Cours 5.1
enseignant Marcin Sobieszczanski
2008/2009
Suite de l'article « Cybernétique » de Encyclopædia Universalis
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En
voici quelques exemples. Les machines à transmission (téléphone, radio,
ondes dirigées, commande à distance) transportent une information d'un
point de l'espace à un autre. Les machines à calculer, analogiques ou
numériques, résolvent des problèmes, mathématiques ou logiques,
conformément à des règles, à partir d'informations données. (Il faut y
rattacher les machines à traduire, les machines à jouer aux échecs, les
machines capables d'apprendre, etc.) Les machines à comportement
s'adaptent à une situation extérieure et y répondent d'une manière
appropriée conformément à certains critères. Un très bel exemple d'une
machine de ce genre nous est fourni par les « tortues »
de Grey Walter, petits automates capables d'un comportement fort
complexe (doués de « réflexes conditionnés », ils peuvent
« apprendre » de nouvelles conduites). Les types les plus
importants de machines à comportement sont les dispositifs
stabilisateurs et les machines téléologiques. Les stabilisateurs
assurent la régulation de systèmes comportant un certain nombre de
degrés de liberté : ils contrôlent une ou plusieurs des variables
qui caractérisent le système et les maintiennent au voisinage d'une
position d'équilibre, qui est assignée à l'avance. Un exemple fort
intéressant de stabilisateur est fourni par l'homéostat d'Ashby, lequel
est à vrai dire un autorégulateur : c'est un appareil constitué de
circuits électriques, possédant un nombre élevé de degrés de liberté,
et capable de reprendre lui-même sa position d'équilibre lorsque des
perturbations lui sont appliquées de l'extérieur. Les machines
téléologiques sont des systèmes capables d'accomplir une certaine
tâche. Ici il ne s'agit plus de maintenir un équilibre, mais de
poursuivre un but en s'adaptant aux situations. On peut proposer comme
exemples la machine à lire (qui doit « reconnaître » des
lettres, quelle que soit l'écriture adoptée), le poste de tir
antiaérien automatique, la fusée chercheuse, la machine-transfert (qui
accomplit une tâche complexe, faite d'une série ordonnée d'opérations).
La caractéristique la plus frappante de ces
différentes machines, c'est qu'elles se présentent comme des
automates : ce sont des systèmes matériels qui effectuent des
opérations plus ou moins complexes, conformément à certaines normes,
sans intervention humaine. Certains automates ont pour finalité de
fournir de nouvelles informations à partir d'informations
données : c'est le cas des calculateurs. D'autres ont des
finalités de nature différente : par exemple la machine-transfert
a pour fonction de façonner des pièces répondant à un modèle donné.
Tous, cependant, utilisent de l'information dans leur fonctionnement.
Un automate met en effet en œuvre un programme et doit être capable de
contrôler ses opérations. Or un programme est une suite d'instructions,
indiquant des opérations à effectuer dans un ordre donné : c'est
bien un ensemble d'informations. Et, d'autre part, les mécanismes de
contrôle sont basés sur la rétroaction. Or le schéma général de la
rétroaction doit être décrit en termes d'information. Soit une
opération consistant à transformer une variable a en une variable b (par exemple de l'énergie électrique en chaleur). Cette opération établit une certaine liaison entre a et b. On se propose de maintenir b au voisinage d'une valeur fixe v. Il
faut pour cela un instrument de contrôle (Par exemple, si on veut
maintenir à peu près constante la température d'un fer à repasser, on
lui incorpore un thermostat). Cet instrument « mesure » à
chaque instant la valeur prise par b et transmet cette information à un organe de commande qui, compte tenu de la liaison existant entre a et b, modifie a dans la proportion nécessaire pour faire varier la valeur de b dans le sens voulu (accroissement ou diminution).
C'est donc bien la notion d'information qui
apparaît comme centrale. L'information intervient sous trois
formes : en tant qu'objet soumis à des opérations (par exemple,
dans un calculateur), en tant que programme, en tant que médium de la
régulation. Mais, dans les trois cas, nous avons affaire à une
élaboration transformatrice : dans le premier, il en est ainsi par
définition ; dans le deuxième, parce que l'automate transforme le
programme fourni en configurations diverses (qui représentent des
informations) ; dans le troisième, parce que tout dispositif de
contrôle transforme des informations reçues en instructions pour un
organe d'exécution, et donc en informations. Le problème scientifique
essentiel qui se présente donc, dans l'étude des machines du troisième
genre, est celui du traitement de l'information. Comme l'un des aspects
importants de ce problème concerne l'analyse des mécanismes de
régulation, on comprend qu'on ait donné le nom de cybernétique à la
science chargée d'étudier le comportement des automates. Dans la
mesure, en effet, où un système est muni de mécanismes de régulation,
il peut contrôler son propre fonctionnement et donc se gouverner
lui-même. C'est bien là la propriété essentielle de l'automate. On
pourrait donc dire que la cybernétique est la science des actes
contrôlés.
