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Quand Tom Olam, le concepteur de jeux informatiques, se retrouva dans un autre monde, enlevé par un mage sans scrupules et un seigneur des Faë, il était loin de soupçonner qu’il deviendrait la pièce maîtresse d’une lutte pour le contrôle d’un univers victorien parallèle. Mais avant que ce jeu mortel ne prenne fin, il fallait d’abord qu’il affronte les gigantesques forteresses d’assaut, déjoue les ruses des Dragons, vive une liaison romantique avec une belle aventurière et triomphe des légions maléfiques de la Cour Sombre, décidées à l’anéantir à tout prix. Seulement alors, pourrait-il peut-être, mais seulement peut-être, revenir chez lui.

C’est un roman. C’est un jeu. C’est les deux à la fois. C’est Château Falkenstein, une invention à un stupéfiant voyage dans un univers à deux pas du nôtre : un endroit où les Dragons et l’énergie de la vapeur gouvernent les cieux, où les seigneurs des Faë se livrent des duels à mort sur des hauts remparts et où les forces de la sorcellerie et de la thaumaturgie se rencontrent au croisement des rues éclairées par les lampadaires à gaz de l’ère victorienne. Mais, dans Château Falkenstein, l’histoire est sans fin. Arimé d’un sabre et de puissants encantements, partez à votre tour à l’aventure dans cet endroit lointain situé de l’autre côté du mystérieux Voile Féerique : C’est un monde de Fanstaisie, de cape et d’épée, de grandes aventures romanesques et de technologie magique. C’est le monde de –                                                                (extrait de la couverture)

L’UNIVERS DU JEU

 

« J’étais en vacances – les vacances dont j’avais parlé pendant des mois au travail, jusqu’à rendre dingues tous ceux qui m’entouraient. Deux semaines loin de la division Jeux d’HyperTech Inc., sans les rayons des tubes cathodiques des moniteurs braqués sur mon visage, sans directeurs artistiques qui vous rappellent, en hurlant, les dates limites et, mieux que tout, deux semaines de paix loin de mon directeur de projet et de sa quête éternelle de la perfection du jeu vidéo. Pendant que je voyageais à travers toute l’Allemagne, je décidai de faire une halte à une des étapes incontournables pour n’importe quel touriste, le château de Neuschwanstein. C’est l’archétype de tous les châteaux enchantés et romantiques. Il y a d’ailleurs une histoire qui lui donne un cachet romantique difficile à égaler – celle de ce roi fou, dernier descendant d’une longue lignée de lunatiques, qui transporte en haut d’une montagne plusieurs milliers de tonnes de béton et de marbre et y construit un parc d’attractions pour lui seul, où il écoute de l’opéra wagnérien toute la journée. Puis qui, avant l’achèvement de son château de rêve, est déclaré fou par ses conseillers intrigants, séquestré, et sui meurt dans des conditions que l’on pourrait, pour le moins, qualifier de « mystérieuses ».

Ainsi, je me trouvais là, dans le grand Meistersinger Hall, émerveillé par la splendeur de la décoration rococo du lieu. Les photos y sont interdites, mais comme rien n’était précisé à propos du dessin ou de la peinture, je sortis mon carnet de croquis et je m’absorbai tellement dans mon travail que je

 

 

remarquai à peine que la visite guidée était partie sans moi. Je n’étais pas inquiet ; les visites se succèdent rapidement et je pouvais parfaitement me joindre au groupe suivant. Au contraire, je me concentrais pleinement sur mon dessin.

Grosse erreur.

Au début, je ne remarquai pas l’odeur d’ozone et la montée d’électricité statique qui m’entourait. Peut être que le premier indice que je perçus fut cette explosion de lumière colorée autour de moi. Puis le sol s’ouvrit sous mes pieds.

De brillantes lumières arc-en-ciel s’élevèrent dans les airs pendant que des boules de foudre colorées crépitaient, sifflaient et rebondissaient à travers la pièce. Un vent hurlant gronda à mes oreilles, comme si les aspirateurs du monde s’étaient donné rendez-vous dans le pièce, et mes baskets se dérobèrent capricieusement sous mes pieds. Mon sac à dos heurta le sol près de moi ; je me jetai à quatre pattes pour m’accrocher à lui – m’accrocher à n’importe quoi qui pourrait m’empêcher d’être avalé par ce tourbillon mugissant.

