1. Le prince, le roi et le magicien.

Le prince, le roi et le magicien se réunissent dans une salle secrète connue d'eux seuls.
- Si j'ai provoqué cette réunion, c'est que je suis fort mécontent des agissements de votre paladin Orion, dit le prince.
- Je ne vois pas en quoi il a mal agi, répond le roi.
- Il empiète sur mes terres.
- D'après nos accords, la Frontière est un territoire libre, intervient le magicien.
- Vous feriez mieux de le lancer en direction des Montagnes de la Peur.
- Il est trop jeune pour cela.
Le magicien réfléchit quelques instants, puis :
- Je vous propose un marché : si Orion réussit à passer une nuit au château du comte Vlad, alors il aura le droit d'aller où bon lui semble.
Le roi et le prince acceptent...

Pendant ce temps, Lorraine s'ennuie dans son temple.
- Depuis quatre mois vous m'enseignez les mystères divins, les potions et les soins. Quand pourrais-je de nouveau repartir exercer mon art ?
- Prends patience. La déesse t'a choisie pour un grand dessein. Mieux tu seras préparée, mieux cela vaudra. Nous avons fait fabriquer une armure spécialement à ta taille. Tu peux l'essayer aujourd'hui, puis tu iras voir le grand prêtre.

Lorraine fixe les jambières, serre les courroies de la cuirasse, coiffe le heaume, enfile les gantelets. Fruit de l'art consommé des maîtres forgerons, cette vêture de fer est parfaite. Elle lui recouvre tout le corps. Malgré son poids, elle est bien équilibrée, et elle peut se déplacer avec aisance. Satisfaite, elle la dévêt, puis va voir son grand prêtre.
- Tu iras rejoindre ton ami Dalor, puis tu attendras ta mission.
- Puis-je vous poser une question ?
- Fais.
- Vous m'avez souvent parlé des puissances divines, de leurs relations, de leurs pouvoirs. Mais qu'en est-il des puissances terrestres ?
- Tu y seras indirectement confrontée. Mais sur ce sujet, moins tu en sauras, et plus tu seras en sécurité.

Orion, Karnay, Gart et Gil sont restés au château de Gatt le temps qu'Eloa apprenne quelques rudiments de magie de l'Egyptien, puis ils ont repris la quête.

- Vous devez aller en direction du sud-est jusqu'à trouver une rivière et un village. Là vous n'avez plus qu'à la remonter pour arriver à la forêt elfique. Le grand druide y réside, leur a dit le magicien avant de disparaître.

Et ainsi ils voyagent à travers les collines dans un paysage chaotique formé de roches et de buissons. La progression est difficile. La dixième nuit, alors que Karnay et Gart montent la garde, et que les autres dorment, ils sont attaqués par une bande d'orques. Seuls les deux hommes de veille sont en armure, Gil et Orion se sont dévêtus pour la nuit. Heureusement Eloa se réveille et prononce son charme de sommeil. Ceux des ennemis qui ont échappé au sortilège s'enfuient, emportant un cheval.
- Il faut éliminer les orques avant qu'ils ne sortent de leur torpeur, dit Eloa.
- N'est-ce pas un peu lâche que de tuer des adversaires sans défense ? demande Orion.
- Les lâches, ce sont eux : ils n'attaquent que la nuit, réplique Karnay. De plus, il faut rapidement s’équiper et déguerpir avant que les autres ne reviennent avec des renforts.

Ils se débarrassent donc de leurs ennemis endormis, puis s'enfuient à cheval sous le clair de lune. Eloa monte en croupe derrière Gil. Mais ils ne tardent pas à être entourés par un nouveau groupe de créatures aux faciès porcins, qui ont sur eux l'avantage d'y voir de nuit.

Les quatre hommes protègent la magicienne qui n'a plus de sorts et est sans protections. Chacun combat deux adversaires. Orion est d'abord vainqueur, mais, défavorisé par son armure endommagée lors de sa précédente aventure, et qui n'a pu être réparée depuis, il succombe sous les coups d'un troisième orque. Le cheval de Gart est abattu. Le cavalier est pris dans les étriers.

