Mark Finn a 17 ans et un royaume à sauver.
Aidé
de ses fidèles compagnons, un homme-chat, un bûcheron et deux
guerriers, il devra affronter des périls sans nombre, traverser une mer
capricieuse en compagnie d'un capitaine fou, rallier des armées,
maîtriser les pouvoirs d'un mystérieux cristal...Et, s'il a le temps,
Mark rentrera chez lui pour passer son bac.
Genèse d'un « Rêve » tenace
Une
nuit d'août 1987 mon ami chris et moi nous lançons dans l'écriture d'un
vaste roman d'aventures que nous appelons Rêve de
Cristal. Il s'ouvre
sur cette prophétie énigmatique:
«
D'un autre ailleurs, l'Elu viendra Fine
sera sa marque Un
morceau de cristal sans apparats Plus
puissant que flèches et arcs. » Saintes
écritures du grand Pskychadélik,Psaume 13, verset 2.
Quand on a 18
ans, c'est forcément sous influence qu'on se lance dans l'écriture d'un roman.
Le moteur, c'est souvent l'envie de reproduire un truc qui nous a plu. En fait,
on veut faire notre « truc » à nous. La claque qu'on a pris en
lisant un bouquin génial, on veut voir si on est capable de la rendre. Même
s'il n'y a personne en face. Pour la beauté du geste. Notre modèle, à
nous, c'est Le Talisman des Territoires,
de Stephen King et Peter Straub (paru en 1984). Un jour, mon companheiro et moi
on a dû avoir ce genre d'échange :
– Mec, j’ai fini Le Talisman... Génial ! – Tu m'étonnes ! Jamais rien lu de
pareil. – ‘Tain, faut qu'on fasse un truc
dans le même genre... – Je veux ! On commence ce soir ? – Ça roule !
Le héros du Talisman de King-Straub s'appelle Jack
Sawyer. En hommage au Tom Sawyer de Mark Twain. Parce qu’on est des petits
malins, on appelle le nôtre Mark Finn. Mélange de Mark Twain et d'Huckleberry
Finn – le copain de Tom. C'est à cette occasion que je me forge mon pseudo
: Stephen Bishop. J'ouvre un dico anglais-français. Le King c’est le roi, aux
échecs, je serai le fou (Bishop). C’était un peu pour rire, mais je l’ai conservé dans
plusieurs de mes textes. Pour Pocket, j’ai signé sous mon vrai nom. Sans doute pour
dire : fini la comédie ? La courte dédicace du premier volume en dit long
: « Ce livre est pour nous ! » On
attaque l'écriture comme un jeu. Dans le chapitre un, chacun écrit une
page (sur un cahier Clairefontaine à petits carreaux) et s'amuse à laisser
un suspens d'enfer à la dernière ligne. Charge à l'autre de se rattraper comme
il peut.
Ce premier chapitre nous plie en deux quand on le relit. Mais pas question de
s'arrêter là. Il faut qu'on égale le pavé du duo de choc américain. Et on le
fait ! Du moins, en nombre de pages... Ça nous prend deux ans. (D'Août 87 au 1er mai 89 à 22h30 pour être précis.) Chacun de
notre côté ; dans une ville différente ; un chapitre chacun, parfois deux ou
trois d'affilée. On se voit de temps en temps et on décide grosso merdo de ce
qui va arriver à Finn. Sans trop savoir où on va. On continue à s'amuser, on
essaye de faire marrer l'autre, de le surprendre. Et ça fonctionne. Parce qu'on
a envie de le mener jusqu'au bout, notre « truc. »
Question style, c'est écrit à la va comme je te pousse. (Encore aujourd'hui, relire
mes chapitres me fait grincer des dents...) Il y a un humour très potache, voire
dérisoire. C'est plein d'homme-tapirs, de créatures étranges appelées gnourfs,
bips ou vlurts. C’est bourré de private jokes. Nos références littéraires en
fantasy se limitent à... King-Straub, un peu aux dessins-animés Le Seigneur des anneaux ou Heavy Metal.
Donc, on invente un univers à nous, avec des bibliothèques aussi vaste
que le
monde, des villes dévorées par le désert, ravagées par des oiseaux
kamikazes ;
on y met des pirates, des hommes aquatiques, des centaures, des
hommes-oiseaux
(merci au capitaine Flam et au dictionnaire des symboles!), des
créatures aux mains de feu (qui viennent des Eaux de colère
d’Hermann)... On y fourre nos lectures du moment, même si ça
détonne avec la fantasy. Surtout avec les écrivains d'Ynotna qui
rendent hommage à des ricains que je lisais alors (et j'habite une
version inversée d'Ynotna, au fait.) Artis Fandini vient du Bandini de
John Fante, Efen Gnik de King, Hank Bukski de Bukowski et, un peu à
part, un frenchie, Pat Modino de Patrick Modiano, dont il emprunte
le phrasé heurté. Bon nombre de jeunes lecteurs ont dû être déconcertés
par cette petite bande qui a l'air sortie d'un livre plus adulte.
