Chapitre I

L'aube se levait ; d'épaisses nappes de brumes continuaient de se disperser.
Le soleil blafard pointant à l'horizon ne suffisait pas à le réchauffer.
La rosée et le froid, avaient tétanisé tous ses muscles.
Fuérix avançait dans ce petit matin. Il était grand, il avoisinait le mètre quatre-vingts. Il avait les cheveux châtains clairs, des yeux noisette et un regard profond et rempli de détermination. Musclé harmonieusement, sa force physique contrastait étonnamment avec la finesse de son visage.
Mais là il était extenué, il n'en pouvait plus ! Et pourtant, le but était si proche maintenant. Plus que deux lieues à parcourir et la rivière à traverser pour atteindre la pierre plate. Il avait réussi à prendre de l'avance sur ses poursuivants ; mais il fallait continuer, avancer ; sinon ….
Mais ses jambes ne pouvaient même plus le porter ; cela faisait déjà des heures qu'il ne marchait que grâce à sa volonté. Il se laissa tomber, il pouvait bien s'accorder deux minutes de repos. Il se souvenait à présent, de la suite d'évènements qui l'avaient amené jusqu'à cette fuite éperdue, vers la vie, vers la liberté ; ou vers sa perte.

Il se rappelait ce moment sublime, où il l'avait vue pour la première fois.
Elle se tenait fièrement, une dague à la main, faisant face à deux chiens de guerre.
Il n'avait eu aucun mal à en venir à bout, avant qu'ils ne la mettent en pièces.
Il avait été frappé par cette vision magique, lorsqu'elle avait tourné son visage vers lui. Il s'était cru foudroyé lorsqu'il avait croisé son regard. Il eut même peur d'offenser les déesses, en se surprenant à comparer leur beauté.
Oui elle était belle, même au-delà de l'imaginable, mais ce n'était pas le plus important, il se dégageait d'elle une aura de bonheur, de plénitude, d'amour.
Au début il avait cru que Diane, la déesse de la chasse, lui était apparue ; maintenant il voyait bien qu'elle était réelle et mortelle. Mais il n'arrivait toujours pas à calmer son cœur.
Elle lui parla, d'une voix de cristal, il crut que le monde s'écroulait.
Elle s'appelait Belisama, elle était la fille du chef Alboirix de la tribu des Trog Uatach ; elle avait été séparée du reste de son clan par l'attaque sauvage et brutale des Formoîrés. Elle cherchait à rejoindre les siens et avait besoin de protection. Leurs clans respectifs étaient alliés, il se devait donc de l'aider, mais n'y avait-il que ça ?
Il se présenta à elle, il était Fuerix, fils de Durix le forgeron légendaire, membre et premier guerrier de la tribu des Atrenates. Il l'escorterait jusqu'à son clan et son père. Elle lui répondit qu'elle savait qui il était mais lui fit remarquer qu'il semblait bien présomptueux de croire qu'à lui seul il ferait une escorte suffisante contre les Formoîrés; et que ce serait peut être mieux qu'il aille chercher du renfort, sans vouloir l'offenser bien sur !
Il lui montra son épée, Cuchulainn, magique et très puissante, forgée par son père pour lui seul ! Avec elle à la main, rien, ni personne ne pouvait le battre ! Il la ramènerait chez elle, sans danger autre que de devoir partager leur route ensemble ….. Si elle comprit l'allusion, elle ne le fit pas paraître.
A chacun de ses pas, il lui semblait que son cœur allait éclater ; jamais il ne s'était senti aussi vulnérable a coté d'une femme.
Elle non plus ne semblait pas indifférente, elle lui parlait joyeusement, riant de ses bafouillages incessants, lui souriant même plus que de raison. Un long moment s'écoula ainsi, dans la joie et le jeu de la séduction engendrée par leur attirance mutuelle.
Lui , il ne savait plus s'il se trouvait dans un rêve ou dans la réalité. Elle, savait très bien ou elle voulait en venir, et jouait de tous ses charmes avec subtilité et élégance.
Il était envoûté, enivré par sa seule présence à ses cotés, c'est peut être pour cela qu'il ne les vit pas plus tôt.
Ils étaient six, des guerriers Formoîrés, bien armés et encore couverts de sang, sans doute d'un récent carnage.
