Lauréat du Concours de Façades de la ville de Paris, édition 1905, cet immeuble insolite sis 34 avenue de Wagram à Paris est remarquable à plusieurs points de vue. En 1er lieu, il constitue un intéressant exercice de style dont Lavirotte s'était fait le spécialiste incontesté : le revêtement intégral de façade en céramique. Par ailleurs, il se situe dans le 8e arrondissement, à l'époque un quartier parisien très canaille, et son style synthétise en quelque sorte l'envie de la propriétaire et commanditaire d'en imposer, tout en demeurant dans la mesure du possible économe : si la façade déploie tout un décorum assez lourd et d'un goût très discutable, les espaces intérieurs s'avèrent très sobres et leur décoration plus sporadique et empreinte de retenue.
On a plus volontiers souhaité retenir de cet édifice son revêtement décoratif aux dépends des formes mêmes de son architecture (qui déjà semblaient très suspectes en 1904). Et cependant il me semble que c'est précisément la composition de sa façade aux jeux de volumes osés mais équilibrés qui est la plus digne d'éloges ; elle préfigure les orientations architecturales à venir.
A l'origine "maison meublée" (la légende ajoute "maison de passe"), le lieu est devenu un hôtel bien plus respectable, l'Elysées Ceramic ; les aménagements intérieurs originaux ont été totalement dénaturés eu égard à cette nouvelle affectation, mais les locaux sont aménagés dans le goût Belle-Epoque avec une délicatesse évidente.
Outre celui de l'architecte, deux autres noms fleurissent la façade :
Camille Alaphilippe (son initiale a été engloutie par une reprise au mortier fixant le garde-fou de la fenêtre) qui a sculpté selon les indications de Lavirotte le décor de plantes grimpantes a été 1er Prix de Rome, une distinction qui à l'époque assurait un succès de prestige suffisant pour obtenir un nombre appréciable de commandes, même si sa valeur scolaire n'était plus guère que symbolique.
Alexandre Bigot, collaborateur régulier de Lavirotte (cf. immeubles avenue et sq. Rapp ; hôtel particulier avenue de Messine), est célèbre pour ses nombreux brevets relatifs à la fabrication et à l'utilisation de la céramique ornementale ou fonctionnelle. Il a eu l'intelligence de s'adapter à tous les types de commande imaginables, fournissant ainsi à Lavirotte de grands ensembles sculptés spécialement pour ses immeubles et prodigant des éléments standardisés et économiques à d'autres architectes (notamment Perret, Arfvidson et Sauvage).
(Merci à Monsieur Jean-Pierre Dominici pour son accueil.)