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avant
:
mais à quoi sert donc une poivrière ? |
suite
:
un exemple de complexité en évolution |
le stade 0 de la complexité
Ce que nous désignons
comme le premier stade de la complexité, correspond à l'existence
de points seulement séparés les uns des autres. Nous avons
des points écartés les uns des autres, et puis c'est tout.
Ce point parmi d'autres
points, peut être un atome parmi d'autres atomes, il peut aussi bien
être un être humain parmi d'autres humains, ou encore être
un tracé parmi d'autres tracés. Tout ce que l'on demande
à la situation pour correspondre à ce stade, c'est qu'elle
traite de faits que l'on peut résumer chacun par une position, et
que ces positions soient écartées les unes des autres, sans
que l'une ou l'autre n'ait une position spécialement remarquable
qui la distingue des autres. Un ensemble de points répond bien sûr
à cette situation, c'est pourquoi nous appellerons ce stade, "le
stade des points séparés". Nous l'appellerons aussi le stade
de dimension 0, nous souvenant que les mathématiciens disent que
les points sont des figures sans dimension, ou de dimension nulle.
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Tout à fait
contemporaine cette fois, on peut citer cette toile du peintre d'origine
allemande A.R. Penk, qui date de 1971, et qu'il a intitulée "Emplacement".
Sur la partie gauche de la toile, se trouve tout un amas de points dont
on ne peut guère dire plus, qu'ils sont dispersés les uns
à côté des autres.
Les fleurs blanches
du premier plan forment, dans chaque arbuste, comme un bouquet de points
régulièrement étalés. La même chose vaut
pour les grappes de feuillages qui sortent de chaque arbuste du second
plan, ou pour les étoiles de la toge de Saint Mathieu. À
plus grande échelle cela vaut pour les bouquets et pour les arbustes
eux-mêmes, et pour les moutons. En second plan, les pierres et les
touffes d'herbe, également se répandent de façon dispersée
et assez régulière.
Bien sûr, l'organisation
de cette mosaïque combine cet effet de points avec d'autres effets,
notamment des effets d'alignements et de hiérarchies entre végétaux
de diverses tailles, mais l'on a déjà prévenu que
nous allions avoir à démêler plusieurs stades de complexité
entremêlés, ce que nous ne pourrons faire que plus tard.
Cet exemple avait
seulement pour but d'exposer comment par "points", il ne faut pas forcément
entendre de gros tracés bien ronds, mais des éléments
de formes identiques et dont les positions sont régulièrement
étalées. Comme les formes sont identiques, on se concentre
sur la position de ces formes et non sur leurs particularités, et
comme ces positions sont équivalentes, on sait que l'on a affaire
à ce stade qui traite de positions séparées et équivalentes
entre elles.
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le stade 1 de la complexité
Dans un sens, on peut
dire que le premier stade, celui du point, ne comprend rien. Il ne comprend
rien puisqu'il comprend seulement des positions géométriques.
Le second stade ne comprend d'ailleurs rien de plus, puisqu'il ne
comprend lui aussi que des points, et absolument rien d'autre. Pour comprendre
ce qui peut faire que la situation soit malgré tout plus complexe,
il suffit de réfléchir à ce qui peut arriver à
des points pour que leur situation soit plus compliquée, sans pour
autant ne contenir rien d'autre qu'eux-mêmes. La seule complication
qui peut arriver à des points séparés, c'est que ces
points se classent entre eux. C'est-à-dire qu'ils cessent d'être
des points équivalents et interchangeables, pour que l'on puisse
maintenant les distinguer les uns des autres. Si par exemple trois points
se trouvent sur une même ligne, l'un se distinguera des autres comme
étant au milieu, et les deux autres se distingueront de lui comme
étant en extrémité de leur petit groupe. Ce ne sont
toujours que des positions, mais ces positions ne sont plus équivalentes,
on peut les distinguer.
Voyez que par classement
on n'entend pas spécialement que les points se rangent dans un ordre
régulier, mais on entend seulement que leurs positions - puisqu'ils
ne sont que cela - puissent se remarquer de façon particulière,
qu'elles se distinguent les unes des autres et ne soient pas quelconques
ou équivalentes. Que le classement soit "en bon ordre" ou "sans
ordre précis", un classement distingue la position des éléments
qui le constituent : on peut toujours dire que l'un est devant tel autre,
et qu'il est derrière tel autre.