Voyant la situation, Eloa sort sa dague et dit à Gil :
- Occupe-toi des blessés, je te protège.
- Mais tu n'as pas d'armure.
- J'ai été une guerrière autrefois. Je peux bien résister quelques instants.

Karnay et elle tiennent tête à cinq ennemis. Le prêtre examine Orion inconscient. Il juge que son état ne risque pas d'aggravation immédiate, aussi soigne-t-il d'abord Gart, puis il retourne au combat.
- Tu peux te retirer maintenant, dit-il à la magicienne blessée.
- Pas question. Tu es toi aussi touché. Nous vaincrons ou nous mourrons ensemble.

Ils tuent un adversaire. Mais la jeune femme est de nouveau atteinte et chute à terre. Heureusement Karnay et Gil se débarrassent de deux autres orques, et le reste de la bande s'enfuit. Le prêtre peut alors venir au secours d'Eloa et d'Orion.

Au petit jour, ils parviennent, fourbus, à la rivière, et découvrent le village. Là, ils achètent quelques vivres pour le voyage et se renseignent sur la contrée. Ils n'aiment pas trop la compagnie de la bande de déserteurs qui a établi son campement à proximité, aussi, et bien qu'ils ne se soient pas totalement remis de leurs blessures, ils repartent au bout d'une journée.

La nuit suivante ils sont attaqués à nouveau par des orques. Eloa utilise son sortilège et ils s'en défont facilement. Cette fois ils n'ont pas à subir de second assaut.
- Ils devaient préparer un mauvais coup contre le village.
- J'espère que nous les en avons dégoûtés. Il y a malgré tout de braves gens dans ce village.

Ils repartent en longeant la rivière. Le quatorzième jour ils rencontrent des trappeurs.
- Bonjour. Que faites-vous là ? Ne craignez-vous pas les orques?
- Nous chassons les blaireaux. Leur fourrure est superbe à l'approche de l'hiver. Les orques ? A condition d'être plus malins qu'eux, on s'en arrange.
- C'est encore loin, la forêt elfique ?
- Vous y êtes presque, encore quelques jours, et vous apercevrez les premiers chênes.

Ils continuent leur route. Le lendemain ils croisent une petite troupe d'elfes.
- Halte, Que faites-vous ici ? leur demandent ces êtres magiques.
- Nous allons dans la forêt.
- Ne seriez-vous pas des sbires du prince Corn ?
- Que nenni. Nous sommes d'Uhr.
- En ce cas vous pouvez passer.
- C'est encore loin la forêt ?
- Vous y êtes presque, encore quelques jours, et vous apercevrez les premiers chênes.
- J'ai déjà entendu cette phrase, mais ces collines me semblent interminables.

Le surlendemain, ils aperçoivent de nouveau les trappeurs.
- Bonjour. Comment avez-vous fait pour nous rattraper ?
- Mais nous n'avons pas bougé. Vous avez dû revenir sur vos pas.
- Et comment ? Nous n'avons fait que suivre la rivière.
- Il y a de la sorcellerie là dessous.
- Ils disent vrai. Je reconnais cet arbre.
- Et moi cette colline.
- Et moi cette tour.
- Quelle tour ?
- La petite construction sur cette hauteur, aux contours irisés par la brume.
- Quelle brume ?
- Serais-je le seul à la voir ? J'en aurai le cœur net !
Orion descend de cheval, et monte la colline.
- Nous te suivons. C'est peut-être un piège de celui qui nous joue ce vilain tour.

Ils accompagnent le paladin, en laissant leurs montures à la garde des trois trappeurs.
- Et maintenant ? Vous ne voyez toujours rien ? demande le prince parvenu au seuil de la tour.
- Rien.
- Tant pis. J'entre.
Il pousse la porte. Elle s'ouvre. Il passe...
...et disparaît aux yeux de ses compagnons. Ils tentent de le suivre, mais en sont empêchés par une barrière invisible.
- Soit le bienvenu, paladin Orion ! Je t'attendais.
- Qui êtes-vous ?

