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13.2. Introduction à la phase de 2d confrontation :
Il reste encore à analyser l'architecture de la phase de 1re confrontation, puis nous envisagerons la même phase de 1re confrontation dans le cycle matière/esprit ce qui nous ramènera à l'époque préhistorique des grottes peintes. C'est évidemment une grande opportunité que de pouvoir étudier la même phase dans deux cycles différents puisque cela permet d'envisager leurs évolutions à des degrés de maturité identiques.
L'équivalence entre ces deux cycles n'est cependant pas absolue. Ainsi, s'il a souvent été question de « notions célibataires » dans cette phase du cycle produit-fabriqué/intention, on n'en retrouvera pas l'équivalent dans la même phase du cycle matière/esprit. On ne peut exclure que cela puisse provenir d'une compréhension insuffisante des phases anciennes de ce cycle, trop éloignées de nous pour que certains de leurs aspects nous soient facilement accessibles. Plus probablement toutefois, cela provient du fait que le terme de « cycle » n'est pas adapté, car il induit l'idée d'une roue qui revient à son point de départ après un tour en changeant seulement les notions concernées. Plus qu'un cycle, il faudrait parler d'une spirale, car après un tour de spirale, si d'une certaine manière on revient bien au même endroit d'un cycle, on le fait toutefois « un étage au-dessus », ce qui veut dire que le prochain tour de spirale va se trouver enrichi des acquis du tour précédent, et capable pour cela d'affronter des situations plus difficiles. À moins que, à l'inverse, ce ne soit l'existence de ce tour de spirale supplémentaire qui occasionne des situations plus complexes dont était dispensé le cycle précédent, produisant par exemple des « notions célibataires » qui n'existaient pas au cycle précédent.
Une autre différence significative entre les deux cycles, cette fois concernant leur phase de 2d confrontation, tend à conforter le principe d'une non-équivalence parfaite entre les cycles.
On ne va pas envisager pleinement la phase de 2d confrontation du cycle produit-fabriqué/intention, pour la bonne raison que je n'ai pu en repérer à ce jour que trop peu d'artistes et d'architectes, et relevant seulement des premières étapes de cette phase. Dans la mesure où la moyenne d'âge des artistes ne cesse de rajeunir d'une étape à l'autre, il est normal que les artistes des étapes les plus récentes ne se soient pas encore suffisamment connus pour que je puisse les repérer. Même si la phase de 2d confrontation du cycle produit-fabriqué/intention ne sera donc pas pleinement envisagée, les quelques artistes qui semblent y correspondre révèlent une différence essentielle avec la même phase du cycle matière/esprit. Dans ce cycle matière/esprit, comme on le verra le moment venu, la différence entre le type 1/x et le type 1+1 a donné naissance à des filières de civilisation distinctes : certaines civilisations opteront pour attribuer le type 1/x à la matière et se verront attribuer l'épithète de « pré-animistes », et d'autres opteront pour l'attribuer à l'esprit et se verront attribuer l'épithète de « pré-naturalistes ». Plus tard, bien sûr, cette divergence conduira aux filières de civilisation animistes ou naturalistes, mais pour cela il faudra avoir dépassé la phase totémiste afin que l'une des deux notions ait acquis le caractère de notion globale et non plus « au cas par cas », et que la seconde notion soit à son tour en train d'acquérir ce caractère global.
Comme on l'a indiqué vers la fin du chapitre 13.0, dans la phase de 2d confrontation du cycle produit-fabriqué/intention, le terme d'animisme sera remplacé par celui de « fabriquiste » forgé pour l'occasion, et celui de naturaliste par celui « d'intentioniste » forgé sur le même principe. Toutefois, comme indiqué dans les schémas correspondants du chapitre 13.0, ces notions de fabriquisme et d'intentionisme ne sont pas associées à des filières de civilisation, mais seulement traitées comme des « options », ce qui veut dire que, quelle que soit sa civilisation, chaque artiste aura toujours l'option de créer une œuvre d'orientation fabriquiste ou une œuvre d'orientation intentioniste, c'est-à-dire qu'il pourra réaliser une œuvre où c'est la notion de produit-fabriqué qui disposera implicitement du type 1/x, puis réaliser une autre œuvre où c'est la notion d'intention qui disposera de ce type. C'est pour justifier cela que quelques œuvres relevant de la phase de 2d confrontation du cycle produit-fabriqué/intention seront maintenant étudiées. Pour envisager, par différence, l'attribution de filières entières de civilisation au choix du type 1/x pour l'une ou à l'autre des notions de matière et d'esprit, il faudra bien entendu attendre le chapitre dans lequel la phase de 2d confrontation du cycle matière/esprit sera envisagée.