Le dessin de points
séparés permettait de résumer la notion de positions.
De la même façon, nous pouvons utiliser un graphisme pour
résumer la notion de classement. Comme on l'a vu, trois points alignés
pourraient servir à cela, mais rien ne garantit que cet alignement
n'est pas fortuit et qu'il se conservera quand les points viendront à
bouger. Aussi, nous utiliserons plus volontiers un trait droit, puisqu'un
trait possède nécessairement un centre et deux extrémités,
donc trois endroits clairement différents les uns des autres.
Un trait droit résume
de façon synthétique :
- le fait qu'il y
a des endroits aux positions distinctes (ce qui correspond au stade du
point) ;
- et le fait que ces
positions ne sont pas seulement équivalentes ou interchangeables,
mais qu'en plus d'êtres distinctes elles sont aussi différentes
l'une de l'autre (ce qui correspond au stade du classement).
Qui plus est, toutes
ces propriétés restent parfaitement lisibles lorsque le trait
fait un mouvement dans l'espace.
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Deux ou trois personnes
pouvaient être équivalentes à trois points isolés,
dès lors qu'on ne faisait que constater qu'elles occupaient des
positions différentes.
Si l'on note maintenant
qu'elles sont peut-être de sexe différent, ou de taille différente,
ou de race différente, alors on ne les considère plus seulement
formant un groupe de points seulement séparés, mais on considère
le classement qu'elles forment en se distinguant les unes des autres par
le sexe, la taille ou la race.
Ce second stade de
la complexité, nous lui donnerons la dimension "1". "0" pour les
points, "1" pour les traits droits, on voit que cette numérotation
continue le chiffrage habituel des mathématiciens qui attribuent
la dimension 0 à un point et la dimension 1 à une droite.
Il est important de
remarquer que pour faire un classement de points, il faut d'abord disposer
de points séparés, et il faut ensuite que ces points ne disparaissent
pas en s'amalgamant l'un sur l'autre. Toujours d'ailleurs nous retrouverons
cette règle simple : tout stade de complexité contient en
lui-même tous les stades successifs qui l'ont précédé,
et ces stades successifs ne disparaissent pas en se fondant dans le stade
nouveau, mais ils restent vivants et actifs en lui. De là provient
d'ailleurs le caractère contradictoire que l'on a souligné
d'emblée pour la société humaine : dès lors
que l'on se perçoit comme un classement de points, on doit aussi
considérer que l'on est en même temps et indissociablement
un ensemble de points non classés, c'est-à-dire que l'on
doit se ressentir à la fois comme une chose et pas comme cette chose.
On peut aussi faire
une autre remarque liée à la précédente : si
les stades antérieurs subsistent, ils doivent être capables
de ne pas se défaire. Pour des points seulement séparés,
cela signifie que, quoi qu'il advienne, ils doivent rester écartés
et ne pas s'agglomérer l'un à l'autre. Pour des points classés,
cela signifie que leur classement doit tenir. Si ce classement est permis
par un alignement, les points doivent rester alignés, si c'est une
différence de taille ou de vitesse qui les distingue, cette différence
doit toujours subsister, etc. La question se pose donc : comment ces propriétés
peuvent-elles se conserver sans se fondre dans les propriétés
du niveau supérieur qui les absorbe ? Pour l'instant, nous
ne répondons pas à la question, nous la laissons en suspens,
mais nous y reviendrons à l'occasion du quatrième stade de
la complexité . . . car précisément le quatrième
stade est celui qui nous apportera la réponse.
Pour illustrer le second stade, nous pouvons donner des exemples tirés de l'histoire de l'art où l'effet de classement apparaît clairement.
Certainement les alignements de mégalithes, tels ceux de Carnac en Bretagne (France), sont spécialement caractéristiques de cet effet. Chaque pierre dressée figure un classement, avec trois positions bien différenciées l'une de l'autre : l'extrémité qui touche le sol, la partie médiane, et l'extrémité pointée en l'air. Ces classements à leur tour se mettent en longues rangées, et parfois plusieurs rangées se tracent l'une à côté de l'autre. |
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Un autre exemple de
classement nous est donné par les gravures sur roches en plein air
de la "vallée des merveilles" (Alpes Maritimes, France). Elles correspondent
à un stade de complexité de la société seulement
quelques pas plus tardifs que celui des alignements de mégalithes.