Ils gloussèrent de désir lorsqu'ils aperçurent la beauté et la peur de Belisama.
Ils rirent à gorge déployée lorsqu'il dégaina Cuchulainn.
Mais tout cela fut de courte durée, leurs ricanements moururent dans les flots de sangs rejetés de leurs corps décapités ; certains ne s'aperçurent même pas qu'ils avaient été frappés et allèrent rendre l'âme quelques mètres plus loin en se demandant par quel prodige on leur avait ôté la vie !
Tout s'était passé si vite ! Belisama ne comprenait pas comment Fuerix était venu à bout de six adversaires en si peu de temps et avec une telle facilité. Puis elle compris, une aura d'extase se dégageait de lui, ou plutôt de son épée ; il avait l'air rassasié, un rictus de jouissance aux lèvres. Elle était terrifiée et en même temps fascinée par ce qu'elle voyait. Il émanait de lui une telle force, une telle puissance ; à la fois agréable et dérangeante ; bienfaisante et malsaine. Leurs regards se croisèrent ; elle fut surprise d'y trouver des larmes.
Il lui expliqua qu'il n'aimait pas tuer, mais que son épée oui et que toute sa puissance venait d'elle.
Alors il lui fallait lui donner du sang de temps en temps pour la nourrir.
Et à chaque fois c'était pareil, un mélange d'extase et de dégoût ; un écœurement et une culpabilité sans bornes. Elle lui toucha le bras, compatissante, et s'approcha de lui doucement. Il se blottit dans ses bras, et eu l'impression que toute sa douleur et sa peine étaient aspirés hors de lui. Un sentiment de sérénité l'envahit et il comprit que c'était lié à ce contact.
Cette étreinte sembla durer une éternité, puis tendrement, elle lui embrassa la joue et s'éloigna doucement.
Il mit un peu de temps à recouvrer ses esprits ; puis ils se remirent en route vers le village de Belisama.
Leur bavardage repris bien vite, et de nouvelles sensations les envahit peu à peu ; fruits sans doute d'un amour naissant, pur et profond.
Pour la seconde fois de sa vie il se fit surprendre, décidément elle le perturbait énormément.
Ils se retrouvèrent entouré par une trentaine d'hommes en armes arborant les attributs du clan Trog Uatach ; elle s'interposa vite pour éviter qu'ils ne le criblent de flèches. Elle leur raconta comment il l'avait sauvée et s'était proposé de l'escorter jusqu'à sa tribu. Un guerrier s'avança, la pris dans ses bras, et se tourna vers lui, un regard plein de gratitude, c'était son frère Medros. Il le jaugea longuement puis lui tendis la main en signe de bienvenue et de reconnaissance. Lorsque Belisama demanda ou était son père, elle vit bien vite dans le regard de son frère et de ses hommes qu'un malheur était arrivé. Son père était mort, en brave et pour sauver des vies, mais mort quand même ! Elle se retint de pleurer et il réfréna son envie de la prendre dans ses bras pour la consoler ; tout son clan était là et lui était toujours un étranger. Medros l'invita à partager leur campement pour la nuit, il accepta d'une part parce que les occasions de partager un repas étaient rare en ces temps troublés, d'autre part pour rester auprès de Belisama. Ils échangèrent un regard plein de connivence, qui n'échappa pas à Medros; puis se mirent en route.

Ce fut les cris des chiens qui le ramena à la réalité. Combien de temps était-il resté perdu dans ses pensées ?
Il fallait faire vite, la poursuite était relancée. Il oublia sa douleur, se mit sur ses jambes et repris sa fuite.
Si seulement il avait encore Cuchulainn à sa ceinture, comme il dépendait d'elle … Tout en courant il se rappela, comment on la lui avait arraché.

Une fois arrivés au camp, ils avaient été conduit dans la grande hutte du conseil. Maintenant c'était Medros le chef, et avec l'aide des anciens il essayait de ramener la paix dans son clan. Il semblait juste et bon, mais les circonstances et le monde cruel dans lequel ils vivaient tous, risquait de bien vite le transformer.
Il fut décidé qu'une veillé serait organisée cette nuit là, une double veillé à la fois triste et joyeuse.
Pour honorer les morts, tombés au combat, pour rendre hommage à Alboirix qui avait été un chef aimé par son peuple ; et pour fêter la victoire sur les Formoîrés, le retour de Belisama, et son sauveur.