Le prince se trouve dans une petite pièce nimbée de lumière. Une femme à l'allure majestueuse se tient devant lui, dans de somptueux atours.
- Je suis une envoyée de ta déesse. Tu as une nouvelle quête à accomplir avant d'aller dans la forêt elfique.
- Quelle est-elle ?
- Tu dois te rendre au château du comte Vlad, pour y passer la nuit.
- Ce comte réside dans les Montagnes de la Peur. La région y est dangereuse, et son suzerain est encore plus dangereux.
- Hésites-tu ?
- Mon cœur me dit que vous êtes bien une envoyée d'Aana. Je n'hésite donc pas.
- Je vais te donner quelque chose qui te sera utile.

Quelques instants plus tard, lorsqu'il rejoint ses amis, il leur confie rapidement leur nouveau but.
- Mais d'où vous vient cette nouvelle épée ? remarque Eloa.
- C'est un don de la déesse.
- Cela fait une nouvelle épée magique. Gart porte déjà celle trouvée dans les oubliettes. A qui allons-nous confier votre ancienne arme ? raisonne Gil.
- Gardons-la en réserve.
- Je préférerai un bras vaillant au bout, dit Karnay.
- Aana y pourvoira peut-être.
Ils retournent au village. Le chemin est beaucoup plus rapide qu'à l'aller. Les premières neiges commencent à tomber...

- Les voilà enfin partis. Mais que de détours pour y arriver, dit le prince.
- Il fallait l'accord de la déesse, répond le roi.
- C'est tout pour aujourd'hui, conclut le magicien en rangeant sa boule de cristal. Il ne faut pas qu'ils s'aperçoivent qu'ils sont surveillés.

De retour au village, Orion et ses compagnons se restaurent à une table de l'auberge, lorsqu'une femme vêtue d'une solide armure et un homme habillé en cotte de maille les abordent.
- Bonjour. Je suis Lorraine, et voici Dalor. Vous devez être le prince Orion. Nous vous cherchons depuis huit jours.
- Comment savez-vous qui je suis ?
- Vous avez l'allure d'un paladin, et les paladins ne sont pas légions dans les bois. De plus on vous a longuement décrit. Nous sommes venus nous joindre à votre quête.
- Méfiez-vous, chuchote Gil à l'oreille de son prince. C'est une prêtresse de Mara, je reconnais le symbole.
- Mara est la fille de Zor et de Gaël, qui sont les alliés d'Aana dans sa querelle contre Kita aux noirs desseins ! réplique Lorraine qui a entendu.
- Mais Mara fut la femme de Lyr, et on ne sait pas s'y l'on peut s'y fier ! répond le prêtre.
- Est-ce votre déesse qui vous envoie ? demande le paladin.
- Oui. Enfin... pas directement. C'est mon grand prêtre qui m'a dit que je devais vous aider dans votre mission. Au fait quelle est-elle ?

Orion lui confie l'objet de sa nouvelle quête.
- La montagne est pleine d'obstacles. Vous aurez bien besoin de nous.
- Des forces supplémentaires ne sont pas à négliger, ajoute Karnay.
- Soit, vous pouvez venir avec nous. L'envoyée d'Aana ne m'a-t-elle pas dit que je trouverai d'autres compagnons en chemin ?
- Vous ne le regretterez pas.
- Nous allons devoir retraverser les domaines du prince Corn pour rejoindre le pays d'Uhr. De là nous compléterons notre équipement, et nous nous dirigerons à l'est, vers les Montagnes de la Peur.
- Prudence. En venant ici depuis la Corinthie, j'ai trouvé que le nombre de patrouilles et d'hommes d'armes s'était multiplié.

