Boussole ancienne
Carnets de voyage. Ici, les récits de nos pérégrinations.

Région Autonome du Tibet.


Du 15 au 19 juillet 2010

Lhassa


L'enfer pour y arriver, par le train Pékin-Lhassa. Ceux qui ont voyagé en Chine en train "Classe sièges durs" doivent savoir ce que c'est. A 130 dans un wagon de 98 places assises, les personnes avec billets "debout" occupent l'allée centrale et s'y couchent, les espaces à chaque extrémité du wagon sont pris d'assaut, les lavabos servent de sièges, au bout de 2 heures les toilettes débordent. A peine installés sur nos sièges, on assiste au va et vient des voyageurs qui préparent leur dîner, des nouilles déshydratées essentiellement. Ils vont chercher l'eau chaude et bientôt tout le wagon est envahi par les effluves épicées de ces préparations de "fast-food" à la chinoise. Cela va durer 46 heures. C'est incroyable ce que les chinois peuvent ingurgiter comme nourriture, et ils ne sont même pas (encore) gros! Il nous est quasiment impossible de dormir, d'autant que les sièges ne sont pas inclinables. Que cette première nuit fut longue! Mais le pire était à venir. En effet, l'agence de Pékin n'avait pu nous obtenir que des billets jusqu'à Xining, soit la moitié du trajet, nous assurant que nous pourrions acheter le billet complémentaire Xining-Lhassa dans le train. Or à l'arrêt de Xining à 18 h le lendemain, lorsque je fais ma demande à l'employé du wagon, il m'adresse à son chef qui fait appel à sa responsable qui me dit qu'il n'y a pas de billets disponibles, que le train est complet et que de toute façon les étrangers ne sont pas autorisés à voyager en classe sièges durs et encore moins avec des billets "debout" dans ce train pour Lhassa pour des raisons de sécurité. Nous devons descendre du train avec nos bagages. J'arrive à enfoncer un coin dans son argumentation en disant que nous sommes bien arrivés jusqu'ici sans problème.


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Accueil à la gare de Lhassa.

Je mets ma fierté dans ma poche et je la supplie de bien vouloir reconsidérer notre cas, que nous faisons un voyage très important pour nous et que nous comptons sur l'amitié sino-française pour résoudre ce problème, tout cela en anglais. Entretemps le train est reparti et elle me dit que nous devrons descendre au prochain arrêt qui aura lieu le lendemain matin vers 6 h. Tout cela est entrecoupé par des appels que je fais via mon portable à notre amie Guimei, qui reprend mon argumentation en chinois, je passe le téléphone à la responsable. Finalement, elle appelle le "boss" responsble du train, rien de moins, et lui fait part de la situation. Celui-ci décide de ne rien décider immédiatement et de consulter son staff. Il nous dit d'aller nous reposer au wagon-restaurant, ce que nous faisons. Inutile de dire que le dîner ne fut pas joyeux. On aurait pu rêver de passer une meilleure soirée de 14 juillet! Au bout d'une heure, le contrôleur-caissier vient nous dire qu'il peut nous vendre des billets debouts. On accepte bien sûr et il ne nous reste qu'à nous trouver des places. La chance ne nous abandonne pas et des chinois super sympas nous proposent des places miraculeusement libres dans le wagon suivant. Nous terminerons le trajet avec eux, toujours aussi inconfortablement, mais au moins assis. Le reste, le passage du col de Tangulla à 5200 m n'est qu'une péripétie de plus, je sens les effets de l'altitude, mais je ne prends pas d'oxygène, Chantal non plus et c'est avec un léger mal de tête que nous arrivons à Lhassa où notre guide nous accueille avec la traditionnelle "Hada", l'écharpe de bienvenue au Tibet. Arrivés à l'hôtel nous nous écroulons comme une masse jusqu'au lendemain matin. Chantal m'a dit qu'il y avait eu un orage, mais je n'ai rien entendu.
Lhassa est une ville située à 3650 m enchâssée au milieu de montagnes abruptes. La ville s'étire en longueur suivant le lit de la rivière Lhassa. C'est le berceau du bouddhisme tibétain et les monastères ou lamasseries y sont nombreux, en plus de compter le fameux palais du Potala, résidence du Dalaï-Lama jusqu'en 1959. Les tibétains préservent leurs traditions et leur langue, ainsi que la pratique de leur religion. On a pu s'en rendre compte en visitant les monastères situés sur les contreforts de la ville et la ferveur des nombreux pélerins qui fréquentent ces lieux saints. Notre guide tibétain, Tse Ring, nous a beaucoup appris sur le bouddhisme tibétain, son histoire et ses rites.


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Au Monastère de Sera, dans le jardin des débats.

