d'après un texte de Georges Pillement, extrait de "Les environs de Paris inconnus" 1961 - Grasset

Plan de l'abbaye de Port-Royal

Il y eut d'abord, dans ce vallon qu'on appelait "Porrois", une chapelle dédié à Saint Laurent. Elle est à l'origine de l'abbaye de Sainte-Marie de Porrois, fondée en 1204 par Mahaut de Garlande, fille de Mathieu de Montmorency, Seigneur d'Attichy, avec l'appui d'Eudes de Sully, évêque de Paris.

Elle passa, en 1225, sous la juridiction de Cîteaux qui avait déjà une abbaye près de là, aux Vaux-de-Cernay.

La bulle de fondation, en latin, traduisit exactement "Porrois" en "de Porto Regio", ce qui, retraduit en français, donna "Port-Royal".

L'abbaye reçut des donations considérables de la part de Saint Louis et des seigneurs de Montfort, de Lévis, de Marly. Mais elle eut à souffrir des guerres et à la fin du XVIème siècle, le monastère, au dire de Racine, "était tombé dans un grand relâchement; la règle de Saint Benoit n'y était presque plus observé, et l'esprit du siècle en avait entièrement banni la régularité".

 

la réforme vint d'une toute jeune fille, Jacqueline-Angélique Arnauld, une des six filles d'un célèbre avocat au parlement de Paris, Antoine Arnauld, qui l'avait fait nommer abbesse de Port-Royal alors qu'elle avait à peine onze ans. C'est à la suite du sermon édifiant d'un capucin "sur le bonheur de la vie religieuse", quand elle avait dix-sept ans, qu'elle passa soudain d'une existence mondaine à une vie de privation et d'humilité. "En moins de cinq ans, la communauté de biens, le jeûne, l'abstinence de viande, le silence, la veille de la nuit, et enfin, toutes les austérités de la règle de Saint Benoît furent établies à Port-Royal".

Sa famille est effrayée par son ascétisme. Elle ne consent à recevoir les observations de son père, à qui elle a refusé l'entrée du couvent, qu'à travers la grille de la clôture. C'est ce qu'on appelle la journée du Guichet, le 25 septembre 1609. En quelques mois, l'abbaye de Port-Royal est devenue célèbre. Les religieuses essaiment à travers la France pour porter la réforme dans d'autres monastères. La mère Angélique se rend à l'abbaye de Maubuisson qui est alors l'objet de scandales causés par l'abbesse Angélique d'Estrées, soeur de la maîtresse de Henri IV, qu'il faut expulser par la force. La renommée de Port-Royal fait naître de nouvelles vocations : les propres soeurs de la mère Angélique, sa mère qui est devenue veuve, la tante de Racine, la soeur de Pascal, la fille du peintre Philippe de Champaigne.

Mme Arnauld achète à la communauté une maison dans le faubourg Saint-Jacques où les religieuses s'installeront abandonnant jusqu'en 1648 la première abbaye qu'on appelle désormais "Port-Royal des Champs".

 

En 1636, les religieuses prennent comme directeur spirituel Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, savant théologien acquis aux idées de Jansénius et qui entraîne Port-Royal dans le mouvement janséniste. Des disciples de Saint-Cyran, tous hommes de haute vertu, de grand savoir et de caractère, viennent s'installer à la maison des Granges, élevée auprès du monastère. Il y a les trois frères Lemaistre, neveux des Arnauld; l'un est un avocat célèbre à vingt trois ans; le second est officier, le troisième, Lemaistre de Sacy est connu pour ses traductions de la Bible et de Terence; il y a Lancelot le grammairien, Pierre Nicole, l'auteur des "Essais de Morale" que Mme de Sévigné prônait à l'égal des "Essais" de Montaigne, Antoine Arnauld, le fils, dit le "Grand Arnauld", Arnauld d'Andilly, Pascal, Domat le physicien, Jean Hamon.

Ces hommes éminents se livraient, par délassement, à des travaux manuels, maçonnant, cultivant, fabriquant des sabots pour les pauvres, ou instruisaient de jeunes disciples parmi lesquels il y avait Jean Racine qui vint y faire ses humanités et y écrivit ses premiers vers, Le Nain de Tillemont, les frères Bignon etc.

Antoine Arnauld, dit Le Grand Arnauld

 

Pascal

De leur côté, les religieuses des Champs s'adonnaient à l'éducation des jeunes filles et Racine nous trace, en parlant de Port-Royal, le tableau idéal d'une maison chrétienne : "la simplicité de l'église, la modestie des domestiques, la solitude des parloirs, le peu d'empressement des religieuses à y soutenir la conversation, leur peu de curiosité pour savoir les choses du monde, et même les affaires de leur proches le travail sans relâche, la prière continuelle " à quoi s'ajoutaient la charité et le secours aux miséreux des campagnes environnantes.

Des personnes de la plus haute noblesse fréquentaient assidûment la maison des Champs. Le duc de Luynes s'était fait bâtir le château de Vaumurier, la duchesse de Longueville avait son hôtel non loin du cloître, le duc et la duchesse de Liancourt, Melle de Vertus logeaient parfois dans les chambres réservées aux voyageurs, la princesse et la marquise de Guéménée, le duc de Roanne comptaient parmi les hôtes accoutumés des religieuses.

 

Les jésuites, qui regardaient l'éducation de la jeunesse comme leur privilège, virent d'un mauvais oeil les "petites écoles" de Port-Royal, aussi n'épargnèrent-ils rien pour les faire fermer. La querelle du jansénisme se prolongea avec des alternatives diverses jusqu'au début du XVIIIème siècle. L'abbaye des Champs, séparée depuis 1669 de Port-Royal de Paris, ne comptait plus, en 1705 que vingt-cinq religieuses dont la plus jeune avait soixante ans.
Condamnée par Rome, elles reçurent la visite, dans la nuit du 28 au 29 octobre 1709, du lieutenant de police d'Argenson à la tête de trois cents mousquetaires. Il rassembla les religieuses "pures comme des anges, mais orgueilleuses comme des démons", leur fit lecture des lettres de cachet ordonnant leur expulsion et les fit monter dans divers carrosses qui les emmenèrent en différentes communautés.
Les bâtiment vides qui avaient reçu une garnison, furent démolis un an après. Et suprême profanation, stupide outrage de la haine, le 9 décembre 1711, les corps inhumés au cimetière du couvent, au nombre de trois mille , furent déterrés empilés et jetés dans des tombereaux pour être inhumés dans une fosse commune au petit cimetière de Saint-Lambert, tandis que le curé de Magny-Les-Hameaux achetait les dalles pour réparer son église.
Il y a le site, il y a les ombres illustres que ce site permet d'évoquer et le vide crée par la haine et la bêtise des hommes.

 

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