Très grosse erreur.

J’aurais plutôt dû miser sur un des gros piliers le long du mur. La chose suivante dont l’eux conscience ce fut de tomber tête en avant dans un tunnel de lumière tourbillonnante. J’entendais quelqu’un crier.

C’était moi.

J’avais été ensorcelé…

 

 

J’entrouvris les yeux avec précaution. Mes vêtements étaient couverts de déchirures brûlées. De plus, la pièce où je me trouvais avait tous les attributs d’un authentique donjon bien sinistre. Des grosses chaînes de fer pendaient des murs de pierre couvert de mousse et de moisissures. Des gouttes d’eau suintaient du plafond et de la paille épaisse et humide jonchait le sol et amortissait tous les sons. J’ai même cru apercevoir un rat. Mais ce qui m’inquiéta vraiment, ce fur de me rendre compte que je gisais sur un piédestal, au centre d’un large pentacle tracé à la craie. Dans la pièce, se trouvaient deux autres personnes dissimulées dans la pénombre ; l’une était plus grande que l’autre. La plus petite s’adressa à l’autre : « Malédiction ! Je n’ai jamais vu une telle chose se produire auparavant ! » Son compagnon grogna : « Certes, et vous n’avez jamais lancé une incantation dans un cercle féerique non plus. » et il ajouta,

 

 

« Laissez –moi examiner un instant l’ouvrage, maître Morrolan ». Il y eut le bruit d’une lourde reliure qui s’ouvrait, puis celui de pages que l’on feuilletait négligemment.

« Je vois, » dit enfin celui qui n’était pas Morrolan, « Une Invocation générale, n’est-ce pas ? ». Morrolan se rapprocha. Je pouvais vois son ombre se fondre dans celle du grand. « Exactement, » répliqua-t-il d’un ton tranchant qui trahissait un net accent britannique.  « Il n’y avait aucune façon de savoir à l’avance ce que nous obtiendrions. Vu que les principes de la Loi de la Résonance thaumaturgique établissent que… ». « Epargnez-moi vos   digressions sur la Théorie de la Résonance, » coupa l’autre. « Ce n’est que du jargon de sorcier et, qui plus est, tout à fait inadéquat en l’espèce. Nous nous sommes mis au travail et avons accompli notre tâche. Maintenant, nous devons essayer de comprendre ce que ce sacré sort a bien pu produire ». « Que vos yeux soient maudits, Auberon, » répondit furieusement Morrolan. « Ce n’est pas la faute du sort. Nous aurions dû avoir une idée plus brillante que celle de la manipuler à l’aide de charmes féeriques et de magie sauvage. La prochaine fois… »

« Chut ! » interrompit brusquement Auberon. « Ne voyez-vous pas ? Notre prise s’est réveillée ! » A ce moment précis, je me dis « Bon sang ! C’est le moment de me barrer vite fait ! » Je me mis sur les pieds et me préparai à prendre mes jambes à mon cou quand l’ombre la plus imposante émergea de l’obscurité et se plaça devant moi. Je levai le poing. Il leva sa main ouverte. Je fus paralysé sur place, je pouvais courir mais mon corps refusait obstinément d’ébaucher le moindre mouvement. Auberon s’avança lentement dans la lumière des bougies qui m’entouraient et la terreur pure traversa mon corps pétrifié. Ses deux mains fines, son visage sévère et parfaitement sculpté, tout en lui, trahissait une beauté trop inhumaine et effroyable pour être décrite.

« Ah, ainsi nous sommes éveillé ? » fit-il avec un sourire. « Eh bien voilà qui règle la question ». Il approcha son poing, embrasé d’un feu éclatant, toucha mon front et, à nouveau, les lumières s’éteignirent.

 

 

Mes ravisseurs s’appelaient Morrolan et Auberon, deux habitants de la terre parallèle où j’avais atterri brutalement ; j’appelle maintenant ce lieu Nouvelle Europe. Mon enlèvement fut le résultat de l’utilisation  d’un sort hautement expérimental. Les deux complices l’avaient lancé dans l’espoir de trouver un moyen d’assister leur roi dans sa quête de libération de sa nation. A ma grande surprise, je découvris plus tard que le souverain en question n’était autre que le vrai Roi Fou de Bavière ! Depuis, Morrolan m’a expliqué leurs agissements en ses termes : « Mon vieux, nous espérions acquérir une arme secrète ou une Machine Infernale pour notre souverain. A la place, c’est toi que nous avons obtenu. On ne peut pas dire que nous étions si déçus que ça de faire ta connaissance, mais à l’époque nous ne cherchions pas vraiment un quatrième partenaire pour jouer au bridge ».