Nous avons particulièrement apprécié le rituel quotidien des moines dans le "Jardin des débats" au monastère de Sera, où ils se confrontent dans leur connaissance de la religion et des écritures saintes bouddhiques. Les moines sont honorés et les offrandes aux autels et devant les statues des Bouddhas sont nombreuses, malgré la pauvreté visible des pélerins.
Les tibétains sont facilement reconnaissables à leur teint foncé et leur visage buriné par l'air des montagnes en plus de leur costumes traditionels, de leur langue et de leur habitude à porter des chapeaux et des ombrelles, tant les hommes que les femmes. Ce qui les distingue le plus de notre point de vue, c'est leur éternel sourire et leur gentillesse dès qu'ils croisent un étranger, et je crois que ma barbe claire et mes moustaches font fureur auprès d'eux, de même que les cheveux de Chantal. Beaucoup nous accostent pour nous souhaiter bon voyage au Tibet et bonne chance.
L'étape suivante est la visite du Potala Palace, dont nous gravissons les marches dès l'ouverture. La vue sur Lhassa est magnifique malgré le temps un peu gris. L'intérieur de la mythique demeure du Dalaï-Lama est à l'avenant. On voit toute la palette des ornements bouddhistes, des statues de Bouddhas dorés de toutes tailles, des fresques vieilles de trois siècles, des tangkas, des mandalas, des stupas et des stupas-tombes des Dalaï-Lamas en or massif. Le bâtiment de plus de 1000 pièces est en lui-même impressionant du haut de ses 117m, dominant Lhassa.


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Le Potala.

Puis c'est au Temple Jokhang que nous allons pouvoir mesurer la ferveur des pélerins tibétains et aussi chinois qui viennent faire leurs dévotions dans le temple qui est au coeur de Lhassa mais aussi de la religion Bouddhiste Lamaïste. Les explications de Tse Ring sont très documentées et on sent qu'il est passionné par le sujet. Nous sommes étonnés de l'enthousiasme avec lequel de jeunes tibétains travaillent sur leur temps libre à damer le sol des toits du temple en chantant et en dansant. Nous finissons la journée en déambulant dans les innombrables boutiques de Barkor Market Street entourant le Temple Jokhang. On pousse même jusqu'au quartier musulman et la mosquée.


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Le lac Namtso


On s'est laissé tenter par une petite expédition de 200 km au lac Namtso, le lac salé le plus haut du monde, 4718 m quand même. On est parti de Lhassa en voiture car il y a une très bonne route qui y mène, la route 109 qui elle, culmine, à 5100 m. Cela fait drôle de redescendre vers le lac qui est à peine moins haut que le Mont-Blanc. A cette occasion (je ne compte pas le passage du train Pékin-Lhassa au col de Tangulla à 5200 m) nous avons battu notre record d'altitude qui pour moi se situait aux alentours des 3000 m, quand je faisais du ski aux Deux-Alpes, il y a plus de trente ans. Nous nous sommes arrêtés en chemin dans un village pour déjeuner avec notre guide et notre chauffeur d'un super repas chinois avant d'attaquer la montée du col de Lagenla aux pieds des montagnes du même nom, avec des sommets voisinant les 6500 m. En sortant de la voiture pour admirer le paysage, la tête nous tournait un peu et les jambes semblaient lourdes. Heureusement qu'on avait les jours d'acclimatation à Lhassa. Mais le temps était au beau, j'étais en chemisette et je n'avais pas froid du tout. Le lac en lui-même est d'un bleu magnifique, et il est situé dans une réserve protégée, on passe plusieurs point de contrôle.


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Le lac Namtso.

Mais en plus d'être un site naturel exceptionnel, le lac Namtso est un lieu saint du bouddhisme tibétain et les fidèles sont nombreux à venir y faire leurs dévotions. Bien qu'un peu essoufflés, nous y avons fait un bon petit parcours avant de prendre le chemin du retour. Sur le chemin de l'aller et du retour on a vu des paysages magnifiques, des sommets enneigés, des troupeaux de yacks sur les pentes des montagnes, on se demande comment ils ne déboulent pas de leur pâturage? On a vu les habitations des tibétains nomades, des tentes faites avec de la laine de yack super isolante, paraît-il. Et aussi les maisons en pierre et en brique avec cour fermée et porte sculptée et peinte, avec le stock de bouse de yack en train de sécher pour servir de combustible. On a même croisé des pélerins qui se rendaient au Temple de Jokhang à Lhassa et dont le voyage peut durer plusieurs mois. En plus rapide et plus conventionnel, on a aussi croisé le train Lhassa-Pékin que nous prendrons demain pour Xian. Le soir, nous sommes retournés devant le Potala pour prendre des photos de nuit, avant de rentrer pour boucler nos sacs. Cette fois nous avons des billets pour la destination finale en classe couchettes dures.
Notre séjour au Tibet s'achève. Certes, nous n'avons pas fait le parcours d'Alexandra David Neel et de Tintin, pas rencontré de grand lama ni le yéti, mais le Tibet était une des destinations prioritaires de notre tour du monde. Mais nous pouvons nous faire une petite idée de la vie difficile de ce peuple et j'espère qu'il gardera les valeurs de générosité, d'hospitalité et de gentillesse que nous avons pu rencontrer en si peu de temps ainsi que ses traditions.


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