Si donc un artiste contemporain peut passer aisément d'une option à l'autre alors qu'il n'était pas possible pour un artiste du néolithique de faire de même, ce peut être le signe, comme on l'a suggéré plus haut, qu'il y a un véritable enrichissement au cours d'un tour de la spirale ontologique, et pas seulement un retour au même point avec d'autres notions. À l'époque néolithique, faute d'une maturité suffisante des notions de matière et d'esprit encore perçues au cas par cas, s'engager dans le choix du type 1/x pour l'une des deux options plutôt que pour l'autre devait alors être difficilement réversible, et quand ce choix avait été fait par un nombre suffisant de personnes il devenait alors le choix par défaut de toute une population. Aujourd'hui que les notions de matière et d'esprit forment désormais un couple de notions parfaitement complémentaires, il nous est aisé de passer de l'une à l'autre, de telle sorte que les notions de produit-fabriqué et d'intention, dont on a vu qu'elles étaient des déclinaisons, pour la première de la notion de matière, pour la seconde de la notion d'esprit, en profitent probablement pour être plus facilement envisagées en alternance, du moins pour ce qui concerne l'échange de leurs types 1/x et 1+1. En tout cas, c'est ce que l'on va montrer maintenant en examinant des œuvres d'artistes relevant de la 2d confrontation qui montrent, pour un même artiste, parfois l'option 1/x pour la notion de produit-fabriqué et parfois l'option 1+1, et l'inverse évidemment pour la notion d'intention.
Avant cela, il faut toutefois expliquer ce qui doit se passer dans la phase de 2d confrontation, quel que soit d'ailleurs le cycle concerné.
On commence par rappeler les schémas qui résument la situation résultant de la maturité acquise au cours de la phase de 1re confrontation. Comme les situations additives ont toutes été transformées en situations couplées, désormais les deux notions sont toutes en couple au cas par cas, et très écartées l'une de l'autre à l'intérieur de ce couple car elles sont bien différenciées du fait de leurs types différents.
Ontologie fabriqué/intention au début de la phase de 2d confrontation :
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- option pré-fabriquiste : |
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répété 1+1 fois au cas par cas |
et
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- option pré-intentioniste : |
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répété 1+1 fois au cas par cas |
Puisque l'association de deux notions de même type a été éliminée depuis la phase d'émergence, on se retrouve nécessairement avec des couples de notions de types différents, et puisque deux cas sont possibles, naturellement ils se produisent tous les deux. Au départ de la phase de 2d confrontation on a donc soit le cas pré-fabriquiste où la notion de produit-fabriqué (grand demi-rond en noir sur les schémas) est du type 1/x et la notion d'intention du type 1+1 (1+1 petits ronds blancs sur les schémas), soit le cas pré-intentioniste dont les caractéristiques sont inverses.
Comme on le verra en détail avec la phase de 2d confrontation du cycle matière/esprit, l'objet de cette phase est de transformer les couples dont les notions sont très écartées l'une de l'autre en début de phase en couples compacts. Ce ne seront pas encore les couples compacts de la dernière phase du cycle, pour la bonne raison qu'aucune des notions n'est encore perçue comme une notion globale et que, même au cas par cas, les deux notions ne sont pas encore clairement différenciées, sauf précisément par l'opposition de leurs types, l'un étant toujours 1+1 quand l'autre est 1/x.