Nous donnons un exemple de ces gravures qui datent de 1 800 à 1
500 environ avant notre ère, et qui représentent des têtes
de bucanes figurant un troupeau.
Ce sont des classements faits
de traits presque droits qui sont utilisés ici. Ces classements
sont eux-même classés de deux façons différentes.
Certains classements de classements sont bouclés sur eux-mêmes
: ce sont les traits qui forment les quatre côtés de la tête
en silhouette de chaque animal. Et les autres sont des classements de classements
que l'on peut appeler par différence des classements ouverts : ce
sont les cornes des animaux, chacune faite de deux traits/classements séparés
l'un de l'autre par un coude. On distingue bien l'un de l'autre les deux
classements qui forment chaque corne, du fait que l'un est proche de la
tête et que l'autre en est éloigné. De même,
les traits/classements qui cernent chaque tête sont bien classés
entre eux puisqu'ils ont des situations différentes : l'un prolonge
les cornes par ses deux bouts, un autre ne touche aucune corne, et les
deux autres ne touchent une corne que par un bout. On verra le moment venu
que cette juxtaposition de deux types de classements, l'un fermé
sur lui-même, l'autre ouvert en extrémité, correspond
à un effet bien précis et récurrent dans l'évolution
de la complexité.
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Si l'on jette à
nouveau un regard sur la toile de Penk, on s'aperçoit bien entendu
que la partie droite est remplie de traits/classements qui eux-mêmes
ne sont pas classés entre eux mais sont traités comme les
points séparés de la partie gauche. Le bonhomme quant à
lui, est entièrement construit à l'aide de traits/classements
impliqués dans des situations variées qu'il est encore trop
tôt pour analyser.
L'empreinte (de main
?) qui occupe le centre des points de gauche, effectue une transition progressive
remarquable entre ses quatre points horizontaux du haut non classés
entre eux, et trois trapèzes ou rectangles alignés verticalement
qui, du fait de leur forme différente, sont par contre clairement
classés entre eux. Le bonhomme central présente d'ailleurs
la même particularité : la moitié gauche et la moitié
droite sont équivalentes, alors que son haut se différencie
clairement de son bas.
le stade 2 de la complexité
D'abord nous avions
des points, c'est-à-dire des riens, mais des riens que nous pouvions
localiser. C'était déjà mieux que rien. Puis ces riens
localisés, maintenant nous savons les différencier. Les uns
sont par exemple les centres, et les autres sont les extrémités
d'une file de riens. C'est maintenant beaucoup mieux que rien, et c'est
déjà la moitié de ce qu'il faut pour construire une
complexité.
Étant toujours
supposé que des classements peuvent tenir sans se défaire
- on verra plus loin comment -, quelle complexité plus grande pouvons
nous cette fois envisager ? Pour respecter la règle que nous avons
utilisée jusqu'ici, ce nouveau stade ne doit introduire aucun élément
nouveau que nous ne possédions déjà, et il doit seulement
se baser sur un arrangement particulier des éléments qui
sont déjà là.
Si nous prenons plusieurs
classements quelconques au lieu d'un seul classement, avons nous une propriété
nouvelle ? Nous avons plusieurs classements localisés en des endroits
distincts, ce qui n'est pas nouveau mais nous ramène seulement un
pas en arrière en faisant fonctionner ces classements comme autant
de points séparés.
Si nous classons ces
classements entre eux de quelque façon, par exemple en les distinguant
pas la couleur, nous n'obtenons pas non plus une propriété
nouvelle, car nous nous contentons de reproduire à une échelle
supérieure la propriété de classement que chacun déjà
possède.
Alors quoi, n'y a-t'il
rien à tenter ? Si : il reste la possibilité de croiser les
classements.
Croiser des classements,
c'est établir deux classements simultanés des mêmes
points, ou si l'on veut, classer les mêmes points dans deux directions
à la fois, ou de deux manières différentes à
la fois.
La façon la plus synthétique d'exprimer que le classement
entre plusieurs points s'effectue en même temps selon deux classements
distincts, est certainement de courber le trait que forme un classement.