À première vue, seules les machines à calculer
et les machines à comportement relèvent d'une telle étude. Cependant,
les machines de transmission peuvent également utiliser la
cybernétique, car leur action ne consiste pas simplement à déplacer une
information d'un endroit dans un autre, mais à soumettre une
information donnée à toute une série de transformations qui doivent
être contrôlées pour que l'on puisse, à l'arrivée, reconstituer une
information qui ne soit pas trop différente de l'information de départ.
Par ailleurs, le transport d'information peut s'effectuer selon un
programme : il existe des automates transmetteurs.
En tant qu'elle étudie les opérations
contrôlées, la cybernétique permet de développer des analogies fort
instructives entre les automates et d'autres systèmes : système
nerveux, systèmes vivants, systèmes de comportement, szstèmes sociaux.
Il ne s'agit, bien entendu, que d'analogies, car ces divers systèmes
ont une constitution fort différente de celle des automates et
possèdent des propriétés que l'on ne retrouve pas dans les automates.
Mais on peut rapprocher ces systèmes en considérant leur mode de
fonctionnement : ils présentent, de ce point de vue, une certaine
communauté de structure qu'il appartient à une théorie générale de
dégager. La cybernétique se trouve ainsi au point de rencontre de
plusieurs disciplines : mathématiques, logique, électronique,
physiologie, psychologie, sociologie. Mais si elle occupe cette
position, ce n'est pas du tout en tant qu'elle fournirait des principes
synthétiques permettant de rassembler ces diverses sciences dans un
édifice théorique commun, c'est seulement en tant qu'elle isole un
certain ordre de phénomènes que l'on retrouve dans les systèmes
concrets étudiés par les sciences empiriques et pour l'étude desquels
les mathématiques et la logique fournissent des outils d'analyse
appropriés.
Le véritable objet de la cybernétique est
d'ordre abstrait ; elle ne s'intéresse pas aux systèmes concrets
qui opèrent sur de l'information, en tant que tels, mais à la structure
logique de leur fonctionnement. On pourrait définir cet objet comme la
logique des automates, ou encore comme l'ensemble des propriétés
formelles des automates. Il convient donc de distinguer la cybernétique, prise au sens strict, de la théorie de l'information,
qui construit une définition quantitative, purement objective, de la
notion d'information, et étudie, sur cette base, les problèmes relatifs
à la manipulation effective de l'information dans des systèmes
physiques (codage, décodage, stockage, transport, filtrage, etc.) Dans
un automate concret, l'information traitée doit être représentée par
des signaux de nature physique (par exemple, des impulsions
électriques). L'étude de la transmission de ces signaux devra se faire
à la lumière de la théorie de l'information. Mais on pourra étudier les
transformations systématiques auxquelles sont soumises les informations
représentées par ces signaux en faisant complètement abstraction de ces
derniers : c'est là précisément le point de vue de la cybernétique.
On a créé, pour spécifier le champ propre de cette discipline, la notion d'automate abstrait. L'automate
abstrait représente en quelque sorte l'aspect purement logique des
automates concrets - et des systèmes qui leur sont analogues.
C'est un système qui transforme (en un temps fini) un signal donné,
appelé signal d'entrée, en un autre signal, appelé signal de sortie. C'est
donc tout simplement un transformateur d'information. Les signaux
d'entrée et de sortie peuvent être discrets ou continus. Mais, dans la
plupart des cas, on peut donner une approximation convenable d'un
signal continu par un signal discret. L'étude des automates à signaux
discrets est donc particulièrement importante. Un signal discret peut
être assimilé à un mot, c'est-à-dire à une suite de signes prélevés dans un ensemble fini de signes, appelé alphabet. Un
automate de type discret est donc un dispositif qui transforme des mots
en d'autres mots. L'analyse de ces transformations relève de la théorie des algorithmes (qui
est elle-même une des branches de la logique mathématique). Un
algorithme est une loi de correspondance, définie de façon
constructive, qui associe à tout mot formé au moyen d'un alphabet
déterminé un mot formé au moyen d'un autre alphabet (éventuellement
identique au premier). Par ailleurs, certains outils analytiques (comme
la théorie de l'intégrale de Fourier et de ses transformations,
utilisée pour l'analyse des signaux de caractère périodique) permettent
d'étudier les automates à signaux continus.
La cybernétique apparaît donc, finalement,
comme la science des automates abstraits ; comme telle, elle
constitue simplement un développement de certaines branches relevant de
la logique mathématique ou de l'analyse mathématique.
Écrit par Jean LADRIÈRE