Ils voyagent donc en évitant les villes et les villages. Heureusement la région est peu peuplée. Une dizaine de jours plus tard ils parviennent enfin dans les domaines du roi, franchissent l'Euphrain, et vont à Parlis, dernière cité civilisée avant l'inconnu. Là, ils achètent des chevaux, de l'eau bénite, et des flèches d'argent. Ils se renseignent sur le comte Vlad, mais partout les bouches se ferment. Un jour, ils voient arriver un guerrier accompagné d'un nain barbu.
- Vous montez une expédition dans les monts ? J'ai déjà essayé mais ici personne ne vous aidera. Ils sont tous terrorisés. Je me présente : Hubert, et voici mon ami Brenïn. Pouvons-nous venir avec vous?
- Que savez-vous et quelles sont vos motivations ?
- Le château du comte est caché au fond d'une gorge profonde, défendue par toutes les forces néfastes de la région. Quant à votre aventure, je crois que c'est le plus formidable exploit depuis des décennies, et je donnerai tout l'or du monde pour en être.

Puis il raconte ses précédentes aventures, les gens qu'il a rencontrés, les monstres qu'il a combattus, en omettant soigneusement le fait qu'il était au service du prince Corn. Il séduit Orion, qui le prend pour guide.

Ils partent au matin. Après quelques jours de voyage sans histoire, ils arrivent au pied des montagnes.
- C'est là, dans cette vallée. Il suffit de remonter la rivière. Le château du comte n'est plus qu'à deux jours de marche.

La gorge est étroite et profonde. La lumière y pénètre avec difficulté, et il y règne une brume perpétuelle. A midi on y voit comme si c'était le crépuscule. Ils s'y engagent cependant. Trois heures plus tard ils traversent un village dont les maisons sont creusées à flanc de rocher.
- Comme ces gens ont l'air malheureux !
- Mais ils n'ont pas l'air effrayé. C'est curieux. Avez-vous vu comme leurs yeux sont vitreux ?
- Ce sont des zombies ! s'exclame Lorraine. Fuyons avant qu'ils ne nous attaquent !

Mais un peu plus loin les morts vivants forment une ligne avec des piques. Impossible de les contourner ! Les deux prêtres sortent leurs symboles, invoquent leurs dieux. Huit zombies s'enfuient. C'est suffisant pour passer.

Après cent mètres ils sont bloqués à nouveau. Cette fois-ci c'est une charrette qui a été mise en travers. Il n'y a pas d'autres solutions que de se battre. Ils font tourner et se cabrer leurs chevaux pour repousser leurs adversaires. Mais ils sont toujours plus nombreux. Brenïn, déséquilibré, tombe de son poney.
- Gil, occupe-toi de lui, crie Lorraine en repoussant la créature qui voulait saisir le nain.
- Il en arrive toujours plus. N'as tu pas une idée ? lui demande Dalor.
- Les zombies sont dirigés par un sorcier ou un prêtre maléfique. Il faut trouver et éliminer celui-ci.
- J'ai cru voir deux yeux rouges à travers une fenêtre tout à l'heure.
- Mets-toi en retrait, et attaque-le avec ton arc.
- Je te protège. Vas-y ! intervient Hubert.
- Utilise une flèche d'argent et trempe la pointe dans de l'eau bénite.

Les guerriers combattent du mieux qu'ils peuvent, mais finissent tous pas être plus ou moins blessés. Gart tombe à sont tour.

- Je le vois ! s'exclame Dalor en lâchant sa flèche.
- Dépêche-toi. Nous ne pourrons tenir encore très longtemps.
- Mon cheval a fait un écart. Je l'ai raté. Maintenant je ne le vois plus, répond le chasseur, l'arc bandé, de nouveau prêt à tirer, et scrutant toutes les ouvertures.
- Le revoilà !
Cette fois-ci il fait mouche. Ils entendent un cri. Les zombies cessent de bouger.
- Ecartons vite cette charrette, et filons avant qu'il ne revienne.
Gil soigne les blessés, puis ils repartent.

Ils voyagent toute la journée, soit chevauchant, soit marchant à côté de leurs montures pour les économiser. Le soir, ils aperçoivent un géant qui leur barre la route. Il est en armure et est armé d'une grande épée.
- Voyez ses yeux ! C'est un zombie également.