Un segment est, comme on l'a vu, l'équivalent du classement de trois
points, puisque l'un se définit par rapport aux deux autres et s'en
distingue comme étant leur milieu. Si dans le même temps ce
segment se courbe, une autre relation différente mais absolument
simultanée va s'établir entre les points : l'un sera nécessairement
plus près de nous qu'un autre et peut-être que les deux autres,
et leur éloignement respectif de nous sera alors un autre moyen
de les différencier les uns des autres. Même si la courbe
se déplace dans l'espace et que l'ordre de cet éloignement
respectif se modifie, il restera toujours une différence d'éloignement
qui différenciera entre eux les trois points. Le classement se modifiera,
mais il restera un classement de même type, et différenciant
entre eux les mêmes points, ce qui est tout ce que nous lui demandons.
Pour définir
ce nouveau stade de la complexité, nous dirons qu'il consiste à
organiser deux classements différents et simultanés d'un
même ensemble de points. Pour cette raison nous l'appellerons "le
stade de l'organisation" et nous lui donnerons la dimension "2", valeur
qui rappelle la dimension "2" que les mathématiciens utilisent pour
une surface obtenue par le croisement de deux droites portant chacune la
dimension "1" d'un classement.
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Cette fois encore, pour aider à comprendre ce que ce stade implique comme jeu spécifique de formes, nous allons donner quelques exemples tirés de l'histoire de l'art.
Le déchiffrage
du langage des formes que nous proposons n'est pas spécialement
adapté à l'art préhistorique, mais du fait que cet
art correspond à un avancement encore modéré de la
complexité de la société, il nous est précieux
pour présenter les notions utiles sous forme d'abord simple. Les
arts des périodes ultérieures utilisent les mêmes effets,
mais leur combinaison sur plusieurs niveaux rend leur lecture moins immédiate.
Voici donc un exemple
d'art préhistorique qui fait un usage immodéré du
trait courbe dont on a dit qu'il représente un double classement
simultané. C'est l'une des dalles gravée du dolmen de Gavrinis
en Bretagne (France), qui date de 4 à 5 000 ans environ avant J.C..
Ici, le trait courbe est presque le seul motif utilisé : ils s'emboîtent
les uns dans les autres, il en pousse au sommet de certains, ils s'alignent
dans un sens et dans l'autre sens perpendiculaire, il y en a des grands
bien rangés au milieu et des petits qui vagabondent sur les bords
de la dalle.
Pour donner un autre exemple truffé
de classements et d'organisations, tout en changeant complètement
de lieu et d'époque, voici la pagode du temple d'Hôryû-ji
(préfecture de Nara) au Japon. Ce temple date de 607 après
J.C., mais a été reconstruit entre 670 et 714 après
qu'un incendie l'ait détruit.
Chaque bord de toit forme le classement de
deux extrémités et d'un centre. Ces bords s'arrondissent
en leurs extrémités, ce qui les différencie d'une
manière supplémentaire de la zone centrale qui reste droite,
et qui transforme donc chaque bord en organisation. À leur tour,
ces organisations se différencient l'une de l'autre en partant dans
des directions horizontales croisées qui font le tour de chaque
étage, et se différencient d'une seconde manière en
se répartissant sur des étages successifs. Les bords de toit
se différencient donc les uns des autres en se trouvant plus ou
moins sur le devant ou sur le côté, et en même temps
plus ou moins en bas ou plus ou moins en haut de la pagode.
Ce type de classement simultané selon
plusieurs directions est une autre façon de réaliser une
organisation. Cette pagode nous propose donc des organisations de rangements
obtenus par effet de courbure, qui elles-mêmes s'organisent en rangements
qui se croisent selon des directions horizontales et verticales.
On profite de cette image pour attirer l'attention
sur l'empilement de courbes / organisations qui forme la crête verticale
qui surmonte la pagode.
le stade 3 de la complexité
Très vite, et
sans avoir affronté des affres de difficultés, nous en sommes
donc déjà rendus au quatrième et dernier stade de
la complexité. Au seuil de ce stade :
- nous
disposons de l'organisation de deux classements simultanés ;
- chacun
correspond au classement des mêmes points ;
- et ces
points classés restent en même temps des points séparés.