Le recueillement avait été long et digne, tout le monde avait perdu au moins un être cher.
Puis vint le moment de s'amuser et de remercier les dieux d'être encore en vie.
Belisama et Fuerix ne se quittaient pas des yeux, tout le monde riait, dansait, s'amusait et oubliait les mauvais moments. Même Medros, malgré sa nouvelle fonction, était heureux de voir son peuple et sa sœur avec une telle joie de vivre.
Puis le banquet commença, Fuerix fut invité à s'asseoir à la droite de Medros, Belisama se précipita pour être à coté de lui. Il passa une merveilleuse soirée entouré par la femme qui hantait de plus en plus ses pensées et par un jeune chef de clan avec qui il venait de sceller un pacte d'amitié, de compagnon d'arme.
Le repas se poursuivit ainsi, partagé entre son devoir d'invité et l'envie de déclarer son amour à sa bien-aimée ; il était clair qu'elle aussi aurait bien voulue être seule avec lui.
Le temps passant, et les effets de la boisson se faisant sentir chez la plupart des convives, ils réussirent à s'isoler. Juste le temps d'échanger un regard, et leurs lèvres se rejoignirent enfin.
La terre sembla vaciller ; ils étaient ivres, de bonheur, de joie, d'amour. Leurs cœurs s'embrasèrent, il leur sembla que le temps suspendait son cours ! Tout semblait figé, autour d'eux. Ils se perdirent mutuellement dans leurs regards, ne pouvant plus se détacher l'un de l'autre. Ils durent, à contre cœur, suspendre leur baiser, ne serait-ce que pour pouvoir respirer ! Ils n'eurent pas besoin de parler, de se dire les choses ; ils se comprenaient ! Une complicité, une connivence, une intimité, tout cela s'installa si vite entre eux qu'on eut dit qu'ils s'étaient toujours connus ! Aucune explication, mais l'entente, parfaite, instantanée ! Ils s'étaient trouvés. Deux âmes sœurs ! Ils sentirent qu'ils ne pourraient plus jamais vivre l'un sans l'autre. Ils ne doutaient plus d'avoir enfin trouvé la personne qui comblerait leurs cœur de bonheur.
Elle l'emmena vers sa hutte , une lueur pleine de promesses dans les yeux . Il la suivit, comme porté sur un nuage. Une fois vraiment seuls, à l'écart du tumulte environnant, leurs corps s'attirèrent tels des aimants. Un désir charnel, intense, incontrôlable, s'insinua en eux. Ils se jetèrent l'un vers l'autre ; et tombèrent, doucement, tendrement enlacé, sur le sol couvert de fourrure ! Ils firent l'amour, longuement, lentement, intensément. Pour la première fois de leur vie ils se sentaient vivre !
Que la vie était belle !
Soudain un tumulte se fit entendre, des cris et le bruit caractéristique des épées que l'on retire du fourreau ; ils se précipitèrent. Au milieu de l'agitation ils perçurent des brides de phrases ! En fin de compte les survivants du clan Formoîrés s'étaient alliés avec les Atrenates, le propre clan de Fuerix, et marchaient sur le village, dans la ferme intention de tout détruire. Il n'en croyait pas ses oreilles ; il était abasourdit ! Belisama le supplia de s'enfuir, vite pendant qu'il était temps, elle le rejoindrait plus tard. Il n'en eut pas l'occasion ! Il fut encerclé en un clin d'œil par des guerriers, ceux mêmes avec qui il venait de festoyer. Il se refusa à sortir Cuchulainn de son fourreau, il était sans doute encore possible de tout arranger. S'il le fallait, il servirait d'ambassadeur, il irait voir son clan, et les feraient sans doute changer d'avis, il était aimé et respecté par tous. Medros l'écouta sagement, puis appela un de ses hommes, il lui demanda de raconter ce qu'il savait. L'homme, qui avait du mal à se tenir sur ses jambes tellement il avait de blessures, commença son récit. Il était en train de revenir au camp avec des femmes et des enfants qui s'étaient enfuis lors de l'attaque des Formoîrés, lorsque des hommes des clans Formoîrés et Atrenates, ensemble ; leur avait barré le chemin. Sa gorge se noua et des larmes coulèrent sur ses joues, lorsqu'il raconta le massacre qui suivit. Fuerix, n'en croyait pas ses oreilles, mais pour quoi, que s'était-il donc passé pour déclencher autant d'hostilité chez les siens ? ? Il devait bien y avoir une explication ; mais laquelle permettrait de justifier un tel massacre d'innocents ? Medros signifia d'un geste qu'on le désarme, il se laissa faire encore perturbé par ce qu'il venait d'entendre, puis ordonna qu'on l'enferme jusqu'à son jugement du lendemain. Pour l'instant, l'heure était aux préparatifs de défense du camp. Belisama, n'y tenant plus, intervint à son tour et plaida la cause de son bien-aimé. Après tout il n'y était pour rien, pourquoi l'aurait-il sauvé et ramené chez elle s'il avait été au courant des intentions de son clan ? Elle rajouta qu'il fallait lui laisser une chance de raisonner tout le monde ou au pire de choisir son camp. Ses paroles semblèrent toucher son frère, il ordonna à ses hommes de libérer Fuerix car il voulait lui parler. Il lui donna trois choix.
