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qu'est-ce que la vie ? |
En 1514, un manuscrit anonyme circule proposant que le centre du monde
ne soit plus confondu avec la terre, mais placé au voisinage du
soleil. Il est de la main de Nicolas Copernic. Il en publiera une nouvelle
version en 1543, qu'il signera cette fois de son nom.
Un siècle plus tard, en 1633, le Tribunal de l'Inquisition oblige
Galileo Galilei dit Galilée à retirer son soutien à
la thèse de Copernic. En 1992, seulement, l'Église Catholique
admettra qu'elle n'avait pas eu complètement raison de lui avoir
demandé de se rétracter.
Pour le fait de vouloir simplement déplacer le centre de l'univers
de la terre vers le soleil, la révolution Copernicienne a mis près
d'un demi-millénaire à être acceptée puis progressivement
digérée.
Pour imaginer cette fois la terre dans une lointaine et quelconque banlieue,
d'une banale galaxie parmi des milliards de galaxies pas plus originales,
et qui plus est dans un coin très ordinaire de l'univers, combien
de millénaires encore faudra-t-il ?
La pensée humaine est-elle si rigide pour refuser si longtemps l'évidence
? Parce qu'elle est affermie par une infinité de considérations
qui forment un système cohérent forgé depuis des millénaires,
il faut plus que l'évidence en effet pour déranger sa construction
intellectuelle.
L'idée de la terre au centre du monde était
un problème de mouvement des astres dans le ciel, mais c'était
avant tout une conception de la place de l'humain dans l'univers, et toute
la société était construite sur ce postulat : l'humain
étant la créature la plus évoluée de la terre
et la terre étant au centre du monde, le but et la raison d'être
de l'univers, c'était donc l'humain.
L'idée d'ôter la terre du centre de l'univers revenait donc
à ôter à l'humain sa place centrale dans la création.
Si l'idée de la place centrale de la terre s'effondrait, c'est le
sens même de la vie quotidienne qui s'effondrait avec elle, et l'opinion
qu'on se faisait alors des humains des siècles précédents
et de ceux des siècles à venir.
De nos jours, les idéologies sont plus souples. Au début du siècle, on ignorait encore l'existence de galaxies distinctes de la nôtre, et la révélation de notre place minuscule dans un univers aux dimensions quasi-infinies n'a pas bouleversé les consciences. En 1600, on avait pris la chose moins à la légère, puisque sa conviction de la taille infinie de l'univers avait alors conduit Giordano Bruno sur le bûcher.
Si les conceptions scientifiques ont moins d'implications dans la philosophie
quotidienne, elles n'en forment pas moins toujours un cadre rigide, et
il est toujours malaisé d'aller à l'encontre de la doctrine
officielle que l'on appelle aujourd'hui "le modèle standard". Dans
ce modèle standard le Big-Bang tient une place centrale. Il suppose
que toute la matière de l'univers s'est formée en une seule
fois en une fraction infime de seconde, et qu'elle se répand depuis
dans toutes les directions de l'espace. C'est ce qu'on appelle l'expansion
de l'univers.
Toutes les conceptions scientifiques sont rattachées à cette
notion, depuis la conception de ce qu'est le vide, à la conception
de ce qu'est une particule élémentaire, jusqu'à la
conception de ce qu'est l'énergie. Le Big-Bang est donc une vision
de l'univers qui embrasse aussi bien l'infiniment petit que l'infiniment
grand.
On n'est plus brûlé ou emprisonné si l'on refuse ce
modèle dominant, mais les quelques astrophysiciens qui le réfutent,
tel Sir Fred Hoyle, sont tout simplement écartés des télescopes
et ne peuvent que difficilement poursuivre leurs observations.
Certainement Copernic n'avait pas en tête de réfuter la Bible
lorsqu'il envisagea la possibilité que la terre ne soit pas au centre
de l'univers : il ne voulait que comprendre le mouvement des astres.