On crée des
personnages décalés, un rien déjantés, toujours pour faire marrer l'autre. Nos
héros tiennent debout et ont de jolies trajectoires : Mark Finn, un ado changé
en héros malgré lui ; ses amis : deux soldats chamailleurs mais soudés par
l'amitié ; un bûcheron débonnaire, un rien mélancolique et un homme-chat habile
et redoutable. Il y a un antagoniste étonnant qui, bien qu'invisible,
est au cœurdu
récit ; un dieu plutôt original ; des vilains pas
dégueux, voire à gueule d'ange – Roktès. (J'avoue avoir un faible
égoïste pour
ce dernier, vu qu'il est ma créature. Mon nom inversé le prouve.)
L'histoire ? Un classique : un jeune homme banal qui se retrouve plongé
malgré lui dans un
autre monde où il devra sauver une partie de la population et qui au
terme de
moult aventures découvrira ce qu'il y a de bon et de moins bon en lui.
Et puis un jour, c'est fini. On se lit le dernier chapitre, assis sur un banc
du vert galant, à Paris. C'est bien. Et c'est triste à la fois. On n'est pas
mécontents de nous. On a oublié qu'au départ on voulait imiter King-Straub. Au
final, c'est quand même très différent. C'est notre Talisman à nous. On a fait notre truc. « Do your shit »
comme disait ce bon vieux Coltrane. Le temps passe. Les cahiers
manuscrits
dorment des années au fond d’un tiroir. Quand on les feuillette, c'est
amusant,
mais un peu écrit avec les pieds. C’est parfois trop délirant et bourré
d'intrigues parallèles inutiles. Maintenant qu'on sait un peu comment
écrire des romans, on voit ce qui cloche. Et ça cloche pas mal. Le
style, surtout. Pourtant, il y a du potentiel dans notre Rêve de
Cristal. De bons personnages. J'en parle parfois à Chris
sur un mode nostalgique. Je
pense que ça ferait un bon bouquin. « Yep », il répond. « Mais y
a du boulot ! » Et un jour le gars Chris, sur un coup de tête, donne
l'impulsion, et se lance dans une réécriture. Il réécrit les premiers chapitres,
seul. Je prends le relai. En avant comme avant !
Enfin, le projet est accepté par Pocket
Jeunesse. Notre Rêve de Cristal a pris forme, même si le « Rêve » initial a
disparu pour devenir « Black. » On en est contents. Ce « péché de jeunesse »
a gardé quelque chose de juvénile, d'échevelé et d'arrogant. Un peu de notre enfance.
À présent, les 3 tomes sont disponibles en librairie (*). Après vingt ans
passées dans le noir, comme ces fleurs qui poussent dans les ravins, notre
matière brute, au départ mal polie et biscornue, a déployée de nouvelles facettes.
On espère qu'elle trouvera son chemin vers un peu de clarté. Peu de chance
que notre Black Cristal éblouisse le monde, mais nous, son petit éclat nous
plaît bien. Il rappelle les étincelles créatrice qu'on peut avoir à 18
ans. Si certaines s'éteignent aussitôt allumées, c'est parce qu'on a pas assez
soufflé dessus. Et nous, on a soufflé, je vous le garantis ! Stéphane Descornes (a.k.a. Bishop) quelque part vers 2011. Revu en 2024.
En
1989, juste après mon passage à l'école MJM, ce roman qui s'appelait
alors Rêve de Cristal fut
l'objet d'un projet de dessin-animé. Chris fit quelques dessins et moi
aussi de mon côté. Je poste mes dessins et croquis, dont mon préféré
reste cette gravure (gouache + trait sur Rodoïd, d'après une gravure
d'époque), où l'on retrouve, tout en haut Mark Finn (le héros de notre
histoire) "coiffé" de Malawi son ornito bleu ; et entouré de ses
fidèles compagnons : Numa, le bûcheron (qui brandit sa toque) ; Kat,
l'homme-chat, à poil, bien entendu : sur la gauche : Trévis,
l'homme à la crête qui souffle dans une sorte d'oliphant et
son
ami Dévon, le rouquin. Et à droite deux guerriers anonymes. J'aime bien
le petit Malawi, trompe au vent, sur la tête du héros ;-) (Cliquer sur
les images pour les agrandir.)
Gros
plan sur Malawi !
Un
homme-tapir, celui-là il a été réalisé à MJM pour
un exercice.
Etude
pour Numa, le bûcheron.
Etude
pour Mark Finn et son cristal. Le visage en bas à gauche est pompé sur Bourgeon. Le grand Mark au cristal, sur je ne sais
plus quel acteur.