Le premier était simple il partait rejoindre son clan et restait de leur coté.
Le deuxième aussi, il changeait d'allégeance et les rejoignaient eux dans leur clan.
Le troisième était le plus dur, il allait porter les exigences du clan Trog Uatach aux Formoîrés et Atrenates et revenait lui dire ce qui en découlait.
Dans les trois cas, Medros gardait son épée Cuchulainn en gage, et il était hors de question que Belisama l'accompagne.
Que faire ? Il décida de tenter de raisonner son clan, après tout, il avait du pouvoir parmis les siens, il serait sûrement écouté.
On le laissa donc partir, seul et désarmé, vers ses terres et les siens.
A peine avait parcouru quelques centaines de mètres qu'il entendit les bruits d'une bataille.
Il s'empressa de faire demi-tour, et se précipita vers le camp des Trog Uatach .
Ce qu'il vit en y arrivant le glaça d'effroi !
Une mêlée indescriptible, un combat acharné, un bain de sang !
Que faire, qui aider, comment tout arrêter ? ?
Il n'eut pas à se poser la question trop longtemps, il aperçut Belisama poursuivie par deux guerriers ; il s'élança et s'interposa entre eux.
Il les connaissait bien, c'étaient les fils de Succelos le bûcheron ; il avait souvent joué avec eux enfant.
Mais là, il y avait quelque chose qui clochait, leurs regards semblaient fous ; ils ricanaient sans cesse, et surtout ils ne semblaient pas le reconnaître.
Il essaya, en vain, de les raisonner, ils se jetèrent sur lui en hurlant leur cris de guerre.
Il était désarmé, mais il savait quand même se battre, leur attaque était rustre, brutale et stupide.
Il esquiva le premier et décocha un magistral coup de poing au second, on entendit le craquement des vertèbres cervicales qui se rompaient. Voyant son frère mort, le premier se rua de plus belle a l 'assaut, Fuerix eu juste le temps de se saisir de l 'épée qui gisait à terre lorsque son assaillant vint littéralement s'empaler dessus.
Ce n'était vraiment pas normal que leur attaque fut si brusque et si bestiale, il y avait une sorte de folie la dedans. Il pris Belisama par la main et essaya de l'emmener à l'écart ; mais elle voulait rejoindre son frère qui luttait quelques mètres plus loin avec un groupe de ses guerriers. Il accepta de mauvaise grâce et se tailla un chemin jusqu'à eux. Il lut de la surprise dans les yeux de Medros et de ses hommes, puis de la joie, n'était-il pas, lui, le premier guerrier de son clan ! Cela lui faisait mal de faire tomber les siens au bout de sa lame, mais ils étaient tellement déchaînés, ils semblaient possédés par une force surhumaine. Soudain il se retrouva face au chef de son clan ! Il s'attendait à se faire insulter pour sa traîtrise, mais non, rien ; même pas un mot ! Il semblait que personne de ses anciens alliés ne le reconnaisse. Toujours est-il qu'il devait se battre pour sauver sa vie.
Il n'eut pas trop de mal non plus à se débarrasser de son ancien chef, toujours victime d'une attaque trop prévisible et portée avec trop de force. Une fois son ennemi terrassé, Fuerix, regarda autour de lui et constata qu'il n'était pas le seul à ne plus avoir d'adversaire. Son ancien clan était décimé, les Trog Uatach étaient victorieux.