Maître Morrolan le Gris est un mage, un praticien de la thaumaturgie et des arts ésotériques. Comme je l’appris très vite par la suite, la sorcellerie est une réalité dans le monde de la Nouvelle Europe. Elle est codifiée, étudiée et utilisée de la même façon que l’on exploite, dans notre monde, l’énergie grâce aux théories de la physique. Mais la thaumaturgie est encore une discipline peu répandue, l’apanage de mages hautement entraînés appartenant à des ordres secrets, des fraternités ou des loges de thaumaturgie. Morrolan est un des plus grands sorciers de son monde, un vrai Stephen Hawking de l’ésotérisme. Ce n’est pas un hasard qu’il appartient à l’ordre légendaire de la Fraternité des Illuminés de Bavière. En effet, ici, les Illuminati sont vivants et en bonne santé et

 

 

ils sont réunis au sein de thaumaturgie opérationnelle dont les ramifications secrètes s’étendent sur le monde entier. Sec, mordant et britannique jusqu’à la moelle, Morrolan est un des meilleurs Initiés des Illuminati, une sorte de James Bond magicien incarné en David Niven. Il est devenu le meilleur ami que j’ai en ce monde.

Il y a aussi Auberon – le seigneur Auberon Valerix, Haut Roi des Faë et Seigneur de la Cour Lumineuse (il y a deux groupes de Faë – l’autre est formé d’une race de Faë qui haïssent les humains et qui sont regroupés au sein de la Cour Sombre). Les Faë (à ne pas confondre avec les bonnes ou les mauvaises fées comme celle de Cendrillon) sont une race d’êtres non-humains utilisant naturellement la thaumaturgie. Ils sont arrivés en Nouvelle Europe pendant l’ère glaciaire. Bien qu’ils puissent revêtir n’importe quelle forme, ils apparaissent la plupart du temps sous les traits d’humanoïdes grands et élancés, semblables aux « elfes » de nos légendes germaniques. Ils peuvent aussi prendre la forme de lutins, lépréchauns, gobelins, etc. Les Faë n’ont rien à voir avec les mignons petits farfadets dont on entend parler dans les contes de fées. Ici, les « contes de fées » sont plus proche du roman d’horreur que de la fable.

Auberon est un sacré personnage. D’une beauté ténébreuse, c’est un fin bretteur et un politicien énigmatique qui brise les cœurs et les têtes avec le même aplomb. Il s’exprime avec un ostensible accent irlandais et apprécie les femmes rousses et le whisky. Lui et Morrolan se connaissent depuis des années et s’acoquinent souvent pour accomplir forfaits et sorcelleries.

Au moment où je fis mon apparition au milieu du pentacle, Morrolan et le roi faë furent plutôt interloqués. Je n’étais pas un grand guerrier (au mieux je suis un joueur de paintball correct), je n’avais pas d’arme secrètes sur moi et j’étais incapable d’utiliser une quelconque forme de magie puissante. Mais tous les signes concouraient à montrer que je serai utile d’une façon ou d’une autre et ils refusèrent donc de me renvoyer chez moi avant de découvrir quelle était mon utilité.

Bien sûr, la raison pour laquelle j’avais été invoqué dans le monde de Falkenstein était encore plus surprenant que tout ce que j’aurais pu imaginer. »

 

« Ce que vous venez de lire est le récit que vous trouverez dans les toutes premières pages du livre des règles. Surpris ? Je l’ai été autant que vous. Château Falkenstein est un jeu qui a su se démarquer aussi bien par la manière dont le livre des règles est fait que par les règles elles-mêmes. Sans oublier bien sûr l’univers « steampunk » (ère de la vapeur) dans lequel vos personnages évoluent.