De la même façon, ce livre
ne résulte pas d'une volonté délibérée
de réfuter le "modèle standard" de la conception des particules
élémentaires et de l'évolution de l'univers. A vrai
dire, pendant les deux dizaines d'années qu'a mûri la conception
qui va être exposée, je n'ai pas eu en tête les conceptions
scientifiques : mon problème était seulement de comprendre
l'art. J'avais eu quelques intuitions concernant les raisons qui poussent
les humains vers la création artistique, et je n'étais préoccupé
que de creuser ces intuitions à travers l'analyse de l'histoire
de l'art. Ma recherche a mûri très lentement, et ce n'est
qu'il y a quatre ans environ que j'ai commencé à entrevoir
une cohérence qui puisse me permettre d'expliquer l'art dans les
diverses sociétés, ainsi que je m'y étais engagé.
Ce fut presque par hasard que je me suis alors rendu
compte que les concepts que je m'étais forgés pour comprendre
l'art, pouvaient aussi bien être transposés à l'analyse
des particules élémentaires, et offrir alors une solution
aux paradoxes et incertitudes que rencontre la science actuelle.
J'ai alors repensé toutes les notions que j'avais mises au point
pour comprendre l'art, et je les ai élargies pour comprendre de
façon plus générale le fonctionnement de l'univers.
Cela n'a pas été immédiat, et ce n'est qu'en opérant
dans ma tête une lente remise en cause de toutes les évidences,
en trouvant de nouveaux éclairages aux phénomènes,
que j'ai pu mettre à jour une nouvelle cohérence entre les
faits observés. Et là, il a bien fallu que je m'affronte
au "modèle standard", et que, petit à petit, j'abandonne sa
cohérence, pour éclairer tous les faits d'observation par
une autre vision de l'univers, une autre cohérence intellectuelle.
C'est cette cohérence différente que
je voudrais essayer de vous faire partager, en vous suggérant progressivement
un mode de penser différent, en vous proposant de provoquer dans
votre tête une sorte de nouvelle révolution copernicienne.
Dans quel but ? Simplifier la compréhension actuelle que vous
avez de l'univers.
Avant la révolution copernicienne, pour décrire le mouvement
des astres, on faisait appel à quelques rares savants qui calculaient
dans des tables compliquées. Ces astronomes savaient depuis Ptolémée,
que le mouvement des astres pouvait se décrire de façon approximative
par des mouvements compliqués d'épicycles imbriqués
les uns dans les autres.
Il ne s'agissait pas seulement de connaissances abstraites : les humains
pensaient que l'évolution d'une fièvre ou le sort d'une bataille
dépendait réellement de la position favorable des étoiles
dans le ciel. Pour la vie même de tous les jours, il était
donc impératif d'être le mieux informé possible sur
l'évolution future de la carte du ciel. Les calculs compliqués
et fastidieux qu'il fallait faire pour cela, faisaient que peu d'humains
accédaient à ce qui était alors considéré
comme la vraie connaissance du fonctionnement de l'univers.
Avec la révolution copernicienne, tout change profondément
: dès lors qu'on place le soleil au centre du mouvement de la terre,
tout le mouvement bizarre et très compliqué des étoiles
dans le ciel devient facilement compréhensible. Si par exemple une
planète recule tout à coup sur sa trajectoire, on n'en attribue
plus la cause à son propre mouvement, mais on considère qu'il
s'agit seulement d'un mouvement apparent dû à la rotation de la
terre autour du soleil.
Cette révolution ne facilita pas immédiatement les calculs,
et la première table de calcul de Copernic n'était guère
plus aisée à manier que celles de ses prédécesseurs.
Mais ce déplacement du centre du mouvement était le préalable
pour qu'au début du XVIème siècle Kepler puisse décrire
en quelques principes simples les lois du mouvement en ellipse de la terre
autour du soleil. Et une ellipse, on saura peu de temps plus tard la décrire
par une seule équation.