Les guerriers lui décochent des flèches. Les prêtres tentent de le repousser, en vain. Celui-ci se saisit d'un gros rocher et le jette contre eux. Heureusement il n'atteint personne. Puis il attaque, et glisse sur l’épaisse couche de graisse qu'Eloa a fait magiquement apparaître sous ses pas.

Avant qu'il se relève, ils lui tirent encore d'autres flèches. Mais le géant reprend son équilibre, et le corps à corps a lieu. Les hommes ont mis pied à terre et le frappent. Il encaisse les coups et ne réagit pas tout de suite. Puis il touche Gart qui est presque coupé en deux par le coup. Orion, grâce à son épée magique, réussit à percer l'armure du géant. Mais cela ne suffit toujours pas. Le monstre s'en prend maintenant à Brenïn. Ce dernier, du fait de sa petite taille, lui échappe, et passe entre ses jambes tout en le frappant de sa hache. Enfin Karnay réussit à l'achever.
- Ca a été difficile. Nous avons eu de la chance.
- Pas pour Gart. Nos soins ne peuvent plus rien pour lui. Seul un grand prêtre pourrait le ressusciter, dit Lorraine.
- Il ne faut pas que ces êtres maléfiques s'emparent de son corps. Ils le transformeraient en zombie.
- Nous allons l'enterrer en l'aspergeant d'eau bénite. Nous pourrons peut-être le récupérer en revenant.

Lorsqu'ils ont terminé, la nuit est tombée.
- Nous devons trouver un abri. Les chevaux sont fourbus, et nous aussi.

Ils trouvent une grotte. Ils décident de faire des tours de garde, et de dormir dans leurs armures. Situation inconfortable, mais ils sont tellement fatigués par cette première journée qu'ils s'endorment aussitôt. Au bout de quatre heures, Dalor réveille Lorraine.
- Debout, c'est ton tour de veille.
- Rien de spécial ?
- Rien. J'ai juste cru voir une ombre me frôler.
- Une ombre ? Bon sang ! Quand ?
- A l'instant.

La prêtresse invoque rapidement la lumière. Elles sont cinq. Des ombres, toutes noires, qui s'étaient faufilées dans la grotte et attendaient le moment propice pour attaquer. Les aventuriers se réveillent promptement. Furieuses d'être découvertes, les ombres commencent à tournoyer autour de nos héros. Lorraine tente vainement de les repousser.
- Que se passe-t-il ? se plaint Brenïn. Je ne peux pas les frapper !
- Servez-vous de vos épées magiques, répond la prêtresse. Seules ces armes peuvent les vaincre.

Par chance Dalor porte l'ancienne épée d'Orion, et Hubert a récupéré celle du malheureux Gart. Les guerriers combattent désespérément, mais chaque fois qu'une de ces créatures les blesse, elle leur retire une partie de leur énergie vitale, car ces êtres proviennent des sphères négatives. Heureusement l'épée d'Orion possède sa propre force, et il parvient à se défaire d'une ombre. Puis il vole au secours du nain, et se défait également d'un nouvel adversaire...

Finalement, malgré leurs forces déclinantes, ils parviennent à être en surnombre, et vainquent les funestes créatures. Lorraine soigne de son mieux les blessés, mais épuise toutes ses ressources en sortilèges.

Gil ne s'est pas réveillé.

- Il dormait un peu à l'écart du feu. Il est probable qu'une de ces ombres l'a touché pendant son sommeil, lui aspirant toute sa vie, et le transformant en ombre lui-même.
- Il faut repartir immédiatement, sinon jamais nous n'atteindrons notre but, décide le paladin.

Malgré leur manque de sommeil, ils se remettent en route. Heureusement les chevaux, qui dormaient à l'écart, n'ont pas été inquiétés.
- Est-ce le signe du destin, ou une protection occulte ? se demande Karnay.
- Les ombres ont sans doute pensé que l'instinct de ces animaux les réveillerait, et qu'ils donneraient l'alerte. A moins qu'elles n'aient préféré s'attaquer à des âmes humaines.