À la fin de la phase de 2d confrontation et au début du cycle totémique suivant, les deux situations peuvent donc être résumées par les schémas suivants :
Ontologie fabriqué/intention à l'issue de la phase de 2d confrontation :
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- option pré-fabriquiste : |
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répété 1+1 fois au cas par cas |
et
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- option pré-intentioniste : |
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répété 1+1 fois au cas par cas |
Ces schémas montrent que la différence de type entre les deux notions perdure à l'issue de la phase, mais que les deux notions ont su s'adapter l'une à l'autre pour faire ensemble un bloc compact unitaire car, comme on l'a dit plus haut, c'est l'objet de la phase de 2d confrontation que d'apprendre aux deux notions à s'adapter ainsi l'une à l'autre pour former un bloc compact de deux notions aux types contraires.
Bien évidemment les deux notions ne sont pas aussi bien armées l'une que l'autre pour forcer ce groupement compact : celle qui bénéficie du type 1/x est à la manœuvre, et l'autre profite de son caractère 1+1, et donc de l'indépendance de ses divers aspects non unifiés, pour se plier à l'injonction de regroupement impulsée par la notion 1/x. Dans le cas de la phase de 2d confrontation du cycle matière/esprit, le moment venu on verra que c'est dans le cadre d'une filière de civilisation entière que se produit ce processus, mais dans le cas du cycle produit-fabriqué/intention c'est dans la production des mêmes artistes que l'on verra tantôt le produit fabriqué forçant l'intention 1+1 à se regrouper avec lui dans une œuvre à la fabrication compacte, et tantôt l'intention forçant les produits fabriqués par l'artiste à se compacter avec elle malgré leur caractère 1+1 qu'ils conserveront ([1]).
Dans la pratique, il semble que l'on puisse différencier les deux options de la façon suivante :
- l'option pré-fabriquiste implique que le produit fabriqué est du type 1/x et force des intentions 1+1 à se mettre ensemble. Étant 1+1, les intentions sont très autonomes l'une de l'autre, voire contradictoires ou incompatibles, ce qui veut dire que le produit fabriqué va les forcer à se mettre ensemble en utilisant tout simplement la force matérielle que lui donne son caractère de fabrication : il va les fixer ensemble ou les embrocher ensemble dans une fabrication composite de type très compact (1/x) qui ne masquera pas le caractère incompatible ou autonome de ses différentes parties (1+1).
- l'option pré-intentionniste implique que l'intention est du type 1/x et force des produits fabriqués contradictoires à se mettre ensemble. Par différence avec l'option précédente, ce n'est pas par la force matérielle que l'intention parviendra à ses fins mais, puisque cette notion procède de l'esprit, par le moyen de l'intelligence, de la ruse, de l'habileté intellectuelle.
Puisque dès le début les deux notions sont en situation couplée, elles sont nécessairement en relation dès le départ, même si elles sont de type différent, ce qui implique que le forçage de la mise en unité globale compacte opérée par l'une des notions sur l'autre sera visible dès la première étape, à la différence de la phase précédente où leur situation additive ne permettait pas de commencer à observer leurs transformations mutuelles avant la dernière étape de la phase.
13.2.1. Quelques exemples de la première étape de la phase de 2d confrontation de l'ontologie Fabriqué/intention :
Pour cette étape nous envisageons seulement l'artiste écossais Chris LaBrooy (né en 1979) qui utilise très souvent des simulations numériques plutôt que des réalisations réelles.
Option pré-fabriquiste (PF du type 1/x et i du type 1+1) :
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Chris LaBrooy : Flight Intestine (2014)
Source de l'image : https://www.creativeboom.com/inspiration/flight-intestine-by-chris-labrooy/ |
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Dans ce premier exemple, dont la traduction mot à mot du titre est « Intestin de vol », un avion a sa carlingue entièrement recouverte par une espèce de pâte fluide jaune qui se prolonge devant son nez pour se transformer en un enroulement semblable à un intestin et qui recouvre aussi ses moteurs.
Cet avion est complètement englué dans cette pâte jaune collée à sa carlingue au point qu'il en résulte une étrange production compacte qui a à la fois un caractère multiple lié à la différence bien marquée entre ses deux parties, l'avion et la pâte jaune, et un caractère unitaire lié à la forte adhésion entre ces deux parties. En tant que produit fabriqué, il s'agit d'un produit du type 1/x.