Mais, indépendamment des calculs, la révolution
la plus importante fut la simplification apportée dans la compréhension
même de l'univers. Si avant Copernic seuls quelques rares savants
comprenaient la logique profonde du mouvement des astres, aujourd'hui n'importe
quel adolescent peut facilement la comprendre : la lune tourne autour de
la terre, qui tourne autour du soleil, qui tourne autour du centre de la
galaxie.
N'est-ce pas une véritable révolution de l'esprit, qu'un
enfant d'aujourd'hui comprenne mieux le fonctionnement de l'univers que
les quelques savants pétris de savoir du XVème siècle
? Pourtant les enfants n'ont pas eu besoin d'apprendre les calculs
compliqués des savants, le fonctionnement des épicycles et
la subtilité des excentriques et des points équants. Ce
ne sont pas les enfants qui se sont mis à penser comme des savants,
ce sont les savants qui ont compris que le mouvement pouvait être
un simple jeu d'enfant, dès lors seulement qu'on en changeait le
centre.
Qu'est-ce donc qui met le feu aux équations ?
On peut faire un parallèle entre la situation actuelle et la situation
d'avant Copernic. Aujourd'hui, qui est supposé connaître le
mieux le fonctionnement de l'univers ? De qui attend- t'on les clefs pour
comprendre la façon dont l'univers s'est formé ? D'une poignée
de savants, mathématiciens et astro-physiciens capables de calculs
extrêmement compliqués et extrêmement hermétiques.
Des calculs aussi hermétiques à la plupart d'entre nous,
que l'étaient à leurs contemporains les calculs des astronomes
d'autrefois.
Personne ne s'offusque, quand Stephen Hawking termine son best-seller "Une
brève histoire du temps" en se posant gravement la question de la
cause de l'univers en ces termes : "qu'est-ce qui a mis le feu aux équations
et fait un univers pour leur permettre d'avoir quelque chose à décrire
?" [What is it that breathes fire into the equations and makes a universe
for them to describe ?].
Un
scientifique peut donc suggérer qu'après tout l'univers peut
n'avoir été créé que pour donner vie à
des équations, sans encourir l'opprobre ou la risée générale.
Non, il ne risque rien à dire cela, car
cela fait partie des lieux communs d'aujourd'hui, comme la terre au centre
du monde faisait partie des lieux communs d'autrefois. Aujourd'hui, on
pense que l'univers fonctionne selon des équations,
et ce que l'on
attend des savants, c'est qu'ils nous apportent enfin toute la connaissance
possible sur le fonctionnement de l'univers, en trouvant enfin cette fameuse
équation qui unifiera la force de gravité, la force nucléaire
et la force électromagnétique.
Et si le fonctionnement de l'univers n'était pas vraiment affaire
d'équation ?
Si, fondamentalement, le principe même d'une équation était
incompatible avec la façon dont fonctionne l'univers ? On sait par
exemple décrire par des équations les mouvements provoqués
par la gravité, mais qu'est-ce qui prouve que l'on pourra un jour
trouver avec des équations comment il se fait qu'il existe une force
de gravité ? Tout ce que les scientifiques nous disent à
ce sujet, c'est que certaines particules ont une masse qui fait un effet
de gravité, et que d'autres particules n'ont pas de masse.
Quant-à nous dire ce qu'est la masse d'une particule ? Où
elle se loge dans la particule ?
Au centre ?
En dessous ?
Et à quoi cela ressemble une masse ?
Et comment une masse s'y prend pour courber l'espace-temps comme l'a dit
Einstein ? Tord-t'elle l'espace-temps dans ses petits bras velus ?
Cela est dit de façon ironique, mais c'est sérieux. La masse
d'une particule jusqu'ici, est juste une grandeur que l'on peut utiliser
dans des équations, mais aucune
équation probablement ne nous donnera jamais l'explication : pourquoi
une particule a-t-elle une masse et qu'est-ce qui fait effet de masse dans
une particule ? Or, c'est pourtant bien là l'essentiel
de ce qu'il faut comprendre.
