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Une rambarde...
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Blue Wednesday, le reste est ailleurs
ou la terrible vacuité d’un monologue mental

Je vais essayer de vous parler de mon travail plus que de moi-même, cependant, comme ne l’annonce pas le titre, vous devrez subir les assauts tout puissants d’une subjectivité indomptable.
Avant de plonger dans les eaux inquiétantes d’une maladroite présentation en vous offrant non pas un ballet nautique mais quelques éclaircissements sur les raisons qui me guident ou me perdent dans le domaine de l’art, permettez-moi de chausser des palmes grace à la citation suivante :

“En vérité, je n’ai jamais choisi un sujet de film. J’ai laissé une idée entrer dans ma tête, grandir et se développer, j’ai pris des notes et des notes et , au moment où je me sentais envahi : en avant... C’est une manière de procèder, non par choix ou par adoption, mais par envahissement progressif.”

extrait de la correspondance de François Truffaut.

En ce qui me concerne, l’envahissement progressif dure depuis 35 ans, ce qui ne m’empêche pas d’être un fervent adepte de la paresse intellectuelle et de la contemplation gratuite. Je me délecte à comprendre approximativement les choses inhérentes à ma vie d’artiste, et à la vie en général, cela me permettant d’avancer par cercles concentriques, mais à tatons, vers un point de fuite opaque et mouvant. J’ai souvent l’impression de passer d’une idée à l’autre en m’arrêtant parfois sur un médium sans pour autant
l’investir totalement. Mais au fait, pourquoi devrais-je légitimer l’instant présent en le figeant dans une démarche créatrice tellement calibrée qu’elle n’en deviendrait qu’une affirmation plastique de plus dans un monde qui vomit sans discontinuer du sens et du contre sens? La fuite en apesenteur, certes dans une obscurité galactique n’a-t-elle pas de propriétés plus excitantes qu’un simple tour de manège à la fête foraine, vous laissant un arrière goût de frustration, mèlé à une envie de rendre post-popcorniène ?
Non, décidément, je ne sais naturellement faire qu’une chose, c’est du remix-global, de la synthèse expérimentale d’idées, de formes, de couleurs et de sons, en temps réel, avec parfois une séance d’enregistement improvisée, immédiatement rangée et répertoriée pour être exumée le moment venu, lors d’une tentative de création.
Au fil du temps, les projets plastiques réalisés avec plus ou moins de succés forment un paysage que l’on peut comprendre de différente façon suivant l’angle selon lequel on le considère et la saison durant laquelle le parcours a lieu.
Vu d’en haut , je pourrais aussi ressembler à un personnage jouant seul à l’avion, les bras étendus, la bouche grande ouverte, les yeux écarquillés, les oreilles aux aguets, hanonnant à voix basse un refrain électro-bucolique que tout le monde aurait déjà oublié. Certes, l’avion n’est pas le plus sur moyen de garder les pieds sur terre mais pourquoi marcher droit dans un sens qui conduit inévitablement vers la même porte de sortie que le voisin de palier?
J’espère que vous le comprenez, je ne veux pas trop envisager mon travail dans sa
globalité, pour l’instant, ça ne m’intéresse pas et moins j’en sais, plus j’en fais en n’ayant pas l’impression d’en faire, tout en me disant que je fais quelque-chose de terriblement important mais que je ne comprends pas. Je n’aime pas travailler, je m’ennuie trés facilement, de ce fait, je me retrouve avec une production variée, fabriquée dans la douleur, fragile, plus ou moins aboutie dont je ne sais pas vraiment quoi faire. Nihilisme j’écris ton nom. Je suis littéralement accablé de doutes grandissants sur l’avancée et la pertinence du chantier artistique que j’ai entrepris depuis quelques années. Cependant, une chose me parait sûre, c’est qu’il m’est impossible d’arrêter de chercher à redéfinir sans-cesse les frontières de mon univers mental en pratiquant le dessin, la couture, le collage, l’écriture, le dessin-mural, la peinture, la vidéo, la musique, l’action vestimentaire ou la performance. J’essaie de créer un vocabulaire d’objets, de formes, d’images et de sons ou d’attitudes qui seraient à même de rendre compte de mon état moral du moment, de la compréhension que j’ai de moi-même à l’instant où je pense et fais les choses. En effet, il s’agit bien là de pure subjectivité qui m’anime lorsque j’attrape une idée qui passe et que j’essaie de la customiser pour la rendre compatible avec une écurie de métaphores bancales, de contes poivrés ou d’images naïves. Mais déjà à ce niveau là de la représentation, le sens premier qui peut émaner de mon travail (ce sens que je ne sais pas nommer, cette matrice sémantique, cette âme plastique enregistrée sous X ou dans dossier sans titre) n’apparait plus qu’en différé, et la dimension précieuse, rare, euphorique, celle que j’éprouve lorsque je trouve une nouvelle idée, n’est plus qu’un echo lointain. Il ne me reste alors qu’une solution de remplacement pour faire l’interface entre ma conscience et l’extérieur :
c’est le SI ou le “on dirait que”.
Oui, j’utilise avec conviction et depuis le plus jeune âge les fonctions schizophrènes de mon esprit, celles qui n’ont pas appris à communiquer de façon conventionnelle avec le monde extérieur et qui n’ont que mes deux mains pour s’exprimer. Aurais-je pu faire autre chose que de l’art ? quel intéret de le savoir car au delà du côté plaisant à bricoler avec tout et n’importe quoi en étant conscient que c’est peut-être bien ou intéressant pour quelqu’un d’autre que pour soi même, il y a un état de survie que j’essaie
d’entretenir pour repousser la pulsion de mort qui sous-tend mon équilibre artistique et humain.
Non, je ne suis pas plus suicidaire que Ian Curtis, Kurt Kobbain, Nicolas de Staël ou toute personne qui fume trop, boit trop, mange trop et regarde TF1 plus de 30 secondes par jour. Mon travail prend simplement racine dans un passé qui ne fut qu’une absolue tentative d’échapper à une réalité vulgaire et insipide. De ce fait, l’ accumulation des envies créatrices qui m’animaient inconsciemment durant la première moitié de ma vie ne pouvait logiquement trouver son accomplissement que dans le domaine des arts
plastiques au sens trés large du terme.
La quète de sensations par la création continue à guider mes recherches plastiques dans les domaines qui ont constitué les bases d’un monde imaginaire vécu de l’intérieur, dédié au rêve sous tous ses aspects et réfractaire à toute forme d’ambiance générale ou de marche à suivre.
Vivre et créer par défaut, telle est ma devise. Essayer de développer une démarche générée par l’incertitude, dont les points d’encrage mobiles s’inscrivent aussi bien dans une réalité empirique que dans un onirisme congénital. A ce petit jeu, on n’est jamais totalement déçu, et pour conclure, je vous tirerai ma révérence par une dernière citation du situationiste Raoul Vaneigeim extraite de son Traité de savoir vivre à l’usage des jeunes générations, paru en 1967 :

“La représentation est terminée, le public se lève. On cherche son manteau pour rentrer à la maison, on se retourne, plus de manteau, plus de maison.

Marseille le 28 janvier 2002.

A.F.A.A
18th Street Art Center