Les deux intentions en cause sont celle d'utiliser une pâte jaune, partiellement mise en forme façon intestin, et celle d'utiliser un avion pour recevoir une partie de cette pâte. Bien entendu, ces deux intentions sont sans relation entre elles, d'autant qu'il est absurde d'engluer ainsi un avion puisqu'il en devient inutilisable. Ces deux intentions sont du type 1+1.
On en vient à la question cruciale pour cette phase ontologique : qu'est-ce qui fait que l'avion et la pâte jaune tiennent ensemble ? Certainement pas les intentions, puisqu'il n'y a aucune raison intentionnelle de faire un tel assemblage : c'est seulement par l'engluage forcené de l'avion dans la pâte jaune que les deux tiennent ensemble en une unité compacte, et donc par la façon dont la réalité hybride de cette avion/intestin a été fabriquée. On a donc là un cas où l'objectif de donner un caractère 1/x au produit fabriqué force la mise ensemble de deux intentions contradictoires, sans les obliger toutefois à renoncer au caractère 1+1 de leur association.
Comme ce n'est pas l'objet ici d'étudier de façon complète cette phase et cette étape, on ne fera pas l'analyse de ses effets plastiques, se contentant de signaler, et cela vaudra pour tous les autres exemples de Chris LaBrooy, qu'ils sont principalement ceux d'intérieur/extérieur et d'entraîné/retenu. Celui de fait/défait y tient aussi une bonne place, comme ce premier exemple et le suivant le montrent bien, sans qu'il soit besoin d'en détailler l'expression.
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Chris LaBrooy : Tokyo
Source de l'image : https://www.chrislabrooy.com/cars |
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Avec cet assemblage invraisemblable de voitures, réalisé tout comme l'exemple précédent en images de synthèse, on a précisément un couple indissociable de voitures, lequel relève donc du type 1/x en tant que produit fabriqué (= 1 couple fait de 2 voitures).
L'intention d'utiliser une voiture grise puis l'intention de l'embrocher avec une voiture orange les rend toutes les deux inutilisables, ce qui implique que ces deux intentions s'additionnent en 1+1.
Ce qui fait que ces deux voitures tiennent ensemble dans un tel assemblage indéfaisable est évidemment leur l'imbrication matérielle, le fait qu'elles se traversent mutuellement. Ce qui correspond à une façon que l'on peut dire assez brutale de réaliser un produit fabriqué au moyen d'un assemblage purement matériel.
Comme dans l'exemple précédent les deux intentions ne perdent pas leur caractère 1+1, mais elles sont impliquées dans un effet global d'unité à cause du type 1/x physiquement indéfaisable du produit fabriqué auquel elles correspondent.
Option pré-intentionniste (PF du type 1+1 et i du type 1/x) :
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À gauche : Chris LaBrooy : extrait de « Garden Of Eames » Source de l'image : https://www.chrislabrooy.com/garden-of-eames/
À droite : Chris LaBrooy : extrait de « the future ain’t the same as it used to be » Source de l'image : https://www.chrislabrooy.com/the-future-aint-the-same-as-it-used-to-be/ |
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Cette chaise/niche est probablement assez inconfortable : on ne peut y reculer les pieds puisque le trou percé dans sa coque est reporté sur le côté afin de servir d'entrée à une niche à chien. Toutefois, l'intention d'utiliser un même produit pour servir de chaise et de niche fonctionne puisque les deux fonctions restent possibles, et cette intention globale qui comporte celle de l'utiliser comme chaise et celle de l'utiliser comme niche a donc un caractère 1/x.
En tant de produit fabriqué, par contre, une chaise et une niche sont deux produits complètement indépendants et nullement complémentaires dans leur principe, deux produits qui s'ajoutent donc en 1+1.
La mise ensemble de ces deux produits indépendants n'est pas obtenue par le forçage matériel de leur assemblage mais par une astuce de l'esprit, et donc par un aspect de l'intention qui a trouvé le moyen de combiner de façon maline les deux produits.
