Kant écrivait que : "dans toute théorie particulière de la nature il n'y a de scientifique au sens propre du mot, que la quantité de mathématiques qu'elle contient". Leibniz ne concevait les formulations mathématiques que liées à leur application; la production de formalismes étant inséparable des diverses manifestations du sens, Mathesis et Semiosis devaient être saisies simultanément. Ces philosophes représentent en fait une constante de l'épistémologie des sciences humaines dont le statut scientifique est conditionné par la mise en pratique d'un processus de formalisation dont l'articulation à l'objet étudié doit être totalement explicité et validé par la pratique sociale.
Le point de vue énoncé ci-dessus conduit à évaluer l'état de développement des théories scientifiques à partir de leur degré de formalisation : de doctrines informes c'est à dire d'opinions constitutives d'un système plus ou moins bien cohérent de concepts et de relations entre concepts aux systèmes hypothéticodéductifs mathématisés, il y a un éventail de statuts épistémologiques dans lequel les sciences humaines sont plutôt du côté des premiers et les sciences exactes du côté des seconds. Nous plaçant résolument dans cette perspective nous plaiderons en faveur d'une mathématisation de plus en plus prononcée dans les sciences humaines sans perdre de vue la valeur critique des opinions "informes" et en gardant la conscience permanente du caractère nécessairement réducteur de la formalisation mathématique. L'écueil principal dans cette démarche peut provenir de la traditionnelle accusation d'impérialisme envers les mathématiques qui fonctionne objectivement comme un obstacle épistémologique et nécessite un grand effort de dépassement tant que les rôles de formalisation et d'application seront séparés dans l'ordre du savoir institué.
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