Une heure plus tard, ils parcourent une région fort lugubre.
- Regardez ça. On dirait des tombes, à perte de vue.
- C'est ma foi vrai. Nous allons traverser un cimetière.
Ils avancent en redoublant de vigilance.
- Alerte ! J'ai vu quelque chose bouger!
- Ce sont des goules !
- Restez près de moi. Mon aura de paladin les tient à distance. Eperonnons nos chevaux et sortons vite de cet enfer.

Ils forcent leurs montures et cavalent à brides abattues. Mais Brenïn, qui n'est qu'un piètre cavalier, tombe de son poney.
- Continuez sans moi ! crie-t-il.
Hubert ne l'entend pas de cette oreille, et revient secourir son ami.
- Monte en croupe et accroche-toi ! Nous allons essayer de rattraper les autres.

Le guerrier hisse le nain sur sa selle. Mais une goule se met en travers de leur chemin, et attaque le cheval. L’animal s'écroule.

Ensemble, nos deux héros éliminent cet obstacle, mais Brenïn a été agrippé par son étreinte paralysante. Hubert le prend sur ses épaules et continue à pied. Une autre goule le rejoint. Dans un sursaut d'énergie, il la combat. Il est mordu mais résiste au poison qui envahit son corps. Puis il reprend son ami sur son dos et poursuit sa route.

Pendant quelques pas.

Jusqu'à être entouré de goules.

Pendant ce temps ses compagnons sont arrivés à la sortie du cimetière. Il y a là un mur qui marque la limite, avec une ouverture d'un mètre de large, et une inquiétante créature humanoïde qui en interdit le passage. Elle est trapue, de couleur sombre, avec des yeux rougeoyant, des canines aiguës, des bras immenses au bout desquels pendent de longs doigts crochus.
- C'est un nécrophage, un mort vivant encore plus dangereux que les ombres !

Lorraine tente de le repousser. Mais ses incantations n'ont pas d'effet. Les guerriers descendent de cheval et lancent leurs flèches à pointes d'argent.

Touché !

Le nécrophage s'avance alors. Eloa utilise sur lui le même sort que contre le zombie géant. Mais il parvient à garder son équilibre malgré la couche de graisse magiquement apparue au sol. Ca ne marche pas à tous les coups ! Puis il vient au contact.

Nos héros sont si habiles qu'ils parviennent à éliminer ce redoutable adversaire sans être touché. Mais un second nécrophage apparaît à cet instant dans l'ouverture.
- Il faut absolument passer !
- Chargeons !

Lorraine projette de l'eau bénite en direction du monstre. Il recule de l'autre côté du mur. Les trois guerriers s'avancent et finissent par le transpercer grâce à la magie de leurs épées.
- Tu as été blessé. Est-ce que cela ira ? demande la prêtresse à Dalor.
- Bien que la blessure soit insignifiante, je me sens faible. Mais ça devrait aller mieux.
- Cet être des sphères négatives t'a vidé d'une partie de ta substance vitale. C'est une chance que tu sois résistant, sinon tu te serais transformé en nécrophage. Hélas je crains qu'il ne faille une magie très puissante pour te rétablir, si cela est seulement possible. Tu viendras avec moi à mon temple à notre retour.

Une heure après, ils se heurtent à un groupe d'autres nécrophages.
- Passez tandis que je les retiens ! dit Karnay en lançant sa monture contre les créatures.

Grâce à son sacrifice, Orion, Lorraine, Dalor et Eloa franchissent ce nouvel obstacle. Mais un peu plus loin, ils découvrent un monstre encore plus horrible. Il est plus grand qu'un nécrophage, et est recouvert de pustules.
- C'est un ghast ! Nous sommes perdus ! déclare la prêtresse.
- A mon tour de me dévouer, répond Dalor en éperonnant son cheval.

Bref, il ne reste plus que le paladin, et les deux femmes. Le jour commence enfin.
- Nous n'irons pas loin, avec nos chevaux fatigués.
- Prince, nous allons rester ici, Eloa et moi, ainsi vous disposerez de nos montures.
- Je ne puis accepter votre sacrifice.
- Faites-le. Seule compte votre mission, et nous ne pouvons plus vous être utiles, car nous avons épuisé tous nos sortilèges.