On doit admettre que jusqu'à présent, les équations
n'ont éclairci que des détails quantifiables du fonctionnement
de l'univers. Elles ne nous ont rien appris d'essentiel sur les principes
même de son fonctionnement.
Nous ont-elles appris comment la matière inerte était devenue
matière vivante ? Non.
Comment la matière vivante était devenue matière sexuée
? Non.
Nous ont-elles appris comment la vie organique avait donné naissance
à des animaux dotés de cerveaux pour penser ? Et ce qu'est
une pensée ? Et comment et pourquoi la pensée animale s'est
transformée en pensée humaine ? Pourquoi la religion et pourquoi
l'art ?
Toujours non.
Attend-on vraiment des équations qu'elles nous éclairent
sur cela ? Non. Alors c'est qu'on n'attend rien d'important vraiment des
équations, sauf des précisions quantitatives sur le fonctionnement
de la matière inerte. Rien d'important vraiment sur le fonctionnement
cohérent d'ensemble de l'univers : les atomes certes, mais aussi
la vie organique, les animaux, la pensée, la religion, l'art. Bref,
sur tout ce qu'il faut pour faire un monde.
Comprendre la cohérence du fonctionnement de l'univers, c'est précisément
ce que l'on tentera ici.
Sans doute, certains aspects
de la démarche adoptée vont surprendre le lecteur. En premier
lieu, il sera surpris probablement par le mélange entre des explications
concernant le fonctionnement des particules fondamentales, et des explications
sur l'histoire de l'art.
Le lecteur doit bien comprendre qu'il n'y a pas ici volonté de remplacer
la rationalité de la démarche scientifique par la subjectivité
d'une démarche artistique. L'enjeu même de l'explication
oblige ce mélange.
En effet, si l'univers a vraiment un comportement
cohérent et homogène, alors cette cohérence doit se
retrouver dans tous les aspects de son fonctionnement. Qu'importe que
l'on décrive le fonctionnement d'un atome, le développement
d'une plante ou le fonctionnement d'une conscience humaine, on doit retrouver
partout les mêmes mécanismes.
Les êtres humains font partie de l'univers, et aussi loin que l'on
remonte dans la préhistoire, on sait que les humains ont eu besoin
de créer des formes. Ce besoin d'art pour les humains, est aussi
nécessaire et utile à comprendre si l'on veut comprendre
le fonctionnement de l'univers, que la nature d'un photon de lumière
ou la courbure de l'espace-temps par les masses.
Mais que les logiciens rigoureux se rassurent.
Il ne sera pas question de faire de grandes envolées lyriques sur
la beauté du soleil couchant lorsqu'il fait trembloter d'orangé
les frêles arc-boutants de Notre-Dame de Paris. On disséquera
les assemblages de formes produits par les artistes, avec le scalpel de
l'intelligence, et de façon aussi serrée et objective qu'un
mathématicien dissèque les propriétés d'une
courbe qu'il a construite avec une équation.
Si, par exemple, les architectes gothiques répartissent en fines nervures
articulées les forces de pesanteur qui s'exercent sur une voûte
de cathédrale, on cherchera à décrire cette façon
particulière qu'ils avaient de décomposer une force en parties
plus petites, de la même façon qu'un scientifique décortique
un atome pour suggérer son mode particulier d'assemblage en protons,
neutrons et électrons.
Si, par exemple, l'art musulman propose une façon particulière
d'imbriquer les traits pour dessiner des étoiles ou des carrés
dans une arabesque, on cherchera à décrire cette façon
particulière, avec le même souci de précision que les
physiciens décrivent le type de trajet particulier que suit une
particule électrique dans un champ magnétique.
Enfin, l'art nous sera pratique pour exposer nos hypothèses, car
il propose à la réflexion des éléments concrets et
visuels. Comme un petit dessin vaut souvent mieux qu'un long discours,
il aidera à saisir plus facilement le sens précis de notions
abstraites.
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