Entretien du 13 janvier 2003
avec deux institutrices de l'école Edouard Herriot.
Annie DURET
Assya MAACH
Me voici désormais à
l'école Edouard Herriot, je vais à la rencontre
des deux institutrices des classes thérapeutiques. Annie
DURET qui enseigne depuis 1968, 6 années dans l'enseignement
traditionnel, 17 ans en classe de perfectionnement et c'est en
1992 qu'elle intégre sa classe thérapeutique.
Et Assya MAACH qui elle est institutrice depuis 1995 et qui enseigne
dans la secondeclasse depuis
la rentrée 2002.
Pourquoi êtes-vous institutrices spécialisées?
A.D
: Lorsque j'étais institutrice en classe de C.P, un déclic
s'est produit. Voilà, j'avais dans ma classe un enfant
en grande difficulté. Je devais m'occuper des autres enfants
et éprouvais beaucoup de remords car je ne donnais pas
assez de temps à cet enfant ( qui pourtant avait beaucoup
plus besoin de moi que les autres) J'ai donc décidé
de demander une formation pour l'enseignement spécialisé
et que j'ai effectuée en 1975. De 1975 à 1992 j'ai
enseigné dans une classe de perfectionnement. C'est en
1992 que j'ai eu le poste à Edouard Herriot, une classe
thérapeutique pour enfants Autistes et Psychotiques : 28
ans en A.I.S (adaptation et intégration scolaire) A.M : Je ne suis pas institutrice spécialisée,
mais le premier poste qui m'a été attribué
fut dans un I.M.E (institut médico-éducatif) auprès
d'enfants déficients mentaux de 1995 à 1996. Je
me rends compte maintenant que ce poste a été décisif.
Après cette première année, j'ai souhaité
connaître le circuit classique, j'ai fait du soutien pédagogique,
enseigné à des C.E.1, et été Maitre
ressource dans une école. Puis j'ai décidé
de réintégrer l'enseignement spécialisé,
c'est pourquoi je suis à Edouard Herriot depuis la rentrée
2002 ( poste que j'avais demandé). Ma première expérience
en I.M E a été primordiale quant à mon souhait
désormais de travailler dans le milieu spécialisé.
J'ai d'ailleurs demandé une formation pour me spécialiser.
Quelle formation pour être institutrice spécialisée?
A.M :
La formation se déroule sur deux années.
- La 1ère année : Stage d'un jour par semaine
dans une classe spécialisée. Cours de psychologie,
de philosophie, d'analyse de pratiques etc les autres jours.
Choix d'une option. Préparation d'un mémoire et
soutenance.
- La 2ème année : stage pratique, une classe
est attribuée à l'année avec examen pratique
en cours d'année (sorte d'inspection par un jury) Tronc
spécifique avec l'option : A (déficients auditifs),
B (déficients visuels), C (handicap moteur), D (handicap
mental), E (soutien pédagogique), F prison, segpa)et G
(Réeducation en psychomotricité).
Combien de classes, et combien d'élèves avez-vous?
Il y a deux classes thérapeutiques
donc, dans la classe d'Annie DURET 7 élèves, et
dans la classe de Assya MAACH 6 élèves..
Les enfants ont des emplois du temps différents, certains
sont à mi-temps d'autres pas. Car les temps scolaires sont
adaptés, en fonction des capacités de l'enfant,
et en fonction de ses horaires de soins ( les soins sont pris
en charge par l'ITTAC : institut de traitement des troubles de
l'affectivité et de la cognition).
Comment organisez-vous le travail des
enfants, et quel programme suivez-vous?
A.D
: Il y a un projet individuel pour chaque enfant, il n'y a pas
véritablement de programme à suivre. A partir de
l'acquis de l'enfant, il faut organiser notre travail pour qu'il
progresse à son rythme.
Le programme est celui de l'enseignement traditionnel adapté
à chaque enfant.
Il y a donc souvent 3 ou 4 groupes. Des enfants lecteurs, et non-lecteurs,
des enfants ne pouvant pas encore entrer dans les apprentissages,
des enfants avec qui il faudra de nombreux jours avant de pouvoir
envisager quelquechose.
L'organisation du travail se fait aussi en rapports étroits
avec l'ITTAC qui reçoit les enfants dans la journée
pour les soins. Cette structure a beaucoup grandi ces derniéres
années et les emplois du temps pour organiser les prises
en charge des enfants à l'ITTAC et le temps passé
à l'école sont très précis.
Deux personnes (Raymonde et Felde) s'occupent du transport quotidien
des enfants de leur lieu de soin (1 km) vers l'école et
de l'école vers le lieu de soin. Ils ont un rôle
tres important auprés des enfants et assurent la transition
entre les institutrices et les soignants.