Dernier exemple de Chris LaBrooy, une curieuse voiture/flamant-rose amphibie. Sa partie voiture est une carrosserie de Porsche 911, sa partie flamant rose est un cou et une tête de cet animal que l'on suppose gonflable sortant du pare-brise de la voiture, et sa partie amphibie est une bouée gonflable géante qui porte la carrosserie de la voiture.
En tant que produit fabriqué il s'agit donc d'un assemblage de trois produits fabriqués qui n'ont rien à voir les uns avec les autres et s'ajoutent donc en 1+1. S'ils sont réunis en unité cela n'a rien à voir avec leur complémentarité fonctionnelle, qui est inexistante, ni avec un quelconque forçage matériel, car on sent bien que, même s'ils ne sont pas collés ils vont tenir ensemble par la simple force de la gravité pour ce qui concerne la bouée et la voiture, et par un simple coinçage pour ce qui concerne le flamant rose. S'ils font ensemble une unité, certes improbable et sans aucune utilité, c'est uniquement grâce à une inventivité ludique au service de l'intention de les rassembler dans un produit insolite et amusant, complétée par l'intention de leur donner à tous la même couleur rose afin de donner une unité d'aspect à leur assemblage faute de raison fonctionnelle pour le légitimer.
13.2.2. Quelques exemples de la deuxième étape de la phase de 2d confrontation de l'ontologie Fabriqué/intention :
Pour cette étape, comme pour la précédente, nous nous concentrerons sur une seule artiste, la polonaise Alicja Kwade (née en 1979).
Option pré-fabriquiste (PF du type 1/x et i du type 1+1) :
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Alicja Kwade : abarchairisabarchairisabarchair (2018) Source de l'image : https://www.303gallery.com/gallery-exhibitions/alicja-kwade2?view=slider#11 |
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Ce tabouret partiellement dégagé d'un tronc d'arbre est un bon exemple de deux produits fabriqués matériellement indissociables et, de ce fait, faisant globalement ensemble un produit composite du type 1/x : le tabouret qui semble en cours de fabrication est l'une des composantes de ce produit global, et le tronc d'arbre usiné bien au-delà du volume nécessaire pour en dégager la chaise en est l'autre composante.
Bien évidemment, ce n'est pas ainsi que l'on fabrique normalement ce type de tabouret en bois, on le fabrique plutôt en fixant les unes aux autres des tiges courbées indépendantes et en fixant au-dessus un plateau circulaire fabriqué par ailleurs. L'intention de montrer un tabouret en cours de fabrication et l'intention de montrer un tronc d'arbre en cours d'usinage par creusement interne n'ont donc rien à voir l'une avec l'autre, d'autant que ce tronc est creusé bien plus longuement qu'il n'est utile pour en dégager le tabouret. Ces deux intentions s'ajoutent donc l'une à l'autre en 1+1.
Puisque rien ne justifie d'associer l'intention de montrer un tabouret en cours de fabrication avec l'intention de montrer un tronc d'arbre en cours d'usinage, ce sont seulement la continuité matérielle et l'imbrication partielle du tabouret avec le tronc d'arbre qui sont la cause de leur mise ensemble. N'étant pas terminé, le tabouret n'est en effet pas accolé au tronc d'arbre comme l'était la carrosserie de voiture à la bouée gonflable du flamant rose de Chris LaBrooy, il est imbriqué avec lui d'une façon qui rappelle plutôt les deux voitures encastrées du même Chris LaBrooy.
À la deuxième étape, les effets plastiques à spécialement prendre en compte sont le continu/coupé, l'homogène/hétérogène et le rassemblé/séparé, mais aussi l'effet d'ensemble/autonomie. Comme pour l'étape précédente on ne les analysera pas, mais ils sont ici très faciles à lire.
