QU'EST-CE QUE L'A.N.V.V.E.N ?


Nucléaire. Les vétérans sortent de leur silence
Alors que les ravages de l'amiante éclatent au grand jour, un autre scandale, longtemps « Secret défense », sort peu à peu des limbes de l'Histoire récente.
Entre 1960 et 1998, au Sahara puis en Polynésie, l'armée française s'est livré à 200 essais nucléaires.
Cancers, maladies cardio-vasculaires... décimeraient aujourd'hui les vétérans de ces essais. Ils viennent de créer l'A.N.V.V.E.N (*).Association Nationale Vétérans Victimes Essais Nucléaires
Les Etats-Unis reconnaissent, depuis 1998, une vingtaine de cancers directement liés à leurs essais nucléaires. « Pourquoi la France ne veut-elle pas donner les mêmes droits à ses vétérans ? », interroge Pierre Marhic, Jean-Henry Bouffard et Jacques Dezetter, membres de l'Association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires. 154.700 personnes concernées
Dans le désert du Sahara, 17 essais nucléaires furent réalisés par l'armée française entre 1960 et 1966 avant qu'elle ne choisisse le site de l'atoll de Mururoa, pour 193 autres (dont 46 atmosphériques), entre 1966 à 1996 (le site est aujourd'hui encore interdit d'accès). Cent cinquante mille personnels - militaires ou membres du commissariat à l'énergie atomique - ainsi que 4.700 travailleurs polynésiens,
auraient ainsi été exposés, sans protection particulière, à des doses radioactives importantes. « Plus l'irradiation est importante, plus les effets sont retardés », pointe Jacques Dezetter.
Depuis une quinzaine d'années, d'alarmantes pathologies se déclarent, selon eux, chez de nombreux vétérans. Cancers du sang, tumeurs... Las « du mépris des autorités militaires », quelques-uns d'entre eux viennent donc de créer une association, dont le siège est situé à Bohars (29).
«
Aucun gouvernement ne s'est penché sur le suivi médical des vétérans. 37 % d'entre eux sont aujourd'hui atteints de maladies diverses; cardio-vasculaires, endocriniennes, ophtalmologiques ». Les cancers sont aussi, selon eux, légion : « Chez les vétérans et les anciens travailleurs polynésiens,
les cancers du sang, ainsi que des tumeurs malignes comme les lymphomes ou les myélomes sont trois fois plus élevés que la moyenne française ».
Une adhérente raconte encore le calvaire de sa fille, née avec trois chevilles. « Des fausses couches, des malformations congénitales ont été constatées dans les familles de vétérans ». Droit aux soins gratuits et à l'information L'A.N.V.V.E.N. va maintenant militer pour, notamment,
l'obtention de la carte de soins gratuits pour les vétérans et leurs descendants, un suivi médical permanent et gratuit,
l'attribution de pension de réversion à 100 % pour les veuves et orphelins,
le versement de pension d'invalidité,
le droit à l'information et l'accès aux dossiers médicaux...
Ainsi que sa participation aux travaux de l'observatoire de la santé des vétérans. Michel Alliot Marie, ministre de la Défense, en a, en effet, annoncé la création.
Selon l'A.N.V.V.E.N
, aucun représentant d'associations n'est encore prévu au sein des comités directeur et scientifique de cet observatoire. Simple oubli sans doute.
* Association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires. 06.63.76.68.56 ou 02.98.47.02.84.

Que veut l'A.N.V.V.E.N.

  1. l'A.N.V.V.E.N a pour objectif l'information sur les conséquences sanitaires des éssais nucléaires au Sahara et en Polynésie . Le droit à indemnisation pour les préjudices subis, pour cela elle demande:
  2. c- Le recensement de tous les personnels civils et militaires présents sur les sites et de tous les résidents .
    d-La présomption de lien entre la présence des personnels sur les sites d'éssais et leurs diverses pathologies.
    e-Un observatoire de suivi des éssais, des scientifiques indépendants, les représentants des associations concernés, et toutes personnes compétente, tels que des vétérans désignés par les présidents des associations .
    f- Etablir des documents écrits ou filmés des éssais nucléaires de 1960 à 1998.
    g- Consulter avec des juridiques et réclamer auprès du gouvernement et de la justice , des indemnités pour les vétérans ou ayants-droit !
POINT DE VUE MEDICAL PAR LE PROFESSEUR BERNARD DESABLENS /
Classiquement, les radiations ionisantes sont connues pour induire des hémopathies « myéloïdes » - cad des cancers affectant la moelle osseuse, aiguës ou chroniques : Leucémie Aiguë Myéloïde (LAM) et Leucémie Myéloïde Chronique (LMC) en particulier. Ces affections sont d’ailleurs reconnues en tant que maladies professionnelles depuis très longtemps. A l’inverse, il est classique de dire que les hémopathies « lymphoïdes » qui touchent les éléments du système immunitaire, ne sont pas radio-induites ! Ce constat ne doit pas être aussi tranché car le type de rayonnement, la dose et le délai d’exposition rentrent probablement en jeu. De façon très ponctuelle, j’ai eu l’occasion d’observer une Leucémie Lymphoïde Chronique (LLC) chez un patient exposé professionnellement à des radiations ionisantes et cette affection a été retenue par la Sécurité Sociale comme maladie professionnelle au bénéfice du doute ! Un Collègue Parisien m’a dit avoir suivi une LLC chez un Vétéran des premiers essais nucléaires et que cette maladie avait été reconnue comme maladie professionnelle dans des circonstances qu’il n’a pu me préciser. La question d’une responsabilité est donc posée et plusieurs mécanismes peuvent être invoqués : action mutagène directe sur les cellules lymphoïdes ou effet indirect via un affaiblissement du système immunitaire dont on sait qu'il augmente de façon significative la survenue d’une hémopathie lymphoïde. Les données épidémiologiques sur les cancers sanguins survenant après une irradiation nucléaire restent éparses en dehors des études faites à Hiroshima et Nagasaki. Un excès de leucémies myéloïdes persiste actuellement… soit après plus de 50 ans de recul ! C’est souligner la latence qui peut être observée entre une irradiation et ses conséquences en l’occurrence sanguines. Toutefois dans ces études japonaises il ne semble pas y avoir d’excès d’hémopathies lymphoïdes mais il convient de souligner que l’épidémiologie des hémopathies au Japon est très singulière par rapport à ce qui est observé dans les pays Européens et en Amérique du Nord. L’explosion d’une bombe atomique est sûrement différente d’une irradiation à faible dose et répétée dans le temps et – à mon sens - on ne peut faire de comparaison stricto sensu ! Il n’y a pas de données épidémiologiques précises sur les hémopathies malignes observées chez les Vétérans mais la littérature médicale procure un autre modèle d’irradiation : celui des mineurs travaillant dans les mines d’uranium. Ces travailleurs développent un excès d’hémopathies malignes y compris des hémopathies lymphoïdes avec en particulier un excès de myélome multiple et de Lymphomes malins non-Hodgkiniens. Ce point est troublant et mériterait à mon sens, d’être étudié de façon scientifique chez les Vétérans ! A mon sens, on ne peut exclure – ne serait ce qu’au bénéfice du doute - la possibilité d’une relation de cause à effet entre les irradiations involontairement reçues par les Vétérans et la survenue d’une hémopathie maligne et ce quelque en soit le type ! Professeur Bernard DESABLENS / Maladies du Sang / CHU d’AMIENS