Avez-vous une personne qui vous aide dans vos classes?
A.D
: Non je ne le souhaite pas, même si je dois parfois faire
appel ponctuellement au directeur de l'école. A.M : Non je pourrais avoir besoin de quelqu'un ponctuellement,
pour des situations difficiles (qui arrivent rarement).
Quels contacts avez-vous avec l'ITTAC?
A.D & A.M
: Une fois par semaine (1/2 journée), une infirmière
ou un infirmier de l' ITTAC vient dans la classe (lien important
entre l'ITTAC et l'école), cela permet d'organiser des
sorties ou des activités que l'on ne peut pas mettre en
place sans aide. Une infirmière par classe.
- Réunion tous les jeudis de 11h30 à 13h20 entre
les soignants et les enseignants pour le suivi de chaque enfant.
- Le lundi soir (1 fois par mois) : réunion de paroles
des enseignants avec les soignants, réunion pédagogique. A.D : Chaque enfant a une infirmière référente
avec qui nous pouvons échanger et qui organise les prises
en charge thérapeutiques des enfants. Les enfants ont des
prises en charge individuelles et participent à des groupes
thérapeutiques.
Chaque institutrice peut voir dans un temps très court
une soignante en cas de difficultés avec un enfant.
Quels sont vos rapports avec vos collègues?
Relations entre enfants autistes et les autres élèves?
A.D
: Les relations sont bonnes, mais je fais la démarche d'aller
vers mes collègues pour expliquer les comportements parfois
surprenants des enfants. A.M : Les relations sont bonnes. Il y a souvent un étonnement
de leur part quant à mon choix : m'occuper d'enfants handicapés. A.D & A.M : Ils sont parfois mal à l'aise face
à nos élèves, ils ont besoin de notre soutien
(surtout dans la cour de récréation).
: Les relations de nos élèves avec les autres enfants
sont bonnes si les troubles du comportement sont peu importants.
Sinon il peut y avoir de l'étonnement, du soutien, de la
moquerie de la part des élèves (comportement que
l'on retrouve chez tous les enfants). L'harmonie est présente,
le respect aussi. Les enseignants informent les enfants de la
présence de ces classes thérapeutiques dés
l'entrée au C.P et, pour, les enfants des autres classes,
c'est naturel de cotoyer des enfants un peu différents.
Intégration des élèves dans l'école.
A.D
: Les élèves des classes thérapeutiques participent
à la vie de l'école : sorties, cinéma, carnaval,
goûters, 2 enfants mangent à la cantine tous les
jours et 1 ponctuellement. Certaines années, c'est la classe
thérapeutique entière qui était intégrée
dans un C.P, pour le sport surtout. Cependant la taille et l'âge
des élèves ( entre 6 et 12 ans ) limitent cette
forme d'intégration.
Un élève peut aussi suivre les cours dans une classe,
lecture ou mathématique, sport.
Parfois l'intégration n'a pas pour but l'apprentissage
systématique mais la participation à un grand groupe,
apprendre à connaître les autres.
Ces intégrations sont un surcroît de travail pour
les maîtres et maîtresses qui accueillent les élèves.
Il faut aussi que le comportement de l'enfant intégré
ne pertube pas le reste de la classe accueillante. Une intégration
se fait toujours avec la possiblité de la suspendre à
tout moment et n'est pas renouvelable systématiquement
l'année suivante. Elle ne doit pas non plus se faire sur
le temps de prise en charge à l'ITTAC car les soins sont
nécessaires et conditionnent l'entrée dans cette
classe spéciale.
Pour conclure cet entretien, une question
très importante peut-être posée, Que vous
apportent ses enfants? Ces enfants, dit Annie DURET, m'ont construite
année après année. Ils m'ont aidée
à relativiser beaucoup de choses dans ma vie professionnelle
et dans ma vie personnelle. J'ai fait un réel travail sur
moi-même en enseignant à ces élèves
et y ai trouvé souvent du plaisir. La retraite en juin
mettra bientôt fin à 11 années bien remplies.
Assya MAACH quant à elle, elle commence juste l'aventure
et dit : C'est la relation qui me semble la plus riche avec ces
enfants-là. Avec eux, rien n'est acquis. Ils nous obligent
donc à sans cesse nous remettre en question, nous interroger
sur nos réactions, sur nous-même. Quand ma collègue
dit que ses élèves l'ont aidée à se
construire, je pense qu'effectivement on en apprend beaucoup sur
soi en travaillant avec eux. Cela fait 6 mois que je travaille
dans cette classe thérapeutique et j'ai déjà
l'impression que mes élèves ont changé beaucoup
de choses en moi.
Chrystèle BOUCHER,
maman de Hugo (8 ans) élève en Cl. Th.