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:
un exemple de complexité en évolution |
Une spirale de complexité
Nous nous sommes attachés
à montrer comment chaque stade de la complexité reste incrusté
dans celui qui lui succède, comment il continue à fonctionner
à sa propre manière, sans se laisser noyer dans le nouveau
fonctionnement qui s'installe. Cela rappelle un peu le système des
poupées russes emboîtées l'une dans l'autre, les plus
grandes englobant les plus petites mais sans pour autant les faire disparaître.
Les stades antérieurs de la complexité ne sont pas remplacés par ses stades ultérieurs, mais ils continuent à exister et à fonctionner à leur manière propre, incrustés dans ces stades ultérieurs. Les différents stades vivent ainsi emboîtés les uns dans les autres, comme le sont des poupées russes |
Par ailleurs, nous avons présenté l'évolution de la
complexité sous la forme régulière de quatre fois
quatre étapes.
Il est temps de prévenir que cette présentation est très imparfaite, et que nous devons maintenant tenir compte des mutations qui s'introduisent graduellement et qui transforment la complexité en spirale : comme une spirale elle se répète en faisant des tours qui la ramènent sans cesse sur elle-même, mais comme une spirale elle change constamment puisqu'elle s'est élargie chaque fois qu'elle revient sur elle-même. |
Très logiquement
en effet, on doit penser que tant que la complexité n'a pas terminé
le stade du noeud, elle ne sait pas faire un noeud, et le stade antérieur
(celui de l'organisation) n'a donc pas pu comporter de phase de nouage.
De la même façon, le stade encore antérieur n'a pas
pu comporter de phase d'organisation, et le stade encore plus antérieur
n'a pas pu comporter de phase de classement.
Ces
remarques vont à l'encontre des réflexions précédentes,
et le lecteur se demande ce qu'il convient donc de penser : faut-t'il quatre
étapes pour franchir chaque stade ? ou y-a-t'il un nombre croissant
d'étapes au fur et à mesure que la complexité progresse
?
La réponse que
nous suggérons, est que les deux choses sont vraies en même
temps ! Car en fait nous allons rester avec ce système de quatre
fois quatre étapes, mais nous allons maintenant introduire la forme
générale que nous prêtons à la complexité,
et qui nécessite un niveau supplémentaire d'emboîtements.
Dans sa forme complète, il faut considérer :
-
que la complexité se déroule en quatre cycles successifs,
-
que chaque cycle contient un nombre de phases qui augmente d'une unité
à chaque cycle,
-
et que ce sont ces phases, qui comportent systématiquement quatre
étapes.
Si nous pensons
à nouveau aux poupées russes, nous ne devons pas considérer
que chaque poupée est seulement plus petite que celle qui la contient,
mais qu'en outre nous la trouvons amputée de la tête, ou de
la tête et des bras, ou de la tête et des bras et des jambes,
au fur et à mesure que l'on défait l'emboîtement.
La complexité mûrit au fur et à mesure qu'elle s'avance, ce qui signifie que les stades les plus anciens sont plus incomplets que les suivants qui bénéficent précisément de l'acquis des anciens pour aller plus loin qu'eux. L'image de l'emboîtement des stades successifs de complexité comme des poupées russes doit donc être corrigée : les plus anciens sont comme amputés et d'autant plus amputés qu'ils sont plus anciens |
Ce schéma reprend l'idée selon laquelle le nouage d'un niveau de complexité fait en même temps émerger un niveau plus élevé de cette complexité, et selon laquelle les noeuds ultimes d'un niveau sont strictement la même chose que les points séparés du niveau suivant. On a indiqué sur ce schéma une autre idée qui sera essentielle pour nos explications sur l'art, et qui concerne la notion de "fonctionnement". En effet, chaque cycle ne peut fonctionner qu'avec les propriétés acquises au cours du cycle précédent, de telle sorte que le cycle du classement ne peut utiliser que les propriétés que possèdent des points séparés, que le cycle de l'organisation ne peut utiliser que les propriétés que possèdent les classements, etc. Le cycle du noeud ne possède donc pas les propriétés du nouage, et ce n'est qu'après ce cycle que la complexité peut nouer chacune des quatre phases du cycle du noeud. Aux quatre phases du cycle du noeud, succède donc un cycle d'une seule phase, dont chaque facette va servir à nouer l'une des phases du cycle précédent. C'est de cette façon, que la confection des noeuds ultimes d'un niveau de complexité, constitue le premier cycle du niveau suivant de la complexité. |
Il y a une dernière
retouche que nous devons encore faire aux poupées russes que nous
avions déjà amputées de la tête ou d'un autre
membre.