Le livre des règles se compose de deux parties. La première, en couleur, est un récit de 128 pages, raconté par Thomas Edward Olam(ou Tom Olam pour les intimes), celui là même qui disparut mystérieusement au cours d’une visite du château de Neuschwanstein. Cette section du livre permet surtout une parfaite mise en place très romanesque du décor. On y découvre les différentes espèces évoluant dans cet univers ainsi qu’une description géopolitique détaillée de la fameuse « Nouvelle Europe ». Les différences technologiques de ce monde avec le notre à la même époque (vers 1870) s’expliquent principalement par l’utilisation massive d’une énergie particulière : la vapeur. En Nouvelle Europe, les véhicules sont mus par la

vapeur, les armes sont à poudre et les mécanismes d’horlogerie sont extrêmement sophistiqués. L’autre grande différence est la présence d’êtres comme les Faë, humanoïdes provenant du Voile Féerique, mais également des sorciers appartenant à des guildes dont l’influence peut altérer les décisions politiques d’un roi, les nains, vivants en communauté que l’on rencontrera plus souvent dans les montagnes, les personnages de fictions (dans notre monde en tout cas) comme le célèbre détective Sherlock Holmes et son acolyte le Dr. Watson, ou bien le capitaine Nemo, ou encore le Dr. Victor Frankenstein en passant par le Comte Dracula ou Philéas Fogg. Et pour finir, les dragons. Eh oui, les dragons sont une espèce capable, par la magie, d’adopter une apparence humaine leur permettant de mieux s’intégrer à la société. Ils crachent le feu et tiennent une place des plus importantes dans la société de la Nouvelle Europe.

En résumé, Château Falkenstein est un cocktail composé d’un tiers du Seigneur des Anneaux, d’un tiers du Prisonnier de Zenda et d’un tiers de Vingt Mille Lieues sous la Mer. En d’autres termes, c’est un endroit bizarre.

LES REGLES DU JEU

La seconde partie, de 100 pages en noir et blanc, est exclusivement consacrée aux règles du jeu. Celles-ci sont des plus originales puisqu’il n’est pas question de dés. L’issue d’une action est déterminée par des cartes à jouer : un jeu de 54 cartes baptisé « Action » et un second jeu baptisé « Magie ». Ce système de jeu permet de gérer l’investissement physique ou intellectuel de votre personnage dans une action précise plutôt que dans une autre. Transposé dans un système de jeu conventionnel à dés, cela reviendrait à disposer de cinq jets de dés effectués par avance. Si l’action est d’importance moyenne, vous déciderez d’utiliser votre « 54 » préalablement obtenu. Si l’action est d’une extrême importance, vous choisirez plutôt le 07. Vous gérez donc le résultat que vous souhaitez utiliser pour votre action. Vous disposez dès le début du scénario de 5 cartes dont la couleur et la valeur détermine leur importance. Un « As » est l’équivalent d’un « 01 ». Chaque type d’action est lié à une couleur : le « Cœur » pour les activités romantiques et basées sur les émotions, le « Carreau » pour les activités intellectuelles et mentales, le « Trèfle » pour les activités physiques et le « Pique » pour les activités sociales et en rapport avec le statut social. Bref, si vous disposez des 4 As et d’un Joker, autant dire que vous êtes verni ! Le Joker peut prendre n’importe quelle valeur et couleur que vous souhaitez.

L’absence de feuille de personnage est la seconde originalité des règles. En fait, le joueur est invité à tenir le Journal Intime de son personnage, dont la première page sera consacrée à son apparence et à ses Talents (intellectuelles et physiques). Tout cela exprimé à travers un background romanesque à souhait.

A noter quelques magnifiques illustrations couleurs format A4 (certaines visible en petit format sur cette page) qui, photocopiées, pourront orner votre cache de jeu puisqu’il n’en existe pas.

Bien sûr, je pourrais continuer à vous parler de ce jeu des heures durant, mais il faut vous préserver une part de découvertes et de surprises si vous vous décidez à entrer dans le Château Falkenstein. Si vous ne le souhaitez pas pour vous alors, comme le dit si bien le capitaine Olam, faîtes-le « Pour le Roi et le Drapeau ! ».

Château Falkenstein est une marque déposé par R. Talsorian pour son jeu d’aventure à l’Ere de la vapeur. Tous droits réservés.

Copyright © 1995 Mike Pondsmith.

Edition française réalisée par JEUX DESCARTES.