autre raison réside dans la division du travail. Elle sera analysé dans un autre chapitre.

 Conclusion

Compléments du 08/01/04

Il me semble qu'on peut résumer certaines conclusions auxquelles je parviens dans ces chapitres par les propositions suivantes, qui ont l'allure de définitions. Certaines anticipent un peu sur les chapitres suivants, mais les insérer ici permet néanmoins d'éclaircir l'ensemble du propos.

1/ Le travail est le lieu de confrontation entre la pensée et le réel. Il est composé d'opérations par lesquelles, partant d'un état comportant notamment des matières premières, et dans lequel une ensemble d'événements A sont possibles, et suivant un plan pensé au préalable, le sujet produit un état résultat, comportant notamment des produits, et dans lequel un ensemble B d'événements sont possibles.

La réalité est l'ensemble des conditions qui font que ces états eux-mêmes et leur transformation par l'opération en question sont possibles.

La vérité est l'adéquation éventuelle d'une proposition à une des conditions constitutives de la réalité.

Un objet est un ensemble réel de conditions de possibilités ; c'est la condition qui fait que ces conditions ne sont pas séparables.

2/ La question n'est pas de savoir si une phrase, ou une théorie donnée est vraie ou fausse mais 1) en quoi elle est susceptible de l'être, et 2) en quoi elle l'est éventuellement.

La vérité n'est pas une phrase ou une doctrine vraie, mais le fait que cette phrase ou cette doctrine soit plus ou moins vraie.


ccueil du site

Haut de la page