Puisque les cycles
s'enchâssent les uns dans les autres, chaque cycle contribue à
consolider les précédents, de telle sorte qu'il devient de
plus en plus difficile de les réarranger tous à la fois pour
les besoins des cycles suivants. Cette rigidité de plus en plus
grande, qui a pour effet d'augmenter la difficulté à faire
progresser la complexité, se manifeste par l'efficacité de
moins en moins grande des propriétés qu'elle a déjà
acquises. Ainsi, une propriété qui permet dans un cycle de
faire un noeud, pourra ne réussir qu'à faire une organisation
dans le cycle suivant, puis un seul classement dans le cycle encore suivant,
etc. De cycle en cycle, le gain régulier de propriétés
nouvelles, se paie donc en partie par une perte régulière
de leur efficacité.
Pour traduire cette
notion avec l'image des poupées russes, nous pouvons dire que si
les poupées sont de plus en plus complètes au fur et à
mesure que leur taille augmente, en revanche, leur couleur est de plus
en plus fanée. Les plus vives sont les plus petites et les plus
amputées.
Nous aurons à
intégrer cette notion dans notre analyse de l'histoire de l'art,
mais nous verrons comment on peut tenir compte très simplement de
ces crans progressifs de desserrage de l'efficacité.
Chaque stade est plus mûr et plus complet que les précédents, mais en échange il perd en capacité et en souplesse d'adaptation, ses propriétés sont moins virulentes que celles des stades précédents. Le fonctionnement de la complexité se ramolit au fur et à mesure qu'il se complète. La couleur des poupées russes emboîtées se fane au fur et à mesure que leur taille augmente. On n'a rien sans rien ! |
Sans plus attendre,
nous allons dès maintenant faire une présentation générale
de l'évolution de la société humaine, afin d'indiquer
comment se situent dans cette évolution, les quatre cycles différents
que nous avons suggérés.
Nous reprenons le
même schéma que précédemment, en y portant cette
fois quelques dates approximatives. Nous ferons quelques commentaires sur
ce tableau et plus loin nous donnerons un exemple d'analyse d'oeuvre d'art
pour chacun des stades de chacun des cycles précédant la
Renaissance et pour l'un des cycles de l'époque moderne. La localisation
historique de ces exemples est précisée sur le schéma.
Au début de
la dernière phase de chaque cycle, nous avons mentionné une
"interphase" qui correspond à la perte d'efficacité
qu'implique l'entrée dans une phase qui n'avait jamais été
abordée dans les cycles précédents. Pour se
référer à l'image que l'on a donnée des poupées
russes, cela correspond au moment où l'on passe à une poupée
plus terne en couleur.
Le passage d'un cycle à l'autre, correspond quant à lui au
passage à une poupée qui est moins incomplète que
la précédente. Il donne lieu à ce que nous mentionnons
comme des "intercycles", qui sont des étapes supplémentaires,
au même titre que les "interphases".
En fait, c'est pour
la régularité de notre tableau que nous sortons ces étapes
supplémentaires d'interphases et d'intercyles, mais lorsque nous
avancerons dans la compréhension des mécanismes de la complexité,
nous verrons qu'il est plus utile de considérer qu'il
n'existe pas de telles étapes "spéciales" mais que
la dernière phase de chaque cycle comporte 6 étapes, soit
2 de plus que les phases "courantes".
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[pour une lecture rapide, on peut parfaitement sauter les développements
qui suivent]
0 - le
cycle du point
Au premier cycle porté
sur le tableau nous avons attribué la fonction principale d'invention
par l'humanité de son langage verbal.
Selon nous, le cycle
du point par lequel débute la société humaine se confond
avec un cycle qui reprend les propriétés acquises par les
sociétés animales les plus évoluées, et qui
les noue, faisant par cela même émerger l'humanité.
Nous ne savons dire si ce cycle peut se réduire à 4 + 2 étapes
comme représenté dans notre schéma, ou bien si nous
ne représentons là que le cycle terminal du nouage de tout
un ensemble de quatre cycles.
Quoi qu'il en soit,
il n'existe pas de trace actuellement connue d'art préhistorique,
que l'on peut avec certitude rattacher à ce cycle. Ce ne serait
donc qu'à l'occasion du passage au cycle suivant, que la société
humaine aurait acquis une superposition de complexités paradoxales
telle que le langage verbal ne suffisait plus pour en traiter. Alors seulement
les humains auraient eu recours au langage des formes.
1 - le
cycle du classement
Le cycle suivant, celui
du classement, connaît une première phase qui consiste à
faire émerger cette propriété de classement, puis
une seconde phase où elle se réalise réellement.
En pratique, cela
veut dire que dans cette première phase, l'émergence de cette
propriété provoque d'abord la naissance de classements locaux,
organise ensuite ces classements d'une première façon puis
d'une seconde façon simultanée, et finalement noue cette
organisation au cours de la dernière facette de la phase.