Ainsi nous disposons
donc des trois stades de complexité antérieurs, enchâssés
l'un dans l'autre, et toujours aussi vivants l'un que l'autre. Et nous
devinons que cette fois encore nous n'aurons rien de nouveau à ajouter
pour obtenir la propriété nouvelle qui signalera ce nouveau
stade.
Aux points séparés,
d'abord différenciés l'un de l'autre d'une certaine façon,
puis maintenant différenciés simultanément d'une autre
façon, nous n'aurons en effet rien à ajouter, puisque la
propriété nouvelle viendra cette fois encore d'une configuration
particulière que saura prendre le stade précédent.
Cette propriété nouvelle sera que l'organisation des classements
trouvera maintenant le moyen de ne plus jamais se défaire.
Si vous prenez une
corde tendue entre vos mains, vous avez l'équivalent d'un classement
: deux bouts et un milieu. Si vous demandez à une autre personne
de prendre une autre corde tendue entre ses mains et de l'affronter à
la votre, de pousser votre corde avec la sienne, vous pourrez alors avoir
l'équivalent d'une organisation de deux classements : en poussant
sur l'une des cordes vous déformez l'autre aussitôt, et les
deux réagissent ensemble. Mais cela n'est pas vrai dans toutes les
configurations, vous pouvez toujours trouver des positions où les
deux cordes glissent l'une sur l'autre sans s'entraîner mutuellement,
et vous pouvez aussi tirer en arrière l'une des cordes pour la détacher
de l'autre.
Bref, l'organisation
de vos deux cordes présente des faiblesses selon certains angles,
et peut alors se défaire. Pour que vos cordes bougent certainement
l'une en même temps que l'autre, et cela de façon constamment
liée, l'astuce consiste très simplement et très précisément
à les lier, c'est-à-dire à les nouer. Un noeud est-il
quelque chose de nouveau pour les cordes ? Non, la corde n'est ni plus
longue ni plus grosse après qu'on l'ait nouée, elle
possède seulement une propriété géométrique
particulière qui ne représente absolument rien en termes
matériels.
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Ce quatrième
stade de la complexité, tout normalement aussi nous lui donnons
le nom de "stade du noeud", et nous lui donnons la dimension "3", qui n'a
pas d'équivalent évident cette fois avec les dimensions que
les mathématiciens assignent à l'espace qu'on dit à
3 dimensions.
Pour illustrer ce
stade du noeud, nous ne pouvons pas donner maintenant des exemples tirés
de l'histoire de l'art. Nous ne pouvons pas le faire, car le stade du noeud
présente une particularité qui tranche avec celles des trois
stades précédents. En effet, chacun de ces premiers stades
s'éprouve dans l'espace : c'est une relation géométrique
visible dans l'espace que celle où les points sont séparés
ou agglomérés, c'est aussi une relation que l'on peut voir
dans l'espace que celle où les points sont reliés entre eux
dans une ou dans plusieurs directions. Mais un noeud, sa propriété
essentielle, c'est de tenir bon, c'est-à-dire de durer. La qualité
de noeud est donc fondamentalement quelque chose qui s'éprouve dans
le temps, dont la fonction première est de permettre à ce
qui s'est d'abord construit dans l'espace, de maintenant durer dans le
temps.
À cause de
cette particularité du noeud il n'y a donc pas de figure spatiale
représentative de cette propriété, et c'est toujours
par le fonctionnement et la combinaison de propriétés spatiales
simultanées que nous pouvons éprouver dans l'art, l'effet
de noeud.
Ces réflexions
nous rappellent opinément que l'univers lui-même fonctionne
avec trois dimensions d'espace et une dimension de temps. Au choix, on
peut y voir un hasard, ou une signification profonde. Je penche pour ma
part vers la signification profonde, et je suis persuadé de ce que
si, dans notre univers peuvent se développer des complexités
comprenant trois dimensions progressives qui s'éprouvent dans l'espace,
puis une dernière dimension qui s'éprouve dans le temps,
c'est que l'univers lui-même fonctionne et se complexifie à
tous ses niveaux et à toutes ses époques, en répétant
un processus analogue à celui que nous essayons ici de mettre à
jour.
L'irréversibilité
du temps qui passe est d'ailleurs le meilleur exemple que l'on peut donner
d'une situation nouée, puisque l'irréversibilité signifie
que tout retour en arrière est impossible.
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