Il se hâta de retrouver Belisama qui se précipita dans ses bras, et fut rejoint par Medros et le reste de ses guerriers.
Un cris de triomphe s'éleva des rangs des survivants, un triomphe que ne partageais pas Fuerix, il était amer, il avait vu périr et lui-même tué trop de connaissances pour se réjouir. Comme si elle avait lue dans ses pensées Belisama le serra encore plus fort dans ses bras. Medros venait lui parler lorsqu'il aperçut un objet autour du cou de l'ancien chef des Atrenates, il s'en empara et vit que c'était une jolie amulette.
A l'instant même ou il la mit autour de son cou, une aura flamboyante, rouge sang, se répandit partout autour de lui.
Une lumière sembla éclater dans la tête de Fuerix puis plus rien, il regarda autour de lui, il était le seul homme à rester debout. Tous gisaient à terre, ils semblaient ailleurs, on aurait dit qu'ils dormaient les yeux ouverts. Il se tourna vers Belissama, elle non plus ne comprenait pas, comme toutes les femmes présentes d'ailleurs. Puis, aussi soudainement, tous se relevèrent, une lueur au fond des yeux. Un regard fou, sans éclat, terne qui semblait ouvrir une porte vers un infini de vide. Le même regard que les hommes Atrenates tout à l'heure ! Et soudain, Fuerix compris ; ils étaient envoûtés, rendu fou par un puissant maléfice. L'amulette ! ! Oui ça ne pouvait être que ça, aussi loin qu'il se souvenait il ne se rappelait pas l'avoir déjà vue autour du cou de son chef avant. Il fut coupé dans sa réflexion par un hurlement, poussé en commun par tous les hommes du clan Trog Uatach , inhumain, sauvage, sanguinaire ! " Mort à la vie ! ! " Tous se tournèrent vers lui, lui qui ne semblait pas partager la même folie. Il n'eut pas le temps de se demander pourquoi il avait été épargné, car déjà ils s'approchaient épées brandies. " Fuis ! ! ! " lui cria Belissama, " trouve le remède et reviens me sauver". Il n'avait pas le choix , ils étaient trop nombreux et il n'avait plus Cuchulainn à son coté. Il s'enfuit, à perdre haleine, sans se retourner, des larmes coulant le long de ses joues, de devoir fuir et d'abandonner sa bien-aimée.
Cela faisait maintenant deux jours qu'il fuyait ainsi, avec une vingtaine d'hommes Trog Uatach à ses trousses.
Il essayait de rejoindre la pierre plate, là où vivait le druide Eolas, lui saurait comment se débarrasser du sortilège de l'amulette.
Ils se rapprochaient dangereusement, heureusement il connaissait bien la foret, et ses raccourcis.
Il lui fallait semer ses poursuivants avant d'aller chez Eolas. Le gué ! Voilà la solution, lui seul connaissait son existence, les autres devraient faire un détour de cinq lieues avant de retrouver ses traces, et ce serait trop tard.
Sans perdre un instant il se remit en route.
Deux heures plus tard il arrivait enfin en vue de la rivière et de son gué secret.
Les autres pourraient passer des heures à se demander comment il avait pu franchir le cours d'eau tumultueux.
En effet, comment pourraient-ils se douter que d'un vieil arbre creux partait un tunnel qui passait sous la rivière et débouchait de l'autre coté ! Il du déchanter très vite, il était attendu ! Une dizaine de guerriers Trog Uatach stationnaient à l 'endroit exact du passage. Ils ne semblaient pas l'avoir remarqué, il se fit donc tout petit et se demanda comment il allait s'en sortir ! Devant, dix hommes, derrière une vingtaine avec des chiens ! Ah ! Si seulement il avait encore Cuchulainn, avec elle dix hommes n'étaient rien. Soudain il repensa à un détail. Le vieux druide lui avait dit une fois qu'un jour lui, Fuerix, devrait croire en lui et arrêter de penser que sa seule force résidait dans son épée. Il avait continué en lui affirmant qu'il était amené à avoir une grande destinée et qu'il n'était pas un homme normal. Pourquoi tout cela lui revenait-il maintenant ? Il se rappelait, de ce soir là, devant la cheminée, Eolas lui avait parlé très longtemps de ses origines, mais jusqu'à ce jour, Fuerix n'en gardait aucun souvenir ; à part ce fumet entêtant de la pipe du vieux sage. Mais, là, tout lui revenait en mémoire.