Ainsi, passant d'un cheval à l'autre, Orion parvient à la fin de la journée à l'extrémité de la gorge. La rivière, qui n'est plus que ruisseau à cet endroit, jaillit de dessous une roche. Un chemin monte sur la droite vers un sombre château.

Mais ce que voit surtout le paladin, c'est un autel à la hauteur de la source, où un sorcier s’apprête à immoler une jeune fille à un dieu sinistre. Orion s'élance.

D'un revers de lame il tranche la tête du prêtre avant que la dague d'obsidienne ne s'abatte. Puis il délivre la prisonnière.

Celle-ci est reconnaissante, lui baise les pieds, dit qu'elle lui voue désormais un amour sincère, lui offre ses lèvres...

Mais Orion trouve suspect l'empressement de la jeune fille. Il concentre son attention, et découvre sa vraie nature.
- Arrière démon ! Tu ne m'ensorcelleras point ! clame-t-il en brandissant son épée.

La jeune femme est violemment projetée à terre par une force invisible.
- Qu'est-ce ? Ah oui ! J'oubliais, c'est ton don de paladin. Tu peux repousser mes attaques. Qu'importe ! J'ai fait de mon mieux.

Puis la succube femelle déploie ses grandes ailes de chauve-souris qu'elle maintenait invisibles par sorcellerie, et prend son envol...

- Nous allons nous cacher dans ses buissons en attendant le retour d'Orion, ou la fin de cette aventure, dit Lorraine.
Soudain des goules en surgissent. Mais la prêtresse a le temps de sortir son symbole et d'invoquer sa déesse. Les créatures sont repoussées et fuient au loin.
- Je peux appeler Pukha à l'aide, dit Eloa après cet intermède.
- Qui est Pukha ?
- Un être d'une grande puissance. Il peut tous nous sortir d'ici, et même ressusciter les morts.
- Laissons à Orion une chance d'accomplir sa mission. Attendons demain matin.

Le paladin a grimpé le sentier. Il se retrouve devant le château. Mais toutes les entrées sont closes. Comment faire ? Il se souvient de ses potions trouvées chez les ogres lors de sa première aventure, et dont l'Egyptien lui a révélé l'utilité. Il en prend une, celle qui est grise, un peu poisseuse, défait son armure, boit l'élixir. Puis il escalade la muraille : ses mains et ses pieds nus collent à la paroi par magie.

Le voici arrivé dans la place. La nuit est tombée. Il pénètre dans la cour, ne voit personne. Soudain un ululement lui fait tourner la tête. Il se retrouve en face d'un homme de bonne stature qui s'était approché silencieusement dans son dos. Il est vêtu de couleurs sombres, et d'une grande cape.
- Mais qui voilà ? Un visiteur inconnu ! Le prince Orion en personne, je présume. Venez donc partager ma table. Je suis le comte Vlad.

Le personnage le guide dans une salle somptueuse, dont les portes s'ouvrent sur un claquement de mains du comte. On ne voit aucun serviteur. La table est richement garnie de mets et de boissons.
- Goûtez un peu de ce pâté, à moins que vous ne préfériez cette viande, et dites-moi ce que vous pensez de ce vin. Allons, mettez-vous à votre aise.

Orion tire son épée, et renverse les plats et les bouteilles sur la table.
- Je ne veux pas de vos prodigalités. Vous ne me charmerez pas. Vous exsudez le Mal !
- Pauvre petit paladin, si faible et si seul. Mais votre aura de sainteté ne vous protégera pas. Vous êtes ici chez moi et je règne en ces lieux. Voyons, comment vais-je procéder ? Il me suffit de vous effleurer pour vous tuer.
- Ne m'approchez pas !
- Une mort rapide serait trop douce… Je sais ! Je vais d'abord vous corrompre.
Le comte dévoile ses canines de vampire dans un rictus.
- Je vais vous sucer le sang juste un tout petit peu, mais suffisamment pour vous maudire pour l'éternité. Et pour commencer je vais vous endormir!
Le comte prononce une formule magique et projette dans l'air des pétales de fleurs.
- Tiens ? Ca ne marche pas ! Ah ! Je comprends ! C'est votre épée. Elle vous protège. Mais qu'à cela ne tienne. Vous avez eu une dure journée, et une nuit courte. D'ici l'aube vous aurez succombé à la fatigue. Je vous laisse à vos doutes, bonne nuit !