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Alicja Kwade : REVOLUTION (Gravitas) – 2017
Source de l'image : https://www.303gallery.com/artists/alicja-kwade?view=slider#24 |
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Cette autre œuvre d'Alicja Kwade fait semblant de se référer à la révolution des astres stellaires sur leurs orbites pour proposer des cailloux et des rochers encastrés par paires sur des cercles en acier inoxydable. Ainsi encastrées, ces pierres apparaissent complètement solidaires des tiges d'acier, au point même où l'on peut se demander comment elles ont été enfilées sur elles. Deux éléments bien distincts – pierres et tiges d'acier – mais rendus apparemment indissociables lors de la fabrication d'un unique produit, cela correspond à un produit fabriqué du type 1/x.
L'intention d'utiliser des cercles d'acier n'a rien à voir avoir l'intention d'utiliser des pierres, et l'intention d'utiliser des cercles d'acier n'a rien à voir non plus avec l'intention de suggérer la présence d'orbites de révolution qui, normalement, ne sont que des trajets sans épaisseur et sans matérialité propre, et dont on s'attendrait d'ailleurs à ce qu'elles correspondent à l'orbite de la petite pierre autour de la grosse, pas à ce qu'elles orbitent ensemble. Toutes ces intentions s'ajoutent donc en 1+1, c'est seulement parce que l'assemblage matériel des pierres et des cercles en acier a été visiblement forcé lors de la fabrication de l'œuvre qu'elles se trouvent mises ensemble.
Option pré-intentionniste (PF du type 1+1 et i du type 1/x) :
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Alicja Kwade : Une Autre Condition (État de groupe 6) – 2009
Source de l'image : http://www.galeriedesgaleries.com/en/invites/alicja-kwade |
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Côte à côte, adossées à un mur, différentes fabrications en différents matériaux ont bizarrement le même arrondi de courbure à l'endroit de la rencontre du mur et du sol : un fer à section en U, une baguette en bois, un verre, un possible fer à béton couleur rouille, un miroir ovale, un tube en cuivre, une feuille d'acier. Tous ces produits ne font rien ensemble, sauf un alignement de 1+1 formes.
Si ces formes séparées et bien indépendantes les unes des autres font ensemble quelque chose ce n'est certainement pas du fait de leur liaison matérielle dans un même objet, mais seulement parce que l'artiste a eu l'intention de les courber de la même façon et au même endroit de leur adossement au mur. Une courbure qui a probablement été délicate à réaliser pour certains de ces objets, ce qui ajoute à la force de l'intention que l'on devine en regardant cet alignement. Une intention de courbure répétée de la même façon sur x objets, c'est une intention du type 1/x.
Comme on peut considérer séparément la décomposition de l'œuvre en multiples objets et la courbure semblable qui les déforme, il s'agit d'une expression analytique, cela par différence avec les deux exemples suivants qui correspondent au contraire à des expressions synthétique, car il ne sera pas possible de séparer notre perception de la décomposition de l'œuvre en plusieurs parties de l'intention qui provoque leur rassemblement dans un même effet.
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Alicja Kwade : Light Transfer of Nature – 2015
Source de l'image : https://alicjakwade.com/works/light_transfer_of_nature |
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J'admets ressentir un étonnement jamais blasé devant cette œuvre qui construit des objets par simples illusions d'optique. Au premier plan, un crayon dont la moitié gauche est obtenue par reflet dans un miroir de sa moitié droite. Même chose pour le cylindre en bois de droite dont l'une des moitié n'est que le reflet, dans un autre miroir, de sa moitié située en avant-plan, un miroir qui renvoie aussi l'image de l'extrémité avec mine du crayon situé au premier plan déjà envisagé. Ce reflet d'une extrémité avec mine semble former un autre crayon complet avec quatre autres morceaux de cylindres pourtant complètement indépendants les uns des autres : d'abord, cette extrémité reflétée est suivie d'une partie cylindrique à l'apparence métallique gris brillant et entraperçue entre deux miroirs, puis le reflet d'un cylindre blanc tacheté de gris dans un troisième miroir, cylindre dont on voit l'extrémité gauche dépasser à la gauche du premier miroir et l'extrémité droite dépasser à droite de ce même miroir avant de venir buter contre le troisième miroir envisagé dans lequel son reflet semble donc prolonger le tube métallique, enfin, l'extrémité gauche de ce crayon en cinq parties est constituée du reflet, dans le premier miroir, du cylindre en bois situé tout à droite.
