Ode au tapir
Tour à tour porc, cheval, éléphant,
on prétend que le rhinocéros à corne d’azur
est ton frère.
Mais tu es unique,
et plus vieux que les hommes.
Avec ta trompe à tout faire
et qui s’allonge aussi
pas tant que celle du tamanoir,
mais quand même !
Dire que tu n’y vois rien,
ou presque rien.
Est-ce un jaguar,
un tigre ? une panthère ?
On s'en fout.
Vaut mieux ne pas moisir dans le coin.
Tu passes des heures, le nez au sol.
Tu sais tous les parfums,
le monde des plantes
n’a plus de secrets pour toi.
Tu marches parmi les fougères.
Tu avances au fond des rivières,
et tu connais le passé
de tout ce qui rampe,
vole ou nage.
C'est quoi cette odeur ?
Ah ! C'est juste un binturong qui passe.
Qu'est-ce qu'il fait par ici ?
Il a du se perdre.
« Eh toi ! »
Disparu.
« J’ai du rêver. »
Souvent je t’imagine,
qui marche dans la forêt
– seul. Toujours.
Avec ta trompe, Tapir.
Je te vois à Sumatra :
noir comme la nuit.
Tapir laineux des Andes.
Tapir de Baird, à l’antre bourbeux.
Tapir de Malaisie, bicolore et passe-partout.
Je t’aime !
On se ressemble toi et moi.
Les Mayas le savaient bien,
qui peignaient des hommes tapir
sur les murs de leurs temples.
Je ne serais pas étonné de m’y voir peint.
Le matin arrive.
Et tu t’en fous.
Je te vois,
tapi sous un tas de ramilles.
Endormi.
À quoi rêves-tu ?
Tapir, mon beau Tapir.
À quoi rêves-tu ?
(vers 1988-1989)
Retour
au sommaire : Ici