Il étend sa cape, se métamorphose en chauve-souris dans un nuage de vapeur, puis s'enfuit par la cheminée. Orion essaie de sortir, mais portes et fenêtres sont magiquement closes : impossible de les ouvrir ou de les briser. Quant à l'accès emprunté par le comte, autant ne plus y songer : le conduit est trop étroit.
- Ne t'en fait pas, je vais te tenir compagnie pour que tu ne t'endormes pas.
- Qui parle ?
- Moi, ton épée, mais ne crie pas à haute voix. Contente-toi de penser. Nul ne doit savoir que je suis ici.

Lorraine est en train de céder au sommeil. Soudain elle entend une incantation, et elle aperçoit un œil rouge qui la regarde dans l'ombre. Puis elle s'immobilise.

Eloa dort. Elle se réveille en sursaut : un sombre pressentiment. Elle voit une silhouette s'avancer. Un seul œil rouge et un bandeau sur l'autre. Elle sort précipitamment le récipient de verre où nage une petite forme dans une eau grise. Mais une main glaciale lui saisit l'épaule, et elle se pétrifie à son tour.
- Enfin je tiens ma revanche. J'ai attendu ce moment toute la journée. Mais qu'est-ce donc que cette fiole que tu t’apprêtais à prendre ? Une potion ?

C'est alors qu'un hibou vient frôler la main de la magicienne. La fiole glisse et se brise à terre. Une grande forme s'en échappe dans des volutes de fumées.
- Un djinn ! Au secours !
Et le nécromancien s'enfuit.

Malgré ses efforts, et le secours de son épée, Orion s'endort.
Vlad réapparaît par la cheminée.
L'aube se lève.

- Hé bien ! Te voilà dans un drôle d'état, Eloa, et me voilà frais, moi, le grand Pukha, sans ma fiole où me reposer, et sans que je sois délivré de toi.
Le djinn regarde, pensif, l'aurore.
- Allons, Eloa, fais un petit effort. Je peux te sauver, toi et tes compagnons, mais il faut que tu le souhaites formellement. Où que soit ton âme, adresse-moi un petit signe. Je prendrai alors cela comme un acquiescement.
A cet instant le hibou revient en ululant, se pose sur l'épaule de la magicienne, et, sous le poids du volatile, sa tête penche en avant.
- Je prends cela comme un signe !

- Alors, êtes-vous satisfait, prince ? Orion a répondu à vos exigences, et il est maintenant libre d'aller où il veut, dit le roi.
- Il y a tricherie ! J'ai parfaitement reconnu Excalibur, que je ne vois plus à vos côtés, répond son adversaire. Quant au hibou, c'est votre animal familier, n'est-ce pas, magicien ? ajoute-t-il en se tournant vers celui-ci.
- Allons, soyez beau joueur. Après tout, la succube n'était pas non plus prévue au programme, réplique ce dernier.
- Vous ne m'y reprendrez pas de si tôt !
Le prince sort en claquant la porte. Mais il a donné sa parole. Il la tiendra.
- Et maintenant, quel avenir prévoyez-vous à nos héros ? interroge le roi.
- Je les vois de retour dans une auberge à Parlis, ressuscités, restaurés dans leur force et leur jeunesse, et transportés par le souhait de Pukha. Tout est bien qui finit bien. Quant à la suite, l'avenir seul nous le dira... prédit le magicien en rangeant sa boule de cristal.

Mais je me demande si nous avons bien fait de libérer ce djinn des temps anciens, pense-t-il en sortant à son tour de la pièce.

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