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schéma de l'état de la société après la première phase du cycle du classement : des organisations locales y ont émergées et se sont nouées. Elles restent séparées : on est dans la phase d'émergence ponctuelle du classement |
Au cours de la seconde
phase du même cycle, les organisations locales créées
à l'occasion de la première phase voient d'abord émerger
leur classement collectif, puis ce classement se réalise d'une première
façon, puis d'une seconde façon simultanée, et dans
une dernière étape cette organisation de classement se noue
de façon irréversible.
schéma de l'état de la société après la seconde et dernière phase du cycle du classement : des organisations locales sont engagées dans un classement qui est organisé simultanément selon deux directions et à l'échelle de l'ensemble de la société |
La différence
entre ces deux phases, est qu'à l'issue de la première ne
sont créées que des organisations locales séparées
(c'est la phase "d'émergence ponctuelle" de la propriété
de classement), et qu'à l'issue de la seconde elles ne sont plus
seulement séparées, mais sont aussi engagées dans
un classement à l'échelle globale (c'est la phase de réalisation
proprement dite du classement).
À l'issue de
ces deux phases la société tout entière a acquis la
propriété d'un classement organisé et noué
de façon irréversible.
La première
phase nous amènera jusqu'à la grotte de Lascaux, et la seconde
nous amènera jusqu'à l'ensemble funéraire de Djéser
à Saqqara en Egypte (vers - 2 650 avant J.C.).
2 - le
cycle de l'organisation
Le cycle suivant de
l'art est donc celui de l'organisation. Comme le précédent,
son émergence provoque dans une première phase la formation
d'organisations locales qui se nouent, d'abord isolées et séparées
les unes des autres. Ces nouvelles organisations ne remplacent pas les
organisations locales déjà nouées et déjà
classées entre elles au cours du cycle précédent,
mais elles les englobent et s'appuient dessus, profitent de leur fonctionnement
pour pousser plus loin leur organisation que les précédentes
n'avaient pu le faire.
Après cette
première phase d'émergence, elles connaissent comme leurs
aînées une phase de classement à l'échelle globale
où ce classement s'organise puis se noue.
Au cours de la troisième
phase, elles se trouvent ensuite un second classement général,
simultané et différent de celui acquis en seconde phase.
La société s'est alors transformée en organisation
globale.
schéma de l'état de la société après la troisième et dernière phase du cycle de l'organisation : des organisations locales sont engagées dans l'organisation de deux classements simultanés à l'échelle de l'ensemble de la société, et chacun de ces classements est lui-même organisé simultanément selon deux directions (l'un des classement est schématisé ici par des traits fins orthogonaux, l'autre par des traits épais ondulants) |
La première
phase de ce troisième cycle, nous mènera jusque vers la fin
de l'âge du bronze.
La seconde phase nous
amènera vers l'an zéro de notre ère.
La dernière
phase nous amènera aux portes de la Renaissance.
Bien sûr, tout
cela n'est que pour donner un repère dans ce que l'on appelle habituellement
la filière occidentale de la civilisation, mais les filières
asiatiques, africaines, ou d'Amérique centrale, connaissent elles
aussi des évolutions semblables que nous étudierons de la
même façon, car elles présentent un même intérêt.
3 - le
cycle du noeud
Le quatrième
cycle est celui lors duquel un noeud général se fait dans
la société.
Dans une première
phase, des noeuds s'organisent puis se nouent localement sans lien continu
entre eux. Cette phase d'émergence des noeuds, nous mènera
de la Renaissance à l'âge que nous qualifions habituellement
de "Rococo", soit du 15ème au milieu du 18ème siècle.
Dans une seconde phase,
ces noeuds se classent, s'organisent puis se nouent entre eux d'une première
façon à l'échelle globale. Cela nous mènera
du milieu du 18ème siècle à la période de l'Art
Nouveau autour des années 1900.
Ces noeuds se classent
ensuite, puis s'organisent et se nouent entre eux d'une seconde façon.
En se croisant avec le nouage déjà effectué d'une
première manière, ce second nouage génère donc
l'organisation du nouage général de la société.
Cette troisième phase nous amène jusqu'à la période
contemporaine.
Mais comme la civilisation
s'accélère, que les individus s'obstinent à vivre
de plus en plus longtemps, les stades maintenant se chevauchent, les artistes
d'un stade exerçant en même temps et concurremment avec ceux
du stade suivant. Nous pourrons ainsi voir que notre époque contemporaine
est aussi celle de la quatrième phase de ce troisième cycle,
celle où le nouage général de la société
apprend lui-même à se nouer.
0 - (re)
- le cycle du point (mais à un niveau supérieur
de complexité)
Bien entendu les choses
ne s'arrêtent pas là, puisque la propriété de
nouage étant fraîchement acquise il reste encore à
l'utiliser pour consolider définitivement tous les cycles précédents.
Comme nous l'avons
déjà indiqué, ce nouveau cycle peut-être considéré,
aussi bien comme le quatrième cycle de la complexité de la
société humaine, que comme le premier cycle d'une nouvelle
aventure de la complexité : l'aventure du 21ème siècle.
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