Ce crayon « du fond » est donc fabriqué au moyen de cinq réalités complètement différentes alignées bout à bout : un morceau de cylindre en acier, un morceau de cylindre blanc tacheté de gris, et trois reflets dans trois miroirs différents de trois objets distincts. N'ayant rien à voir les unes avec les autres, ces cinq réalités s'ajoutent en 1+1, le crayon n'étant ainsi que le rassemblement de 1+1 produits fabriqués aux réalités autonomes.
C'est bien évidemment l'intention de l'artiste qui a permis la mise ensemble sous la forme d'un crayon continu, par illusions d'optique, de ces réalités disparates. Comme cette intention a dû combiner pour cela plusieurs intentions distinctes (utiliser tel crayon, utiliser un miroir, placer ce crayon dans telle position, utiliser tel autre crayon et tel autre miroir et les disposer de façon à ce que les reflets se prolongent exactement, etc.), il s'agit d'une intention du type 1/x. Sachant que l'œuvre entière fait 1,50 m de longueur, on devine que ces crayons n'en sont pas de véritables mais d'épais cylindres en bois mis en forme pour avoir l'air de crayons, ce qui fait encore un aspect supplémentaire qui se combine à l'intention de donner l'impression d'un crayon continu en combinant de multiples objets autonomes, un reflet étant à cet égard un produit fabriqué comme un autre.
Encore une fois, on voit que l'intention a réussi à mettre ensemble des produits fabriqués du type 1+1 sans utiliser spécialement de fixations matérielles ou d'encastrements pour les rendre inséparables, seulement grâce à l'intelligence, voire à la ruse, de leurs placements respectifs.
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Alicja Kwade : Entre Deux Regards – 2019
Source de l'image : http://viaartfund.org/grants/alicja-kwade-glances/ |
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Autre exemple synthétique de Alicja Kwade utilisant ce même principe du miroir. Il s'agit cette fois de placer un miroir entre deux formes de telle sorte que le reflet de l'une semble se poursuivre dans la forme matérielle réelle de l'autre, une différence de couleur entre elles permettant toutefois de repérer qu'il s'agit de deux formes différentes. Ainsi, au premier plan, le reflet d'une boule gris clair semble faire une forme ronde complète avec la moitié gauche réelle d'une boule orangée. S'agissant d'un reflet et d'une réalité matérielle, ces deux parties s'ajoutent en 1+1 en tant que produits fabriqués, tandis que l'intention de donner l'illusion d'une complète forme ronde les rassemble malgré leur différence de nature.
Bilan :
Ce très bref aperçu de la phase de 2e confrontation du cycle produit-fabriqué/intention n'a évidemment pas épuisé son analyse. Le but était seulement de montrer comment un ou une artiste y était capable de réaliser des œuvres dans lesquelles c'est le caractère 1/x du produit fabriqué qui réussissait à mettre ensemble diverses intentions dont le caractère 1+1 en principe les rend revêches à se réunir dans une unité globale significative, et était également capable de faire des œuvres dans lesquelles c'est le caractère 1/x des intentions qui réussissait à mettre ensemble 1+1 produits fabriqués.
Il faudra s'en souvenir lorsqu'on envisagera la même phase de 2e confrontation dans le cycle matière/esprit, car alors on verra que c'est par filières entières de civilisation que le choix se fera entre l'une ou l'autre de ces options. Comme on l'a dit plus haut, il semble que ce soit la facilité obtenue, à l'issue du cycle matière/esprit, de passer de la notion de matière à celle d'esprit qui permet dans le nouveau cycle de passer commodément d'une option à l'autre, parce que la notion de produit-fabriqué porte en elle la notion de matière, et parce que la notion d'intention porte en elle la notion d'esprit.
> Suite du chapitre 13 – La 1re confrontation au cas par cas en architecture
[1]Les étapes correspondant à la phase de 2d confrontation sont repérées sur le site Quatuor allant de B1-21 à B1-25. On peut trouver les artistes qui y correspondent à l'adresse http://www.quatuor.org/art_histoire_d30_0000.htm