Oui ; c'était ça ! Il n'était pas un Atrenates, il avait été déposé devant le totem du clan, un soir sans lune. Il avait été recueilli par Durix le forgeron qui était bon et brave. Il avait été élevé avec des principes chers aux dieux. Dans la vérité et la justice, le courage et la loyauté, la raison et la connaissance. Il était devenu un homme important et écouté de tous, non pas parce qu'il était craint, comme la plupart des autres chefs, mais parce qu'on le respectait et l'aimait. Eolas lui avait dit aussi qu'il n'était pas uniquement humain ; que du sang divin coulait dans ses veines ; et que Cuchulainn n'était là que pour couvrir ses pouvoirs surnaturels. Il lui avait affirmé aussi qu'un jour il s'en apercevrait tout seul, qu'il découvrirait ses talents pour faire le bien. Il ne l'avait pas cru, il y voyait le délire d'un vieil homme ! Mais en cet instant, il ne pouvait s'empêcher d'y repenser. Et si c'était vrai ? Si oui, lui Fuerix, était un être béni des dieux, si c'était pour ça que l'amulette ne lui faisait rien. Si, après tout sa force venait de lui-même et non de Cuchulainn! Il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir ….
Les deux premiers ne comprirent pourquoi leurs compagnons se mirent à hurler que lorsqu'ils remarquèrent que leurs têtes n'étaient plus sur leur corps, mais il était déjà trop tard pour eux. Fuerix, sans même regarder ses victimes, chargea sans un mot le groupe surpris. Le troisième essayait encore de sortir son épée du fourreau lorsqu'il se retrouva face à face avec une lame se précipitant vers son visage. Le quatrième continuait à se demander comment son bras droit avait bien pu être détaché de son corps ! Les cinq et sixième se battirent bien trois secondes avant de mourir proprement, sans un son. Les quatre derniers se mirent dos à dos pour essayer de faire face à cet être doté d'une telle rapidité. Peine perdue, au contraire, la cible n'en était que plus grosse, Fuerix les envoya rejoindre leurs ancêtres en même temps, d'un seul coup puissant et improbable. Puis il alla achever le dernier qui gémissait et pleurait toujours la perte de son bras.
Un sentiment de puissance l'envahit, le même que celui que lui procurait habituellement Cuchulainn! Sauf que cette fois ci, il n'éprouvait aucun remords, aucune culpabilité ! Etait-ce lié ? En revanche, il ne réalisait toujours pas comment il avait put se défaire aussi facilement de dix adversaires, et ce sans aucune aide de nulle sorte ! Il remit cette réflexion à plus tard, ses poursuivants ne tarderaient plus très longtemps. Il se dirigea vers le passage et l'emprunta. Il re-apparu de l'autre coté et se cacha, si les autres découvraient son secret, il valait mieux les attendrent à la sortie pour les combattrent un par un.
Mais ce ne fut pas la peine ! Ils arrivèrent, découvrirent les restes de leurs alliés et cherchèrent en vain la piste du fuyard. Dépités, ils tournèrent les talons et longèrent la rivière en direction du pont, cinq lieues en aval.
Fuerix, soulagé, sortit de sa cachette et se dirigea d'un pas sûr vers la pierre plate.
Il avait hâte de retrouver le vieux Eolas, afin d'avoir des réponses. Il s'inquiétait pour Belisama, comment était-elle traitée ?
Lorsqu'il arriva en vue du tumulus portant le nom de pierre plate, il comprit de suite que quelque chose clochait. Tout était trop calme, pas un bruit, pas un animal, alors que le vieux druide passait sa vie en compagnie d'animaux. Il trouva plus prudent de ne pas s'annoncer et de faire preuve de discrétion. Ce qu'il vit en entrant ne fit que confirmer son appréhension ; Tout était saccagé ! L'épée au clair, il s'avança prudemment vers un faible gémissement venant du fond de la pièce. Il resta figé lorsqu'il reconnut Eolas, gisant dans une marre de sang.


Chapitre II

Frédélrick

Fuerix , le fils du feu
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